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African Crop Science Journal
African Crop Science Society
ISSN: 1021-9730 EISSN: 2072-6589
Vol. 8, Num. 3, 2000, pp. 251-261
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African Crop Science Journal, Vol. 8. No. 3, pp. 251-261
African Crop Science Journal, Vol. 8. No. 3, pp. 251-261
ESPÈCE DHERBE DOMINANTE COMME INDICE DE LA PRODUCTIVITÉ DU SOL ET DE LA RÉPONSE DU HARICOT COMMUN A LAPPLICATION DU COMPOST
M. NGONGO et L. LUNZE INERA - Mulungu, D.S.Bukavu, R.D.Congo, B.P. 327, Cyangugu, Rwanda
(Received 22 June 1999; accepted 17 May, 2000)
Code Number: CS00027
INTRODUCTION
Malgré l'engouement suscité par le compost en
milieu rural, son effet sur la productivité des cultures en général
et le haricot (Phaseolus vulgaris L.) en particulier se montre très
variable. Outre la qualité souvent médiocre de cet amendement
qui, dans la plupart dexploitations paysannes du Sud-Kivu est épandu
avant une bonne décomposition de la matière première, le
problème résiderait dans lignorance des caractéristiques
initiales du sol.
En effet, nombre d'études antérieures conduites
dans la région des Grands Lacs ont prouvé que la réponse
du haricot aux engrais chimiques (Sebahutu, 1988) et amendements organiques
(Gurung and Neupane,1988) est variable selon le degré de fertilité
du sol. De même, les doses requises damendement calcaire dépendent
des propriétés chimiques initiales du sol (Kamprath, 1978). Par
ailleurs, lapplication du compost à plus ou moins grande échelle
bute au problème de quantités généralement grandes
(10-30 t.ha-1) requises pour un effet significatif sur les cultures. L'utilisation
rationnelle de cet amendement s'avère de plus en plus indispensable car
les difficultés liées à sa fabrication, au transport ainsi
quà la faible disponibilité des matières premières
font que lon ne peut plus se permettre de l'appliquer sans sassurer au préalable dune réponse satisfaisante des cultures. Cela exige, non seulement la
connaissance des doses optimales de lamendement (compost) mais également
la détermination des bases fiables des recommandations dapplication.
Jusquà ces jours, les analyses chimiques constituent la base la plus
reproductible et fiable de caractérisation des sols et de recommandations
en fertilisants (Granatsein and Bezdicek, 1992; Kamprath, 1978). Malheureusement,
les analyses des sols ne sont pas accessibles à tout cultivateur et encore
moins au petit fermier. Par ailleurs, une interprétation correcte des
résultats danalyse du sol relève de la compétence des
spécialistes.
En plus, ces analyses chimiques et physiques ne tiennent pas
toujours compte des relations entre les propriétés chimiques,
physiques et biologiques (Granatsein and Bezdicek, 1992) et même environnementales
faisant du sol un milieu plutôt unique et complexe.
Il y a donc nécessité d'identifier quelques indices
de fertilité du sol fiables et accessibles à tous. Ceci permettrait
non seulement de faciliter lextrapolation des résultats des recherches
sur la fertilisation mais aussi de mieux orienter les recommandations de fertilisation
dans des exploitations nayant pas accès aux analyses de laboratoire
plus approfondies.
Des études antérieures indiquent quil existe
des connaissances paysannes très élaborées sur la caractérisation, lévaluation et la gestion des sols.
Ainsi, au Niger, les fermiers classent les sols en fonction
de la position sur la pente et de la couleur (Ellen et al., 1991). Emmanuel
and Steiner (1996), Corinne et al. (1991) ainsi que Steiner (1998) avaient
fait la même observation au Rwanda.
De même, Wortmann et al. (1998) notent que les
paysans ougandais classent leurs sols en fonction de la couleur, de la texture
et de leurs positions topographiques. Au terme dune enquête relative
aux perceptions paysannes sur les sols, Ngongo et al. (1995) rapportent
que les paysans du Sud-Kivu évaluent leurs sols en fonction de la couleur,
de la compacité ainsi que de la dominance de certaines herbes indicatrices.
Ils attribuent la dominance de certaines herbes (Gallinsoga parviflora, Bidens
pilosa,...) sur un terrain à un bon niveau de fertilité et
dautres (Pennisetum polystachia, Conyza sumatrensis et Digitaria
vestida var scalarum,..) à la pauvreté du sol.
Cette dernière évaluation paysanne pourrait servir
de base fiable et accessible à tous de recommandations damendement édaphique, en général et du compost en particulier. En effet, bien que la composition dune communauté végétale dépend de
multiples autres facteurs dont laction de lhomme (Kropff, 1996), le climat
(Dawson, 1970) et les pratiques culturales telles que le labour et la rotation
(Thomas et al., 1996; Derksen et al., 1994; Frick and Thomas,
1992), il est bien établi quil existe une relation étroite entre
les propriétés dun sol et la végétation qui le
colonise (William,1967; Russel, 1978; Dawson, 1970, Teshome, 1988).
Lobjet de la présente étude est de vérifier,
dans les conditions du Sud-Kivu, sil existe une relation entre la dominance
de certaines herbes sur un terrain et la caractérisation de leurs sols
à laide des analyses de laboratoire. Létude vise également
à vérifier si cette évaluation des sols basée sur
les plantes indicatrices peut permettre de prédire la réponse
du haricot au compost en vue de contribuer ainsi à une utilisation rationnelle
de cet amendement.
MATERIEL ET METHODE
Climat et sols. Létude a été ménée à Walungu (Ngweshe) et à Kabare, dans la province du Sud-Kivu, à lest de la République Démocratique du Congo. Localisés à des altitudes comprises entre 1470 et 1800m, les 2 sites jouissent dun climat du type AW3 dans la classification de Köppen avec 3 mois de
sécheresse (juin, juillet et août) et une température moyenne
annuelle comprise entre 16 et 20°C. Le régime pluviométrique est
bimodal, la première saison (A) sétalant de septembre à
novembre et la deuxième de mars à mai. La moyenne annuelle des
précipitations sélève à 1572 mm (Crabbe et Totiwe,
1979).
Daprès les études de Pécrot et Léonard
(1958), la dorsale du Kivu à laquelle appartiennent les 2 territoires
(Walungu et Kabare) comprend des sols dérivant des roches sédimentaires,
métamorphiques, cendrées volcaniques et alluvions récents.
Matériel végétal. La variété
VCB81012 de haricot commun (Phaseolus vulgaris L.) utilisée dans
cette étude est un cultivar du type volubile, en diffusion dans les territoires
précités. Avec un cycle végétatif de 100 à
115 jours et un poids de 100 graines variant entre 25 et 40 g, cette variété fournit un rendement assez variable de 500 à 4000 kg ha-1 avec les conditions édaphiques (Mbikayi, 1989). Quant aux plantes indicatrices ayant fait lobjet de la présente étude, elles font partie des adventices colonisant les champs sous culture dans les 2 territoires précités. Il sagit de Gallinsoga parviflora (Asteraceae), Bidens pilosa (Asteraceae), Conyza sumatrensis (Asteraceae), Digitaria vestida var
scalarum (Poaceae) et Pennisetum polystachia (Poaceae) que les paysans
de ces territoires considèrent comme indicatrices du niveau de fertilité
des terrains sur lesquelles elles sont dominantes.
Dispositif expérimental et conduite de létude.
Létude sest déroulée en 2 volets ci-dessous: Caractérisation des sols des terrains couverts par les plantes dites indicatrices. Des échantillons composites de sols de lhorizon de surface (0-30 cm) ont été prélevés sur 11 parcelles colonisées à 75% par Gallinsoga parviflora, 13 parcelles dominées par Pennisetum polystachia, 10 parcelles dominées par Bidens pilosa et 8 parcelles dont la végétation dominante est Digitaria vestida var scalarum. Pour chacune de ces espèces, environ 50% des prélèvements des sols étaient effectués à Kabare et 50% à Walungu. Une plante était considérée comme dominante sur un terrain au cas où elle présentait un coefficient dabondance - dominance dau moins 75% suivant léchelle de Braun-Blanquet (1956). Ces échantillons de sol ont été analysés au laboratoire pour le pH, le carbone organique, lazote total et le phosphore assimilable. Le pH (H2O) a été déterminé à laide dun pH-mètre dans le rapport sol/eau de 1/2,5 tandis que le carbone organique a été dosé par la méthode de Walkey and Black (1934).
Quant à lazote total, il a été dosé
par la méthode Kjeldahl (Bremner and Mulvaney, 1982). La détermination
du phosphore assimilable a été faite par la méthode de
Bray I (Bray and Kurtz, 1945). Seules les analyses ci-dessus ont pu être
effectuées avec léquipement disponible.
La réponse du haricot commun au compost a été
évaluée en milieu rural, sur des champs des paysans dominés
par lune ou lautre herbe ci - haut citée, dans les territoires de Kabare
et de Walungu. Avec deux facteurs, à savoir l'amendement organique (0
et 20 t ha-1) (facteur principal), et lherbe dominante (5 plantes indicatrices) sur le terrain d'essai (facteur secondaire), les essais ont été conduits dans un dispositif à split-plot avec cinq répétitions, la dimension de la parcelle élémentaire étant de 10 m2 (2 m x 5 m). Les 5 plantes indicatrices nétant pas localisées sur un même terrain, les parcelles principales (parcelle dominée par une des 5 plantes indicatrices) étaient dispersées à travers chacun des 2 territoires précités. Après un défrichage à la machette, le lit de semence a été préparé par un labour de 20 à 30 cm de profondeur à la houe. La brisure des mottes sest faite 1 jour avant le semis du haricot. Dans chaque parcelle
dominée par Gallinsoga parviflora, Bidens pilosa, Conyza sumatrensis,
Digitaria vestida var scalarum ou Pennisetum polystachia, le haricot
(Phaseolus vulgaris L.) était semé avec et sans compost.
Avec les écartements de 50 cm x 20 cm et 2 plants par poquet, le densité
de semis était de 200.000 plants par hectare. En saison 1994B, le semis
avait eu lieu le 20 avril tandis quen 1995A, il avait eu lieu le 20 septembre.
Les 10 traitements, résultaient ainsi de la combinaison des 2 niveaux
ci-dessus de compost avec les 5 plantes indicatrices.
Le compost utilisé était fabriqué à
base des déchets de la bananeraie bien décomposée, le plus
utilisé dans le Bushi (territoire habité par la tribu Shi, dans
la province congolaise du Sud-Kivu, à lEst de la République Démocratique du Congo). Le tuteurage a été réalisé au stade V3 correspondant à la formation de la première feuille trifoliée à raison dun tuteur par quatre poquet conformément aux recommandations en vigueur dans la région (Elukessu, communication personnelle, INERA, 1998 ).
A la récolte, le rendement du haricot en grain sec relatif
aux dix traitements a été enregistré et analysé
à l'aide du logiciel MSTATC (Nissen et al., 1985). Les résultats
des deux saisons culturales (1994B et 1995A) ont été analysés
séparément, les données détaillées de la
saison 1994B nétant plus disponibles .
RESULTATS ET DISCUSSION
Caractérisation des sols des terrains couverts par
les herbes dites indicatrices. En examinant le Tableau 1, on note que, les
5 plantes indicatrices se retrouvent sur des sols assez variables du point de
vue pH.
Tableau 1. Quelques propriétés chimiques (pH,
carbone organique, azote total, rapport C/N et phosphore assimilable) des
sols des terrains dominés par Gallinsoga parviflora, Bidens pilosa,
Conyza sumatrensis, Digitaria vestida var scalarum et Pennissetum
polystachia |
Propriétés du sol |
Herbe dominante |
Callinsoga parviflora (n=11) |
Bidens pilosa (n=10) |
Conyza sumatrensis (n=15) |
Digitaria vestida var saclarum (n=8) |
Pennissetum polystachia (N=13) |
pH H20 (1: 2,5) |
Maximum |
7,10 |
6,15 |
6,00 |
6,05 |
6,30 |
Minimum |
4,50 |
5,30 |
4,90 |
4,65 |
4,55 |
Moyenne |
5,81 |
5,75 |
5,43 |
5,41 |
5,38 |
Dév.std. |
5,84 |
5,67 |
5,45 |
5,47 |
|
Carbone organique (%) |
Maximum |
3,78 |
4,66 |
3,89 |
7,37 |
4,40 |
Minimum |
2,55 |
2,92 |
2,55 |
2,99 |
2,90 |
Moyenne |
3,31 |
3,52 |
3,37 |
4,03 |
3,73 |
Dév.std. |
3,35 |
3,59 |
3,42 |
4,28 |
3,75 |
Azote total (%) |
Maximum |
0,55 |
0,25 |
0,29 |
0,38 |
0,35 |
Minimum |
0,11 |
0,14 |
0,10 |
0,07 |
0,03 |
Moyenne |
0,26 |
0,18 |
0,18 |
0,15 |
0,17 |
Dév.std. |
0,35 |
0,18 |
0,19 |
0,18 |
0,19 |
C/N |
Maximum |
22,73 |
22,65 |
35,36 |
38,79 |
50,00 |
Minimum |
6,54 |
10,80 |
10,31 |
11,63 |
9,29 |
Moyenne |
17,77 |
20,18 |
22,14 |
31,99 |
27,06 |
Dév. std. |
19,26 |
21,50 |
24,37 |
33,87 |
27,12 |
P (Bray I) |
Maximum |
42,70 |
7,00 |
5,90 |
21,20 |
5,10 |
Minimum |
2,01 |
0,80 |
0,98 |
Traces |
Traces |
Moyenne |
10,35 |
4,59 |
2,17 |
3,80 |
1,83 |
Dév. std. |
17,04 |
5,28 |
2,98 |
7,69 |
2,46 |
La valeur la plus élevée (7,1) a été
enregistrée sur des parcelles dominées par Gallinsoga parviflora
et la plus faible (4,5) sur des parcelles dominées par Pennisetum
polystachia. La même tendance a été observée
en considérant les valeurs moyennes.
Il est bien connu que lacidité du sol ne constitue
une contrainte importante aux plantes quà des pH (H2O) faibles, inférieurs à 5,5 (Kamprath, 1978 ; Foy, 1976) ou même à 5 (Mughohgo, 1988). Outre la limitation de labsorption de certains éléments
nutritifs dont le P, le Ca, Mg et le Mo (Mehlich, 1981), ces conditions dacidité
résultent généralement en la saturation du complexe adsorbant
à plus de 60% par laluminium échangeable, taux de saturation
toxique aux plantes. Cette saturation du complexe adsorbant, entraîne
une absorption rapide dAl3+ qui, selon Rorison (1958) sature lespace intercellulaire
du cortex et inhibe la croissance future des racines des plantes. Les champs
colonisés en abondance par Pennisetum polystachia ne serraient
donc pas appropriés à la culture du haricot, car les légumineuses
dont le haricot, expriment mieux leur potentiel à des pH compris entre
6 et 7 Andrew (1978).
Le carbone organique est probablement le plus grand indicateur
universel de la qualité du sol actuellement disponible (Rasmussen and
Collins, 1991) eu égard notamment à son influence sur la structure,
linfiltration et la rétention deau, le pouvoir tampon et lactivité
biologique du sol (Arshad and Coen, 1992). Nos résultats analytiques
montrent que, quoique très variables dune parcelle à lautre
dominée par une même plante indicatrice, aucune des ces dernières
ne domine sur un sol déficient en matière organique, conformément
aux normes dinterprétations définies par Tekalign et al.
(1991).
Daprès Biedermann (1988), les fortes teneurs en carbone
se justifieraient entre autres par la stabilisation de la matière organique
par des allophanes ou par linhibition de la minéralisation par le climat
froid ou par lacidité du sol. Cette dernière hypothèse
paraît plus probable pour le cas de ces sols car se retrouvant dans une
région relativement froide avec des températures moyennes journalières comprises entre 16 et 20°C (Crabbe et Totiwe, 1979). Quoique tout aussi variables que le pH et le carbone, N total et le phosphore assimilable se retrouvent à des teneurs assez élevées sur des sols colonisés par Gallinsoga parviflora car se situant au - dessus de leurs niveaux critiques pour la culture du haricot, qui daprès Thung (1991), sont respectivement de
0,2 % et 7 mg. kg-1 par la méthode Bray I.
Au vu de ces résultats, nous pouvons affirmer que la
dominance de lune ou lautre de ces 5 plantes ne servirait quà caractériser qualitativement les sols car aucune dentre elles nindique avec précision la composition du sol en un élément quelconque. Tel quon peut le noter dans les lignes qui suivent, la présence en abondance de lune
ou lautre de ces espèces peut fournir une indication fiable de son niveau
global de fertilité.
En effet, tenant compte de ces quelques résultats analytiques,
la présence dominante de lune ou lautre de ces 5 espèces peut
être interprétée de la manière suivante:
Gallinsoga parviflora (Iragara). Les résultats
analytiques montrent que cette plante domine sur des sols assez variés
du point de vue de pH (de 4,5 à 7,1). On la retrouve donc en abondance
aussi bien sur des sols à pH neutre favorable aux cultures que sur des
sols fortement acides pouvant contenir des teneurs toxiques daluminium. Toutefois,
considérant la moyenne des pH, il y a lieu de noter que cette herbe domine
généralement sur des sols faiblement acides (pH :5,8). Elle
coloniserait rarement les champs au sol fortement acide (pH<5). Cest un
indice des sols bien pourvus en matières organiques car, en aucun cas,
on ne la retrouvée en abondance sur un sol dessaturé en carbone
organique, sa valeur minimale de 2,5% étant modérée daprès
les normes définies par Tekalign et al. (1991). En plus, il sagit
dune matière organique bien minéralisée, son rapport C/N
moyen étant de 17,7; ce qui se comprend dans la mesure où sa teneur
moyenne en N (0,26%) est suffisante.
La teneur en phosphore assimilable paraît déterminante
sur les sols colonisés par cette plante. En effet, bien quon la retrouve
dans certains cas sur des sols déficients (< 7 mg. kg-1) en phosphore, on constate néanmoins que dans la plupart des cas, Gallinsoga
ne domine que sur des sols bien fournis en P assimilable, la moyenne (10,4 mg
kg-1) se retrouvant au-dessus du niveau critique de ce macroélément, qui est de 7 mg. kg-1 pour la culture du haricot (Thung, 1991). Ainsi, bien que dautres analyses (bases échangeables, granulométrie et oligoélements) restent à effectuer en vue dune caractérisation plus approfondie, nous osons affirmer que la présence dominante de Gallinsoga parviflora sur un terrain est une indice dun sol fertile. Ceci confirme les observations de Kevers (1953) pour qui la présence en grand nombre de cette plante est une indication précieuse de la valeur agricole du sol; ce qui expliquerait la faible représentativité de cette plante dans la couverture végétale des champs dans les 2 territoires de Walungu et de Kabare où les sols fertiles sont plutôt rares. Elle se retrouve plus fréquemment sur les sols sous bananeraie et de bas-fond dont le niveau de fertilité, daprès Kosaki and Kyuma (1989), est bonne.
Bidens pilosa (Kashisha). Tout comme Gallinsoga
parviflora, cette plante est considérée comme un bon indicateur
de la valeur agricole du sol (Kevers, 1953). Lexamen des résultats analytiques
repris au tableau 1 montrent que cette plante na pas été
localisée en abondance sur des sols susceptibles de contenir une teneur
toxique daluminium. En effet, leur valeur minimale de pH, à savoir 5,3
est supérieur à 5 considérée par Mughogho (1988)
comme critique. Tout comme Gallinsoga, une autre Asteraceae, Bidens
pilosa domine généralement sur des terrains aux sols à
pH faiblement acide (>5).
De même, en aucun cas, cette herbe na été
retrouvée dominante sur un sol déficient en matière organique.
La composition minimale de 2,9% en carbone organique des sols sur lesquels elle
domine est comprise dans lintervalle jugée modérée (Tekalign
et al., 1991). Par contre, avec 0,25% au maximum et 0,17% dazote total,
les sols des champs dominés par Bidens pilosa accusent une carence
an azote. En effet, daprès Thung (1991) et Tekalign et al. (1991),
le niveau critique de ce macroélément dans le sol se situe à
0,2%.
Compte tenu de limportance de lazote dans la nutrition des
plantes, un apport extérieur de cet élément, surtout pour
les plantes non fixatrices dazote paraît nécessaire pour permettre
aux plantes cultivées dexprimer leur potentiel sur les champs dont la
couverture végétale spontanée est dominée par Bidens
pilosa. La faible teneur de ces sols en N se répercute sur leur rapport
C/N (en moyenne 20,17) qui, conformément aux normes définies par
Rutunga et Mutwewingabo (1987), nest pas convenable car reflétant une
minéralisation lente de la matière organique du sol. Par ailleurs,
le niveau (4,59 mg kg-1) bas de la teneur de ces sols en phosphore assimilable nest pas de nature à favoriser une bonne fixation dazote permettant
aux légumineuses dont le haricot à pallier la carence en azote
manifeste sur ces sols par le processus de fixation symbiotique dazote. En
effet, la carence du sol en phosphore fait partie des contraintes majeures à
la fixation dazote (Graham,1981).
Conyza sumatrensis (Nyambuba). Les résultats
montrent que les sols de terrains dominés par cette herbe ne diffèrent
pas sensiblement de ceux des terrains dominés par Bidens pilosa,
du point de vue du pH (faiblement acide), de la teneur en carbone organique
(élevée), de la teneur en N total (insuffisante) et rapport C/N
(élevé). Cependant, les sols sous dominance de Conyza sumatrensis
paraissent plus pauvres en P assimilable car contenant (en moyenne) pratiquement
la moitié de P assimilable des sols sous dominance de Bidens pilosa.
Pennisetum polystachia (Mucira wa mbwa). Les
résultats des analyses de sol montrent que cette plante domine sur des
sols pauvres. Déficients en azote, avec 0,17 % en moyenne, les sols des
terrains dominés par cette herbe se caractérisent par leur pauvreté
en P assimilable, la teneur maximum (5,10 mg kg-1) se situant en-dessous du
niveau critique de 7 mg kg-1 pour le haricot (Thung, 1991). En général, Pennisetum polystachia domine donc sur des sols déficients en P assimilable (Moyenne : 1,83 mg kg-1). Comme pour toutes les autres plantes indicatrices présentées dans cette étude, en général, Pennisetum polystachia pousse en abondance sur les sols déficients en azote (0,17% en moyenne). Par ailleurs, de toutes les 5 plantes étudiées, cette dernière est la seule qui domine sur des sols pouvant contenir des teneurs toxiques daluminium échangeable compte tenu de leur acidité (pH moyen : 5,38). Dans ces conditions auxquelles sajoutent une forte déficience en P, il y a lieu daffirmer que la culture de haricot (comme
de tant dautres) ne peut être pratiquée avec succès sur
ce sol que moyennant un relèvement de pH et un apport extérieur
de phosphore.
Digitaria vestida var scalarum (Musihe). Si,
en général, les paysans de Kabare et de Walungu considèrent
la dominance de cette graminée comme un indice des sols compacts, le
niveau de fertilité de ces sols fait lobjet de controverse dans ces
milieux. Certains la considèrent comme un indice de bonne fertilité
alors que, pour dautres, elle indique plutôt la pauvreté du sol.
Nos résultats révèlent que les sols colonisés par
cette herbe contiendraient une teneur élevée de carbone organique,
soit en moyenne 4,03%. Mais, cest une matière organique à minéralisation très lente vu son rapport C/N particulièrement élevée (32 en moyenne). Selon Biedermann (1988), cette situation sexpliquerait notamment par la stabilisation de la matière organique par les allophanes ou par linhibition de la minéralisation par le climat froid. Cette dernière hypothèse paraît plus plausible dans les conditions de notre milieu détude avec une température moyenne journalière comprise
entre 16 et 20°C.
Le compacité élevée de ces sols (selon
les considérations paysannes), défavorable à lactivité
microbiologique, pourrait également contribuer à cette inhibition.
La dominance de Digitaria vestida var scalarum serrait donc un indice
des sols à forte teneur de matière organique faiblement minéralisée. Les sols des terrains dominés par cette graminée se caractérisent aussi par leur carence en N2 (0,15% en moyenne) et en P (3,8 mg. kg-1 en moyenne) ainsi que par leur faible acidité (pH moyen : 5,4).
Herbe dominante et effet du compost. Les résultats
du rendements du haricot volubile sont présentés au Tableau 2.
Demblée, on remarque que le rendement du haricot a été
en moyenne plus élevé en saison A (979,20 kg ha-1)
qu'en saison B (725,33 kg ha-1). Cela est lié notamment à
linfluence du climat, particulièrement les précipitations, la
saison sèche étant intervenue plus tôt que prévu
au cours de la campagne 1994B. En effet, au cours de cette dernière saison
culturale qui sétend de mars à mai, le haricot (Phaseolus
vulgaris) na reçu durant les 4 mois de son cycle végétatif
que 391,5mm de pluie contre 657,7mm tombées au cours de la campagne 1995A,
de septembre à décembre. Cette influence de la saison s'observe
également sur leffet du compost sur le rendement du haricot. En considérant
la moyenne des rendements par saison, sans tenir compte des plantes dominantes,
on note en effet que l'accroissement du rendement du haricot sous leffet du
compost a été plus important en saison 1995A qu'en 1994B. Ceci
souligne limportance de lhumidité sur la minéralisation et la
libération des nutriments fournis par les amendements organiques.
Tableau 2. Rendement du haricot volubile (variété
VCB81012) sous leffet du compost sur des sols des terrains dominés
par Gallinsoga parviflora, Bidens pilosa, Conyza sumatrensis, Digitaria
vestida var scalarum et Pennissetum polystachia, au Sud-Kivu (R.D.Congo) |
Herbe spontanée dominante |
Rendement du haricot (kg ha-1) |
Nom scientifique |
Nom vernaculaire* |
1994B |
1995A |
+C |
-C |
+C |
-C |
Gallinsoga parviflora |
Iragara |
995,3a |
1000,0a |
1713,3a |
1700,0a |
Pennisetum polystachia |
Mucira wa mbwa |
427,7cd |
170,7cd |
696,7cd |
41,7e |
Conyza sumatrensis |
Nyambuba |
720,1b |
627,8b |
827,7c |
419,7d |
Bidens pilosa |
Kashisha |
1012,0a |
950,0a |
933,3c |
873,3c |
Digitaria vestida var scalarum |
Musihe |
892,2a |
457,7c |
1335,3b |
1251,0b |
Moyenne (kg ha-1) |
|
809,5 |
641,2 |
1101,3 |
857,1 |
C.V.(%) |
|
25,9 |
25,9 |
21,2 |
21,2 |
La comparaison des moyennes est faite par saison. Les moyennes
suivies dau moins une lettre semblable ne diffèrent pas statistiquement
au point de probabilité 0,05.* En dialecte Mashi parlé dans
les territoires de Kabare et Walungu (R.D.Congo)
+ C : Avec compost (20 t ha-1)
- C : Sans compost (témoin) |
En saison A comme en B l'analyse statistique montre une influence
significative (P<0.05) des propriétés du sol indiquées
par l'herbe dominante sur la réponse du haricot au compost. Sur le sol
d'un terrain colonisé par Gallinsoga parviflora, il ny a pratiquement
pas d'augmentation de rendement sous leffet du compost. Par contre, sur celui
dominé par Pennisetum polystachia, des accroissements substantiels
de rendement, soit 257 kg ha-1 en saison B et 655 kg ha-1 % en saison A du témoin (parcelle nayant pas reçu du compost) du haricot ont été obtenus. Cette réponse spectaculaire du haricot sexplique par la pauvreté des sols des champs colonisés à 75% par cette plante. En effet, tel que dit plus haut, ces sols se caractérisent par leurs acidité
et extrême déficience en P assimilable. Leffet remarquable du
compost sur ce sol sexplique entre autres par le fait que, comme tout amendement
organique, il réduit le taux daluminium soluble par la complexation
de ce dernier par des molécules organiques (Hue and Amien, 1989, Hargrove
and Thomas, 1981).
Par ailleurs, étant une source importante déléments nutritifs, cet amendement peut contribuer à lamélioration du statut nutritionnel des plantes en P et occasionner ainsi un accroissement significatif de rendement sur ces sols des champs dominés par Pennisetum polystachia dont la carence en P constitue une de principales contraintes. Cela corrobore aussi la perception paysanne considérant la dominance de cette herbe comme un indice des sols pauvres. Ce sol est d'un niveau de fertilité tellement bas que le haricot ny produit pratiquement rien sans amendement. Même avec l'apport du compost, la productivité du haricot y demeure très faible par rapport à celle obtenue sur les parcelles couvertes
par Gallinsoga et Bidens sans amendement.
Ce qui témoigne de la limitation du compost en tant
quamendement dans le cas des sols très dégradés. Dans
ces conditions, un accroissement de la dose et/ou lamélioration du compost
par lincorporation dengrais minéral ou de certains ingrédients
localement disponibles tels que la cendre de cuisine (apport de Ca, P,...) seraient
indiqués pour obtenir des rendements plus acceptables.
A la différence des sols où domine Pennisetum
polystachia, ceux dominés par Conyza sumatrensis et Digitaria
vestida affichent un niveau de productivité naturelle relativement
bon, avec un rendement de 523 kg ha-1 (moyenne des deux saisons) pour Conyza et 854 kg ha-1 pour Digitaria sans apport du compost contre seulement 106 kg-1 pour Pennisetum dans les mêmes conditions.
CONCLUSION
Les résultats d'analyse du sol comme ceux relatifs à
la réponse du haricot au compost confirment globalement la perception
paysanne.
En effet, à l'issue de la présente étude,
on peut retenir que les herbes Pennisetum polystachia et, dans une moindre
mesure, Conyza sumatrensis constituent un indice de sols pauvres. Ils
se caractérisent essentiellement par leur déficience en phosphore
assimilable. Aussi lapplication damendement dont le compost sur ce sol pour
la culture du haricot s'avère-t-elle indispensable et bénéfique.
Toutefois, spécialement pour les sols colonisés par Pennisetum
polystachia, lapplication du compost ne suffit pas pour obtenir des rendements
acceptables. Par contre, les sols des terrains couverts par Gallinsoga parviflora
passent pour ceux à bon niveau de fertilité. L'amendement de ce
type de sol par le compost constituerait donc un gaspillage si lon considère
ses seuls effets à court terme.
REMERCIEMENTS
Nous tenons à remercier le Centre International dAgriculture
Tropical (CIAT), et au travers lui la Coopération Suisse (S.D.C.) pour
avoir accepté de financer le thème de recherche portant sur les
perceptions paysannes sur les sols et dont une partie des résultats est
publiée dans le présent article. Nos remerciements sadressent
également à ECABREN (Eastern and Central African Bean Research
Network) pour avoir mis à notre disposition les conditions requises en
vue, non seulement de la rédaction mais aussi de la publication du dit
article. Nous ne pouvons clore ce chapitre sans exprimer notre profonde gratitude
à Dr.C.S.Wortmann pour ces conseils précieux tant dans lanalyse
que dans la rédaction de ce document.
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