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African Population Studies
Union for African Population Studies
ISSN: 0850-5780
Vol. 19, Num. SA, 2004, pp. 85-113

African Population Studies/Etude de la Population Africaine, Vol. 19, No. 2, Sup. A, 2004, pp.85-113

Revenu du chef de ménage et stratégies de survie des ménages pauvres : une comparaison Dakar/ Bamako

KUEPIE Mathias

DIAL-CIPRE/CEPS-INSTEAD
4 rue d’Enghien
Paris France

Code Number: ep04022

Résumé 

Le ménage peut se définir comme un ensemble d’individus vivant sous le même toit et prenant, le plus souvent, leur repas ensemble. Mais, si les membres d’un même ménage ont en commun le lieu de résidence et les repas, ils sont hétérogènes du point de vu d’une multitude de critères (âge, sexe, statut, etc.) et occupent des fonctions différentes au sein de la maisonnée. Schématiquement et par rapport à la situation vis-à-vis du marché du travail, un ménage sera composé d’un individu principal pourvoyeur de ressources (l’homme chef de ménage) ; d’une femme pouvant aussi parfois apporter un revenu supplémentaire, mais dont la tenue de la maison est l’activité qui occupe une bonne partie de son temps[1], et des jeunes enfants qu’il faut nourrir, soigner et éduquer. A ces membres, il faut ajouter les enfants adultes du noyau familial qui tardent à quitter le domicile parental et des personnes, jeunes ou moins jeunes, en général apparentées au chef de ménage ou à sa conjointe, et qui, pour des raisons diverses (scolarisation, recherche d’emploi, renforcement des liens entre familles, etc.), sont accueillies dans le ménage. Quelle que soit sa configuration réelle, le ménage, en tant qu’unité de consommation, doit générer assez de ressources pour subvenir aux besoins de ses membres. Quand le principal pourvoyeur de revenu (le chef de ménage), pour une raison ou pour une autre, n’est pas à même de bien assurer cette fonction, le ménage se doit de mettre en place un certain nombre de stratégies génératrices de ressources supplémentaires. Dans le cadre de cette étude, nous nous intéressons à la mobilisation de la main-d’œuvre secondaire dans les ménages en fonction du revenu du chef. Nous entendons par main-d’œuvre secondaire l’ensemble de toutes les personnes autre que le chef de ménage exerçant une activité dans les ménages. Ces personne peuvent être classées dans les catégories suivantes : conjointes du chef de ménage, enfants du chef de ménage et membres du ménage n’appartenant pas au noyau familial. Cette étude cherchera à voir si, par rapport aux ménages dont les chefs disposent d’un emploi bien rémunéré, ceux dont les chefs sont mal  rémunérés mobilisent plus (ou moins) les différentes catégories d’actifs secondaires et si cette mobilisation permet d’améliorer leur situation. Les champs de l’étude sont Dakar et Bamako. Nous disposons, pour ces deux capitales, de données de la phase 1 (enquête emploi) des enquêtes 1-2-3[2], réalisées par les Directions nationales de statistique,Afristat et DIAL[3]. A Dakar, l’enquête a eu lieu en 2002 et porte sur un échantillon de 2500 ménages abritant19000 individus environ. ABamako, l’enquête a été réalisée un an plus tôt et porte sur un échantillon similaire de ménages (2400) mais un nombre plus restreint d’individus (13000).

Introduction

Le ménage peut se définir comme un ensemble d’individus apparentés ou non vivant sous le même toit, reconnaissant l’autorité d’une personne comme chef de ménage et prenant, le plus souvent, leurs repas ensemble. Ces individus sont hétérogènes du point de vue d’une multitude de critères (âge, sexe, statut, etc.) et occupent des fonctions différentes au sein de la maisonnée. Schématiquement et par rapport à la situation vis-à-vis du marché du travail, un ménage sera composé d’un individu principal pourvoyeur de ressources (l’homme chef de ménage[4]) ; d’une femme pouvant aussi parfois apporter un revenu supplémentaire, mais dont la tenue de la maison est l’activité qui occupe une bonne partie de son temps[5], et des jeunes enfants qu’il faut nourrir, soigner et éduquer. A ces membres, il faut ajouter les enfants adultes du noyau familial qui tardent à quitter le domicile parental et des personnes, jeunes ou moins jeunes, en général apparentés au chef de ménage ou à sa conjointe, et qui, pour des raisons diverses (scolarisation, recherche d’emploi, renforcement des liens entre familles, etc.), sont accueillies dans le ménage.

Quelle que soit sa configuration réelle, le ménage, en tant qu’unité de consommation, doit générer assez de ressources pour subvenir aux besoins de ses membres. Quand le principal pourvoyeur de revenu (le chef de ménage), pour une raison ou pour une autre, n’est pas à même de bien assurer cette fonction, le ménage est contraint de mettre en place des stratégies génératrices de ressources supplémentaires. Dans le cadre de cette étude, nous nous intéressons à la mobilisation de la main-d’œuvre secondaire dans les ménages en fonction du revenu du chef. Nous entendons par main-d’œuvre secondaire l’ensemble des personnes actives autres que le chef de ménage. Cette étude cherchera à mesurer, dans le cas des villes de Dakar et Bamako, le degré de mobilisation des différentes catégories d’actifs secondaires par les ménages dont le chef dispose d’une faible rémunération et déterminera si cette mobilisation permet d’améliorer leur situation. Nous nous inspirons de la théorie des stratégies de survie dont il convient de préciser les contours.

Cadre théorique

La théorie des stratégies de survie voit dans les comportements socio-démographiques des individus et des ménages pauvres ou en situation de précarité un ensemble d’actions intentionnelles, rationnelles et coordonnées dont le but ultime est d’améliorer leurs conditions de vie. En démographie en particulier, cette théorie lie les comportements socio-démographiques (migration, fécondité, etc.) des pauvres à des finalités économiques. En ce qui concerne la fécondité par exemple, un certain nombre d’auteurs ont montré que si les pauvres font plus d’enfants que les riches, ce n’est pas parce qu’ils sont incapables de pratiquer la contraception, mais bien parce que ces enfants leur sont d’une grande utilité économique (Cadwell, 1976 ; Schoemaker 1987). Cette utilité tient au fait que dès son très jeune âge, l’enfant contribue à la survie du ménage à travers, dans le contexte urbain et en particulier des bidonvilles, l’exercice de divers petits métiers (Touré A., 1985 ; Marcoux, 1994)  et dans le contexte rural, la participation aux activités agricoles (Kouame Aka et Rwenge Burano, 1996).

Quand les parents disposent d’un niveau de vie élevé, ils n’ont plus besoin du travail des enfants pour joindre les deux bouts et au contraire, préfèrent investir plus dans leur éducation et leur santé. Il s’opère donc, avec l’élévation du niveau de vie, une substitution de la préférence pour la qualité à celle pour la quantité des enfants (Becker, 1991 ; Lemennicier, 1988). Mais il convient de  relever que ceci n’est valable que parce qu’on suppose que l’investissement dans la qualité des enfants induit un coût élevé et que ce coût est complètement supporté par les parents, ce qui n’est pas toujours le cas, en particulier en milieu rural (Montgomery, Kouamé et Olivier, 1995). Le recours à la fécondité comme stratégie de survie, du fait qu’il se matérialise par la mise au monde de nouveaux individus, peut être qualifié de stratégie primaire. Une fois que les enfants ont vue le jour, d’autres stratégies démographiques de survie « secondaires », basée sur les mouvements migratoires peuvent se déployer, à l’échelle de l’individu, ou d’un réseau familial plus large. A l’échelle individuelle, les théories économiques dualistes de la migration ont montré que des personnes à productivité nulle voire négative en milieu rural agricole en migrant vers le milieu  urbain afin d’occuper des emplois plus rémunérateurs dans le secteur non agricole (Lewis 1970, Harris et Todaro, 1970), améliorent non seulement leurs propres conditions de vie (du fait de leur nouvel emploi), mais aussi celles de la population restée en le milieu rural (du fait d’un accroissement de la productivité et de la réduction de la taille des ménages).

Les théories socio-démographiques complètent cette approche en inscrivant la migration rural-urbaine non plus dans le cadre d’une stratégie de survie individuelle, mais dans celui plus large du groupe familial (Locoh, 1989 ; Antoine, 1991, etc.). Selon cette théorie, la migration permet à des ménages résidant dans des régions rurales ou économiquement défavorisées de redistribuer, avec l’aide de la parentèle déjà installée sur place, leurs membres dans des régions (en général urbaines) offrant de meilleures perspectives économiques ou scolaires afin qu’ils puissent accéder à des opportunités d’emploi ou d’éducation et soutenir, en retour, le groupe familial resté au village (Weiss Lothar, 1998 ; Locoh, op. cit. ; Itzigsohn Jose, 1995). Une des conséquences de cette redistribution des individus est l’élargissement de la structure et de la taille des ménages des métropoles africaines (Wakam, 2003).

Qu’on considère la migration ou la fécondité, les stratégies démographiques de survie commencent toujours par une modification de la taille des ménages à travers l’activation d’un comportement démographique (procréation, migration), suivie d’une contribution de l’individu mobilisé à la survie du ménage ou du groupe. 

Ces approches socio-démographiques des stratégies de survie ont été, pour la plupart, élaborées afin d’expliquer les comportements des individus et des familles structurellement pauvres, par opposition à ceux des classes moyennes ou aisés des villes du tiers-monde. Mais, la crise économique et les programmes d’ajustement structurel ont profondément dégradé les conditions de vie des couches moyennes, précipitant un bon nombre de familles de cette classe dans la pauvreté. Dans ce nouveau contexte, les théories des stratégies de survie telles que décrites plus haut sont devenues inopérantes, en particulier dans les villes. En effet, face à de lourdes contraintes économiques subies par les classes moyennes en voie de paupérisation la réponse a plutôt été une réduction de la fécondité désirée ou effective (Nouetagni, 2004, Cosio, 1992). Au niveau des migrations aussi, l’ancienne approche qui voyait dans les déplacements villes-campagnes le déploiement de stratégies de survie (individuelles ou collectives) a perdu de son pouvoir explicatif car la crise étant plus aiguë en ville qu’en campagne, on assiste de plus en plus à des déplacements en sens inverse (Beauchemin, 2000 ; Eloundou, 1992). Finalement, les nouvelles approches des stratégies de survie de survie délaissent le processus de la reproduction de la force de travail des ménages (par la fécondité ou les migrations) pour se focaliser plus spécifiquement sur la mobilisation du « stock » de membres disponibles afin d’améliorer les conditions de vie des ménages. Cette approche se base sur le fait que, selon le modèle familial traditionnel il existe une certaine division des tâches au sein du ménage, selon l’âge et le sexe.

Selon le sexe, l’homme chef de ménage se spécialise principalement dans la recherche des moyens de subsistance alors que la femme consacre le plus clair de son temps aux activités domestiques, à la maternité et à l’entretien des enfants. Ce modèle, formalisé par Parsons à la fin de la deuxième guerre mondiale (1955) a depuis lors évolué sous l’influence de la modernisation (instruction des femmes, réduction des inégalités sexuelles, etc.) vers plus d’indifférenciation des rôles au sein des ménages, en particulier en Europe Occidentale. Mais, même dans cette dernière les inégalités sont loin d’être entièrement résorbées et certains pays (Italie et Grèce par exemple), se caractérisent encore par une participation  à l’activité économique des femmes largement faible comparées aux hommes[6] (OCDE, 2004), ce qui est le reflet de la subsistance  du modèle traditionnel. Dans les pays africains et en particulier dans les deux qui nous concernent (Mali Sénégal), cette division des rôles reste une réalité visible à travers les différences de taux de participation à l’activité économique (DIAL/AFRISTAT, 2004). L’un des objectifs de cette étude sera de mesurer l’impact de la pauvreté du chef de ménage sur la propension de l’épouse à participer à l’activité économique.

Selon l’âge et si on se réfère une fois de plus au modèle « traditionnel » tel que formulé par Parsons (op. cit.), les enfants en jeune âge sont censés être soignés et nourris par les parents, et éduqués par l’école. Une fois adultes, ils quittent le plus tôt possible la résidence parentale afin de fonder leur propre famille. Selon ce modèle, leur contribution aux ressources du ménage parental devrait être nulle. Mais, comme nous l’avons souligné plus haut, beaucoup d’études ont mis en exergue, aussi bien en milieu rural qu’en milieu urbain, l’importance de l’activité économique des enfants dans la survie des ménages pauvres et d’autres ont insisté le maintien de jeunes adultes au domicile parental (Kuepie, 2002, Antoine et al. 1995, Johnson et al., 1998, etc.). Le seconde objectif de cette étude sera de mesurer les différentiels de présence sur le marché du travail des enfants en fonction du niveau du revenu de leur père.Avant de nous atteler à la réalisation de ces objectifs, il convient de présenter les données et contexte de l’étude.

Données

Les champs géographiques de l’étude sont Dakar et Bamako. Nous disposons pour ces deux capitales, de données de la phase 1 des enquêtes 1-2-3, réalisées par les Directions nationales de statistique, Afristat et DIAL[7]. A Dakar, l’enquête a eu lieu en 2002 et porte sur un échantillon de 2480 ménages abritant 19000 individus environ. A Bamako, l’enquête a été réalisée un an plus tôt et concernait un échantillon similaire de ménages (2400) mais un nombre plus restreint d’individus (13000).  Dans l’une et l’autre capitale, l’enquête ménage a permis, outre la saisie des caractéristiques démographiques (sexe, âge, lien de parenté, etc.) de tous les membres des ménages enquêtés, une mesure assez étendue des conditions de vie : confort du logement (matériaux de construction, mode d’éclairage, mode d’approvisionnement en eau, etc.), équipement des ménages (réfrigérateur, cuisinière, téléphone, voiture, etc.).  

En plus du questionnaire ménage, tous les individus âgés de 10 ans ou plus ont fait l’objet d’une enquête emploi[8] avec, pour les actifs occupés, des questions sur les revenus. Autant saisir le confort de l’habitat, l’équipement des ménages et les caractéristiques démographiques des individus est aisé, autant appréhender l’emploi et les revenus comporte des écueils. Dans le cas des enquêtes 1-2-3, tout un ensemble de questions filtres a permis de récupérer les actifs occupés qui, pour des raisons multiples (sous-emploi, insatisfaction dans l’emploi principal), se sont déclarés sans emploi en première intention. À la question « au cours de la semaine dernière, avez-vous travaillé ne serait-ce qu’une seule heure ? », respectivement 4965 et 3812 enquêtés répondent par l’affirmative à Dakar et à Bamako. Mais, différentes questions filtres vont permettre, dans chacune des villes, de récupérer 14 % d’actifs occupés supplémentaires qui s’étaient déclarés sans emploi en première intention. La méthodologie des enquêtes 1-2-3 permet donc de saisir, dans ses différentes nuances, l’activité économique des individus, même quand ils ne travaillent que quelques heures par semaine contre une faible rémunération. Ceci est particulièrement intéressant pour notre étude dont l’objectif est la mesure de l’activité des membres secondaires des ménages, qui pourraient ne participer au marché du travail que de manière marginale. Qu’en est-il de l’autre variable importante de cette étude, à savoir le revenu ?

Pour les personnes exerçant une activité au moment de l’enquête, il leur a été demandé de déclarer le montant exact de leur revenu si cela était possible, sinon d’en indiquer la fourchette. Au Sénégal et au Mali, comme un peu partout en Afrique, la saisie de cette variable pose un certain nombre de problèmes : difficultés des individus à estimer correctement un revenu aléatoire gagné au jour le jour, par peur de voir leurs déclarations utilisées à des fins fiscales, etc.. Ainsi, Sur 5680 personnes occupées à Dakar, 81% ont indiqué au moins la fourchette de leur revenu ; cette proportion est de 90 % à Bamako (sur 4354 actifs occupés enquêtés). Le revenu des actifs n’ayant indiqué ni le montant ni la fourchette a été imputé à partir d’une estimation économétrique de l’équation du salaire. Cette opération a permis d’affecter un revenu à 510 actifs à Dakar (9 % du total des actifs occupés), et à 256 à Bamako (6 % des actifs occupés). Finalement, même après estimation, le revenu de 10 % environ des actifs occupés reste inconnu à Dakar, contre 4 % à Bamako. Cette proportion est cependant de moins de 1 % chez les chefs de  ménages.

Au total, des efforts particuliers ont été fournis pour la bonne mesure des différentes variables clefs de cette étude, ce qui devrait nous permettre d'appréhender les stratégies de survie des ménages. Mais, avant d’aborder le cœur du sujet, il convient de dresser un état des lieux des conditions de vie des ménages dans les deux métropoles.

Les conditions de vie à Dakar et Bamako

Les ménages de Dakar et de Bamako vivent dans des conditions socio-économiques très différentes, tant au niveau du confort de l’habitat, de la possession des biens d’équipements que du revenu disponible. Et quel que soit l’élément retenu, les habitants de Dakar sont toujours mieux lotis que ceux de Bamako.

Confort de l’habitat et équipement des ménages

La quasi-totalité des ménages de Dakar (96 %) vit dans des logements en matériaux définitifs (briques, ciment, etc.), contre seulement 62 % de ménages bamakois (tableau 1). Dans la capitale du Mali, les constructions en Banco[9] occupent encore une place non négligeable (36 %).  Au niveau des facilités de base (eau, électricité), la situation de Bamako  est encore plus préoccupante : l’électricité  existe  dans  moins  de  la moitié  des ménages (40 %), alors que la lampe à pétrole sert de mode d’éclairage par plus de la moitié (55 %). Quant à l’approvisionnement en eau, seulement 26 % des ménages bamakois disposent d’un robinet dans leur logement mais environ le tiers a tout de même accès à l’eau potable à travers  soit d’autres ménages (22 %), soit les bornes fontaines (10 %). Le dernier tiers (37 %) n’a pas accès à l’eau du réseau de distribution public et se contente de celle des puits dont on sait qu’elle est rarement potable. A Dakar, 86 % des ménages disposent de l’électricité[10], et 68 % d’eau courante à domicile. Comme à Bamako, une proportion non négligeable de ménage accède à l’eau potable en s’approvisionnant soit chez d’autres ménages (19 %), ou bien aux bornes fontaines (10 %).

La faiblesse du réseau électrique de Bamako ne permet pas aux ménages de cette ville qui en auraient les moyens, d’acquérir l’équipement électroménager. Ainsi, seulement 20% des ménages y ont un réfrigérateur contre 44 % à Dakar. Pour les équipements ne requerrant pas (ou pas nécessairement) l’usage de l’électricité, les écarts, toujours en faveur de Dakar,  sont  néanmoins  moins  importants.  Il en est ainsi de la cuisinière (12 % à Dakar contre 9 % à Bamako), de la voiture (15 % à Bamako, 17 % à Dakar).

Au total, cette description succincte des conditions de vie des ménages des deux métropoles montre bien que les ménages de Dakar vivent nettement mieux que ceux de Bamako. Cela est probablement dû aux différentiels d’offre d’infrastructures collectives d’une part, et d’autre part, de pouvoir d’achat des ménages. Ce second aspect fera l’objet de la section suivante, à travers un aperçu des revenus des ménages dans les deux villes.

Les ménages dakarois ont des revenus largement supérieurs à ceux des ménages bamakois (tableau 2). En effet, ces derniers disposent en moyenne de 89000FCFA par mois, contre 164000FCFA pour ceux de Dakar. Cet écart persiste même après avoir tenu compte du nombre de personnes par ménage (en moyenne 7 à Dakar contre 6 à Bamako)[11]. Selon Heston A. et al (2002), l’écart du niveau général des prix à la consommation est  peu élevé entre les deux villes (22 à Bamako contre 24 à Dakar) [12] ; la différence dans les revenus nominaux reflète donc une réelle différence de niveau de vie entre les deux villes. Mais, il convient de relativiser cet écart. En effet, à Dakar comme à Bamako, le premier quart des ménages le plus pauvre[13] ne  dispose  que  de 2 % des revenus totaux, ce qui traduit une distribution très inégalitaire des revenus.  En outre, chez ces 25 % les plus pauvres, il n’existe quasiment pas de différences de revenus entre Bamako et Dakar ; dans l’une comme dans l’autre ville, leur revenu moyen par tête tourne autour de 2000 FCFA par mois. Les écarts de niveau de vie entre les villes ne deviennent sensibles qu’à partir du 2ème  quartile (11000 FCFA par tête à Dakar contre 7000 à Bamako) et énormes au niveau du dernier (respectivement 96000 FCFA contre 54000 F CFA). 

En somme, les niveaux de vie globaux sont très différents entre Dakar et Bamako. Mais, plus on descend vers le bas de la pyramide, plus les niveaux de ressources des ménages des deux villes se rapprochent jusqu’à atteindre quasiment un montant identique chez les plus pauvres[14]. Aussi bien dans les ménages riches que dans les ménages pauvres, un certain nombre de membres, à de degrés divers, travaillent à la génération de ces ressources.

Les différentes catégories d’actifs « travaillant » pour le ménage

Dans cette section, les analyses sont restreintes aux ménages de plus d’une personne, car eux seuls sont à même de déployer des stratégies de survie consistant à placer sur le marché du travail des membres auparavant inactifs[15]. Quelle est la situation d’activité des différentes catégories de membres que constituent les chefs de  ménages, et ses dépendants (conjointes, enfants et personnes extérieures au noyau familial) ? A quels degrés ces membres contribuent-ils à la génération des revenus  des ménages ?

Situation d’activité des différentes catégories de membres du ménage

A Dakar, 66 % des chefs de  ménages de plus d’une personne exercent une activité économique, 7 % sont au chômage et 27 % sont inactifs (tableau 3a). A Bamako,  la  proportion de chefs de  ménages  occupés  est  plus  élevée (77 %), celle  des  chômeurs et d’inactifs plus faibles (respectivement 4 %  et 19 %).

Après les chefs de  ménages, leurs conjointes sont les seconds membres les plus importants en terme de participation à l’activité économique. Ainsi, à Bamako, 52 % des conjointes sont occupées, 12 % sont à la recherche d’un travail et 36 % sont inactives. A Dakar, elles sont un peu moins nombreuses à avoir un emploi (46 %)  et plus souvent inactives (41 %). 

Si les conjointes sont plus actives à Bamako qu’à Dakar, c’est l’inverse qui prévaut au niveau des fils. Ces derniers sont, en effet, 25 % à exercer une activité économique à Dakar, 8 % y sont au chômage, 36 % inactifs de 10 ans ou plus et  32 % inactifs de moins de 10 ans. A Bamako par contre, seulement 11 % peuvent contribuer au revenu du ménage par leur activité. Ils sont très peu à rechercher un emploi (3 %)  et donc massivement inactifs (33 % de 10 ans ou plus  et 52 % de moins de 10 ans).

Les écarts entre Dakar et Bamako sont moins prononcés quand on considère les personnes n’appartenant pas au noyau familial mais hébergées par le ménage. A Dakar, 30 % exercent une activité économique, 7 % sont à la recherche d’un  emploi  et  62 %  inactifs  (dont 32 % de plus de 10 ans et 30 % de moins de 10 ans). A Bamako, les apparentés sont un peu plus nombreux (34 %) qu’à Dakar à occuper un emploi ; 5 % sont au chômage et  61 % sont inactifs (dont 39 % de plus de 10 ans et 22 % de moins de 10 ans).

Contribution des différents membres au revenu du ménage

La différence de participation des membres des ménages au marché du travail observée précédemment laisse présager des degrés de contribution tout aussi différents aux ressources du ménage. Il s’agit ici d’approfondir cet aspect en mesurant l’apport de chaque catégorie de membre dans le revenu total du ménage.

Aussi bien à Dakar qu’à Bamako, les chefs de  ménages sont les principaux pourvoyeurs de ressources du ménage (tableau 3b). En termes absolus, un chef de ménage dakarois contribue pour 78000 F CFA par mois au revenu du ménage (sur un total de 175000 F CFA), contre 58000 FCFA pour son homologue bamakois (sur un total de 94000FCFA). Mais en termes relatifs, ce dernier pèse 61 % dans les ressources du ménage alors qu’un chef de ménage dakarois n’en apporte que 45 %. Dans cette ville, d’autres membres contribuent de façon substantielle au revenu du ménage. Ainsi, les fils, avec un apport mensuel de 44000 F CFA, en génèrent le quart. Ils sont suivis de près par les personnes extérieures au noyau familial qui pèsent pour un cinquième dans les ressources du ménage (33000 F CFA en termes absolus). Finalement, les conjointes n’y contribuent que pour le dixième (19000 F CFA). A Bamako par contre, ces dernières, avec un apport de 20 %  (18000 F CFA en terme absolus), constituent le second soutien économique le plus important  du ménage ; alors que les fils et les apparentés n’appartenant pas au noyau familial sont relégués ici au  dernier  rang  avec un apport de 10 %  chacun (9000 F CFA en termes absolus).

Il ressort de ces résultats que, dans une certaine mesure, la génération du revenu des ménages repose essentiellement sur les deux principaux responsables (le chef et son ou ses conjointes) à Bamako (où ils pèsent pour 82 % dans les ressources) qu’à Dakar (où ils ne comptent que pour 55 %). Par leur activité, les membres secondaires constituent plus une force économique des ménages à Dakar qu’à Bamako. Cette configuration reste-t-elle inchangée quand on contrôle le niveau de rémunération du chef de ménage ?

Revenu du chef de ménage et participation des dépendants à l'activité économique

Dans cette section, nous avons regroupé le revenu du chef de ménage en quartiles, plus un groupe comprenant tous les chefs de ménages n’ayant pas de travail, qu’ils soient au chômage ou inactifs.

Comme le montre le tableau 4, les inégalités observées entre Dakar et Bamako pour l’ensemble du revenu des ménages restent de mise quand on considère uniquement le revenu du chef de ménage. Notre objectif est de rechercher le lien entre ce dernier et l’offre de travail des dépendants[16], l’idée étant de voir si cette offre de travail ne relèverait pas d’une stratégie de survie des ménages. Autrement dit : quand le chef de ménage a une faible rémunération, le ménage ne tente-t-il pas de pallier cette insuffisance du revenu principal par un accroissement de la participation à l’activité économique des conjointes, des enfants et des personnes apparentées ?

Revenu du chef de ménage et activité des conjointes 

Les analyses précédentes ont montré que les conjointes constituaient, après les chefs de ménages, la seconde force économique en  terme de participation à l’activité économique.

Aussi bien à Dakar qu’à Bamako, on n’observe pas de lien clair entre le niveau de revenu du chef de ménage et l’activité de sa conjointe. A Dakar, seules celles des ménages dont les chefs n’exercent aucune activité économique se démarquent des autres en ayant un taux d’occupation plus bas (42 % ). Dans les autres catégories, ce taux fluctue entre 47 et 49 %. A Bamako, le taux d’occupation des conjointes évolue en dents de scie : il passe de 54 % quand le chef de ménage ne travaille pas à 50, 52 et 51 % quand il travaille et que sa rémunération appartient respectivement au premier second et troisième quart de revenu, pour retrouver le niveau initial (54 %) dans les ménages où les chefs appartiennent au dernier quart le plus riche. A partir de ces résultats descriptifs, il semble donc que la contribution des conjointes aux ressources du ménage ne soit pas plus élevée là où les chefs sont pauvres que dans les ménages où ils sont aisés. Si on met d'ailleurs à part les ménages dans lesquels les chefs n’exercent aucune activité, on devrait plutôt conclure à une absence de relation entre la participation des conjointes à l’activité économique et la rémunération du chef de ménage à Dakar et à une relation positive à Bamako. 

Mais avant toute conclusion définitive, il convient de contrôler d’autres caractéristiques de la femme ou du chef de ménage qui peuvent, en même temps, jouer sur l’offre de travail des conjointes et sur le revenu des chefs de ménage. Dans le cadre de cette étude, nous avons contrôlé le niveau d’étude de la femme, le secteur d’activité du conjoint (chef de ménage) et les caractéristiques démographiques comme les âges de la femme et du chef de ménage et le type d’union (monogame/ polygame).

A Dakar, alors que les résultats du modèle contenant uniquement le niveau de revenu du chef de ménage, rejoignant en cela les analyses descriptives présentées plus haut, amènent à conclure à l’absence de lien entre activité économique de la conjointe et niveau de rémunération du chef de ménage, l’introduction des variables de contrôle modifie substantiellement cette relation (tableau 6). Désormais, les femmes dont les époux travaillent mais gagnent les revenus les plus faibles (premier et second quart des ménages) ont le plus de chances d’exercer une activité, par rapport à celles dont les époux appartiennent à la classe moyenne ou aisée (gagnent un revenu médian ou plus). Il convient de bien de souligner que c’est après l’introduction cumulative[17] du niveau d’instruction et de l’âge de la femme, du secteur d’activité et de l’âge du chef de ménage que la pauvreté du chef de ménage devient un facteur « positif » pour l’activité économique des femmes.

A Bamako par contre, le contrôle des mêmes caractéristiques qu’à Dakar n’induit point la significativité des effets des différentes classes de revenus. Les conjointes des ménages dont les chefs génèrent peu de ressources n’ont donc pas plus de chances d’exercer une activité que celles des autres ménages dans la capitale malienne.

L’absence d’effet du niveau de rémunération du chef de ménage sur la participation des conjointes, au niveau brut à Dakar et à tous les niveaux à Bamako s’explique probablement par le fait que l’activité économique de la femme, en plus de pouvoir relever des stratégies de survie, dépend d’autres facteurs qui eux, interagissent avec le niveau de vie du chef de ménage. Le cas du niveau d’instruction de l’épouse est assez illustratif à ce sujet : en croisant cette variable avec le niveau de rémunération du chef de ménage à Dakar (tableau 7), on met en exergue deux effets antagonistes qui se compensent dans l’effet final. Quand l’épouse n’a pas fréquenté l’école, ses chances d’exercer une activité économique baissent dans les ménages où les époux sont les mieux rémunérés. Ainsi, dans les ménages où les chefs gagnent moins de 130000 F CFA (les trois quarts les plus pauvres),  environ 46 % des femmes sans instruction exercent une activité alors que quand les chefs appartiennent au dernier quart le plus riche dont le revenu médian est de plus de 200000 F CFA, leurs épouses n’ayant jamais fréquenté l'école sont seulement 36 % à occuper un emploi. A l’inverse, chez les femmes ayant atteint le niveau secondaire, ce sont plutôt celles dont les époux sont les mieux rémunérés (dernier quart le plus riche) qui sont les plus nombreuses à exercer un emploi. Elles sont 60 % à avoir un emploi alors que dans les troisième et deuxième quarts[18], ce taux varie entre 47 % et 50 %.

A Bamako aussi chez les femmes les plus instruites, la proportion d’occupées passe de moins de 65 % quand le chef de ménage gagne moins du revenu médian (35000 F CFA), à 83 % quand celui-ci appartient au dernier quart le plus riche (revenu médian de 104 000 F CFA), alors que chez les femmes non instruites, la proportion d’occupées tend plutôt à baisser quand on passe des ménages dont les chefs sont les moins bien rémunérés (51 % des épouses sont actives) à ceux dont  les chefs sont les mieux rémunérés (47 % des épouses actives).

Le comportement des femmes non instruites dont les maris gagnent bien leur vie correspondrait à un modèle familial traditionnel de division de tâche (Becker, 1991). Quand l’homme apporte un revenu consistant, la femme a plus de chances de se consacrer aux activités domestiques. Mais ce modèle est difficilement tenable dans les ménages où l’homme n’apporte pas suffisamment de ressources ; dans ce cas, l’épouse, afin d’améliorer les conditions de vie précaires du ménage, est contrainte de travailler. Dans les ménages où les femmes ont significativement fréquenté l’école (secondaire ou plus), n’a plus cours car elles vont, toutes choses égales par ailleurs, aspirer à plus d’autonomie et d’épanouissement personnel à travers l’exercice d’une activité. Dans ce cas, l'élévation du niveau du revenu du mari renforce encore plus leurs chances de travailler car elles peuvent compter sur le réseau du conjoint pour trouver un emploi.

L’offre de travail des personnes n’appartenant pas au noyau familial

Aussi bien à Dakar qu’à Bamako, la proportion des personnes occupées n’appartenant pas au noyau familial varie en dents de scie suivant les différentes catégories de revenus du chef de ménage (tableau 8). A Dakar, cette proportion passe de 49 % dans le quart le moins rémunéré à 55 % dans le second, pour ensuite redescendre à 47 % dans les ménages dont les chefs appartiennent au troisième quart et à 44 % dans le dernier. A Bamako, c’est quand le chef de ménage gagne un revenu appartenant au second quartile que la proportion d’apparentés exerçant une activité est le plus élevée (46%), alors qu’elle est le plus faible (32%) quand le chef de ménage appartient au dernier quart le mieux rémunéré.

Afin de mesurer l’effet net du revenu du chef de ménage sur l’activité économique des apparentés, nous l’avons fait avec les conjointes, contrôlé dans une régression logistique le sexe, l’âge et le niveau d’instruction des apparentés, ainsi que l’âge et le secteur d’activité du chef de ménage (tableau 9). Les résultats confirment l’absence de lien entre l’exercice d’une activité économique par les dépendants n'appartenant pas au noyau familial et le niveau de rémunération du chef de ménage aussi bien à Dakar qu’à Bamako.

Que leurs chefs soient bien ou mal payés, les ménages des deux villes recourent dans les mêmes proportions au travail des personnes extérieures au noyau familial. Si les ménages pauvres ne parviennent pas, plus que les non pauvres, à mobiliser le travail des apparentés plus que les ménages aisés, mettent-ils plus leurs propres enfants sur le marché du travail ?

L'offre de travail des enfants du chef de ménage

Après les parents (chefs de ménages et conjoints), les enfants sont, sans aucun doute, les membres les plus stables des ménages et pourraient, de ce fait,  y constituer des éléments clefs dans la mise en place des stratégies de survie. En effet, contrairement aux membres extérieurs au noyau familial qui arrivent par immigration et peuvent facilement quitter le ménage d'accueil (en retournant par exemple chez leurs parents) quand la situation de celui-ci se dégrade, les enfants du couple n’ont pas cette alternative et sont probablement plus solidaires vis-à-vis de leurs parents. Les résultats vont dans le sens de cette hypothèse puisque, aussi bien à Dakar qu'à Bamako, les ménages dont les chefs sont les plus pauvres sont ceux dans lesquels les enfants (de 10 ans ou plus) participent le plus aux activités économiques (tableau 10).  Dans la première ville, la proportion d'enfants occupés est de 47 % quand le chef de ménage actif fait partie du premier quart le plus pauvre et baisse à 39 et à 28 % respectivement pour les deux quarts suivants, pour s’établir à seulement 18 % quand dans le dernier quart le mieux rémunéré.

A Bamako, les taux d’occupation des enfants s’élèvent à 26 % quand le père appartient aux deux premiers quartiles les moins rémunérés, baissent à 22 % dans le troisième quartile et descendent à 14 % quand le père appartient au quartile le mieux payé.

Comme pour les conjointes et les apparentés, nous avons contrôlé l’influence des caractéristiques de l’enfant (âge, niveau d’instruction, sexe) et du chef de ménage (âge, secteur d’activité). A Dakar, le faible taux d'occupation des enfants dans les ménages dont les chefs sont les mieux rémunérés est confirmé (tableau 11).  A Bamako par contre, l’introduction du secteur d’activité (formel/informel) du chef de ménage fait disparaître l’incidence de l’effet de son niveau de rémunération sur l’offre de travail des enfants.

En construisant des modèles séparés pour chaque secteur d’activité (tableau non présenté ici), on note, à Dakar, que quand le père exerce une activité dans le secteur informel, son niveau de rémunération n’a aucune incidence sur la propension des enfants à exercer une activité économique. Au contraire, quand le père exerce une activité du secteur formel, les chances que ses enfants soient occupés est significativement plus faible dans les ménages dont le revenu du chef appartient au dernier quartile le plus riche. Cela pourrait s’expliquer d’une part par le fait que les chefs de  ménages exerçant dans le secteur informel recourent à leurs enfants comme aides familiaux ou apprentis[19]. Une autre explication pourrait être que, quand bien même ils auraient des revenus élevés, une partie des chefs de  ménages exerçant dans le secteur informel resteraient vulnérables,  d’où la nécessité pour les ménages concernés de diversifier leurs sources de revenus afin de faire face aux imprévus.

En résumé, les ménages dont les chefs exercent dans l’informel, ainsi que ceux dont les  chefs exercent dans le formel mais qui ne gagnent pas assez  peuvent plus compter sur leurs enfants pour améliorer leur quotidien à Dakar. A Bamako, que les chefs de  ménages soient pauvres ou non, leurs enfants travaillent dans les même proportions (après contrôle de tous les autres facteurs). Dans l’une comme dans l’autre, le recours aux enfants peut avoir des conséquences négatives s'ils sont encore jeunes. Car dans ce cas, cela signifie abandon ou délaissement de l’école et compromission de leurs chances d’occuper, plus tard, un emploi qualifié. En croisant l’âge de l’enfant et le niveau de rémunération de la personne de référence, il en ressort qu’effectivement  c’est chez les plus pauvres que l’occupation des enfants en bas âge est élevée et ceci tant à Bamako qu'à Dakar (tableau 12). A Bamako, en moyenne 10 % des enfants de 10-14 ans exercent une activité économique dans les ménages où les chefs appartiennent aux trois premiers quarts des ménages les plus pauvres, contre 6 % quand le chef de ménage appartient au quart le plus riche[20]. A Dakar, ce sont 13 % des enfants qui travaillent dans les deux quarts les plus pauvres, contre 8 % dans  le  troisième et seulement 5 % dans le quart le plus riche[21].        

En somme, en plus du chef de ménage, un certain nombre de membres contribuent[22] à la production des ressources du ménage à travers l’exercice d’une activité. A Dakar en particulier, cette activité des membres secondaires dépend du niveau de rémunération du chef de ménage. Ainsi dans les ménages dont les chefs appartiennent au premier quart le plus pauvre (ils gagnent entre 10 et 42 mille Francs CFA) ou au second (entre 42 et 60 mille francs), 48 % des personnes autres que les chefs de ménages exercent une activité économique ;  elles ne sont plus que 38 % quand les chefs appartiennent au troisième quart (entre 60 et 129 mille FCFA) et 32 % quand ils font partie du quart le plus riche (entre 130 et 2322 mille FCFA). A Bamako, les différences sont plus ténues : les ménages dont les chefs appartiennent aux trois premiers quarts[23] les plus pauvres (ils gagnent un revenu compris entre 10 et 80 mille FCFA) ont pratiquement le même taux d’occupation des dépendants (entre 36 et 39 %) et ce n’est que dans les ménages dont les chefs sont les mieux payés que ce taux passe à 30 %.

Contrairement à Dakar où les modèles de régression ont confirmé la plus forte mobilisation de la main-d’œuvre secondaire dans les ménages dont les chefs sont les plus pauvres, Bamako a offert une configuration où la mobilisation de cette main-d’œuvre ne dépendait pas du revenu rapporté par le chef de ménage. Mais on ne saurait parler d’absence de stratégie de survie des ménages bamakois. Nous pensons plutôt que les faibles niveaux de rémunération qui existent dans cette ville incitent tous les ménages, même ceux dont les chefs sont relativement bien payés à placer leurs dépendants sur le marché du travail. Dans tous les cas, quel est l’impact de l’activité des membres secondaires sur le niveau des inégalités ?

Incidence du revenu des membres secondaires sur la réduction des inégalités entre ménages

L’idée ici est de voir si le fait que d’autres membres que le chef de ménage travaillent contribue à réduire les inégalités entres ménages et de ce fait, à améliorer la situation des plus démunis. Ceci serait le cas si en intégrant les revenus des membres secondaires du ménage, on améliore la situation des ménages dont les chefs sont pauvres comparativement à ceux dont les chefs sont aisés.

Le tableau 14 montre que si le chef était l’unique actif  à Bamako, les ménages les plus pauvres n’auraient qu’un revenu équivalent à 14 % du revenu des plus aisés pour vivre ; le second quart 22 % et le troisième quart 37 %. A Dakar, les inégalités seraient encore plus importantes : les ménages du premier, second et troisième quart ne disposeraient que respectivement de 8, 18 et 32 % du revenu de ceux du dernier quart le plus riche. Comment les contributions des membres secondaires agissent-elles sur ces distributions ?

(Tableau 13)

Tant à Bamako qu’à Dakar, la prise en compte du revenu des personnes secondaires réduit de manière non négligeable les inégalités (tableau 14). A Bamako, l’intégration des rémunérations de tous les actifs dans les ménages fait passer les revenus[24] des premier et second quarts des ménages à respectivement 21 %  et 28 %  du revenu des plus aisés, contre 14% et 22% si les chefs de ménages étaient les seuls actifs. Les ménages du troisième quart améliorent aussi leur niveau de vie car avec l’intégration des actifs secondaires, leur revenu représente 44 % de celui des plus aisés, contre 37 % initialement.

A Dakar, l’incidence de l’activité des membres secondaires sur la répartition des revenus est encore plus importante. Ainsi les premier et second quarts des ménages les plus pauvres  gagnent respectivement 21 et 36 % du revenu du dernier quart le plus aisé, contre environ moitié moins si les chefs de  ménages étaient les seuls pourvoyeurs de ressources. Les ménages dont les chefs appartiennent au troisième quart accroissent  également leur revenu relatif, passant de 32 % à 41 %.

Bien évidemment cette réduction des inégalités dans les deux métropoles tient au fait que la répartition des revenus d’au moins l’unes des catégories d’actifs secondaires (conjointes, enfant, autres parents) du ménage est moins inégalitaire que celle du chef de ménage (tableaux 15a, 15b et 16[25]). A Bamako, les conjointes, enfants et autres parents rapportent toujours moins dans les ménages dont les chefs sont pauvres (les deux premiers quarts) que dans le dernier quart le plus riche. Mais, les écarts sont chaque fois moins importants que sur le revenu du chef de ménage. En particulier, au niveau du revenu des enfants,  les différences se réduisent substantiellement : les enfants des ménages les plus pauvres (les deux premiers quarts) rapportent jusqu’à 85 % à 92 % de ce que rapportent ceux des ménages les plus riches. A Dakar, on note même une inversion de la hiérarchie des revenus chez les enfants. Ces derniers rapportent deux et trois fois plus dans le premier et le second quart des ménages les plus pauvres que dans le dernier quart le plus riche. Pour les autres catégories de membres de ménages, (conjoints, autres parents), la même configuration qu’ à Bamako s’observe ; i.e. que la répartition du revenu contribue à réduire les inégalités, mais les ménages les plus nantis demeurent ceux où ces membres rapportent le plus.

A des degrés divers, les ménages mobilisent les membres secondaires afin d’accroître leur niveau de vie. Aussi bien à Dakar qu’à Bamako, les conjointes sont, après les chefs, celles qui participent le plus à l’exercice d’une activité économique. A Dakar plus précisément, cette implication dans les activités génératrices de revenus va croissante (toutes choses égales par ailleurs) avec la baisse du niveau de rémunération du chef de ménage. C’est aussi à Dakar qu’on observe un lien négatif entre la participation des enfants au marché du travail et le revenu du chef de ménage. A Bamako, les mêmes analyses conduisent à conclure à l’absence de lien. Il est possible que, pendant que les ménages pauvres développent des stratégies de survie afin de sortir de la pauvreté ou au moins d’améliorer leurs conditions d’existence, les ménages les moins pauvres mettent aussi en place des stratégies afin d’accroître ou de maintenir leur niveau de vie. Ce sont probablement ces stratégies tous azimuts qui rendent non significatifs les liens entre activité économique des membres secondaires et niveau de rémunération du chef de ménage à Bamako. Ceci est en particulier le cas des ménages dont les chefs exercent dans le secteur informel : qu’ils tirent des revenus maigres ou substantiels de leur activité, ils recourent, dans des proportions comparables, au travail des enfants, même quand ces derniers sont jeunes. Il faut en effet dire que des ménages, en particulier ceux du secteur informel,  peuvent générer des revenus substantiels mais rester vulnérables du fait de multiples aléas qui pèsent sur leurs activités. Dans tous les cas, la participation d'autres membres que le chef à l'activité économique permet de réduire les inégalités parmi les ménages car en général, les inégalités de rémunérations sont moins fortes entre les membres secondaires qu'entre les chefs de ménages, ajouté au fait que, dans certains cas, les membres secondaires sont plus nombreux à travailler dans les ménages pauvres.

Par ailleurs, la participation des conjointes ne saurait être simplement considérée sous l’angle des stratégies de survie car, avec la modernisation et l’élévation du niveau d’instruction, elles devraient aspirer à un statut plus favorable qui passe par la participation à l’activité économique, que le ménage soit pauvre ou non. Enfin, même si la contribution des enfants aux ressources des ménages permet, à cours terme, d’améliorer les conditions d’existence, elle peut aussi les maintenir dans le cercle vicieux de la pauvreté car cette contribution passe par le délaissement de l’école pour ceux qui sont encore jeunes et donc impossibilité soit d’occuper plus tard les emplois rémunérateurs et sécurisants du secteur moderne, ou bien de disposer des aptitudes nécessaires afin de moderniser leur activité.

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[1] Tout au moins dans le contexte africain.

[2] Comme leur noms l’indique les enquêtes 1-2-3 sont des enquêtes en 3 phases : une enquête emploi en général (1), une enquête secteur informel(2) et une enquête consommation des ménage(3).

[3] Pour une description des méthodologies de ces enquêtes, qui ont couvert les sept capitales de l’UEMOA (Abidjan, Cotonou, Bamako, Dakar, Lomé, Conakry, Niamey), on pourra se référer aux différents rapports nationaux.

[4] Dans une étude sur les stratégies de survie des ménages en Côte d’Ivoire, Koné Koko Siaka (2002) a substitué la notion de principal soutien économique à celle de chef de ménage déclaré ; 12 % des ménages s’en sont trouvés affectés. Ceci signifie que le chef de ménage peut ne pas être le principal soutien économique. Mais quel que soit son revenu, nous maintiendrons le chef de ménage déclaré comme individu principal du ménage car d'une part on utilise le revenu courant et non permanent et, d'autre part, même s'il arrive au chef de ménage  de ne pas avoir (temporairement ou de manière permanente) le revenu le plus élevé, le fait de se déclarer tel est probablement le reflet d'une position de pouvoir au sein du ménage.

[5] Tout au moins dans le contexte africain.

[6] Entre environ 50% pour les femmes, contre 75% pour les hommes (15-64).

[7] Pour une description des méthodologies de ces enquêtes, qui ont couvert les sept capitales de l’UEMOA (Abidjan, Cotonou, Bamako, Dakar, Lomé, Conakry, Niamey), on pourra se référer aux différents rapports nationaux.

[8] A Dakar, nous avons éliminé environ 200 ménages dans lesquels des personnes de 10 ans ou plus n’avaient pas été enquêtées. Au moment de rédiger cette communication, une enquête complémentaire était en cours afin de couvrir les individus manquants.

[9] Le banco est un mélange de terre argileuse et de paille servant de matériau de construction des murs

[10] Les ménages  qui n’ont pas d’électricité s’éclairent plus à la bougie (9 %) qu’au pétrole (4 %).

[11] Le revenu par tête est alors de 23.000FCFA par personne à Dakar contre 15.000FCFA à Bamako.

[12] il s’agit de l’indicateur de parité de pouvoir d’achat (PPA) rapporté au taux de change avec le dollar américain.

[13] Il s’agit du premier quart selon la distribution des revenus par tête.

[14] Mais, il convient de bien préciser ici qu’il ne s’agit que des revenus de l’activité. Il est possible que les conditions de vie des pauvres de Dakar soient meilleures que celles de ceux de Bamako (ou l’inverse), à cause des mécanismes de redistribution, que nous n’analysons pas ici.

[15] Cette hypothèse est discutable car nous observons les stratégies ex-post, c’est-à-dire après qu’elles aient eu lieu. Un ménage initialement formé d’une seule personne peut, au moment de l’enquête, avoir justement accru sa taille afin d’ améliorer sa force productive ; tout comme un ménage d’une personne peut n’être que la résultante d’une stratégie mis par un ménage de plus d’une personne ayant fait partir certains de ses membres. Mais dans cette étude, nous privilégions les stratégies basées  sur le déploiement des  membres présents dans le ménage aux stratégies fondées sur la reproduction de la force de travail (par la migration et la fécondité).

[16] Il convient de souligner que nous entendons par offre de travail le fait d'exercer une activité. Par rapport à la définition classique, nous excluons les chômeurs. Dans la suite de cette étude aussi, la participation à l'activité économique veut dire exercice d'un emploi. Nous avons opté pour cette définition restrictive car dans l'optique de stratégies de survie les individus qui veulent vraiment travailler devraient pouvoir trouver un emploi dans le secteur informel ; le chômage est alors considéré, au moins partiellement, comme un luxe.

[17] Aucune des variables prises individuellement n’induit d’effet significatif du niveau de rémunération du chef de ménage.

[18] Les effectifs du premier quartile sont assez faibles pour que le taux d’occupation soit consistant. Cela est dû au fait que très peu de femmes instruites se sont mariées avec des hommes appartenant à la catégorie la plus pauvre. Seulement 7 femmes ayant atteint le niveau du secondaire sont mariées avec des hommes qui appartiennent au premier quart le plus pauvre à Dakar. Elles sont 13 à Bamako dans la même situation.

[19] 30 % des personnes exerçant dans le secteur informel emploient une autre personne et dans 12 % des cas, il s’agit de leurs enfants. Ces derniers ont presque toujours (à 94 %) le statut  d’aide familial ou d’apprenti non rémunéré

[20] ce taux est de 2 % quand il exerce dans le secteur formel

[21] ce taux est de 3 % quand il exerce dans le secteur formel

[22] Il peut néanmoins arriver qu’un membre travaille mais ne pas mettre ses ressources à la disposition du ménage. Nous supposons que de tels cas sont rares ou tout au moins que de pareils membres s’occuperont au moins d’eux- mêmes, et allégeant ainsi les charges du ménage.

[23] A Bamako, le premier quartile va de 10000 FCFA à 29000FCFA, le second de 29000 à 45000, le troisième de 45000 à 80000 et le dernier de 80000 à 840000.

[24] Précisons qu’il s’agit des revenus per capita.

[25] Le tableau 15 fournit les montants totaux par ménage et par catégorie de membres; alors que le tableau 16 fournit les montants par membre actif

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