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African Population Studies
Union for African Population Studies
ISSN: 0850-5780
Vol. 19, Num. 1, 2004, pp. 59-80

African Population Studies/Etude de la Population Africaine, Vol. 19, No. 1, April 2004, pp. 59-80

Genre et paupérisation à Lomé, l'exemple du logement

Thérèse Locoh1, Fofo Ametepe2

1INED, Paris, France, 2Lomé, Université Paris, France

Code Number: ep04004

RÉSUMÉ

Diverses publications internationales s'accordent à penser que l'on assiste à une paupérisation des femmes, et notamment des femmes chefs de ménage dans les pays en développement. Dans les villes africaines néanmoins, quand on voit la capacité d'initiative des femmes, on peut se demander si ce ne sont pas elles qui résistent mieux aux conditions adverses. Cet article analyse les situations de pauvreté et de paupérisation à partir des changements de logement dans la ville de Lomé. Après avoir examiné les caractéristiques des logements occupés selon le statut (pour les hommes et pour les femmes) dans le ménage on pose la question suivante : Quand un changement de logement se produit, les femmes qui deviennent, à cette occasion, chefs de ménage sont-elles plus sujettes à une paupérisation (mesurée en termes de confort du logement) que les hommes ? Des données d’une enquête biographique auprès d’un échantillon représentatif de 2536 personnes vivant à Lomé sont analysées. Pour chaque personne interrogée, tous les changements de logement ont été enregistrés avec leur date et les caractéristiques de confort du logement, ce qui permet de mesurer les changements d’équipements lors d’un déménagement, selon le sexe et le statut des personnes dans le ménage. Les résultats montrent que les femmes sont globalement défavorisées par rapport aux hommes, lorsqu'elles sont ou deviennent chefs de ménage. Tout d'abord, elles ont un moindre accès à la propriété et, lorsqu'on compare les hommes et les femmes chefs de ménage on constate que celles-ci occupent des logements moins bien équipés que ceux-là. Quand elles changent de logement, à âge égal et génération identique, elles déclarent moins souvent que les hommes une amélioration du logement. Celles qui sont chefs de ménage ou le deviennent lors du dernier déménagement, ont une probabilité significativement plus faible que les hommes d'accéder aux logements les mieux équipés. Lors de la Conférence du Caire (1994) et de la Conférence mondiale sur les femmes à Beijing (1995), un très fort accent a été mis sur le renforcement des actions pour promouvoir l'égalité entre hommes et femmes. Il a été en particulier rappelé que ce sont les femmes qui, plus encore que les hommes, sont directement confrontées à la pauvreté et à des conditions de vie inacceptables. La lutte contre la pauvreté a été désignée comme la première des priorités par la délégation africaine à Beijing. En effet, les femmes sont bien souvent plus durement touchées par la précarité économique et la vulnérabilité sociale, en raison des rapports très inégalitaires qui sont maintenus par les normes en vigueur dans la plupart des sociétés. Par ailleurs, les responsabilités des femmes dans les ménages se sont accrues. En effet, les études socio-démographiques menées récemment dans les pays en développement, et particulièrement en Afrique, ont montré une hausse de la proportion des femmes chefs de ménage ou des femmes qui, sans être déclarées comme chefs de ménage, prennent en charge les ménages (URD-DGSCN, 2002a ; Folbre, 1991 ; Bruce et Dwyer, 1988). L'effondrement de secteurs entiers de l'emploi, à la suite des programmes d'ajustement structurel, a entraîné une fragilisation des structures familiales. Les hommes, traditionnellement considérés comme les responsables économiques d'une famille, sont de plus en plus nombreux à être exclus de leur sphère de production. Certains recourent à la migration, d'autres deviennent des "assistés" dans leur propre ménage. Ces situations accroissent la probabilité des ruptures d'union et, pour les femmes, celle d'avoir à assumer la charge de leur famille et de leurs enfants (Brandon et Llyod, 1991 ; Tichit, 2002). Les rapports internationaux s'accordent à penser que l'on assiste à une paupérisation des femmes, et notamment des femmes chefs de ménage dans les pays en développement. Plusieurs études (Bock, 1992, UNICEF, 1987) ont montré que les femmes étaient les premières à subir les effets néfastes de la crise en raison de leur responsabilité essentielle dans la survie de la famille. Dans les villes africaines néanmoins, quand on voit la capacité d'initiative des femmes, on peut se demander si ce ne sont pas elles qui résistent mieux aux conditions adverses, d'autant plus qu'elles se sentent fortement investies dans la survie de leurs enfants et déploient d'énormes efforts pour les satisfaire. Il est donc important d'analyser les situations respectives des hommes et des femmes avec des indicateurs de pauvreté ou de paupérisation fiables. C'est ce que se propose de faire cet article en ce qui concerne le logement dans une ville d'Afrique de l'Ouest, Lomé au Togo.

1. Cadre théorique

1.1 Les situations de crise économique remettent en question les responsabilités des hommes et des femmes dans les ménages

Dans la théorie microéconomique dominante, le ménage est constitué dans le but d’assumer l’autosuffisance de ses membres, l’homme en étant considéré comme le chef (Becker, 1991 ; Schultz, 1974). Dans la réalité ce n’est pas toujours le cas, surtout en Afrique où on observe des ménages complexes avec plusieurs générations qui ont certaines caractéristiques en commun. Des études récentes ont montré l’apparition d’une certaine division du pouvoir et des responsabilités selon le sexe au sein des ménages par rapport à la distribution du travail et des ressources.

Femmes et hommes ne sont pas affectés de la même manière par la crise, d’autant plus qu’il existe une différenciation nette, selon le sexe, des secteurs d'activités de production. En effet, dans le domaine de l’activité, les hommes semblent avoir particulièrement souffert de la conjoncture de crise en Afrique, en raison de la structure de leurs activités productives, spécialement en milieu urbain. Dans les villes, les plans d'ajustement structurel ont d'abord touché l'emploi formel, et comme les femmes en sont le plus souvent exclues, il leur a bien fallu trouver d'autres sources de revenus. Elles se sont donc engagées dans le secteur informel qui, lui, n'a subi que plus tardivement les contre-coups des mesures d'ajustement et de l'effondrement du secteur moderne des économies (Locoh, 1996). Certes les femmes sont durement affectées par la crise durable des économies mais elles ne sont pas passives et il faut aussi reconnaître leur formidable énergie qui a permis à beaucoup d'entre elles, à partir d'activités les plus souvent informelles, de soutenir leurs ménages. De plus en plus, les femmes sont amenées à jouer un rôle économique important et contribuent aux revenus du ménage, bien au-delà du simple apport complémentaire aux petites dépenses quotidiennes (Chaléard, 1994), ce qui pourrait instaurer des rapports plus équitables entre elles et les hommes.

L’idée selon laquelle le pouvoir économique est uniquement dévolu aux hommes, du fait qu'ils sont les "gagne pain" de leur famille, est ainsi remise en question et les rôles sexués qui confèrent à l'homme un statut d'autorité vis-à-vis de la femme sont ainsi sourdement remis en question. Par ailleurs l'accroissement des migrations internes et internationales augmente les risques de séparation des couples, voire de rupture des unions. En Afrique s'ajoute à ces facteurs le rôle de la polygamie "sans corésidence" qui devient courante dans les grandes villes (Locoh, 1994) et augmente la proportion des femmes chefs de ménage de fait.

1.2 L'activité féminine reste sous-estimée

La participation des femmes africaines à l’économie reste en grande partie invisible dans les statistiques des comptabilités nationales parce qu'elle concerne majoritairement des activités du secteur informel dont les contours sont mal définis et donc mal représentés dans les statistiques nationales (Pnud, 1994 ; Honig, 1998). L'identification de la production de richesses à la seule économie marchande a empêché la valorisation de la contribution non monétaire, en particulier celle des femmes, à la production et à la reproduction sociale. En 1998, la FAO estimait la contribution des femmes au travail agricole à hauteur de 30 à 80% (Yepez et al., 2000), selon les pays observés. La détérioration des économies africaines a conduit à s'intéresser plus aux activités productives des femmes, à en vanter le dynamisme et à multiplier les activités de "micro-crédits" leur permettant de développer des activités de subsistance. On peut d'ailleurs se demander si ce n'est pas plus la visibilité de la production féminine que la réalité de leur activité qui s'est accrue. À cause de la plongée des économies du secteur moderne, les planificateurs et leurs conseillers des organisations internationales en sont venus à valoriser le rôle majeur des femmes dans la production, notamment agricole, sans d'ailleurs changer radicalement les moyens qu'ils leur donnent pour ce faire. Lorsqu'il correspond seulement à des contraintes de survie, le travail augmente les charges des femmes sans toujours leur conférer une amélioration de leur statut. Toutefois lorsqu'il est un choix de vie correspondant à un désir d’autonomie, il conduit alors à une amélioration effective du statut des femmes (Palmer, 1991).

Les femmes réussissent très bien dans de multiples activités du secteur informel dont elles arrivent à contrôler toutes les étapes. C’est le cas des fameuses Nanas Benz du Togo, des vendeuses d’Atiéké de Côte d’ivoire. Ces activités, notamment la transformation des produits alimentaires, ont été moins touchées par la crise que les activités menées par les hommes et sont ainsi moins sensibles à la réduction du pouvoir d’achat des individus. Dans les villes, les espoirs de revenu des familles se portent souvent sur le petit commerce des femmes et le travail des enfants. Ces changements pourraient entraîner de profondes transformations socio-économiques et culturelles. Thérèse Locoh (1996) parle de "révolution silencieuse" pour désigner le changement des rôles sexués socialement construits. Comme elle, d'autres auteurs analysent ces changements dans un contexte de crise socio-économique qui ont entraîné la perte d'emploi par les hommes et par voie de conséquence la réduction de leur revenu. C'est en réaction à cette crise que certaines femmes ont étendu leur activité à la sphère commerciale et que d'autres, ayant une qualification professionnelle, cherchent à entrer sur le marché de l'emploi dans le but d'améliorer le revenu individuel et contribuer à la prise en charge du ménage.

2. Problématique

Au Togo, les femmes ont depuis toujours des activités productives, mais leur contribution aux ressources du ménage était souvent occultée pour préserver la fiction de l'homme, principal pourvoyeur des revenus et donc chef du ménage. La question de la remise en cause des statuts masculins et féminins demande donc des recherches multidisciplinaires dans de multiples domaines (Sow, 2001). On manque d'indicateurs fiables pour évaluer cette évolution et ses déterminants. Cet article s'attache à la question sur la relation entre accès des femmes à la direction d'un ménage et pauvreté par le biais de l'accès au logement. Après avoir examiné les caractéristiques des logements occupés selon le statut masculin et féminin dans le ménage, nous tenterons de répondre à la question suivante : quand un changement de logement se produit, les femmes qui deviennent, à cette occasion, chefs de ménage sont-elles plus sujettes à une paupérisation (mesurée en termes de confort du logement) que les hommes ou que les autres femmes qui, tout en changeant de logement, restent "membres d'un ménage" ?

Nous disposons pour ce faire d'une enquête représentative de la ville de Lomé, qui porte sur l’espace de vie familial, les réseaux sociaux et l’insertion urbaine des migrants. Intitulée “ Insertion urbaine dans la ville de Lomé ” (Etomu). C’est une enquête biographique qui porte sur un échantillon de 2536 individus regroupés, pour une partie des analyses, en trois groupes de générations (20-34 ans, 35-44 ans et 45-59 ans). Pour chaque personne interrogée, tous les changements de logement ont été enregistrés avec leur date, les caractéristiques de confort du logement (source d’eau, type de lieu d’aisance, source d’éclairage, etc.) et le statut de l'enquêté dans le logement. Il est ainsi possible de s'intéresser aux transitions d'un logement à un autre et de lier les modifications de statut de l'enquêté dans le logement aux modifications intervenues dans le confort du logement au moment du déménagement.

3. Contexte socio-économique du Togo en 2000

Le Togo qui connaît depuis deux décennies une forte récession due aux programmes d’ajustement structurel et à l'incurie politique de ses dirigeants, a, de plus, été frappé de plein fouet par la dévaluation du FCFA en 1994. Les principaux secteurs d’emploi sont les activités administratives, portuaires et de services, et le secteur informel dont le commerce en particulier. Le pays est mis à l'index par la communauté internationale à cause d’une transition démocratique tumultueuse contrariée par l'obstruction du pouvoir en place et s’est vu couper toutes les aides internationales, à l'exception du secteur humanitaire. Sous-emploi, chômage et exclusion du monde du travail sont devenus de graves problèmes de la population, particulièrement dans les villes qui vivaient plus directement du secteur moderne. À Lomé où des progrès avaient ouvert des opportunités de développement (création d'emplois du secteur moderne, scolarisation accrue, début d'infrastructures sanitaires), la paupérisation est manifeste dans la plupart des catégories de population. Malgré le dynamisme du petit commerce et des entreprises artisanales, la destruction des emplois et les salaires impayés des fonctionnaires ont progressivement atteint tout le tissu économique de la ville. La baisse des revenus, la détérioration des termes de l’échange et de la balance des paiements tout comme le poids de la dette et les crises politiques ont réduit le pouvoir d’achat des familles togolaises au point que certaines d’entre elles ne peuvent plus satisfaire leurs besoins de base. En l'an 2000, 68 % des personnes interrogées au cours de l’enquête sur la famille ont affirmé connaître une dégradation de leur alimentation, et 69 % une dégradation de leur accès aux soins de santé (URD-DGSCN, 2002b).

De plus en plus, les femmes apportent de manière évidente leur soutien au ménage et dans certains cas, elles deviennent les seules responsables économiques des familles, lorsque les hommes sont réduits au chômage. Du fait de la très forte séparation des revenus qui domine l'organisation domestique, les femmes, même lorsqu'elles sont en union et résident avec leur conjoint, ne peuvent compter que sur une faible participation de leur mari aux charges du ménage et, si celui-ci n'a plus de source de revenu, c'est à elles qu'il revient de se "débrouiller" pour nourrir la famille. Compte tenu des différences dans la structure des activités productives des hommes et des femmes à Lomé, on peut supposer que l'appauvrissement général prend des formes différentes pour les uns et les autres, qu'il importe de connaître pour mettre au point des politiques sociales. Quels sont les effets de cette crise majeure sur l'appauvrissement des ménages ? Sont-ils plus visibles pour les femmes que pour les hommes ? Qu'en est-il des femmes, nombreuses à Lomé qui sont chefs de ménage ?

Bien que la contribution des femmes soit reconnue, l’autorité familiale reste d’abord masculine. Le volet qualitatif d'une très intéressante étude sur la famille au Togo en 2000 réaffirme le rôle traditionnel de chef de ménage de l’homme dans des discussions de groupes, mais en même temps considère qu'il y a "amélioration" du statut de la femme, du fait qu’elle contribue de plus en plus économiquement à la prise en charge des besoins du ménage, pour pallier la précarité ou l’insuffisance des revenus de l’homme. On peut se demander si participer davantage aux ressources du ménage suffit à améliorer le statut des femmes. Si rien d'autre ne changeait, cela pourrait seulement être une sujétion supplémentaire. Mais les auteurs de l'enquête récente sur la famille estiment que : "la contribution économique de la femme est si évidente qu’elle semble émerger comme un nouveau rôle qui risque de bouleverser l’ordre établi selon lequel l’homme est le principal pourvoyeur des besoins du ménage "(URD-DSCN, 2002a).

4. Des hommes, des femmes et des logements à Lomé, en 2000

4.1 Le statut d'occupation des logements

Le tableau 1 permet une première analyse des différences entre hommes et femmes, selon les groupes de générations et pour des âges identiques à l'entrée dans le logement. Il montre tout d'abord que ce sont surtout les hommes qui ont accès à la propriété1. Néanmoins, on trouve quelques propriétaires parmi les femmes des deux groupes de générations les plus âgées, lorsqu'elles ont 35 ans. Il y a même 5 % des femmes de 40 ans ou plus qui se déclarent propriétaires, dans la génération la plus ancienne, contre 37 % des hommes (1940-54, non montré dans ce tableau, voir URD-DGSN, 2002b). Les femmes peuvent vivre dans un logement dont leur mari est propriétaire (20 % des cas pour celles qui sont nées avant 1965 et 10 % des plus jeunes, à 30 ans), 27 et 23 % à 35 ans dans les deux premiers groupes de générations. La copropriété avec un membre de la famille représente la situation d'environ 10 % des hommes et 6 % des femmes à 30 ans. Elle croît à 35 ans (13 % et 19 % pour les deux générations les plus anciennes chez les hommes et 8 % chez les deux générations féminines observables). Mais la copropriété par deux conjoints est l'exception, sans amélioration sensible des générations les plus âgées aux plus jeunes. La modernité supposée de Lomé ne va pas jusqu'à changer la traditionnelle barrière à la propriété des biens par les femmes qui s'ajoute à la séparation des biens dans le mariage (selon la coutume comme selon le nouveau code de la famille). À plus forte raison ne trouve –t-on pas d'homme qui déclare résider dans un logement dont son épouse serait propriétaire ?

Tableau 1 : Statut d'occupation des logements selon le groupe de générations et l'âge à l'entrée dans le logement, Hommes et femmes, Lomé

Statut

Générations

d'occupation

à 30 ans

à 35 ans

du logement

Hommes

Femmes

Hommes

Femmes

1940- 54

1955-64

1965-74

1940-54

1955-64

1965-74

1940-54

1955-64

1940-54

1955-64

Propriétaire

21

6

2

3

-

1

27

9

4

2

Conjoint du propriétaire

-

1

-

20

20

10

1

1

27

23

Copropriété avec conjoint

-

1

1

2

2

3

3

1

2

2

Copropriété avec autre membre de la famille

11

14

8

7

6

6

13

19

8

9

Locataire

25

22

24

28

32

38

27

30

30

34

Hébergé

42

57

65

40

40

42

29

40

29

30

100

100

100

100

100

100

100

100

100

100

Source : Enquête sur la Famille, les Migrations et l'Urbanisation, URD-DGSN, 2002b

Les statuts les plus communs sont ceux de locataire ou d'hébergé. Pour les hommes l'hébergement est devenu de plus en plus courant, à âge égal, quand on va des générations les plus âgées aux plus jeunes, signe d'un accès de plus en plus difficile à l'autonomie résidentielle. Dans les générations 1965-1974, à 30 ans, deux tiers des hommes sont encore des hébergés et à 35 ans 40 %. Pour les femmes, on n'observe pas le même accroissement, les proportions d'hébergées (soit seules soit avec un conjoint, lui-même hébergé) restent assez constantes au fil des générations (environ 40 % à 30 ans et 30 % à 35 ans). Entre 20 et 30 % résident dans un logement dont leur conjoint est propriétaire.

4.2 L'équipement des logements à Lomé

Comment se présente le parc des logements de Lomé en 2000 ? Les enquêtés ont indiqué les éléments de confort de leurs logements successifs. Leurs réponses sur leur logement lors de l'enquête permet de se faire une première idée de ce parc de logements. Le confort en est apprécié ici par trois éléments essentiels, l'existence de l'électricité, de l'eau courante et d'une fosse septique dans le logement. Seuls 15 % des logements des enquêtés disposent de ces trois équipements et plus d'un tiers (38 %) en sont totalement dépourvus. (tableau 2).

Tableau 2 : Éléments de confort des logements selon le statut des enquêtés de 20 ans et plus dans le ménage, Lomé, 2000

Equipement des logements en 2000

 

Hommes Femmes Ensemble des individus

 

Chefs de ménage

Membres du ménage Chefs de ménage

 

Membres du ménage

Possède l'électricité

51,2

66,3

46,3

53,2

52,7

Dispose de l'eau courante

16,2

24,8

14,7

21,1

18,6

Équipé d'une fosse septique

36,7

43,0

33,5

39,6

37,9

Dispose des trois équipements

12,1

20,4

10,2

16,5

14,2

Ne dispose d'aucun équipement

39

27,7

44,5

36,7

37,9

Effectifs

1012

211

449

864

2536

Source : Enquête sur la Famille, les Migrations et l'Urbanisation, URD-DGSN, 2002b

Globalement les "membres du ménage" vivent en moyenne dans des ménages mieux équipés que ceux et celles qui sont chefs de ménage (différences significatives au seuil de 0,001). Ainsi, 20 % des hommes et 16 % des femmes hébergés dans un ménage dont ils ne sont pas le responsable habitent un logement disposant à la fois de l'électricité, de l'eau et d'une fosse septique. C'est le cas seulement de 12 % des hommes et 10 % des femmes lorsqu'ils sont chefs de ménage. Ceci traduit le fait que les ménages qui hébergent des adultes sont une sélection par le haut des ménages. Les plus mal équipés hébergent plus rarement, et parmi les chefs de ménage se trouvent des personnes vivant seules qui résident souvent dans des logements précaires, dépourvus de tout confort. Autre constatation, à statut égal, les femmes sont plus mal loties que les hommes. Les femmes chefs de ménage ont des logements sans aucun élément de confort dans près de 45 % des cas et les hommes seulement dans 39 % des cas (significatif au seuil de 5 %). Dans les logements dont une femme est responsable, il y a plus souvent un seul revenu, ce qui peut expliquer la situation moins favorable que pour les hommes.

5. Changer de logement et devenir chef de ménage : paupérisation ou promotion ?

Pour traiter de la question de la paupérisation éventuelle au cours du temps des hommes et des femmes, notre unité d'observation sera le déménagement d'un logement à un autre et les caractéristiques comparées des logements avant et après un déménagement. Des individus qui n'auraient jamais changé de logement au cours de leur vie ne sont donc pas pris en compte dans ce type d'analyse.

Changer de logement peut être un événement lié au cycle de vie : intégrer un ménage qui vous héberge pour faire des études quand on est jeune, se marier ou contracter une union informelle, prendre un logement plus spacieux à l'occasion d'une naissance, se séparer d'un conjoint, etc. Mais cela peut aussi, sans changement de condition matrimoniale ou familiale, correspondre à un changement de situation économique. On peut faire construire sa maison et l'occuper, louer un logement parce que l'hébergement familial n'est plus possible, voire déménager (parfois à l'insu du propriétaire) d'un logement dont on ne peut plus payer le loyer, pour un autre plus modeste ou plus éloigné de la ville. À Lomé, les mutations d'un logement à un autre sont fréquentes. Au moment de l'enquête, les 2536 individus enquêtés avaient déclaré en moyenne 4,4 changements de logements (tableau 3), avec une moyenne identique pour les hommes et les femmes et plus élevée dans les générations les plus âgées, comme on pouvait s'y attendre. Le nombre moyen de mutations de logement dans les trois générations à l'âge de 30 ans (âge le plus élevé pour lequel on peut observer les trois groupes de générations) atteste d'une stabilité des moyennes, autour de 3,5 changements de logement. Seules les femmes des générations les plus jeunes ont une moyenne un peu plus élevée que les hommes (4,1), résultat qui mériterait d'autres analyses.

Tableau 3 : Nombre moyen de changements de logements des enquêtés selon le groupe de générations et le sexe, Lomé 2000

 
Hommes
Femmes
 
moyenne
effectifs
moyenne
effectifs
Nombre moyen de changements de logement

Générations1940-54

5,5

338

5,1

364

Générations G1955-64

4,6

430

4,4

450

Générations G1965-74

3,6

455

3,8

499

Nombre moyen de changements de logement à 30 ans

Générations1940-54

3,7

338

3,5

364

Générations G1955-64

3,6

430

3,5

450

Générations G1965-74

3,5

455

4,1

499

Ensemble

4,5

1223

4,4

1313

Source : Enquête sur la Famille, les Migrations et l'Urbanisation, URD-DGSCN, 2002b

Pour mieux cerner la question d'une éventuelle paupérisation des femmes lorsqu'elles deviennent chefs de ménage, nous avons comparé les situations des femmes et des hommes qui acquièrent cette position à l'occasion du changement de logement. Cette mutation a été observée 2680 fois pour des hommes et 938 fois pour des femmes. Le tableau 4 permet de comparer les éléments de confort du logement quitté à ceux du logement dans lequel on s'installe, en distinguant hommes et femmes qui deviennent chefs de ménage. Aux fins de comparaison, nous avons également indiqué les changements de logements déclarés par des femmes qui restaient membres d'un ménage.

Pour les hommes, devenir chef de ménage d'un nouveau logement correspond à une relative amélioration des éléments de confort. L'électricité est plus souvent présente (47 % avant changement, 51 % après) avec une différence significative au seuil de 5 %, et le type de sanitaire est plus salubre (24 % des logements quittés n'avaient pas de sanitaires et seulement 15 % des logements après déménagement). Par contre ni l'approvisionnement en eau ni le standing du logement ne semblent être modifiés par un déménagement.

Pour les femmes, l'accès à un logement et au statut de chef de ménage est plutôt associé à une légère dégradation du confort : électricité et eau courante sont moins souvent disponibles. La proportion de logements quelque peu spacieux, trois pièces ou plus, était plus élevée (21 %) dans les logements quittés que dans les nouveaux logements (16 %). Néanmoins le type de sanitaire est pour elles aussi plus salubre après le déménagement (22 % des logements étaient dépourvus de sanitaires avant déménagement et 13 % seulement après). L'amélioration des sanitaires peut correspondre à une amélioration progressive des équipements à Lomé, notamment à la disparition des tinettes dans les années 1970.

A une question subjective sur l'amélioration de leurs conditions d'habitat, les "nouveaux" chefs de ménage ont des avis différents selon le sexe. Les femmes devenues chefs de ménage sont plus nombreuses à déclarer que leur nouveau logement est d'un standing inférieur au précédent (31 % et seulement 25 % des hommes).

Tableau 4 : Caractéristiques des logements avant et après le changement de logement, hommes et femmes devenus chefs de ménage, femmes restées membres d'un ménage. Lomé, 1975-20002.

Hommes devenus chefs de ménage

Femmes devenues chefs de ménage

Femmes restées membres d'un ménage

Logement précédent

Nouveau logement

Logement précédent

Nouveau logement

(1)

(2)

(3)

(4)

(5)

Type de logement*

Logement traditionnel

15,0

6,0

12,8

6,0

13,0

Entrée- coucher

41,7

48,7

28,8

47,2

23,3

Chambre et salon

25,7

26,8

33,9

28,1

36,7

2 Chambres et salon

8,0

10,2

14,6

12,2

18,5

Villa

5,3

4,9

6,6

4,2

6,0

A l'électricité dans la maison

47,2

51,1

52,7

49,9

51,6

Approvisionnement en eau dans la maison

au courante

22,5

21,2

23,7

18,9

16,7

Puits

41,3

44,5

43,3

46,3

57,1

Citerne

1,5

0,9

1,0

0,7

0,4

Pas d’eau sans la maison

34,6

33,2

31,7

34,1

25,8

Type de sanitaire dans la maison

Fosse septique

23,0

30,5

26,6

29,7

28,2

Fosse étanche

46,2

49,2

46,3

51,3

48,1

Latrines couvertes

5,9

4,8

4,6

5,6

4,3

Sans sanitaire

21,0

13,7

17,6

11,0

16,9

Tinette

3,5

1,5

4,7

2,4

2,5

Amélioration du logement par rapport au précédent

Nettement amélioré

24,8

21,5

28,4

Légèrement amélioré

22,5

22,2

21,3

Identique

27,1

25,4

26,2

Légèrement dégradé

14,6

18,4

14,8

Nettement dégradé

10,8

12,6

9,2

Effectif

2607

892

1451

Source : Enquête sur la Famille, les Migrations et l'Urbanisation à Lomé, URD-DGSCN, 2002b
* Le logement traditionnel correspond à une habitation en banco, les "entrées- coucher" sont un mode courant d'habitat modeste à Lomé, comprenant une seule pièce qui sert à la fois de séjour et de "dortoir". Les douches et toilettes sont dans la plupart des cas collectives.

6. Devenir femme chef de ménage ou rester membre d'un ménage ?

La dernière colonne du tableau 4 permet également de comparer la situation des femmes qui, à l'occasion d'un déménagement, deviennent chefs de ménage et celles qui restent membres d'un ménage, épouses, sœurs, mères ou filles, autres hébergées dans un ménage (voir colonnes 4 et 5 du tableau 4). Quand elles déménagent et deviennent chefs de ménage, les femmes considèrent que leur nouveau logement est plutôt moins bien équipé que le précédent dans 31 % des cas, ce que déclarent seulement 24 % des femmes qui ont déménagé sans devenir responsables d'un ménage. Ces dernières résident dans des logements plus spacieux et avec un accès à l'eau plus fréquent. Cela n'a rien d'étonnant puisque dans ce groupe se trouvent toutes les femmes en union résidant avec un conjoint, donc appartenant à un ménage où il y a assez souvent deux personnes économiquement actives.

Cette rapide comparaison laisse supposer que les femmes qui changent de logement et deviennent chefs de ménage ont quelque mal à maintenir leur niveau de confort, sauf pour les sanitaires. Mais cette première approche traduit des moyennes et les situations doivent être observées selon l'âge et les groupes de générations considérés. C'est ce que montrent le tableau 5 et la figure 1.

Tableau 5 : Proportion (%) des enquêtés, hommes et femmes, qui déclarent une amélioration de leur logement lors d'un déménagement à 30 ans et 35 ans, par groupe de générations.

Hommes
Femmes
Ensemble
Chefs de ménage
Ensemble
Chefs de ménage
 

30 ans

35 ans

30 ans

35 ans

30 ans

35 ans

30 ans

35 ans

Considèrent que le nouveau logement est plus confortable que l'ancien

Générations 1940-54

47

37

49

40

36

35

32

30

Générations G1955-64

37

32

41

38

33

30

26

28

Générations G1965-74

33

-

34

-

31

-

13

-

Source : Enquête sur la Famille, les Migrations et l'Urbanisation, URD-DGSCN, 2002b

D'après les opinions des enquêtés, dans chaque groupe de générations, sur les effets du déménagement, à âge égal au changement, on constate que les changements de logement conduisent moins souvent dans les jeunes générations à une amélioration du confort, et ceci est plus net pour les femmes que pour les hommes et encore plus si on compare seulement les réponses des enquêtés qui sont chefs de ménage du nouveau logement, à 30 ans (figure 1 et tableau 5). Il semble donc, si l'on s'en tient aux appréciations des enquêtés, que changer de logement n'est synonyme d'amélioration ou de stabilité des éléments de confort que dans une minorité des cas, et de moins en moins, à âge égal, des générations les plus anciennes aux plus jeunes.

7. Quelle relation entre genre et paupérisation ?

Les femmes sont-elles plus sujettes à la détérioration de leurs conditions de vie lors d'un changement de logement, notamment lorsqu'elles deviennent chefs de ménage ? Les réponses que nous avons présentées sur l'amélioration ressentie par les enquêtés reflètent des opinions qui ne reflètent qu'imparfaitement des données strictement objectives. Nous avions besoin de construire des modèles de probabilité sur des variables objectives, caractérisant l'équipement des logements. Mais les variables continues (non présentées ici) que nous avons tenté de construire pour résumer en un chiffre le niveau de confort des logements (voir Ametepe, 2003) n'ont pas permis de mettre en évidence des interactions significatives avec des variables explicatives, sans doute parce que les équipements des logements ne se laissent pas réduire à une valeur numérique moyenne.

Nous avons d’abord choisi d’utiliser des régressions logistiques sur deux variables, d'une part le fait pour un logement de ne disposer d'aucun des trois équipements essentiels, eau, électricité et fosse septique (nous les appellerons logements "sans confort"), d'autre part le fait de disposer de ces trois équipements à la fois (nous les désignerons comme logements "confortables") (voir tableaux 6.a et 6.b). Puis nous avons utilisé le modèle de régression logistique multinomiale parce qu’il permet d'évaluer les caractéristiques aptes à affecter de manière indépendante, le changement d'un logement vers un logement non équipé ou disposant des trois équipements considérés (eau, sanitaire, électricité) en comparaison avec le groupe de référence résidant dans des logements moyennement équipés (Tableaux 7.a et 7.b). Ces deux approches sont présentées ci-dessous.

Tableau 6a : Résultats de la régression logistique sur le confort des logements (aucun confort)

Logements sans confort

Ensemble (6.a1)

Femmes (6.a2)

Hommes (6.a3)

Situation matrimoniale

En union ®

Célibataire

0,7308

0,6692

0,8186

Hors union

1,2367

1,2560

1,6177

Age au changement du logement

30-34 ans ®

35-39 ans

0,8851

0,8880

0,8670

40-59 ans

0,7144*

0,8475

0,6116*

Sexe

Homme ®

Femme

0,6884*

Niveau d’instruction

Non scolarisé ®

Primaire

0,6346**

0,3989***

1,9377*

Collège

0,3509***

0,24448***

0,9333

Lycée

0,1142***

0,0532***

0,3032***

Activité

Actif dans l’informel ®

Actif dans le secteur moderne

0,6920*

0,6561

0,7302

Inactif

1,0043

0,6892

1,5418

Statut familial

Resté membre de ménage ®

Passé de membre de ménage à chef de ménage

1,2168

1,0530

3,0928*

Passé de chef de ménage à membre de ménage

1,1308

1,2190

2,1757

Resté(e) chef de ménage

1,4759*

1,301

3,4846*

Période traversée

P1980_85 ®

P1985_90

1,2317

1,3351

1,1075

P1990_95

1,2929

1,1653

1,3801

P1995_2000

1,5082*

1,6307

1,5349

Nombre de changements de logements concernés

1651

778

873

Chi deux

278,98

120,0

123,65

-Log vraisemblance

638,50

453,79

509,02

Probabilité

0,0000

0,0000

0,0000

Tableau 6b : Résultats de la régression logistique sur le confort des logements (possession des trois éléments de confort)

Logements confortables

Ensemble (6.b1)

Femmes (6.b2)

Hommes (6.b3)

Situation matrimoniale

En union ®

Célibataire

1,5555*

2,2837*

1,51

Hors union

0,9542

1,2430

0,5261

Age au changement du logement

30-34 ans ®

35-39 ans

1,5825**

1,6519*

1,5510

40-59 ans

2,2147***

1,7284*

2,9716***

Sexe

Homme ®

Femme

1,6746*

Niveau d’instruction

Non scolarisé ®

Primaire

2,0163*

1,9401*

2,3751

Collège

4,3990***

4,1209***

6,2496*

Lycée

16,1629***

12,8561***

27,3818***

Activité

Actif dans l’informel ®

Actif dans le moderne

1,6563**

1,7744

1,3284

Inactif

1,0286

1,0681

0,8336

Statut familial

Resté membre de ménage ®

Passé de membre de ménage à chef de ménage

0,3355***

0,3477**

0,6475

Passé de chef de ménage à membre de ménage

1,4359

1,4993

2,4213

Resté(e) chef de ménage

0,4833**

0,3160***

1,0957

Période traversée

P1980_85 ®

P1985_90

0,9073

1,0481

0,8803

P1990_95

0,6726

1,1409

0,4697*

P1995_2000

0,5142**

0,8796

0,3193***

Nombre de changements de logements concernés

1651

778

873

Chi deux

278,98

126,88

170,21

-Log vraisemblance

638,50

304,75

324,68

Probabilité

0,0000

0,0000

0,0000

Nous avons limité les modèles aux changements de logement et aux caractéristiques des logements d'arrivée lors d'une mutation. Les caractéristiques des personnes qui changent de logement sont prises à la date du changement de logement. De plus nous avons limité l'observation aux changements de logements qui se produisent pour des personnes ayant 30 ans ou plus, pour centrer l'analyse sur les changements qui concernent des adultes plus que les jeunes souvent encore dépendants des parents.

Tableau 7a : Résultats de la régression logistique multinomiale sur le confort des logements (possession des trois éléments de confort) Ensemble des ménages

Confort de logement

Ensemble (7.a1)

Pas équipé

Bien équipé

Situation matrimoniale

En union ®

Célibataire

0,94(0,65-1,25)

1,04(0,68-1,56)

Hors union

1,14(0,79-1,63)

1,29(0,77-2,16)

Age au changement du logement

30-34 ans ®

35-39 ans

1,05(0,81-1,36)

1,14(0,82-1,57)

40-59 ans

0,90(0,68-1,20)

1,39(0,98-1,98)

Sexe

Homme ®

Femme

0,97(0,77-1,23)

0,54(0,39-0,73)***

Niveau d’instruction

Non scolarisé ®

Primaire

0,77(0,58-1,02)

0,66(0,49-1,02)

Collège

0,47(0,34-0,65)***

1,17(0,77-1,77)

Lycée

0,23(0,14-0,35)***

3,60(2,26-5,72)***

Activité

Actif dans l’informel ®

Actif dans le secteur moderne

0,74(0,54-1,00)*

1,50(1,04-2,15)**

Inactif

1,03(0,77-1,40)

0,81(0,51-1,22)

Statut familial

Resté membre de ménage ®

Passé de membre de ménage à chef de ménage

1,18(0,54-1,66)

0,17(0,10-0,29)***

Passé de chef de ménage à membre de ménage

1,44(0,81-2,58)

1,10(0,59-2,06)

Resté(e) chef de ménage

1,62(1,21-2,17)***

0,22(0,14-0,33)***

Période traversée

P1985 ®

P1990

1,07(0,78-1,45)

0,89(0,62-1,30)

P1994

1,11(0,79-1,57)

0,74(0,48-1,14)

P1998

1,06(0,82-1,38)

0,62(0,45-0,88)**

Nombre de changements de logements concernés

1720

Chi deux

532,22

-Log vraisemblance

1621,55

Probabilité

0,0000

7.1 Modèle de régression logistique binomiale

Nous présentons ici deux séries de modèles, construits pour l'ensemble des répondants concernés, puis séparément pour les hommes et pour les femmes (tableaux 6.a et 6.b). Ils donnent les régressions sur les deux variables dichotomisées. La première oppose les logements ne disposant d'aucun confort et les autres équipés d'un, deux ou trois des équipements retenus (modèles 6.a1, 6.a2, 6.a3), la seconde oppose les logements équipés à la fois d'eau, d'électricité et de fosse septique à ceux qui sont dans une situation différente, moins favorable (6.b1,6.b2, 6.b3).

Le premier comme le second modèle montrent que le niveau d'instruction diminue fortement la probabilité, toutes choses égales par ailleurs, et même après contrôle de l'activité professionnelle, d'occuper un logement sans confort et augmente très significativement la probabilité d'être dans un logement doté du confort moderne. C'est vrai pour les hommes comme pour les femmes. L'âge au moment où se produit le déménagement a un effet plus significatif pour les hommes que pour les femmes. Plus les hommes sont âgés, plus leur probabilité d'aller vers un logement "confortable" est élevée (modèle 6.b3). Pour les femmes cet effet est aussi perceptible mais moins significatif (modèle 6.b2).

Les deux modèles prenant en compte l'ensemble des enquêtés sont convergents. Devenir chef de ménage augmente la probabilité d'avoir un logement sans confort et, parallèlement diminue fortement la probabilité d'accéder à un logement confortable, par rapport aux individus qui sont restés membres d'un ménage. Les femmes ont une probabilité (significative au seuil de 5 %) moins élevée que les hommes d'avoir des logements sans confort (modèle 6.a1) et une probabilité plus élevée d'occuper un logement doté des trois équipements de confort (modèle 6.b1). Cela s'explique par le fait que les changements de logement des femmes se font en majorité en couple, c'est à dire pour un ménage où il peut y avoir deux revenus.

Par contre, quand on prend en considération à la fois le changement de logement et le changement de statut dans le ménage, pour chaque sexe séparément, on voit apparaître des probabilités différentes d'accès à des logements "confortables" entre femmes qui deviennent chefs de ménage ou le restent lors d'un déménagement et les autres. Les premières ont 70 % moins de chance d'accéder à un tel logement que les secondes (modèle 6.b2). Pourtant il n'y a pas de risque significativement différent pour les unes et les autres d'être dans un logement sans confort (modèle 6.a2). Dans les logements les plus précaires, qui sont le lot d'une majorité des ménages, on trouve des femmes devenues chefs de ménage comme des femmes qui sont membres d'un autre ménage. Mais en revanche, la probabilité d'accéder à la catégorie des logements bien équipés est plus faible pour les femmes chefs de ménage que pour les autres femmes.

Du côté des hommes, les probabilités d'avoir un logement confortable ne sont pas significativement différentes selon le statut dans le ménage mais par contre, à l'opposé, être ou devenir chef de ménage multiplie par trois, pour les hommes, la probabilité d'aller dans un logement sans confort (modèle 6.a3), ce qui traduit bien les difficultés actuelles des hommes à assurer leur rôle de gagne-pain (breadwinners) de leur ménage.

Enfin, il y a un effet significatif de la période où se produit le changement. Plus elle est récente, plus la probabilité d'accéder à un logement confortable diminue (modèles 6.a1 et 6.b1). Cette relation est fortement significative dans le sous-modèle qui concerne exclusivement les hommes (modèle 6.b3) mais pas dans le sous-modèle des femmes (modèle 6.b2).

7.2 Modèle de régression logistique multinomiale

Dans le modèle logistique multinomial, ce n'est pas la présence d'une seule caractéristique dont on mesure les probabilités d’occurrence mais l'alternative entre plusieurs caractéristiques. Il faut non seulement raisonner avec plusieurs variables explicatives mais il faut aussi rajouter une dimension supplémentaire, la variable dépendante étant scindée en plusieurs catégories. Dans notre modèle, les logements semi-équipés (un ou deux éléments de confort) servent de valeur de référence.

On dira par exemple, d’après les résultats du modèle 7.a, que les individus ayant atteint le niveau lycée ou plus présentent, toutes choses égales par ailleurs, une probabilité deux fois plus faible que les non scolarisés de résider dans des logements non équipés plutôt que dans des logements de type semi-équipé (référence). Le niveau d'instruction (surtout pour ceux qui ont atteint le niveau secondaire) diminue fortement la probabilité, toutes choses égales par ailleurs et même après contrôle de l'activité professionnelle, d'occuper un logement dépourvu de tous équipements et augmente très significativement la probabilité d'être dans un logement doté du confort moderne3. C'est vrai pour les hommes comme pour les femmes.

Tableau 7b : Résultats de la régression logistique multinomiale sur le confort des logements (possession des trois éléments de confort), selon le sexe

Confort de logement

Femmes (7.a2)

Hommes (7.a3)

Situation matrimoniale

Pas équipé

Bien équipé

Pas équipé

Bien équipé

En union ®

Célibataire

1,16(0,60-2,26)

1,47(0,76-2,83)

0,73(0,46-1,14)

0,79(0,44-1,38)

Hors union

1,38(0,59-2,14)

1,30(0,70-2,36)

1,34(0,63-2,88)

0,53(0,16-1,75)

Age au changement du logement

30-34 ans ®

35-39 ans

1,18(0,80-1,75)

1,05(0,66-1,67)

0,92(0,65-1,32)

1,13(0,72-1,78)

40-59 ans

1,19(0,80-1,77)

1,06(0,65-1,74)

0,72(0,48-1,07)

1,59(0,97-2,61)

Niveau d’instruction

Non scolarisé ®

Primaire

0,48(0,34-0,69)***

0,51(0,31-0,82)**

1,55(0,92-2,59)

0,55(0,24-1,30)

Collège

0,33(0,21-0,52)***

0,93(0,57-1,52)

0,87(0,51-1,48)

1,01(0,47-2,17)

Lycée

0,11(0,04-0,31)***

2,88(1,48-5,62)**

0,41(0,22-0,77)**

3,67(1,68-8,00)***

Activité

Actif dans l’informel ®

Actif dans le secteur moderne

0,79(0,36-1,35)

1,53(0,83-2,79)

0,69(0,48-0,99)*

1,44(0,89-2,33)

Inactif

0,74(0,5-1,11)

0,67(0,40-1,13)

1,39(0,87-2,21)

0,88(0,43-1,81)

Statut familial

Resté membre de ménage ®

Passé de membre de ménage à chef de ménage

0,90(0,58-1,39)

0,24(0,13-0,47)***

1,14(0,61-2,13)

0,12(0,05-0,31)***

Passé de chef de ménage à membre de ménage

1,70(0,89-3,35)

1,45(0,72-2,92)

0,76(0,21-2,73)

0,35(0,08-1,40)

Resté(e) chef de ménage

1,14(0,73-1,80)

0,29(0,16-0,54)***

1,28(0,76-2,18)

0,20(0,09-0,42)***

Période traversée

P1985 ®

P1990

1,37(0,89-2,10)

0,50(0,29-0,85)*

0,78(0,50-1,22)

1,20(0,71-2,02)

P1994

1,12(0,68-1,82)

0,52(0,28-0,94)*

0,99(0,61-1,61)

0,83(0,44-1,56)

P1998

1,44(1,00-2,08)*

0,52(0,33-0,82)**

0,78(0,54-1,14)

0,62(0,38-1,00)*

Nombre de changements de logements concernés

810

910

Chi deux

248,

835,38

-Log vraisemblance

765,61

328,71

Probabilité

0,0000

0,0000

Lorsqu'on considère le statut familial, les individus restés chefs de ménages sont plus exposés au risque de passer dans des logements non équipés que dans des logements intermédiaires (semi-équipés) et, de façon complémentaire, sont moins exposés au risque de déménager vers un logement bien équipé. Pour les individus restés chef de ménage, les chances de passer dans un logement bien équipé sont réduites de moitié par rapport à un individu resté membre de ménage. Les individus qui demeurent chef de ménage après changement de logement voient augmenter leur probabilité d’être dans des logements sans aucun confort, plutôt que dans des logements avec au moins un équipement de confort. Ce résultat est significatif aussi bien dans le modèle 7a que lorsque les hommes et les femmes sont traités séparément (tableau 7.b). Cela confirme qu’actuellement les changements de logements des chefs de ménage sont plus descendants qu’ascendants, traduisant une probable diminution des niveaux de vie à Lomé.

Ces modèles confirment dans leur ensemble les résultats obtenus dans les modèles de régression logistique précédents, avec une méthode plus adéquate à la régression sur une variable prenant plusieurs valeurs et non pas dichotomisée. Comme dans les modèles dichotomisés (tableaux 6.a et 6.b), les femmes ont une probabilité plus faible d’accéder à des logements bien équipés mais pas plus de risques d’aller vers des logements sans aucun équipement, plutôt que vers des équipements semi-équipés.

CONCLUSION

On voit bien à travers la question du logement que les femmes sont globalement défavorisées par rapport aux hommes, lorsqu'elles sont chefs de ménage. Tout d'abord, elles ont un moindre accès à la propriété et, lorsqu'on compare les hommes et les femmes chefs de ménage on constate que celles-ci occupent des logements moins bien équipés que ceux-là. Quand elles changent de logement, à âge égal et génération identique, elles déclarent moins souvent que les hommes une amélioration du logement.

Pour mieux cibler les évolutions de situation au moment d'un changement de logement, nous avons considéré le dernier changement de logement et constaté qu'il est dans l'ensemble plus défavorable aux femmes chefs de ménage qu'aux hommes dans cette situation. Plus souvent que ces derniers, les femmes chefs de ménage voient leur nouveau logement offrir de moins bonnes conditions que le précédent. Elles estiment qu'il est moins bien équipé dans 31 % des cas, les hommes chefs de ménage dans 25 % des cas seulement. C'est encore plus évident à âge et groupe de générations égaux.

Enfin, les analyses multivariées ont montré que si les femmes, dans leur ensemble, ont une moindre probabilité d'accéder à des logements avec des équipements en eau, électricité et sanitaires que les hommes, elles ne résident néanmoins pas plus souvent dans les ménages dépourvus de tous équipements. Celles qui sont chefs de ménage ou le deviennent lors du dernier déménagement, ont une probabilité significativement plus faible d'accéder aux logements les mieux équipés. Mais c’est également le cas des hommes. Lorsqu'ils deviennent chefs de ménage, ils ont une probabilité plus faible que les hommes ayant un autre statut dans le ménage d'accéder à des logements bien équipés.

L'accès à des logements correctement équipés n'est qu'un des aspects de l'évolution des situations économiques des hommes et des femmes. En l'absence de moyens pour évaluer de façon précise les revenus individuels, il reste une des voies d'approche de l'amélioration ou de la détérioration des situations. Il faut également rappeler que l'équipement d'un parc de logements comme celui de Lomé est largement tributaire de la politique de la ville. Celle-ci est depuis les années 1980 caractérisée par une absence de planification des équipements urbains et l’interruption de tout programme de logements destinés aux classes moyennes ou pauvres. Dans un contexte d’immigration des ruraux vers les villes et d’appauvrissement des classes moyennes et des artisans de la capitale, cela conduit à une détérioration du niveau de vie des ménages et à une dégradation du parc des logements existants qui accentue les problèmes des ménages. Les infrastructures en eau

et en électricité n'ont fait que des progrès marginaux très insuffisants pour répondre aux besoins d'une population rapidement croissante qui doit, pour se loger, investir les marges de la cité. Ils y trouvent rarement des infrastructures urbaines dignes de ce nom. Les hommes comme les femmes sont collectivement les victimes de ces défaillances qui ne font que creuser le fossé entre les nantis, de moins en moins nombreux, et les « citadins ordinaires ».

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  • SCHULTZ T.W., 1974.- "Economics on the family". - Chicago, University of Chicago Press, ***p..
  • SOW Fatou, 2001. –"La recherche africaine en sciences sociales et la question du genre". Communication au colloque "Genre, population et développement en Afrique", ENSEA, INED, IFORD, UEPA, Abidjan 16-21 juillet 2001, 17 p.
  • TICHIT Christine, 2002. - "Les femmes chefs de ménage au Cameroun : entre autonomie, monoparentalité et isolement. Thèse de Démographie, Université Paris X Nanterre, Paris, 441 p.+ annexes.
  • UNICEF 1987.- "Adjustement with a Human Face". Clarendon Press.
  • URD-DGSCN, 2002a. - Famille, migrations et urbanisation au Togo. Fascicule 1 : Résultats de l'enquête qualitative, Lomé 118p. + annexes.
  • URD-DGSCN, 2002b. - Famille, migrations et urbanisation au Togo. Fascicule 4 : Migrations et insertion urbaines à Lomé, Lomé 122p. + annexes.
  • WARE Helen et LUCAS D. 1988. -: "Women left behind. The changing division on labour and its effects on agricultural production". - Congres africain de population, Dakar, décembre 1988, vol 2, p. 1-19. –Liege, UIESP.
  • YEPEZ I. et al., 2000. - "Relations de genre, stratégies des femmes rurales du Sud et développement durable". – Communication présentée à la chaire Quételet 2000, 14 p.

Notes

1 L'âge joue un rôle important également et c'est après 40 ans que l'accès à la propriété atteint un tiers des hommes, tableau non présenté

2 Il s'agit du nombre d'occurences des événements conjoints : Changement de logement et changement de statut (devenir chef de ménage), sauf pour la colonne 5 où est prise en compte l'occurrence conjointe d'un changement de logement et du maintien dans le statut de membre du ménage.

3 Les logement semi-équipés sont ceux disposant d'un ou des deux équipements considérés.

Tableau annexe 1 : Proportion des logements des enquêtés, disposant de l'électricité, de l'eau courante, de fosse septique selon le sexe et le statut dans le ménage, à des années exactes

 
Hommes
Femmes
   
Année
Chefs
de ménage
Non chefs
de ménage
Chefs
de ménage
Non chefs
de ménage
Ensemble Nombre d'observations
 
Électricité
 

1985

53,6

58,9

50,7

58,6

55,8

1246

1990

54,1

68,5

55,8

58,7

58,0

1701

1995

53,6

68,8

50,8

58,0

56,8

2273

2000

51,2

66,3

46,3

53,2

52,7

2536

Eau courante

1985

17,8

15,6

15,5

20,2

18,1

1246

1990

17,3

26,6

17,6

21,6

20,2

1701

1995

17,3

25,8

16,8

22,1

20,2

2273

2000

16,2

24,8

14,7

21,1

18,6

2536

Fosse septique

1985

26,3

20,2

24,1

29,4

26,5

1246

1990

29,9

35,8

30,6

34,1

32,4

1701

1995

32,9

38,8

33,6

35,1

34,6

2273

2000

36,7

43,0

33,5

39,6

37,9

2536

Possède les trois équipements

1985

13,2

10,6

10,3

15,7

13,4

1246

1990

13,2

21,4

11,7

17,6

15,8

1701

1995

13,4

21,8

12,8

16,6

15,6

2273

2000

12,1

20,4

10,2

16,5

14,2

2536

Ne possède aucun des trois équipements

1985

41,9

38,5

45,4

37,7

40,3

1246

1990

40,0

29,1

39,3

36,1

36,9

1701

1995

38,5

27,4

41,8

34,4

36,0

2273

2000

39,0

27,7

44,5

36,7

37,9

2536

Source : Enquête sur la Famille, les Migrations et l'Urbanisation, URD-DGSCN, 2002b

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