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African Crop Science Journal
African Crop Science Society
ISSN: 1021-9730 EISSN: 2072-6589
Vol. 10, Num. 3, 2002, pp. 239-249

African Crop Science Journal, Vol. 10. No. 3,  2002, pp. 239-249

OPTIONS  D’INTENSIFICATION  DURABLE  DES  CULTURES  VIVRIERES  AU SUD  DU  TOGO

V. Deffo, S. Hounzangbe-Adote1, R. Maliki2, M. H. Ould Ferroukh3, E. Torquebiau4  et  H. van Reuler5

IRAD, BP 5151, Nkwen-Bamenda, Cameroun
1Département de Production Animale FSA/UNB, 01 B.P. 526, Cotonou, Bénin
2B.P. 380, Abomey Calavi, Bénin
3Cite Jolie Vue, Bt. M1, Esc. 5, N° 6 16050 Kouba, Alger, Algérie
4CIRAD TERA, TA 60/15, 34398 Montpellier CX5, France
5IFDC Afrique, BP 4483, Lomé, Togo

(Received 14 August, 2001 ; accepted 10 May, 2002)

Code Number: cs02024

RÉSUMÉ

Pour intensifier de manière durable les cultures vivrières dans les zones de terres de barre dégradées au sud du Togo, plusieurs options ont été évaluées avec les paysans. Grâce à des entretiens collectifs de type participatif,  sept différents groupes d'exploitants ont procédé à un classement par ordre de préférence de ces différentes options. Parmi cinq variantes d’un paquet MME (Maïs-Mucuna-Engrais minéraux) portées à leur choix, les paysans préfèrent (1) le MME avec un degré de préférence de 66%, à cause de son efficacité en termes de production agronomique; (2) le MM (Maïs-Mucuna sans engrais) avec 57 % de degré de préférence pour ceux n’ayant pas de moyens financiers pour l’achat d’engrais et (3) le MMCCE ( Maïs- Mucuna à Cycle Court + Engrais) avec 54% de degré de préférence parce qu’il permet une deuxième saison de cultures. En dehors du paquet MME et de ses variantes, d’autres options d’intensification des cultures, Maïs / Haies-vives + fumier (MHF), cultures en couloirs Maïs / Cajanus cajan (Cajanus), haies vives pour la production de biomasse et labour profond ont respectivement obtenu 86%, 79%, 36% et 18% de préférence. Les durabilités écologique, économique et sociologique des options ont aussi été évaluées par les exploitants au moyen de méthodes participatives d’entretiens de groupe. De cette évaluation, il ressort que les trois paquets ayant le plus fort potentiel d’adoption sont: (1) le paquet MME, (2) le paquet MCCE et (3) le paquet MHF.

Mots Clés : durabilité, engrais vert, haies vives, maïs, Mucuna, terres de barre

ABSTRACT

In order to identify sustainable crop intensification options on ferralsols of Southern Togo, a series of alternative cropping technologies were evaluated together with farmers. In participatory group interviews, seven different groups of farmers prioritized options. Among five options associating maize with Mucuna cover crop, farmers had a 66% preference for a maize – mucuna – mineral  fertilizers option because of its agronomic efficiency, followed by a maize – mucuna – no fertilizer  option with 57% for those farmers lacking means of purchasing fertilizers, and a maize – short  cycle mucuna – mineral  fertilizer option with 54% preference because it enables a second cropping season. Non-mucuna options, which interested farmers were a maize – live  hedge – animal  manure option (86%) and a Cajanus cajan alley cropping option (79%). Low preferences were given to green biomass production with live hedges (36%) or mechanized ploughing (18%). Ecological sustainability, economic competitivity and social equity of the different options were compared using various appropriate tools. From this combined evaluation, it appears that the three options with the highest adoption potential are (1) the maize – mucuna – mineral fertilizer option, (2) the maize – short  cycle mucuna – mineral  fertilizer option, and (3) the maize – live  hedge – animal  manure option.

Key Words: Crop intensification, green manure, live hedges, maize, Mucuna, sustainability

INTRODUCTION

La région maritime au sud du Togo est confrontée à un problème d’épuisement des sols et de baisse des rendements agricoles dû à des facteurs tels que la forte pression démographique, la surexploitation des sols, la diminution de la jachère, l’utilisation très limitée des engrais et l’insécurité foncière (Marchés Nouveaux, 1998). L’une des solutions à ce problème passe par l’intensification du maïs, culture principale de la zone, par son association à un engrais vert (Mucuna pruriens var utilis, légumineuse) et l’utilisation associée d’engrais minéraux. Il semble toutefois que le rapport C/N relativement élevé du Mucuna desséché se traduise par une minéralisation insuffisante et donc un apport nutritif déficient pour le maïs. Seul l’enfouissement de la matière fraîche semble une option satisfaisante (Brandjes et al., 1989). Cette pratique a pour but l’augmentation de la fertilité par l’amélioration de l’efficacité et de la rentabilité des engrais minéraux grâce à l’amélioration du statut organique du sol obtenu par la culture d’une légumineuse. Elle suppose, entre autres, la suppression des associations de cultures avec le maïs et l’abandon de la culture de la petite saison (Somana, 1998).

La pratique du Mucuna se présente sous différentes formes. Dans une première option (ou « paquet technologique »), le Mucuna est semé en mai, 40 jours après le maïs. Ce dernier est récolté en août, tandis que le Mucuna atteint son développement végétatif maximal en octobre et sèche en décembre / janvier. Il est alors enfoui avec les résidus de récolte pour le semis du maïs en avril de l’année suivante et le cycle recommence. Alors que deux saisons de culture sont la règle dans cette zone, la culture de maïs de petite saison des pluies est supprimée et donc compensée par une meilleure récolte en grande saison (3,5 t ha-1). Le rôle du Mucuna est d’améliorer l’efficacité d’utilisation des engrais apportés selon les doses prescrites pour la zone (urée à 46%: 100 kg ha-1 deux semaines après semis et 100 kg ha-1 au stade montaison ; triple superphosphate à 48% : 200 kg ha-1 au semis ; KCl à 60%: 100 kg ha-1 fractionnés en deux moitiés au semis et à la montaison). Appelons cette première option Maïs / Mucuna / Engrais (MME). Dans la variante Maïs / Mucuna (MM), on a supprimé les engrais, anticipant une diminution de l’effet fertilisant mais une exigence réduite en intrants et main d’œuvre (46 hommes-jour de moins par an). Dans la variante Maïs / Mucuna à Cycle Court / Engrais (MMCCE) le Mucuna utilisé arrive à maturité juste après le maïs et est aussitôt enfoui, permettant une culture de maïs de petite saison. L’application d’engrais permet d’envisager de forts rendements (jusqu’à 4 t ha-1), mais les besoins en intrants et main d’œuvre sont très élevés (30 hommes-jour de plus par an). Une variante MMCC supprime les engrais. Enfin, dans une variante ME, on propose une culture de maïs sans Mucuna et un apport massif d’engrais à chaque saison de culture.

Dans ce contexte, cette étude s’est donnée pour objectif d’analyser, en collaboration avec les paysans, le potentiel d’adoption et de durabilité de ces options d’intensification de la culture du maïs. Afin d’élargir la comparaison et susciter des avis motivés lors des échanges avec les paysans, d’autres options d’intensification, toutes basées sur l’amélioration et la gestion de la fertilité du sol, ont été étudiées : une Culture en Couloirs de maïs et Cajanus cajan (pois d’Angole, option « Cajanus »), des cultures de Maïs entourées de Haies vives de légumineuses (Leucaena leucocephla et Glirricidia sepium) pour la production de fourrage destiné à du bétail en stabulation contrôlée, dont le Fumier est ensuite épandu au champ (option MHF), des haies vives (diverses espèces) destinées à produire de la biomasse pour l’amélioration du statut organique du sol, et un labour mécanisé profond destiné à faire remonter l’argile présent en profondeur afin de le mélanger au sable superficiel et en améliorer ainsi la capacité de rétention en eau et sels minéraux. Cette dernière option suppose un regroupement de producteurs pour l’utilisation commune de gros moyens mécanisés (tracteurs et charrues).

Les recherches ont été menées selon une analyse systémique dite de « Recherche Agricole orientée vers le Développement » (RAD ; ICRA, 2000).  Les principales étapes de cette approche sont le diagnostic des enjeux du développement rural local, l’analyse des acteurs et groupes d’intérêts, l’étude des systèmes agricoles pertinents, l’évaluation d’options de développement et de recherche, et la programmation des activités de recherche. Cette approche, dont les étapes sont itératives, permet de comprendre des situations complexes à composantes multiples qui interagissent entre elles. Dans le contexte agricole, elle sert à analyser et à organiser les interactions entre les différentes composantes du monde rural, à en comprendre le fonctionnement et à en déduire des propositions d’action en phase avec les enjeux et les acteurs importants. Cette approche repose sur l’hypothèse que les innovations techniques ont peu de chance d’être adoptées si leur conception ne prend pas attentivement en compte les caractéristiques socio-économiques de la population cible.

MATÉRIELS ET MÉTHODES

Zone d’étude.  La zone d’étude est située au Sud-Est de la région maritime du Togo, dans les préfectures des Lacs et de Vo. Le régime pluviométrique est bimodal avec une grande saison des pluies (300-600 mm) entre mars et juillet et une petite saison (150-300 mm), dont la fréquence et la pluviométrie sont moins régulières, entre septembre et novembre. Dans ce climat subéquatorial maritime, la température moyenne annuelle est de 26 à 27°C. Les sols, dits « terres de barre » sont en moyenne faiblement dégradés (Poss, 1987;  Brabant et al., 1996). Ce sont des sols rouges ferralitiques (rhodic ferralsols de la classification FAO)  à forte perméabilité et faible ruissellement dont la fraction kaolinitique fait suite à un horizon supérieur sableux. Leur capacité de stockage en eau et éléments minéraux est faible et les plantes y résistent mal à la sécheresse.

Une enquête préalable (résultats non publiés) sur les caractéristiques socio-économiques de la zone a permis d’affiner les critères de différenciation des villages, les plus pertinents se révélant être ceux de l’environnement institutionnel. Ainsi, trois villages ont pu être choisis, représentant des variations au niveau de (i) la disponibilité et l’organisation du crédit; (ii) l’accès à la vulgarisation et au système de livraison d'intrants et (iii) la présence d’organisations paysannes et d'appui. Blama-kondji  (Lacs, Attitogon) est encadré par le Projet d’Organisation et de Développement Villageois (PODV, FIDA); Masséda (Lacs, Attitogon) est encadré par l’Association des Communautés Villageoises Rurales (ACVR) et d’autres organisations non gouvernementales ; Zooti (Vo, Amégnran) est un village non encadré. Quatre autres villages (Elavagnon, Agnron-kopé, Afowimé, Dagbati)  ont été choisis pour tester et vérifier les résultats obtenus dans les trois villages principaux.

Typologie des exploitations agricoles et sélection des options. Des enquêtes préalables effectuées en juin 1999 avec les acteurs-clés des villages, destinées à évaluer le potentiel d’adoption des options d’intensification, ont permis d’obtenir une typologie des exploitations agricoles fonction du potentiel d’adoption. Les acteurs-clés ont été identifiés lors de la phase précédente de l’analyse RAD et le potentiel d’adoption évalué sur des critères socio-économiques. Ensuite, les Méthodes Actives de Recherche Participative (MARP) ont été utilisées pour amener les groupes d’exploitants homogènes sélectionnés selon les critères typologiques à classer par ordre de préférence le MME et les autres options d’intensification.

La visualisation des options d’intensification par l’approche MARP (dessins, schémas, discussions proposés aux agriculteurs) montre leur effet potentiel sur le rendement du maïs et les caractéristiques majeures des options. Elle permet aux paysans de mieux comprendre ce qu’est le MME, ses variantes et les autres paquets technologiques, et d’engager un débat entre eux et avec les chercheurs avant qu’ils donnent leur point de vue. Des matrices de hiérarchisation des options, construites par chaque groupe d’exploitants ou d’acteurs permettent de classer les options en attribuant à chacune un score visuel (ex : cailloux, graines sur le sol) commenté et accepté par tous les membres d’un groupe (plus le nombre de cailloux est élevé, plus l’option a de l’importance pour le groupe).

L’Importance Relative (IR) d’un paquet technologique est un classement obtenu par le nombre de points que le groupe d’exploitants donne à une option en la comparant à d’autres. L’échelle de notation est préétablie par les exploitants, guidés par les chercheurs. Le Degré de Préférence (DP) est le rapport entre le nombre de points de l’IR que les exploitants donnent à une option et la note maximale. Une option de degré de préférence 100% est celle ayant été ressentie comme la plus importante par tous les exploitants du groupe concerné. Les valeurs ainsi définies pour analyser les différentes matrices construites par les groupes de paysans ont permis de sélectionner les options d’intensification des cultures ayant la préférence de ces groupes. Ces valeurs ne sont délibérément pas le résultat d’analyses statistiques conventionnelles, mais des tendances représentatives de la perception que les villageois ont des options proposées.

Sélection des options d’intensification des cultures selon leur durabilité.  Afin de compléter l’évaluation des options d’intensification, une étude de leurs attributs en termes de durabilité a été faite, en combinant, par l’approche MARP, le point de vue des agriculteurs et celui des chercheurs. On a successivement évalué (i) la durabilité écologique, (ii), l’équité sociale et (iii) la compétitivité économique.

L’évaluation de la capacité de chaque option selon des critères de durabilité écologique a été faite dans trois domaines : gestion du sol, effet sur le microclimat du sol et gestion des ressources naturelles (sol, eau, biodiversité). Des matrices de classification ont permis d’attribuer des notes aux critères sélectionnés, selon une échelle préétablie de 0 (option non pertinente pour le critère de durabilité sélectionné) à 10 (option très pertinente). Ces notes représentent un compromis entre des critères quantitatifs précis et des évaluations plus qualitatives par les personnes intérrogées. L’évaluation de l’équité sociale a permis d’estimer quelles options étaient profitables au plus grand nombre d’acteurs. Après avoir établi la liste des acteurs, l’intérêt des options par acteur a été établi selon une échelle préétablie de 0 (pas d’intérêt pour le type d’acteur en question) à 5 (intérêt maximum). La note attribuée dépend de la composition et de l’efficacité de l’option, des caractéristiques et du point de vue des acteurs. Enfin, la compétitivité économique a été analysée au moyen d’un profil (calendrier) de main-d’œuvre, étant entendu qu’il s’agit d’une ressource critique dans la zone d’étude. La main-d’œuvre disponible a été estimée en homme-jour par ha de maïs associé à du manioc sur les deux saisons de cultures. Les valeurs sont obtenues par une combinaison de données secondaires et de résultats d’enquêtes. Le surplus de main-d’œuvre annuelle nécessaire pour mettre en œuvre la nouvelle option est estimé par recoupements successifs au cours de l’interview. Plus ce surplus est élevé sans contrepartie d’un profit économique satisfaisant pour l’acteur, moins l’option est économiquement compétitive.

RÉSULTATS  ET  DISCUSSION

Typologie des exploitations. Trois grand types d’exploitations se dégagent en fonction du potentiel d’adoption de l’innovation « Mucuna ». Un premier type indique lors des interviews un potentiel élevé d’adoption: ce sont les chefs d’exploitation membres d’un groupement villageois, majoritairement propriétaires de plus de 2,2 ha et ayant déjà testé le Mucuna. Dans un deuxième type à potentiel d’adoption moyen, les chefs d’exploitation sont plus jeunes (24 - 42 ans), cultivent 1,5 ha dont ils sont rarement propriétaires et désirent faire partie d’un groupement, sans pour l’instant en avoir eu l’opportunité. Enfin, dans le troisième type, les exploitants sont vieux (> 42 ans), propriétaires d’une petite surface cultivée, et n’ont aucun souhait d’appartenance à un groupement;  leur potentiel d’adoption est faible.

OPTIONS D'INTENSIFICATION

Paquet MME et ses variantes. Le choix des options d'intensification dépend des caractéristiques socio-économiques des exploitants des 3 villages cibles (Tableau 1). Les exploitants qui possèdent de la terre (les vieux illettrés et le groupe de ceux qui ont testé le Mucuna au moins deux fois consécutives) ont porté leur préférence sur la variante MME, en raison de son efficacité sur la fertilité du sol. Les femmes chefs d’exploitation ne sont cependant pas favorables à un paquet qui les obligerait à utiliser des engrais minéraux, en raison du coût que cela représente. Cela confirme le problème d'insécurité des terres et de charge familiale auxquels les femmes rurales sont confrontées (Honfaga et Tshibaka, 1997). En effet, selon Daane et al. (1997) le statut des femmes dans cette zone s’améliore lorsqu’elles ont accès à la terre, au capital commercial et aux outils de transformation. Mais lorsque le soutien initial du mari ou des parents fait défaut, elles ne réussissent pas à changer de position socio-économique.

Le paquet MM arrive en seconde position, essentiellement pour ceux qui ne voient pas comment faire face à l’achat d’engrais, suivi du paquet MMCCE parce qu’il permet le maintien de la seconde saison de cultures. La tendance qui émerge est que le paquet MME a été choisi par les paysans comme celui susceptible d’apporter la solution la plus satisfaisante aux problèmes de dégradation des sols. Le choix du paquet MME par les paysans et l’importance qu’ils lui accordent malgré les multiples contraintes (perçues comme telles par eux) liées à son adoption constituent une preuve de l’état de pauvreté des sols des préfectures des Lacs et de Vo (Adote et al., 1999). Quatre vingt six pour cent des paysans interrogés étaient conscients de la dégradation de leurs sols dont les symptômes sont devenus évidents: baisse des rendements des cultures et envahissement des parcelles par des adventices comme le chiendent (Imperata cylindrica) et le striga (Striga hermonthica).

Le test pour l’adoption du paquet MME et de ses variantes effectué dans les quatre autres villages (Tableau 2) n’a pas montré de différence significative par rapport aux résultats des 3 villages cibles. Le MME, le MMCCE et le MM ont suscité l’intérêt des paysans de manière égale. Il n'y a qu’à Dagbati où la tendance à choisir les paquets ne contenant pas d’engrais minéraux s’est faite sentir. Les terres y seraient plus fertiles puisque situées sur des zones en moyenne faiblement dégradées.

Autres options d’intensification. Les autres options d’amélioration de la fertilité des sols conçues en se basant sur la réalité des conditions agricoles de la zone d’étude ont fait appel à l’agroforesterie (haies vives et cultures en couloirs), à la production animale (Adote et al, 1999) ou à la mécanisation du labour. Le Tableau 1 montre que l’option maïs-haies vives + fumier (MHF) est d’autant plus importante pour les paysans qu’ils sont déjà agro-éleveurs avec un nombre important d’animaux (13 à 25 têtes par ménage) et que les animaux ont un problème d’alimentation. Les autres options d’intensification ne retiennent pas (ou très peu) l’attention des paysans. En associant les différentes options (MME et autres paquets technologiques), l’exercice de comparaison a été difficile pour les paysans qui ont manifesté pour la plupart un embarras de choix entre les différents paquets pour lesquels ils semblaient donner la même importance (Tableau 3).

SÉLECTION SELON LA DURABILITÉ DES OPTIONS

Durabilité écologique.  Le paquet MME favorise mieux l’amélioration de la fertilité chimique du sol grâce aux engrais (NPK et urée), mais aussi grâce à la fixation symbiotique potentielle de l’azote (Tableau 4). On a montré que l’application d’engrais permet une meilleure production de biomasse par le Mucuna qui par effet de couverture étouffe le chiendent et détruit le striga par son effet fertilisant, et que sa production de biomasse améliore le sol par l’apport de la matière organique (Veersteeg, 1990; Azontonde, 1993). L’option MHF présente aussi cet avantage (Djiteyé, 1998) .

La forte biomasse du MME contribue à la réduction de la température du sol et de l’évaporation. Cependant, le MME présente un risque potentiel de pollution par l’application des engrais minéraux (Eteka, 1997). Les autres options (MM, Cajanus, MHF) ont un effet fertilisant moindre, malgré leur faible effet polluant. L’option Cajanus prélève et recycle peu d’éléments. Le MMCCE recyclerait moins que le MME alors que le système MHF permet de transformer la biomasse en fumier (Brandjes et al., 1989). Cette option présente une meilleure intégration de la biodiversité car elle prend en compte les animaux, les végétaux, le sol et l’eau. Les ligneux fourragers, dans le système haie vive et fumier, donnent continuellement du bois, alors que l’option Cajanus n’en fournit qu’une fois par an. L’augmentation de l’effet brise vent pour les options MHF et Cajanus limiterait l’évapotranspiration. Notons cependant que le vent n’est pas une contrainte importante dans la zone. Ecologiquement parlant, le paquet MME est donc perçu comme le plus durable et le paquet Cajanus comme le moins durable.

Equité sociale. Au cours d’une section de brainstorming afin d’identifier les acteurs qui seront gagnants ou perdants si les options sont mises en œuvre, une matrice de résultats en fonction de la satisfaction des acteurs a été conçue (Tableau 5). Les paquets MME et MMCCE représentent les meilleurs compromis suivis des paquets MHF et Cajanus. Ceci peut s’expliquer par leur meilleure efficacité dans la fertilisation du sol et les programmes de vulgarisation actuellement mis en œuvre dans la zone par les agences du gouvernement et les ONG ( Adou, 1998; Adou et al., 1999). Il faut aussi noter que l’utilisation du Mucuna pour d’autres fins (alimentation animale: Barrot, 1996;  Dossa, 1998) a été un facteur déterminant dans son choix.

Compétitivité économique. Au sud du Togo, la main-d’œuvre constitue un facteur crucial (MINAEP, 1998) . L’analyse du profil de la main-d’œuvre a permis de confronter les contraintes de temps relatives aux différentes options avec les disponibilités en main-d’œuvre tout au long de l’année. Le Tableau 6 indique que les options Cajanus et MHF exigent un fort surplus de main-d’œuvre. Ce surplus est concentré en période de préparation des champs pour l’option Cajanus et n’est pas économiquement rentable. Alors que celui de l’option MHF est équitablement réparti sur toute l’année et peut être économiquement compensé par le gain pondéral des animaux. Aux Philippines, par exemple, les petits ruminants d’un poids moyen de 22,7 kg nourris de fourrage de Leucaena leucocephala (ou autres) ont un gain de poids de 4,7 kg en huit semaines (Serra et al., 1995). Ceci est une justification économique pour le surplus de main-d’œuvre de l’option MHF que les paysans sont prêts à accepter. L’analyse du profil de la main-d’œuvre présente l’option Cajanus comme la moins compétitive économiquement, alors que le total de gain durant l’année est favorable pour les options MME et MM.

CONCLUSION

Des différents paquets technologiques soumis à une sélection participative en milieu paysan et à un test de durabilité écologique, sociale et économique, trois ont été retenus comme étant les plus adaptés pour l’intensification durable des cultures vivrières sur les terres de barre au sud du Togo. Ces trois paquets : Maïs-Mucuna-Engrais minéraux (MME), Maïs-Mucuna à cycle cours-Engrais minéraux (MMCCE) et Maïs-Haie vive+Fumier (MHF), ont en effet présenté un degré de préférence supérieur à la moyenne et une bonne durabilité. Ils constituent des alternatives acceptables pour l’amélioration de la fertilité des sols. Les options MM et MMCC présentent moins d’intérêt pour l’intensification durable des cultures.

A l’issue de cette étude, il a été proposé, parmi les alternatives d’amélioration de la fertilité, en premier lieu la mise en place de haies vives associées à une production de fumier, particulièrement adaptée aux agriculteurs ayant beaucoup d’animaux et pas toujours de grandes surfaces disponibles. En second lieu,  le Mucuna à cycle court associé à des engrais, mieux adapté aux agriculteurs jeunes ayant de petites surfaces et plus souple (bien que moins performant) que le paquet Mucuna à cycle long. Finalement, le paquet MME intégral est bien adapté aux agriculteurs disposant d’une plus grande surface. Afin d’optimiser les chances d’impact au niveau de l’ensemble d’un terroir ou d’un village, il nous semble judicieux de proposer aux agriculteurs l’ensemble de ces alternatives, afin qu’ils puissent exercer un choix en fonction des caractéristiques de leur exploitation. Le rôle des associations villageoises et ONG dans cette démarche est l’objet d’un travail complémentaire des auteurs.

Le besoin en intrants externes liés à certaines de ces options suppose une évolution de l’agriculture traditionnelle de subsistance vers une agriculture de marché (Breman, 1998) et donc des mesures d’accompagnement permettant aux producteurs d’accomplir cette évolution, pae exemple la mise en place d’infrastructures de transport et de commercialisation, un accès facilité au crédit, etc.

REMERCIEMENTS

Nous remercions l’ICRA qui a octroyé une bourse aux quatre premiers auteurs, et l’IFDC-Afrique (Lomé, Togo) qui a permis la réalisation de cette étude et l’a financièrement et scientifiquement soutenue. Les conclusions exposées sont sous la responsabilité des auteurs et n’engagent pas l’IFDC-A.

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©2002, African Crop Science Society


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