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African Population Studies
Union for African Population Studies
ISSN: 0850-5780
Vol. 19, Num. 1, 2004, pp. 35-58

African Population Studies/Etude de la Population Africaine, Vol. 19, No. 1, April 2004, pp. 35-58

Crise économique et évolution de l’emploi des jeunes citadins au Burkina Faso

Anne-Emmanuèle Calvès1, Bruno Schoumaker 2

1Département de sociologie, Université de Montréal, Centre-ville, Montréal, Québec, Canada
2Institut de démographie, Université catholique de Louvain, Louvain-la-Neuve, Belgique

Code Number: ep04003

RÉSUMÉ

Se basant sur les données d’une enquête biographique réalisée au Burkina Faso en 2000, cet article examine les changements dans l’activité économique des jeunes citadins au cours des 20 dernières années et l’influence de la détérioration du contexte socio-économique sur l’accès des jeunes au marché de l’emploi, avec un accent particulier sur les jeunes instruits et les femmes. L’analyse des histoires professionnelles montre une augmentation du chômage et une informalisation de l’emploi des jeunes Burkina Faso urbain. Cette étude met aussi clairement en évidence une rupture entre l’instruction et l’accès au secteur formel parmi les jeunes hommes, et l’instabilité croissante de l’emploi parmi les jeunes femmes.

INTRODUCTION

Les jeunes du Burkina Faso, comme ceux de la plupart des pays d’Afrique subsaharienne, ont été fortement affectés par la récession économique des années 1990. Bien que peu d’études récentes se soient penchées sur la question de l’emploi des jeunes citadins en Afrique sub-saharienne, et encore moins au Burkina Faso, les quelques données sur ce sujet indiquent une situation sombre. Le chômage des jeunes a fortement augmenté dans les villes africaines (Antoine et al., 2001). La qualité des emplois s’est également détériorée sous l’effet de la crise économique, et les nouvelles générations de jeunes africains se tournent de plus en plus vers des activités économiques peu rentables et instables au sein du secteur informel (Antoine et al., 2001; Charmes, 1996; Meagher, 1995). Avec la réduction drastique des opportunités d’emploi dans le secteur public, les jeunes instruits semblent avoir souffert de manière disproportionnée de la crise économique et des programmes d’ajustement structurel (PAS) (Gérard, 1997; Antoine et al., 2001). Les inégalités de genre sur le marché du travail en Afrique semblent également s’être intensifiées (Sagrario Floro et Schaefer, 1998; Meagher, 1995).

Cette crise de l’emploi a d’importantes conséquences pour les jeunes. L’accès à un emploi est en effet une étape cruciale dans la transition à l’âge adulte. Le manque d’opportunités de travail retarde le mariage et l’accès au logement, et allonge la période de dépendance économique vis-à-vis des aînés (Antoine et al., 2001; Gérard, 1997). Dans plusieurs pays africains, dont le Burkina Faso, le chômage et le sous-emploi des jeunes sont également corrélés avec des problèmes socio-économiques et sanitaires majeurs tels que la délinquance, la prostitution, l’avortement illégal et l’infection au VIH/SIDA (Calvès, 2002; Dowsett et Aggleton, 1999). Par conséquent, des données sur l’emploi des jeunes sont non seulement utiles pour les politiques d’emploi, mais fournissent également des informations importantes pour les programmes de réduction de la pauvreté, de santé et de santé de la reproduction ciblant les jeunes.

De telles données sont pourtant rares, et des informations sur la situation actuelle de l’emploi des jeunes africains et les changements survenus depuis la crise économique sont grandement nécessaires. L’objectif général de cette étude est de contribuer à fournir de telles informations. À partir d’une enquête biographique réalisée en 2000 au Burkina Faso, elle dresse un portrait la situation actuelle de l’emploi chez les jeunes et présente une analyse de son évolution dans le temps. Elle compare aussi la situation de l’emploi des jeunes hommes et des jeunes femmes, de même que celle des jeunes scolarisés et non scolarisés.

L’EMPLOI DES JEUNES DANS LES VILLES AFRICAINES

Contexte général: détérioration du marché du travail urbain

Le Burkina Faso est parmi les pays les plus pauvres du monde. Son indice de développement humain (IDH) le classe 173ème sur 175 pays (UNDP, 2003) et son Produit intérieur brut (PIB) par habitant était d’environ 1,120 $ en 2001. Comme dans la plupart des pays africains, l’économie Burkinabé s’est dégradée au cours des 15 dernières années. Bien « qu’on ne puisse pas réellement parler d’un effondrement de l’économie » (Diabré, 1998 :p. 29), comme ce fut le cas dans plusieurs pays voisins comme la Côte d’Ivoire et le Ghana, la fin des années 1980 et le début des années 1990 ont été marqués par une stagnation de l’économie. A la fin des années 1980, plusieurs secteurs économiques se sont clairement retrouvés en difficultés (Chambas et al., 1999). Face à la détérioration de la situation économique, le pays s’est engagé dans un programme d’ajustement structurel dès 1991. Ce programme avait entre autres pour objectif d’accroître la croissance du PIB à 4% par an et de réduire le déficit public. Les mesures prises dans le cadre de ce programme incluaient la restructuration et la privatisation des entreprises parastatales, la réforme du secteur public et la dévaluation du franc CFA en 1994.

Dans de nombreux pays d’Afrique, la combinaison de la crise économique, des programmes d’ajustement structurel et de la croissance rapide de la population urbaine a profondément transformé le marché du travail urbain. Le taux de chômage et la proportion d’emplois dans le secteur informel et d’emplois précaires ont fortement augmenté (Antoine et al., 2001; Gaufryau et Maldonado, 2001; Lachaud, 1989). Le Burkina Faso ne fait pas exception à la règle. Dans le cadre de la réforme du secteur public, les salaires ont pratiquement été gelés et les recrutements fortement ralentis. Les restructurations et privatisations dans le secteur parastatal ont conduit à des fermetures d’entreprises et des licenciements (Diabré, 1998; Sanou, 1993). La part du secteur informel dans l’économie du pays a augmenté, et plus de 80% des emplois rémunérés à Ouagadougou relevaient du secteur moderne au début des années 1990 (Sananikone, 1996).

Au-delà de cette « informalisation » croissante de l’économie, le degré de différenciation et la part des emplois précaires dans le secteur informel auraient également augmenté au Burkina Faso comme dans d’autres pays d’Afrique (Charmes, 1996; Meagher, 1995). Les petites entreprises urbaines du secteur informel semblent être devenues moins rentables depuis la dévaluation (Camilleri, 1997). Le chômage déclaré dans les deux grandes villes du pays est aussi très élevé : une enquête réalisée en 1992 a mesuré un taux de chômage de 25 % à Ouagadougou (Lachaud, 1994), et des données plus récentes indiquent également des taux de chômage très élevés dans les villes (INSD, 1998). Une des conséquences de ce chômage grandissant est l’aggravation de la pauvreté urbaine. Le taux de pauvreté à Ouagadougou et Bobo Dioulasso est passé de 7,8 % en 1994 à 11,2 % en 1998, alors qu’il a légèrement baissé en milieu rural au cours de la même période (Fofack et al., 2001). C’est donc dans un contexte économique difficile que les jeunes générations entrent sur le marché du travail urbain.

Les jeunes et la crise de l’emploi urbain en Afrique

La récession économique et les programmes d’ajustement structurel mis en œuvre au cours des deux dernières décennies ont particulièrement touché les jeunes générations en Afrique subsaharienne. Une des manifestations les plus évidentes des problèmes d’emploi des jeunes est le taux de chômage particulièrement élevé parmi les jeunes hommes et femmes documenté dans plusieurs pays d’Afrique francophone (Antoine et al., 2001; Kouamé et al., 2001) et anglophone (Potts, 2000; House et al., 1993). A Ouagadougou, par exemple, le taux de chômage en 1992 était estimé à 43,3 % parmi les 15-29 ans, contre 6,7 % parmi les plus de 40 ans (Lachaud, 1994).

En plus de réduire le nombre d’emplois disponibles, la crise économique a également eu des conséquences négatives sur la qualité des emplois auxquels les jeunes ont accès. Bien que la jeunesse africaine d’aujourd’hui soit nettement plus instruite que les générations antérieures, elle accède à des emplois moins stables et moins rentables. Avec un secteur formel incapable de générer suffisamment d’emplois pour absorber cette frange de la population en croissance rapide, les jeunes générations se tournent de plus en plus vers des activités dans le secteur informel (Antoine et al., 2001; Piché et Gingras, 1998; Hugon, 1993). Même si les gains dans le secteur informel ne sont pas toujours inférieurs à ceux du secteur formel (House et al. 1993) et que l’économie informelle n’est pas toujours synonyme de pauvreté (Charmes, 2000), les jeunes ont tendance à être surreprésentés dans les activités à bas revenus, des activités de « survie » (Meagher, 1995; Charmes, 1994).

Comme ailleurs, les jeunes Burkinabè ne constituent pas un groupe homogène et tous n’ont pas été affectés de la même manière par la récession économique et les programmes d’ajustement. Ainsi deux catégories de jeunes africains semblent avoir particulièrement souffert de la crise de l’emploi : les jeunes scolarisés et les jeunes femmes.

La détresse des jeunes scolarisés

Alors que dans les pays développés, les jeunes les plus scolarisés ont bénéficié d’un avantage très net par rapport aux moins scolarisés sur un marché du travail qui se détériore (Galland 2001), l’inverse semble se produire en Afrique. Dans un contexte où les recrutements dans le secteur public –un secteur d’emploi traditionnellement visé par les nouveaux diplômés –ont considérablement diminué, voire stoppé, le diplôme n’est plus un passeport automatique pour un emploi stable ni une protection contre le chômage. Au contraire, des études empiriques en Afrique francophone, y compris au Burkina Faso, indiquent des taux de chômage plus élevés parmi les jeunes scolarisés, particulièrement ceux de niveau secondaire, que parmi ceux qui sont sans diplôme (Antoine et al., 2001; Kouamé et al., 2001; Diabré, 1998; Lachaud, 1994).

Cette nouvelle catégorie sociale de “jeunes diplômés chômeurs”est devenue le symbole de la crise économique dans les villes africaines. Incapables de trouver un emploi stable, souvent dépendants de leurs parents ou de leurs frères et sœurs moins scolarisés, les jeunes scolarisés ont perdu leur crédibilité et leur prestige (Gérard, 1997). Dans les villes du Burkina Faso, comme ailleurs en Afrique, les emplois du secteur informel deviennent souvent la seule issue pour les jeunes instruits (Diabré, 1998): le processus d’informalisation de l’emploi parmi les jeunes semble plus marqué encore parmi les scolarisés qui avaient jusqu’alors été relativement protégés (Antoine et al., 2001; Gérard, 1997; Célestin, 1992; Hugon, 1992). Réalisant que l’éducation formelle est de peu d’utilité dans le secteur informel, beaucoup de jeunes scolarisés rejetteraient le système scolaire formel pour se tourner vers l’apprentissage et la formation sur le tas (Lange et Martin, 1993).

Les jeunes femmes : un autre groupe vulnérable

Le genre est une autre source d’hétérogénéité sur le marché du travail dans les villes africaines. Les discriminations selon le sexe en milieu urbain se traduisent d’abord par un accès différentiel à l’emploi. Dans les villes africaines, des taux de chômage plus élevés parmi les femmes sont observés à pratiquement tous les niveaux d’instruction (Bocquier, 1996; Becker et al., 1994; House et al., 1993; Sagrario, 1998). Par exemple, le chômage déclaré à Ouagadougou parmi les femmes était de 28,5 %, comparé à 23,2 % parmi les hommes, et la différence entre sexes était encore plus importante (7 points de pourcentage) parmi les 15-29 ans (Lachaud,1997).

La position inférieure des femmes sur le marché du travail apparaît également dans la nature des emplois qu’elles occupent. Les femmes ont nettement moins de chances d’être employées dans le secteur formel, plus stable et plus lucratif (Becker et al., 1994), et quand elles le sont, des écarts substantiels de salaires entre hommes et femmes sont observés (Appleton et al., 1999; Fidler et Webster, 1996). Au sein du secteur informel, les femmes sont aussi désavantagées et les opportunités d’emploi sont réduites : plusieurs études indiquent que, dans le secteur informel, les femmes tendent à être concentrées dans les activités peu stables, peu rémunératrices et à faible croissance (Fidler et Webster, 1996; Sananikone, 1996; Becker et al., 1994; Osirim, 1992). Dans les villes du Burkina Faso, bien que les femmes aient de plus en plus accès à des activités informelles autrefois réservées aux hommes, telles que la couture, elles restent toutefois souvent cantonnées à des activités liées aux tâches domestiques telles que la fabrication et la vente d’aliments et la coiffure (Sananikone, 1996; Dijkman et Van Dijk, 1993). Dans de nombreuses villes africaines, l’accès limité à l’instruction, au capital et aux transports constitue un frein important à l’entrée des femmes dans des activités plus rentables dominées par les hommes (Fidler et Webster, 1996). Diijkman et van Djik (1993) indiquent que les femmes à Ouagadougou ont moins d’expérience comme apprenties et un accès plus limité à la formation sur le tas et à l’instruction formelle, tous des atouts importants pour accéder aux activités dominées par les hommes.

L’effet de la récession économique et de l’ajustement structurel sur la participation des femmes au marché du travail en Afrique subsaharienne semble varier. Certains auteurs montrent que la participation des femmes est restée la même ou qu’elle est plus importante alors que de plus en plus de femmes se sont vu obligées de travailler pour fournir ou augmenter le revenu familial en déclin (Célestin, 1992 ; Diabré, 1998; Meagher, 1995; Dijkman et Van Dijk, 1993). À la recherche d’un revenu, les femmes de Ouagadougou, par exemple, s’engageraient de plus en plus dans des activités commerciales qu’elles effectuaient auparavant gratuitement, comme la coiffure (Dijkman et Van Dijk, 1993) . Au contraire, d’autres études avancent qu’il y a eu une hausse disproportionnée du chômage chez les femmes suite à la crise économique (Sagrario Floro et Schaefer, 1998). Toutefois, en ce qui concerne la nature et la qualité des emplois exercés par les femmes, les auteurs s’accordent généralement pour dire que la récession économique et les programmes d’ajustement structurel ont touché plus fortement les femmes que les hommes et que les inégalités de genre se sont approfondies sur le marché du travail urbain en Afrique au cours des années 1990. L’écart de salaire se serait élargi et plusieurs études montrent une féminisation croissante du secteur informel (Meagher, 1995; Sagrario Floro et Schaefer ,1998).

DONNÉES ET MÉTHODOLOGIE

Cette étude utilise les données provenant d’une enquête rétrospective nationale intitulée “Dynamiques Migratoires, Insertion Urbaine et Environnement au Burkina Faso” (EMIUB) réalisée en 2000 au Burkina Faso et qui a touché 8644 personnes1. L’analyse présentée ici se concentre sur les régions urbaines (Ouagadougou et Bobo Dioulasso) et seuls les répondants vivant dans les deux plus grands centres urbains ont été retenus. Avec une population respective de 710 000 et 310 000, Ouagadougou et Bobo Dioulasso représentaient les deux tiers de la population urbaine et 10% de la population totale du pays en 1996 (INSD 2000).

Si l’enquête, comme son nom l’indique, s’intéressait en premier lieu à la migration et à l’insertion urbaine, les données recueillies se prêtent bien à l’analyse de l’évolution de l’insertion des jeunes au marché du travail. En effet, les données contiennent des biographies professionnelles complètes et d’autres informations socio-économiques longitudinales pour l’ensemble des hommes et de femmes interrogés. Plus spécifiquement, pour chaque répondant âgés de 15 à 64 ans, une section du questionnaire consacrée à la biographie des activités économiques a recueilli des informations sur toutes les périodes de scolarisation, d’apprentissage, d’activité économique (emploi rémunéré et non rémunéré), et d’inactivité (sans-emploi, au foyer, retraité ou en congé de maladie) d’une durée de plus de trois mois depuis le sixième anniversaire. Pour chaque période d’activité économique, des informations complémentaires ont été recueillies quant au type d’activité (question ouverte), au statut d’emploi (travailleur autonome, employeur, employé, apprenti, aide familiale), au fait que le répondant ait été payé pour le travail effectué, et au fait qu’il ait reçu ou donné des fiches de salaires. L’analyse se divise en deux parties: la première s’intéresse aux activités actuelles des jeunes et la seconde analyse les changements dans l’accès au premier emploi rémunéré entre les générations. Dans chaque partie, la situation des hommes et des femmes ainsi que celle des jeunes scolarisés et non scolarisés est comparée (Calvès et Schoumaker, 2004).

La première partie examine ainsi le statut d’emploi actuel des jeunes répondants (s’ils sont à l’école, apprentis, en formation professionnelle, sans emploi, à la maison/en congé maladie ou s’ils exercent un travail rémunéré ou non rémunéré) ainsi que le type et le secteur d’emploi quand cela s’applique. S’il n’y a pas de définition universellement adoptée de ce que constitue le secteur informel en Afrique urbaine, on s’entend toutefois pour dire que les activités de l’économie informelle échappent généralement aux réglementations gouvernementales, fiscales et sociales (Dijkman et Van Dijk, 1993; Osirim, 1992). La plupart du temps, les travailleurs autonomes, les employés et les petites entreprises du secteur informel ne sont pas enregistrés. Ainsi, pour des raisons pratiques, les employés du secteur public et tous ceux qui reçoivent une fiche de salaire sont considérés comme des travailleurs du secteur formel (moderne). Les employeurs qui remettent des fiches de salaire à leurs employés sont aussi inclus dans ce secteur. Le secteur formel se divise ensuite entre les sphères publique et privée. Quant aux activités informelles nous les avons classées en cinq catégories : agriculture, fabrication, petit commerce de nourriture, autres petits commerces et services. La situation d’emploi actuelle des jeunes est comparée à celle des générations précédentes.

Dans la deuxième partie, l’analyse porte sur les changements intervenus dans le statut d’emploi des jeunes au fil du temps ainsi que dans le calendrier de la transition vers et en dehors de l’emploi rémunéré, en accordant une attention particulière aux différences selon le sexe et l’instruction. Pour analyser les changements dans l’expérience d’emploi de la jeunesse urbaine en relation avec la crise économique au Burkina Faso, l’expérience des jeunes urbains d’aujourd’hui, les répondants âgés de 15 à 24 ans au moment de l’enquête, est comparée à celle des cohortes plus âgées au même âge. Ainsi, pour chaque cohorte, l’échantillon comprend les répondants vivant en ville et âgés de 15 à 24 ans. L’enquête étant une enquête rétrospective nationale elle permet de tenir compte de la migration interne et d’inclure dans l’échantillon les enquêtés qui résidaient en milieu urbain entre 15 et 24 ans même s’ils ont quitté la ville après cet âge. Les données collectées auprès des plus vieilles générations étant plus sujettes aux omissions et aux problèmes de datation des évènements, les enquêtés nées entre 1936 et 1954 sont exclus de l’analyse. Les répondants de la cohorte 1965-74 ont donc été observés jusqu’en 1990, alors que ceux de la cohorte 1955-1964 ont été observés jusqu’en 1980, simulant ainsi trois enquêtes auprès de jeunes citadins de 15 à 24 ans en trois moments dans le temps. Pour analyser les changements dans le calendrier des transitions, des analyses statistiques ont été effectuées des estimations de Kaplan Meier.

RÉSULTATS

Tableau 1 : Caractéristiques socio-démographiques des échantillons

Variables

Citadins au moment de l’enquête

Citadins entre 15-24 ans

N

%

N

%

Genre

Hommes

Femmes

1454

1547

47.3

52.7

1172

1305

47.5

52.5

Lieu de résidence

Ouagadougou

Bobo Dioulasso

2431

570

72.8

27.2

1944

533

71.4

28.6

Cohorte

1975-84

1965-74

1955-64

1213

1086

702

51.7

29.1

19.2

1213

818

446

57.2

27.2

15.6

Niveau de scolarité

Aucune / École coranique

Primaire

Secondaire ou plus

1161

763

1077

37.1

26.0

36.9

865

670

942

35.0

26.2

38.8

Lieu de résidence à 6 ans

Urbain

Rural

Autre pays

1326

1327

348

46.8

41.8

11.4

1295

939

243

51.2

37.9

10.9

Total

3001

100

2477

100

Source : Enquête Dynamiques Migratoires, Intégration Urbaine et Environnement, 2000

Le tableau 1 présente certaines caractéristiques socio-démographiques des répondants. L’échantillon utilisé dans la première partie de l’analyse est composé d’hommes et de femmes vivant en milieu urbain au moment de l’enquête alors que le deuxième échantillon comprend les enquêtés qui étaient citadins entre 15 et 24 ans. Le premier échantillon (3001 personnes) contient 53 % de femmes et 47 % d’hommes qui, pour la majorité (73%), vivent dans la capitale Burkinabé (Ouagadougou) au moment de l’enquête. Reflétant la situation socio-démographique actuelle des villes du Burkina Faso, l’échantillon est jeune (81% des répondants ont moins de 35 ans) et plutôt instruit (la majorité des répondants ont fréquenté l’ école moderne et ont au moins complété le niveau primaire). On constate aussi qu’une proportion appréciable des répondants (42%) a grandi en milieu urbain, ce qui n’est pas étonnant si on considère le rôle de la migration interne dans le processus d’urbanisation du Burkina Faso. Dans l’ensemble, le deuxième échantillon composé de 2477 hommes et femmes ne diffère pas significativement du premier. Cependant, étant donné les critères de sélection appliqués, les membres de la génération la plus jeune (1975-84) et les répondants qui ont grandi en ville y sont plus nombreux.

Statut d’emploi de la jeunesse contemporaine et secteur d’activité

Afin d’examiner la participation actuelle des jeunes au marché du travail, le tableau 2 présente le statut d’emploi et le secteur d’activité au moment de l’enquête selon la cohorte et le sexe. Il en ressort que la majorité des jeunes hommes nés entre 1975 et 1984 sont étudiants (40%) ou apprentis (11%) et que 45% sont déjà impliqués dans un emploi rémunéré ou non rémunéré. Les femmes Burkinabés sont moins souvent aux études que les hommes, seulement 27% des femmes de la plus jeune cohorte sont toujours aux études ou apprenties au moment de l’enquête, la majorité d’entre elles étant plutôt en emploi (46%) ou au foyer (26%). La plupart des jeunes de 24 ans ou plus ont déjà intégré le marché du travail ou s’occupent de leur foyer ; seulement 3% de jeunes hommes de la cohorte 1965-74 et 1% de leurs consœurs sont toujours étudiants ou apprentis.

Au total, le chômage déclaré est relativement bas chez les hommes et les femmes de toutes les générations ; le taux le plus élevé concerne les hommes nés entre 1965 et 1974 (6%). Le chômage n’étant pas le premier intérêt du sondage, il a été estimé à partir des seules déclarations spontanées des répondants. Comme des efforts ont été faits afin d’obtenir les biographies professionnelles les plus complètes possibles, y compris les périodes de travail non rémunéré, le chômage renvoie ici à l’absence d’activité. Bien que le chômage déclaré soit relativement bas chez les jeunes, une proportion importante des jeunes qui ne sont toutefois plus aux études travaillent sans être payés (9.5% des jeunes hommes et 11.4% des jeunes femmes), le plus souvent comme travailleurs familiaux ou dans le cadre d’apprentissages non rémunérés (11.4% des jeunes hommes et 2.3% des jeunes femmes) (tableau 2). En fait, la proportion de jeunes, hommes et femmes, qui sont hors du marché de l’emploi rémunéré est très élevée parmi ceux qui ne sont plus aux études ; près de 40% des hommes qui ont terminé leurs études en sont exclus parmi la plus jeune cohorte et 15% parmi ceux nés entre 1965 et 1974. De même, 55% des femmes de la plus jeune génération et 30% pour celles nées entre 1965 et 1974 ne travaillent pas ou travaillent sans être payées. Ainsi, de nos jours, un nombre important de jeunes est exclu du marché du travail rémunéré dans les villes du Burkina Faso. Même si on considère qu’un certain nombre des jeunes filles n’est pas réellement à la recherche d’un travail, ce qui occasionne une surestimation du chômage féminin, le taux de chômage des jeunes femmes reste supérieur à celui des jeunes hommes.

Tableau 2 : Statut d’emploi et secteur d’activité des hommes et des femmes au moment de l’enquête selon la cohorte, échantillons pondérés

Hommes

Femmes

Statut d’emploi

Cohorte

Cohorte

1975-84

1965-74

1955-64

1975-84

1965-74

1955-64

En emploi

45.2

85.7

97.7

45.6

73.5

81.3

Emploi rémunéré

35.7

81.5

95.1

34.2

69.3

77.6

Emploi non rémunéré

9.5

4.2

2.6

11.4

4.2

3.7

Apprenti

11.4

4.1

0.5

2.3

2.0

0.3

Étudiant

40.2

3.5

0.2

24.5

1.5

0.3

Sans emploi

2.5

5.6

1.6

1.1

1.3

1.0

Au foyer

0.7

1.0

0.0

26.5

21.6

17.0

Total

100%

100%

100%

100%

100%

100%

N = 3001

561

541

352

652

545

350

Taux de chômage estimé:

(% de non étudiants hors du marché du travail)

40.2

15.4

4.7

54.7

29.5

22.1

Secteur d’activité

Secteur formel

9.4

27.0

38.0

4.8

11.1

14.6

Publique

4.1

10.3

23.5

1.0

4.7

8.5

Privé

5.3

16.7

14.5

3.8

6.4

6.1

Secteur informel

90.6

73.0

62.0

95.2

88.9

85.4

Agriculture

2.4

2.0

6.5

1.8

2.8

3.9

Artisanat

16.7

15.0

11.1

3.9

9.2

7.5

Petit commerce alimentaire

9.0

5.7

5.7

47.3

51.0

54.4

Petit commerce non

alimentaire

28.7

22.1

17.4

16.2

16.7

13.6

Services

32.8

28.2

21.4

26.0

9.2

6.0

Total

100%

100%

100%

100%

100%

100%

N = 1874

203

443

330

243

380

275

Source: voir Tableau 1

Le tableau 2 décompose également les activités rémunérées des répondants selon le secteur d’activité. Les résultats confirment la place importante occupée par l’économie informelle dans le marché du travail urbain au Burkina Faso. En effet, la majorité de ceux qui travaillaient au moment de l’enquête le faisaient en dehors du secteur formel, tant chez les hommes que les femmes et pour toutes les cohortes. Pourtant, les plus jeunes cohortes sont sur-représentées dans le secteur informel : 91 % des hommes en emploi qui sont nés après 1975, et 73% de ceux qui sont nés entre 1965 et 1974, travaillent dans le secteur informel contre 62% des hommes de la cohorte la plus âgée, (1955-64). Chez les femmes, la proportion de celles qui sont employées dans le secteur informel est, elle aussi, plus élevée parmi la cohorte la plus jeune. Comme le montre le tableau 2, le secteur formel, et plus particulièrement le secteur public, est de moins en moins une option d’emploi pour les jeunes. Alors que plus du tiers des hommes nés entre 1955 et 1964 (38%) est employé dans le secteur formel, (travaillant comme policiers ou agents de bureau pour le gouvernement ou encore comme chauffeurs ou comptables dans le secteur privé), seulement 27 % des jeunes hommes nés entre 1965 et 1974 et 9% de ceux issus de la génération la plus jeune occupent de tels emplois. La situation est semblable chez les femmes, quoique les écarts générationnels soient plus faibles. Confirmant les études précédentes menées au Burkina Faso et dans d’autres pays de l’Afrique subsaharienne (Lachaud 1997; Sananikone 1996; Becker, Hamer et al. 1994), les données montrent que, toutes générations confondues, les femmes burkinabè sont sur-représentées dans le secteur informel de l’économie par rapport aux hommes (Sananikone 1996; Dijkman & Van Dijk 1993). Alors que les écarts entre hommes et femmes semblent se rétrécir avec le temps, la proportion de femmes de la plus jeune cohorte travaillant dans le secteur informel (95%) est encore légèrement plus élevée que celle des hommes (91%).

Il existe aussi des écarts entre générations et sexes dans le type d’activité exercée au sein du secteur informel lui-même. La majorité des femmes travaillant dans le secteur informel fait du petit commerce (tableau 3). Elles vendent surtout des aliments comme des arachides, des fruits, des légumes et des épices ou encore des mets préparés tels des gâteaux, des beignets ou du "dolo". Le commerce de biens non alimentaires est aussi commun, et comprend des petits articles habituellement vendus dans les kiosques (cigarettes, chewing gum, crayons) aussi bien que des vêtements, du bois, du savon et des produits de beauté. Comme le montre le tableau 2, les jeunes femmes sont moins enclines que les plus âgées à être impliquées dans le petit commerce de nourriture, mais plus enclines à travailler dans le secteur des services de l’économie informelle, le plus souvent à titre de « bonnes » ou de coiffeuses : 26 % des femmes nées après 1975 sont impliquées dans les services informels contre seulement 6 % des femmes de la cohorte la plus âgée. D’un autre côté, on remarque que le travail agricole est plus courant parmi les cohortes plus âgées. Peu de femmes sont impliquées dans l’artisanat (autour de 6% et 7% pour toutes les cohortes), le plus souvent dans des travaux de couture, de broderie ou du crochet (tableau 3).

Par ailleurs, l’artisanat est plus populaire chez les hommes, particulièrement chez les jeunes (17% parmi la cohorte la plus jeune) (tableau 3). Les jeunes artisans travaillant surtout comme « briqueteurs », tailleurs, cordonniers ou menuisiers. Comme chez les femmes, les hommes de la plus jeune génération sont plus susceptibles de travailler dans le secteur des services de l’économie informelle (33% des hommes de la cohorte la plus jeune contre 28% de ceux qui sont nés entre 1965 et 1974). Les jeunes hommes sont généralement impliqués dans des activités telles que la réparation de bicyclettes, motocyclettes et voitures, le travail des métaux ou les réparations électriques, alors que les hommes plus âgés qui travaillent dans les services sont plus souvent agents de sécurité ou chauffeurs de taxi. Les jeunes hommes qui travaillent sont aussi plus nombreux que les hommes plus âgés à être impliqués dans le petit commerce de biens non alimentaires (vêtements, petits articles vendus en kiosques ou matériaux de construction). Finalement, comme chez les femmes, les jeunes hommes sont proportionnellement moins nombreux que les hommes plus âgés à travailler dans le secteur agricole.

Tableau 3 : Activités économiques les plus citées par les hommes et les femmes âgés de 15 à 24 ans au moment de l’enquête selon le secteur d’activité

Secteur

Hommes

Femmes

Secteur informel

Agriculture

Cultivateur, éleveur

Cultivateur

Fabrication manuelle

Briqueteur, tailleur, menuisier

Couture, tricot, crochet

Petit commerce alimentaire

Boucher, marchand d’eau, céréales

Petit commerce d’arachides, fruits, légumes, épices, beignes

Petit commerce non alimentaire

Vêtements, petit commerce d’articles variés (cigarettes, gomme, crayons, etc.), matériaux de construction

Petit commerce d’articles variés (cigarettes, chewing gum, crayons, etc.), bois, vêtements, savon, produits de beauté

Services

Réparation d’autos et de bicyclettes, soudeur, chauffeur

Aide domestique, coiffure

Secteur formel

 

 

Public

Policier, militaire, agent de taxes et revenus

Enseignante

Privé

Gardien de sécurité, cireur de chaussure, électricien

Secrétaire, hôtesse

L’évolution du statut d’emploi des hommes et des femmes

Afin d’évaluer l’évolution de la participation des jeunes au marché du travail suite à la crise économique, on compare le statut d’emploi des hommes et des femmes des trois cohortes au moment où ils étaient âgés de 15 à 24 ans (en 2000, 1990 et 1980). Il en ressort que les jeunes âgés de 15 à 24 ans sont significativement moins susceptibles d’avoir un travail rémunéré au moment de l’enquête qu’ils ne l’étaient dix ou vingt ans auparavant. Les jeunes sont aujourd’hui plus susceptibles d’être aux études qu’en 1990 ou en 1980. En effet, 40% des hommes et 24% des femmes de la plus jeune cohorte étaient à l’école entre 15 et 24 ans, comparativement à seulement 19% des hommes et 15% des femmes de la génération la plus âgée. Malgré ces progrès en matière d’éducation, l’écart selon le genre reste d’actualité et les jeunes hommes sont encore deux fois plus nombreux sur les bancs d’école que leurs consœurs. Un écart lié au genre existe aussi dans les types moins formels de formation. Corroborant les études précédentes (Dijkman et Van Dijk, 1993), nos données montrent que, au total, les jeunes femmes d’Ouagadougou et de Bobo Dioulasso ont moins accès à l’apprentissage que les jeunes hommes, et sont plus susceptibles d’être au foyer. Malgré le fait que seuls les stages non payés sont pris en compte2, on ne constate aucune augmentation des pratiques d’apprentissage au cours des vingt dernières années. Finalement, la proportion de jeunes (hommes et femmes) qui ne sont plus à l’école mais qui sont exclus du marché du travail rémunéré est plus élevée en 2000 qu’en 1980 (10 points de pourcentage), ce qui suggère une forte augmentation du taux de chômage parmi les jeunes citadins du Burkina Faso au cours des vingt dernière années.

Tableau 4 : Evolution du statut d’emploi des hommes et des femmes âgés de 15 à 24 ans selon la cohorte (1980-2000), échantillon pondéré

Hommes

Femmes

Statut d’emploi

Années d’observation

(cohorte)

Années d’observation

(cohorte)

2000

(1975-84)

1990

(1965-74)

1980

(1955-64)

2000

(1975-84)

1990

(1965-74)

1980

(1955-64)

En emploi

45.2

58.6

65.0

45.6

56.8

55.3

Emploi rémunéré

35.7

52.6

56.4

34.2

43.7

45.1

Emploi non rémunéré

9.5

39.3

8.0

11.4

11.3

8.6

Apprenti

11.4

12.7

11.5

2.3

3.5

2.0

Étudiant

40.2

33.3

18.6

24.5

18.4

15.1

Sans emploi

2.5

4.1

5.6

1.1

1.1

0.7

Au foyer

0.7

0.9

0.0

26.5

22.1

28.5

Total

100%

100%

100%

100%

100%

100%

N = 2477

561

404

207

652

414

239

Taux de chômage estimé

(% de non étudiants hors du marché du travail)

40.2

41.1

30.7

54.7

46.5

46.8

N = 1833

342

291

163

499

334

204

Source : voir Tableau 1

Calendrier et nature du premier emploi rémunéré

La deuxième dimension de l’expérience d’emploi de la jeunesse urbaine étudiée concerne l’évolution du calendrier d’obtention du premier emploi rémunéré et la nature de cet emploi. Le tableau 5 se base sur les estimations Kaplan Meier et montre la proportion des hommes et des femmes de chaque cohorte qui avaient un emploi aux âges exacts de 15, 20 et 25 ans. Le secteur d’activité du premier emploi rémunéré est aussi présenté. L’accès au premier emploi rémunéré est significativement reporté chez les hommes ; alors que 65% des hommes de la cohorte la plus âgée avait un emploi rémunéré à 20 ans, seulement 38% des hommes de la cohorte la plus jeune était dans la même situation au même âge. De plus, l’âge médian d’obtention du premier emploi payé est passé de 18,5 ans à 22 ans. Chez les femmes, les tendances sont similaires, mais moins prononcées et non statistiquement significatives.

Les changements dans le type de premier emploi obtenu sont encore plus frappants. Le secteur formel, et public en particulier, n’est plus une option sérieusement envisageable pour les jeunes hommes qui cherchent à obtenir un premier travail rémunéré dans une ville du Burkina Faso (tableau 5). En effet, alors que près du quart des hommes de la cohorte la plus âgée a trouvé un premier travail rémunéré dans le secteur formel, c’est le cas de seulement 15% des hommes de la cohorte 1965-1974 et de 8% de ceux appartenant à la cohorte 1975-1984. Pour les jeunes urbains, il est beaucoup plus courant que dans le passé de commencer à travailler dans le secteur informel. Il est aussi plus fréquent de les voir exercer ces activités informelles dans la rue plutôt que dans un atelier (données non montrées). Par exemple, plus de jeunes hommes sont impliqués dans le petit commerce de biens non alimentaires (26% parmi la cohorte née après 1975 contre seulement 8% de la cohorte 1955- 1964). Les activités informelles de services, comme la réparation de bicyclettes ou d’automobiles, ont aussi gagné en popularité. Une tendance similaire à l’informalisation des emplois est aussi constatée chez les femmes. Le secteur formel est aussi devenu une option de moins en moins envisageable pour elles, même si le rôle de ce secteur a toujours été beaucoup moins important pour les femmes que pour les hommes. Alors que seulement 4% des jeunes femmes en emploi parmi la plus jeune cohorte ont trouvé leur premier travail rémunéré au sein du secteur formel, près de 8% des femmes de la génération la plus âgée avaient fait de même. Comme chez les hommes, le premier emploi dans le secteur formel a été remplacé par un emploi dans le secteur informel. Les emplois dans le secteur des services informels, comme la coiffure ou l’aide domestique, attirent plus de jeunes femmes que dans le passé. La part grandissante des jeunes hommes et femmes travaillant dans le secteur des services de l’économie informelle va dans le même sens que les faits rapportés dans plusieurs pays africains (Charmes 1996; Sananikone 1996).

Scolarité et transition vers et hors du premier emploi rémunéré

L’influence de l’instruction sur le calendrier et le type du premier emploi rémunéré obtenu par les jeunes au cours des vingt dernières années ainsi que l’évolution, de la transition de l’école vers le premier emploi ont été analysés. Le tableau 6 compare l’âge médian d’obtention du premier emploi rémunéré pour les jeunes scolarisés et non scolarisés des trois cohortes. Pour les jeunes scolarisés, la durée médiane des études et le temps médian écoulé entre la fin des études et l’obtention du premier emploi rémunéré sont aussi présentés.

Tant chez les hommes que chez les femmes, les jeunes non scolarisés entrent sur le marché du travail sensiblement au même âge qu’auparavant et les différences dans l’âge médian d’obtention du premier emploi d’une génération à l’autre ne sont pas statistiquement significatives. L’évolution de l’accès au premier emploi parmi les jeunes scolarisés en revanche offre un tout autre portrait : la plus jeune cohorte d’hommes scolarisés entre clairement plus tard sur le marché du travail qu’ils ne le faisaient auparavant. Les jeunes hommes scolarisés qui sont nés entre 1975 et 1984 ont obtenu leur premier emploi à 23 ans en moyenne, soit plus de 3 ans plus tard que les hommes nés entre 1955 et 1964. Le même retard est constaté chez les femmes, même s’il est moins prononcé et non statistiquement significatif. Ainsi, le délai total observé pour l’obtention du premier emploi rémunéré chez les jeunes hommes (tableau 5) résulte à la fois de la proportion grandissante de jeunes hommes scolarisés et de la hausse de l’âge auquel ces derniers ont accès à un premier emploi rémunéré.

Tableau 6 : Transition vers le premier emploi rémunéré chez les hommes et les femmes scolarisés et âgés de 15 à 24 ans selon la cohorte, échantillon pondéré

 

Hommes

Femmes

 

Cohorte

Cohorte

1975-84

1965-74

1955-64

1975-84

1965-74

1955-64

Âge médian d’obtention du premier emploi rémunéré chez les non scolarisés

18.3

19.7

17.3

17.9

18.3

18.6

Test de significativité de Cox (1)

n.s.

n.s.

N = 865

109

125

84

215

198

134

Âge médian d’obtention du premier emploi rémunéré chez les scolarisés

23.0

22.0

19.7

22.4

23.4

22.1

Test de significativité de Cox (1)

***

n.s.

N = 1612

452

279

123

437

216

105

Durée médiane des études

11.7

11.6

9.2

9.6

8.9

10.2

Test de significativité de Cox (2)

***

n.s.

N = 1612

452

258

114

437

216

105

Temps médian écoulé entre la fin des études et le premier emploi rémunéré

5.6

4.7

3.2

5.3

7.2

5.7

Test de significativité de Cox (2)

n.s

n.s.

N = 1015

253

172

83

291

146

70

(1) Testant l’égalité des courbes de survie (cohorte 1975-84 comparée à la cohorte 1955-64), bilatéral
(2) Testant l’égalité des courbes de survie (cohorte 1975-84 comparée à la cohorte 1955-64), unilatéral
* significatif à p<0.05 ** significatif à p<0.01 *** significatif à p<0.001

Le retard observé dans l’obtention du premier emploi rémunéré chez les jeunes scolarisés est-il simplement dû à l’allongement des études ou reflète-t-il une difficulté grandissante à intégrer le marché du travail après les études? Les données du tableau 6 suggèrent que les deux facteurs jouent un rôle dans ce retard, du moins chez les hommes. La durée médiane des études pour les hommes a connu une augmentation significative et est passée de 9,3 ans à 11,7 ans au cours des 20 dernières années. Le temps médian s’étant écoulé entre la fin des études et l’obtention du premier emploi s’est aussi significativement accru, passant de 3,2 ans pour la cohorte la plus âgée à 5,6 ans pour la cohorte la plus jeune. Aucun changement significatif dans la transition n’est observé chez les femmes. La durée moyenne des études est restée la même (environ 9 ans), de même que le temps moyen entre la fin des études et l’obtention du premier emploi rémunéré. Cependant on constate qu’il y a des écarts nets et significatifs selon le sexe. Les femmes n’ont pas seulement moins de chance de fréquenter l’école que leurs homologues masculins, elles y restent aussi moins longtemps. De plus, à l’exception de la plus jeune génération, les femmes scolarisées attendent plus longtemps que les hommes avant d’obtenir leur premier emploi rémunéré à la fin de leurs études.

Afin de vérifier si les jeunes scolarisés se sont vus forcés de se tourner vers des activités du secteur informel plutôt que vers les emplois auxquels ils avaient traditionnellement accès dans le secteur moderne, l’évolution du secteur d’activité du premier emploi rémunéré en fonction du niveau de scolarité a été étudiée. La figure 1 montre la proportion de premiers emplois rémunérés occupés dans le secteur informel selon la cohorte et le niveau de scolarité pour les hommes et les femmes. Peu de changements sont enregistrés dans le secteur d’activité du premier emploi rémunéré pour les jeunes non scolarisés. En effet, la grande majorité des jeunes hommes (environ 90%) et presque toutes les jeunes femmes non scolarisés ont obtenu leur premier emploi rémunéré dans le secteur informel, et ce, pour toutes les cohortes. Au contraire, des changements marqués ont eu lieu chez les jeunes scolarisés; alors que 56% des hommes et 74% des femmes de la cohorte la plus âgée ont obtenu leur premier emploi rémunéré dans le secteur informel, les proportions s’élèvent à 91% et 94% respectivement pour les hommes et les femmes de la plus jeune cohorte. Ces résultats viennent appuyer les résultats d’études antérieures sur la rupture entre l’éducation formelle et l’accès au secteur moderne de l’emploi, ainsi que l’informalisation croissante de l’emploi au sein de la jeunesse scolarisée (Antoine et al., 2001; Diabré, 1998; Gérard, 1997).

Tableau 7 : Proportion des hommes et des femmes âgés de 15 à 24 ans qui sont toujours en emploi (rémunéré) selon la cohorte et la scolarité (estimés Kaplan Meier), échantillon pondéré

Hommes

Femmes

Cohorte

Cohorte

1975-84

1965-74

1955-64

1975-84

1965-74

1955-64

% des répondants qui sont toujours en emploi 3 et 6 ans après l’obtention du premier emploi rémunéré

Tous les répondants 3 ans

94.0

88.7

90.2

90.9

95.8

96.1

6 ans

84.5

77.4

77.2

69.2

84.3

88.3

Test de significativité de Cox (1)

n.s.

***

N = 1148

215

201

115

307

198

112

Scolarisés 3 ans

94.6

83.9

88.0

89.4

92.5

87.8

6 ans

82.7

64.8

82.6

65.2

78.6

82.3

Test de significativité de Cox (1)

n.s.

n.s

N = 551

72

88

54

137

126

74

Non scolarisés 3 ans

92.8

94.8

91.8

92.6

97.7

99.0

6 ans

87.4

89.1

75.2

73.8

87.3

90.1

Test de significativité de Cox (1)

n.s.

**

N = 597

143

113

61

170

72

38

Source : voir Tableau 1
(
1) Testant l’égalité des courbes de survie (cohorte 1975-84 comparée à la cohorte 1955-64), bilatéral
* significatif à p<0.05 ** significatif à p<0.01 *** significatif à p<0.001

CONCLUSION

La présente étude a révélé plusieurs résultats importants. Tout d’abord, les données montrent une nette augmentation du chômage parmi les jeunes urbains du Burkina Faso au cours des dix dernières années. En 2000, près de 40% des jeunes hommes et 55% des jeunes femmes n’étant plus aux études étaient exclus du marché du travail rémunéré. La crise économique a aussi sérieusement affecté la nature de l’emploi chez les jeunes, et la part qu’occupe le secteur informel dans l’emploi des jeunes Burkinabé urbains a considérablement augmenté au cours des vingt dernières années, particulièrement chez les jeunes scolarisés. L’étude démontre également clairement l’existence, au Burkina Faso, d’une rupture entre l’éducation formelle et l’accès aux emplois du secteur moderne de l’économie, ainsi que l’informalisation croissante de l’emploi chez les jeunes, qui avaient déjà été constatés dans d’autres pays africains (Antoine et al. 2001). Non seulement les jeunes urbains sont aujourd’hui plus susceptibles de travailler dans le secteur informel, mais l’étude démontre qu’ils sont engagés dans les activités réputées les moins profitables et les plus vulnérables de l’économie informelle, celles relevant du sous secteur des services.

Les distinctions entre hommes et femmes et entre jeunes instruits et sans instruction s’avèrent fondamentales, tant les évolutions observées sont différentes entre ces sous-groupes. Nos résultats ont montré que l’augmentation du chômage parmi les jeunes hommes provient à la fois d’un retard dans l’âge au premier emploi pour les hommes scolarisés et de l’allongement de la durée entre la fin des études et le premier emploi rémunéré. Parmi les femmes au contraire, l’augmentation du chômage semble davantage liée à une précarisation de l’emploi rémunéré. Les jeunes femmes des générations les plus récentes entrent toujours aussi jeunes en vie active, mais sont plus susceptibles de connaître une interruption de leur activité. Ainsi, les jeunes hommes urbains sont plus susceptibles d’être exclus du marché du travail qu’ils ne l’étaient il y a dix ans à la fois parce qu’ils passent plus de temps à l’école et parce qu’ils font face à de plus grandes difficultés quand vient le temps de se trouver un emploi après les études. Cependant, une fois qu’ils ont trouvé un travail, les jeunes hommes en milieu urbain restent en emploi aussi longtemps qu’il y a dix ou vingt ans. Malgré une tendance claire à l’informalisation des emplois chez les jeunes hommes, rien ne permet de conclure à une diminution de la durée du premier emploi rémunéré chez les hommes. Chez les femmes, au contraire, l’augmentation du chômage semble d’avantage lié à une plus grande instabilité du premier emploi rémunéré. Les jeunes femmes entrent dans la vie active au même âge qu’avant, mais elles perdent plus rapidement leur emploi. L’instabilité croissante de l’emploi constatée chez les femmes va dans le même sens que d’autres résultats rapportés ailleurs en Afrique subsaharienne, et elle est probablement due à l’engagement des jeunes femmes dans des activités informelles de services plus vulnérables aux changements économiques.

Ces résultats suggèrent également quelques pistes de recherche en matière d’emploi des jeunes au Burkina Faso dans le contexte de crise économique. Alors que la présente étude a illustré l’informalisation croissante de l’emploi des jeunes au cours des vingt dernières années, il serait utile de recueillir des informations permettant de mieux connaître et de classifier les emplois détenus par les jeunes dans le secteur informel. En quoi les emplois dans les services vers lesquels les jeunes semblent se diriger sont-ils semblables aux autres emplois du secteur informel, notamment en ce qui a trait aux heures travaillées et au revenu généré ? Quelles sont les meilleures stratégies d’emploi développées par les jeunes au sein de l’économie informelle? Si les données rétrospectives sur les salaires et les revenus sont généralement difficiles à obtenir et souvent peu fiables, des informations sur les revenus actuels des jeunes hommes et femmes selon les catégories d’emploi à l’intérieur du secteur informel seraient d’une grande utilité pour identifier les catégories de jeunes travailleurs les plus et les moins vulnérables. Finalement, les différentiels selon le genre révélés par la présente analyse doivent aussi être examinés de plus près. Des données additionnelles concernant les motivations et les facteurs qui sous tendent la perte d’un emploi chez les jeunes femmes seraient particulièrement utiles.

NOTES

1 Cette enquête fait partie d’un projet de recherche plus large initié par le département de démographie de l’université de Montréal en collaboration avec l’Unité d’enseignement et de recherche en démographie (UERD)de l’université de Ouagadougou et le Centre de recherche sur la population et le développement (CERPOD) à Bamako. Pour plus d’information sur l’enquête voir Poirier et al. (2001).

2 Les stages et emplois rémunérés n’ont pas été distingués lors de la collecte des données.

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