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African Population Studies/Etude de la Population Africaine, Vol. 19, No. 2, Sup. B, 2004, pp.81-101 Fréquentation scolaire des jeunes filles et risques dinfection à VIH : espoir ou inquiétude ? Le cas de Bobo-Dioulasso, Burkina Faso Banza Baya Université de Ouagadougou, Ouagadougou
Burkina Faso Dans plusieurs domaines de la vie, la scolarisation des filles est reconnue comme un bienfait non seulement pour elles-mêmes mais pour lensemble de la société. On note généralement une attitude positive des femmes instruites en matière de santé de la reproduction. Celles-ci sont en général plus armées pour faire face au monde qui les entoure. Toutefois dans le domaine du VIH, on se demande si les bienfaits de la scolarisation constatés ailleurs ne se révèlent pas être plutôt un facteur de risque dinfection à VIH. Lécole ne serait-elle pas le lieu dun harcèlement sexuel qui augmente la vulnérabilité des jeunes filles ? Cette préoccupation était ressortie dans les conclusions de la table ronde portant sur Sida et santé de la reproduction qui a eu lieu à la suite du séminaire international ENSEA-IRD « Santé de la reproduction en Afrique » tenu en novembre 1999 à Abidjan (Côte dIvoire). Cest pour explorer cette préoccupation que le présent article se fixe pour objectifs danalyser le comportement sexuel des jeunes filles scolarisées versus les non scolarisées. Nous essayons notamment de répondre aux questions de savoir si la scolarisation permet plus dautonomie et donc ladoption de comportements de prévention face aux risques dinfection à VIH ou si au contraire le milieu scolaire est le lieu dun harcèlement sexuel qui augmente cette vulnérabilité. Pour ce faire, nous utilisons les données dune enquête conduite de janvier à mars 2000 par le Centre MURAZ de Bobo-Dioulasso et l'Unité d'Enseignement et de Recherche en Démographie (UERD) de l'Université de Ouagadougou (Burkina Faso). Celle-ci porte sur la prévalence des IST/VIH/SIDA et le comportement sexuel des jeunes et de la population générale de Bobo-Dioulasso. Elle a été réalisée sous légide du Comité National de Lutte contre le SIDA et les IST (CNLS), et le financement assuré par le FNUAP et lONUSIDA. La population observée lors de lenquête comprend les jeunes (13-24 ans) et la population adulte (25-49 ans). La distinction entre sexe a été faite pour chacune des deux catégories. Une enquête socio-démographique et de séro-prévalence a été menée auprès des personnes sélectionnées. On dispose ainsi dinformations détaillées auprès de la population enquêtée, notamment sur leurs comportements sexuels et leur sérologie. Le présent article sintéresse en particulier au sous échantillon de 707 jeunes filles âgées entre 13 et 24 ans parmi lesquelles sept sur dix ont fréquenté (ou fréquentent) lécole contre trois sur dix qui nont jamais été à lécole. Les résultats de lanalyse du lien entre scolarisation des jeunes filles à Bobo-Dioulasso et risques dinfection à VIH ne permettent pas dincriminer lécole comme un lieu qui favorise la propagation du virus. Bien au contraire, la fréquentation scolaire versus la non fréquentation, est plutôt associée à des comportements susceptibles de réduire les risques dinfection à VIH. CONTEXTE Selon des estimations récentes de l'ONUSIDA, environ 16.000 nouvelles infections à VIH surviendraient chaque jour à travers le monde dont 90% en Afrique (UNAIDS/WHO, 1998). Parmi ces nouveaux cas d'infection, plus de 50% concerneraient les jeunes de 15 à 24 ans. En effet, beaucoup d'informations complémentaires suggèrent aujourd'hui une vulnérabilité accrue des jeunes face aux IST classiques et à l'infection à VIH. Cette vulnérabilité tiendrait à de nombreux facteurs : immaturité des organes génitaux féminins, déficit d'information sur les pratiques de prévention, impuissance à négocier des pratiques sexuelles à faible risque, déni d'un risque personnel encouru, peu ou pas d'accès à l'information, aux conseils, aux préservatifs et aux services de santé (dépistage et traitement des IST). Selon ONUSIDA, le Burkina Faso avait, à la fin de lannée 1997, un taux de 7, 2 % de séro-prévalence, le classant ainsi au deuxième rang des pays les plus touchés par linfection en Afrique de lOuest (UNAIDS, 2000). Pour documenter la situation des IST et de l'infection à VIH au Burkina Faso, nous avons mené à Bobo-Dioulasso, une enquête afin d'établir avec précision le niveau de prévalence du VIH chez les jeunes et au sein de la population générale et d'identifier les facteurs qui déterminent le niveau d'infection (connaissances des pratiques de prévention, comportements et pratiques sexuels, utilisation des préservatifs, importance des IST classiques, accès aux soins de santé, etc.)[1]. Les données obtenues devraient être utilisées pour la conception des interventions dirigées contre le SIDA en milieu jeunes et servir comme base de référence au moment de l'évaluation de l'impact des interventions envisagées. Si la situation des jeunes en général est qualifiée dalarmante (Zanou et Nyankawindemera, 2002), les jeunes filles seraient particulièrement vulnérables pour des raisons biologiques et comportementales : limmaturité des organes génitaux (Dixon-Mueller, 1996) et la tendance à avoir souvent des rapports sexuels avec des hommes plus âgés qu'elles, les exposent davantage au risque de l'infection à VIH et des autres IST. Dans plusieurs domaines de la vie, la scolarisation des filles est reconnue comme un bienfait non seulement pour elles-mêmes mais pour lensemble de la société. Par exemple le lien positif entre instruction de la mère et survie de lenfant a été abondamment documenté dans la littérature (Cleland et Van Ginneken, 1988). Dautres aspects de la santé de la reproduction ont un lien positif avec linstruction de la femme (Elo, 1992; Baya, 1999; Zanou et al., 2002; Fassassi et Vimard, 2002). Toutefois, dans le domaine du VIH, on se demande si léducation dont les bienfaits sont constatés par ailleurs, ne se révèle pas être plutôt un facteur de risque dinfection à VIH. Lécole ne serait-elle pas le lieu dun harcèlement sexuel qui augmente la vulnérabilité des jeunes filles ? Cette préoccupation est ressortie dans les conclusions de la table ronde portant sur Sida et santé de la reproduction qui a eu lieu à la suite du séminaire international ENSEA-IRD « Santé de la reproduction en Afrique » tenu en novembre 1999 à Abidjan (Côte dIvoire). Analysant la situation dans la Caraibe, YouthNet (2004) souligne quil existe de plus en plus de preuves que certains cas de nouvelles infections à VIH sont liés entre autres à la violence faite aux femmes en milieu scolaire ; concluant ainsi que lenvironnement scolaire peut quelquefois avoir une influence négative. Le présent article qui utilise un sous- échantillon de la population féminine âgée entre 13 et 24 ans, a pour objectif danalyser le comportement sexuel des jeunes filles scolarisées versus les non scolarisées au regard des risques dinfection à VIH. Nous essayons notamment de répondre à la question de savoir si la scolarisation permet plus dautonomie et donc ladoption de comportements préventifs face aux risques dinfection à VIH ou si au contraire le milieu scolaire est plutôt le lieu dun harcèlement sexuel qui augmente cette vulnérabilité. Dans la suite du texte, nous faisons une brève revue de la littérature relative au harcèlement sexuel dans lenvironnement scolaire, nous décrivons ensuite les données et la méthode danalyse, présentons les résultats avant de conclure. Le harcèlement sexuel dans lenvironnement scolaire Selon le rapport mondial 2002 de lOrganisation Mondiale de la Santé (OMS) portant sur « Violence et santé » lécole serait le lieu où la violence sexuelle est la plus répandue (Jejeebhoy et Boot, 2003). Ce phénomène serait le simple reflet du fait que les jeunes passent de plus en plus une longue période de leur adolescence dans lenvironnement scolaire où ils apprennent à tisser et à négocier des relations. Dans certains cas, lenvironnement scolaire offrirait à certains adultes lopportunité dabuser de leur position dautorité sur les jeunes, sous forme de harcèlement sexuel (Jejeebhoy et Boot, 2003). Une récente revue de la littérature relative à la violence sexuelle dans le secteur de léducation (citée par Jejeebhoy et Boot, 2003) suggère que les auteurs sont aussi bien les enseignants que les pairs. Les auteurs citent des études où les enseignants exigeraient des rapports sexuels en échange de notes ou tout simplement utilisent leur autorité pour contraindre les filles à des rapports sexuels. En Afrique sub-Saharienne, la peur du harcèlement sexuel serait la raison souvent citée pour justifier le retrait des adolescentes de lécole (Mensch et Lloyd, 1998 ; Sathar et Lloyd, 1993 cités par Jejeebhoy et Boot, 2003). Au Burkina Faso, une étude exploratoire sur la violence sexuelle à lécole, réalisée par Recife ONG[2] révèle que le harcèlement sexuel exercé par les enseignants sur les filles de leurs classes est assez répandu surtout dans les établissements d'enseignement secondaire, mais également dans les grandes classes (CM1 et CM2) du niveau primaire aussi bien en ville quen milieu rural (Recife ONG, 2003). Réalisée auprès délèves âgées de 15 à 19 ans, denseignants, de chefs d'établissements du primaire et du secondaire et dautorités représentant les ministères chargés de l'enseignement, de la police, de la gendarmerie et du monde judiciaire, des travailleurs sociaux et des journalistes, les témoignages de toutes ces personnes rencontrées convergeraient dans ce sens. La plupart du temps, le harcèlement sexuel prendrait la forme d'un chantage sur les notes et donc d'une menace de l'échec. Parfois, la force physique interviendrait si les élèves résistent trop. Des cas de coups et blessures auraient été signalés par les jeunes filles, indique létude de Récife ONG. Les jeunes filles auraient exprimé leur désarroi face aux sollicitations de leurs professeurs qui abusent de leur autorité et profitent de leur position de supériorité pour exercer des pressions sur elles afin d'obtenir des rapports sexuels. Les enseignants
tout en reconnaissant que ces pratiques existent, tenteraient de les justifier
en invoquant les attitudes et habillements provocateurs des élèves ou encore
l'isolement dans lequel ils se trouvent quand ils sont affectés dans les
provinces (Récife ONG, 2003). Cette enquête a permis de collecter par interrogatoire direct les données sur les facteurs potentiels de risque de l'infection à VIH. Au cours de lenquête les individus sélectionnés ont été examinés : du sang, des urines, des sécrétions cervico-vaginales ont été recueillis pour identifier les principales IST et poser le diagnostic de l'infection à VIH. Les données de cette enquête présentent
lavantage dêtre représentatives de lensemble de la ville où elle a été
réalisée à la différence de lapproche des sites sentinelles. En effet, au
Burkina Faso comme dans la plupart des pays de lAfrique sub-saharienne, la
surveillance du VIH est largement basée sur des tests réalisés parmi la sous
population des femmes en grossesse, se rendant en consultation prénatale dans
un certain nombre de formations sanitaires sélectionnées comme sites
sentinelles. Lestimation de la séroprévalence est faite à partir des tests
réalisés sur les prélèvements sanguins anonymes effectués dans ce sous groupe de
femmes. Les limites dune telle approche sont évidentes lorsquon sait que pour
environ 2 naissances sur 5 au Burkina Faso, la mère na pas été en consultation
prénatale (EDS/BF, 2000). On est donc en droit de sinterroger sur le niveau
de représentativité des taux de prévalence qui en sont issus. Lanalyse se
structure en deux volets. Le premier consiste en une analyse descriptive et le
second, en une analyse multivariée. Le comportement de chacun des deux groupes de jeunes filles (scolarisées versus non scolarisées) est examiné à travers lâge au premier rapport sexuel, lécart dâge avec le premier partenaire sexuel et lutilisation des préservatifs. Cette analyse permet davoir une idée sur le comportement sexuel des jeunes filles. En matière de prévention du VIH/SIDA, lâge au premier rapport sexuel permet de déterminer le degré de vulnérabilité d'une personne et surtout des jeunes, en ce sens qu'un rapport sexuel trop précoce intervient quand les organes de la personne sont toujours en croissance et que cette dernière manque aussi d'expérience en la matière, toutes choses qui pourraient l'exposer davantage à des risques de contamination. Un autre élément de vulnérabilité des jeunes filles est l'âge du premier partenaire. En effet, si le rapport a eu lieu avec un partenaire beaucoup plus âgé, cela suppose que celui-ci a probablement plus d'expérience dans le domaine et qu'il a par conséquent, plus de risque d'avoir déjà été contaminé et partant, de contaminer la jeune fille. Pour une meilleure protection contre
le
VIH/SIDA, lutilisation des préservatifs par les jeunes filles devait être
systématique, notamment lorsque les relations sexuelles interviennent hors
union conjugale ; mais en est-il ainsi ? Nous examinons la question à
travers les réponses des jeunes filles ayant déjà eu une expérience sexuelle
aux entretiens relatifs à lutilisation du préservatif en fonction de leur
statut de fréquentation scolaire. Dans le second volet, nous utilisons une approche multivariée. Nous considérerons ainsi le statut sérologique comme étant la variable dépendante. Cest une variable dichotomique, codées «1» si VIH positif et «0» si VIH négatif. La variable dépendante subit linfluence dune série de déterminants socio-démographiques parmi lesquelles le statut de scolarisation. Nous utilisons pour cette analyse, un modèle de régression logistique afin d'évaluer l'influence nette exercée par chaque facteur sur la variable dépendante. En plus de notre principale variable dintérêt (le statut de scolarisation), les autres variables explicatives prises en compte sont lâge, le statut matrimonial, la filiation ethnique, la religion, le lieu de naissance, lâge aux premiers rapports sexuels. Pour tout facteur retenu, chacune de ses catégories est transformée en variable dichotomique parmi lesquelles une modalité de la variable est choisie comme référence et à laquelle les autres sont comparées. Nous retenons comme référence, les jeunes filles appartenant à la catégorie modale de la variable(celle qui renferme le plus grand nombre de cas). Pour lanalyse, les autres catégories sont comparées à cette catégorie de référence. Nous
avons recours à la procédure "logit" disponible dans le progiciel de
traitement statistique "STATA" pour réaliser nos traitements. Nous
présentons comme résultats, les risques relatifs et le niveau de signification
(des probabilités) obtenu à partir d'un test bilatéral[5]. Principales caractéristiques des jeunes filles Les âges moyen et médian de la population féminine jeune enquêtée sont tous les deux de 18 ans. Environ la moitié (52,3%) des jeunes filles sont nées à Bobo-Dioulasso ; lautre moitié constituant des migrantes durée de vie. Les principales raisons de leur installation à Bobo-Dioulasso sont familiales (41,0%), scolaires (16,9%), professionnelles (14,2%) et matrimoniales (14,0%). Les jeunes filles nées hors de Bobo-Dioulasso se répartissent presquà égalité entre celles qui sont nées dans une autre ville au Burkina Faso (37,1%), celles qui sont nées en milieu rural (32,3%) et enfin, celles qui sont nées hors du Burkina Faso (30,6%)[6]. La composition ethnique est assez diversifiée. La population féminine jeune touchée par lenquête est répartie en une quarantaine de groupes ethniques sur la soixantaine que compte le Burkina Faso. En ne prenant cependant en compte que les groupes dont la proportion atteint au moins 3%, on retiendra les mossi (29,8%), les bobo (16,7%), les samo/samogo (10,5%), les dafing (5,4%), les senoufo (4,2%), les dagara (4,0%) et les djan (3,4%). Le groupe ethnique (mossi) majoritaire au plan national est également le plus représenté à Bobo-Dioulasso. Les autochtones (Bobo) viennent en seconde position, suivis des groupes ethniques de représentation plus modeste. Environ sept jeunes femmes sur dix (69,0%) sont de religion musulmane. Les 30% restants sont des chrétiennes, essentiellement catholiques (26,6% de catholiques et 3,3% de protestantes). Sept jeunes filles sur dix ont fréquenté lécole (70,2%) contre 29,8% qui nont jamais été à lécole[7]. Parmi les jeunes filles de lenquête de Bobo qui ont fréquenté lécole, la moitié environ (46,9%) a le niveau primaire et à peu près la même proportion a le niveau secondaire et plus[8] . La répartition selon lactivité montre que les jeunes filles demeurent des élèves pour la plupart (une jeune fille sur deux (48,8%) ayant fréquenté lécole demeure élève) . En considérant lensemble de léchantillon, le tiers (34,1%) des jeunes filles sont des élèves, 30,8% sont des ménagères, 18,6% sont impliquées dans le petit commerce et la vente de produits alimentaires et 7,8% dans les services domestiques. Les jeunes filles sont encore pour la
plupart des célibataires (74,5%); une sur quatre est en union. Cinq sur les 707
femmes sont séparées/divorcées et deux sont veuves. Même si elles sont encore
majoritairement célibataires au moment de lenquête, la quasi totalité des
jeunes filles célibataires (93,1%) estiment que le mariage est une nécessité. La quasi-totalité des jeunes filles interrogées (97,2%) ont entendu parler du Sida. En ce qui concerne les voies de transmission, la voie sexuelle a été souvent citée par 3 filles sur 4 (74,1%). La voie sanguine a aussi été citée dans 1/3 des cas (37,3%) de même que les lames de rasoir (28,7%). La transmission mère-enfant est très peu ressortie de façon spontanée (1 fille sur 10). Par contre, lorsque la question est posée de savoir si une mère infectée peut transmettre le virus à son enfant, 3 jeunes filles sur 4 (73,3%) répondent par laffirmative. Il est toutefois préoccupant de constater quenviron 1 fille sur 6 (17,0%) na pas été en mesure de citer un seul mode de transmission du VIH. La scolarisation semble favoriser la connaissance du VIH/Sida. Lorsque lon considère les jeunes filles qui nont pas été en mesure de citer un seul mode de transmission du VIH, la proportion de celles-ci est de 24,2% au sein des non scolarisées, contre 13,7% parmi celles qui ont fréquenté lécole. La distinction selon le niveau dinstruction révèle que cette connaissance saméliore avec le niveau dinstruction. Alors quun peu plus dune fille sur 5 (23,2%) du niveau primaire ignore tout mode de transmission du VIH, au niveau secondaire premier cycle, cest environ une sur 25 (3,8%) qui ignore tout sur le mode de transmission et enfin aucune des filles de niveau second cycle du secondaire et au-delà ne lignore. Environ une jeune fille sur deux (48,8%) parmi celles qui nont pas été à lécole savent quune personne apparemment en bonne santé peut être en fait atteinte de VIH contre 75% parmi celles qui ont été à lécole. Cette connaissance augmente également avec le niveau dinstruction atteint : 62,7% au niveau primaire ; 88,2% au secondaire 1er cycle et la quasi-totalité des jeunes filles (97,7%) à partir du niveau secondaire second cycle. Le taux de connaissance de la transmission verticale augmente aussi avec le niveau dinstruction. Si dans lensemble, 73,3% des jeunes filles répondent par l'affirmative à la question de la possibilité de transmission verticale, les proportions sont de 56,4% parmi celles qui nont jamais été à lécole, contre 80,4% pour les filles ayant été scolarisées dont 70,8% au niveau primaire, 90,9% au secondaire premier cycle et la totalité (100%) du sous échantillon du niveau secondaire second cycle et au-delà. La relation scolarisation - connaissance du mode de transmission est du même type que la relation scolarisation et connaissance des précautions pour éviter la maladie. En effet, environ 1/3 des jeunes filles (30,8%) qui nont pas été à lécole nont pas été en mesure de citer une précaution permettant déviter le VIH/Sida contre seulement 13,9% pour celles qui ont fréquenté lécole. Ici encore, lanalyse selon le niveau dinstruction montre que le taux de connaissance de précautions permettant déviter le VIH/Sida croît avec laugmentation du niveau dinstruction. Pour les jeunes files de niveau dinstruction primaire, elles sont environ une sur quatre (23,6%) à ne savoir aucune précaution; au premier cycle du secondaire, elles ne sont plus seulement quenviron une sur 25 (3,8%) à ne pas connaître de précaution; enfin au second cycle du secondaire et au-delà, toutes les jeunes filles ont été en mesure de citer au moins une précaution pour éviter le VIH. Au titre des précautions pour
éviter le VIH, lutilisation du préservatif est de loin la précaution la plus
évoquée pour se protéger du VIH (63,2%). Viennent ensuite la fidélité au
partenaire (24,5%) et labstinence sexuelle évoquée par environ une jeune fille
sur 5 (21,5%). A peine une jeune fille sur vingt (4,7%) a déclaré avoir fait le test du VIH (Fig.1). Notons que presque toutes celles qui ont fait le test disent connaître leur statut sérologique (84,8%). Les filles qui ont fréquenté lécole sont relativement plus nombreuses (5,6%) que leurs consoeurs nayant pas fréquenté (2,4%) à avoir fait le test du VIH. A la question de savoir si elles souhaitent (à nouveau) connaître leur statut, dans lensemble, 3 filles sur 4 (73,8%) ont répondu par laffirmative dont 63,0% pour les non scolarisées et 78,4% pour celles qui ont fréquenté lécole (72,5% pour le niveau primaire et 84,3% pour le niveau secondaire et plus) (Fig. 2). le désir de subir le test du VIH serait donc positivement corrélé au niveau dinstruction ; Au nombre des raisons avancées par les jeunes filles pour justifier le fait quelles naient pas réalisé le test du VIH, on retient essentiellement "quelles ny ont pas encore pensé" pour une femme sur trois (35,0%); pour une sur 5 (18,9%), cest le manque dinformation; à peu près la même proportion (18,6%) nen veut pas alors que pour une sur 10 (10,4%), la peur serait la principale raison du non test (Annexe 3). Quel que soit le niveau dinstruction considéré, le fait de ny avoir pas encore pensé constitue la catégorie modale des raisons du non test. Une
prévalence qui augmente
rapidement avec lâge La distinction selon le statut de scolarisation indique que les jeunes filles qui nont pas été à lécole sont plus infectées (5,58%) que celles qui y sont allées (3,68%) (tableau 1). Parmi celles qui ont fréquenté lécole, les jeunes filles du niveau dinstruction secondaire et plus ont un taux de prévalence à VIH plus élevé que leurs consoeurs du niveau primaire. Le niveau dinstruction considéré jusquici est susceptible de refléter une situation passée. Par exemple une jeune fille qui déclare un niveau dinstruction « I » peut toujours être ou ne plus être à lécole. Aussi, pour lanalyse du lien scolarisation-VIH, il importe dexaminer ce quil en est des jeunes filles qui se sont déclarées élèves/étudiantes au moment de lenquête. Le tableau 2 donne le statut sérologique en fonction de cette catégorisation du statut scolaire actuel. Les filles qui ont fréquenté lécole mais qui ny sont plus ont un taux de séroprévalence presque aussi élevé que celui des femmes qui nont jamais été à lécole. Par contre celles qui se trouvent encore sur les bancs de lécole courent des risques significativement moins élevés dêtre infectées comparativement aux deux autres groupes. Ces résultats vont à lencontre de lidée selon laquelle lécole serait un lieu de harcèlement sexuel susceptible de favoriser la propagation du VIH. Les jeunes filles
préfèrent un partenaire
sexuel plus âgé Lexamen de lâge des premiers partenaires sexuels des jeunes filles indique un écart dâge moyen de 6,5 ans (Tableau .3) et qui varie selon le statut scolaire actuel de la jeune fille. Cet écart est en conformité avec la préférence clairement affichée pour une relation où le partenaire sexuel est plus âgé. Plus de quatre jeunes filles sur cinq (84,6%) lont exprimé à lenquête de Bobo-Dioulasso. Les filles qui nont jamais été à lécole enregistrent la plus grande différence dâge avec leur premier partenaire sexuel. Les jeunes filles encore sur les bancs de lécole sont celles pour qui lécart dâge avec le premier partenaire sexuel est le plus bas (moins de 5 ans). Une utilisation systématique du préservatif plus accrue avec la scolarisationParmi les filles qui ont déjà vécu une expérience sexuelle (370), 38,4% disent navoir jamais fait usage du préservatif dans leur vie. Parmi ces dernières, seulement deux sur 5 ont eu leur première expérience sexuelle dans le mariage. En considérant le statut de scolarisation, il ressort que la fréquentation scolaire est associée à une plus forte utilisation des préservatifs. Elles sont environ 6 sur 10 (62,1%) à navoir jamais fait usage du préservatif parmi les jeunes filles non scolarisées, contre une sur 4 (25,2%) parmi celles qui ont fréquenté lécole. Les jeunes filles de niveau primaire sont 63,7% à navoir jamais utilisé de préservatif contre 11,8% pour les jeunes filles de niveau secondaire et plus. En considérant toujours les filles avec expérience sexuelle, 7 sur 10 (69,6%) disent navoir pas utilisé de préservatif lors de leur premier rapport sexuel. Une proportion du même ordre de grandeur (72,6%) nen a pas utilisé lors du dernier rapport sexuel. En se limitant à présent aux filles célibataires ayant eu une expérience sexuelle (185), une sur deux (51,4%) déclare navoir pas utilisé de préservatif lors de la première aventure sexuelle ; à peu près la même proportion (56,7%) nen a pas fait usage lors du dernier rapport sexuel. Au moment de leur première expérience sexuelle, un peu plus de trois filles sur 5 (64,0%) ne connaissaient aucune méthode contraceptive. Celles qui en connaissaient ont davantage utilisé le préservatif (48,8 contre 19,7%). La différence de proportion est statistiquement significative. Lanalyse du comportement sexuel
des filles
célibataires avec leur dernier partenaire sexuel des douze derniers mois
indique que seulement un tiers (32,6% de 135 ) dit avoir toujours utilisé un
préservatif avec ledit partenaire ; 27,4% lutilisent souvent, 10,4%
rarement et 29,6%, jamais. La distinction selon la fréquentation scolaire
donne les résultats suivants : une jeune fille sur 4 (25,0%) nayant
jamais fréquenté a systématiquement utilisé le préservatif avec son dernier
partenaire sexuel des douze derniers mois. Quant aux jeunes filles qui ont
fréquenté lécole, on en compte une sur trois (33,9%). Le taux dutilisation
systématique du préservatif augmente avec le niveau dinstruction de la jeune fille :
18,9% pour les jeunes filles de niveau primaire et 40,4% pour les jeunes
filles de niveau secondaire et au-delà. Quen est-il du statut actuel de
fréquentation scolaire ? Lorsque lon considère le statut actuel de
fréquentation scolaire, il ressort que le taux dutilisation systématique du
préservatif est beaucoup plus faible au niveau des jeunes filles qui ont
fréquenté lécole mais qui ny sont plus (15,5%) comparées à celles qui nont
jamais fréquenté. Les jeunes filles, élèves au moment de lenquête ont eu à
près de 50% (47,1%), à faire un usage systématique du préservatif avec leur
dernier partenaire sexuel des douze derniers mois. Afin de mettre en lumière les facteurs importants de différenciation du risque de linfection à VIH, les variables explicatives sont prises en compte simultanément dans un même modèle. Les prédicteurs potentiels du statut sérologique ont été transformées en variables polytomiques. Pour chaque prédicteur retenu, chacune de ses catégories a été transformée en variable dichotomique parmi lesquelles une est choisie comme référence et à laquelle les autres sont comparées. Le tableau IV.4 fournit la distribution des jeunes filles pour chaque catégorie des variables exogènes retenues. CR= catégorie de référence Lanalyse de la probabilité dinfection à VIH par le modèle logit fournit des coefficients de régression logistique correspondant aux variables dichotomiques associées aux différentes modalités de chaque variable explicative présente dans le modèle. STATA prévoit un test de signification des différents paramètres estimés. Pour une variable à n modalités, il est calculé n-1 coefficients que nous comparons à la valeur zéro, correspondant au coefficient associé à la catégorie de référence omise de chacune de nos variables explicatives. Une valeur du coefficient supérieure à zéro signifie une augmentation des risques alors quune valeur négative traduit une diminution des risques au regard de la catégorie de référence. Afin de faciliter la lecture des résultats, nous avons transformé les coefficients en probabilités, puis calculé des risques relatifs en rapportant la probabilité dune catégorie donnée de la variable à celle de la catégorie de référence (tableau 5). Les résultats de lanalyse multivariée font ressortir un risque dinfection au VIH des jeunes filles de la tranche dâge 20-24 ans plus élevé que celui des filles de moins de 20 ans, toutes choses étant égales par ailleurs. Lécart entre les deux groupes dâge étant pratiquement de 1 à 9. Lappartenance religieuse apparaît aussi comme un facteur discriminant; les jeunes filles non musulmanes sont près de 3 fois plus exposées au risque dinfection au VIH que les jeunes filles de confession musulmane. Par ailleurs les deux groupes ethniques majoritaires à Bobo-Dioulasso, à savoir les mossi et les bobo sont significativement plus épargnés par linfection à VIH que le groupe ethnique « autres » composé des autres groupes ethniques répertoriés lors de lenquête. Les jeunes filles qui vivent ou ont vécu en union courent 25% de risques dinfection plus que les jeunes filles célibataires. La méconnaissance dune méthode de prévention du VIH augmente dun peu plus de 80% les risques dinfection à VIH comparativement aux jeunes filles qui en connaissent au moins une. En ce qui concerne notre principale
variable
explicative, à savoir le statut de scolarisation, les jeunes femmes qui
continuent de fréquenter lécole courent moitié moins de risques dinfection à
VIH comparativement à celles qui ont abandonné les bancs de lécole. Par
contre, le fait de navoir jamais fréquenté augmente les risques dinfection de
un cinquième toutes choses étant égales par ailleurs. Toutefois, aucune
différence statistiquement significative na pu être relevée. Ce texte avait pour objectif de tenter de répondre aux questions de savoir si la scolarisation permet plus dautonomie et donc ladoption de comportements de prévention face aux risques dinfection à VIH ou au contraire si le milieu scolaire serait le lieu qui expose les jeunes filles au risque dinfection à VIH du fait notamment du harcèlement sexuel qui augmente cette vulnérabilité. Les analyses ont été effectuées à partir dun échantillon de 707 jeunes filles, âgées entre 13 et 24 ans ; les données sont issues dune enquête transversale réalisée à Bobo-Dioulasso en 2000. Les résultats révèlent un taux de séroprévalence de 4,10%, moitié moins que le niveau enregistré chez les femmes adultes (25-49 ans) lors de la même enquête (8,35%). Lanalyse du lien entre scolarisation des jeunes filles à Bobo-Dioulasso et risques dinfection à VIH ne permet pas dincriminer lécole comme un lieu qui favorise la propagation du virus. Bien au contraire. La fréquentation scolaire à la différence de la non fréquentation est plutôt associée à des comportements susceptibles de réduire les risques dinfection à VIH. Les jeunes filles qui ont fréquenté lécole versus celles qui nont pas fréquenté, sont relativement moins nombreuses à avoir déjà eu une expérience sexuelle dans la vie comme lont montré dautres études (YouthNet, 2004). Lécart dâge avec le premier partenaire sexuel est plus grand pour les jeunes filles qui nont pas fréquenté. Le taux dutilisation des préservatifs est plus important chez les jeunes filles qui ont fréquenté. Il en résulte un taux dinfection à VIH un peu plus faible chez les jeunes filles qui ont fréquenté (3,68%) comparativement à celles qui nont jamais été à lécole (5,68%) Toutefois, labandon scolaire rendrait plus vulnérables les jeunes filles qui ont été momentanément exposées à lécole comparativement à celles qui demeurent dans le système[9]. Linfluence positive de lenvironnement scolaire sur les comportements sexuels (des jeunes filles) observés à Bobo-Dioulasso sont en accord avec les résultats détudes réalisées ailleurs. En effet une étude menée auprès denviron 16 000 jeunes dans neuf pays de la Caraïbe révèle que les plus importants facteurs de protection contre les risques dinfection à VIH ont trait à lécole (YouNet, 2004). Les résultats concernant Bobo-Dioulasso ne sont pas pour autant moins inquiétants à lanalyse des comportements sexuels des jeunes filles dans leur ensemble. Celles-ci ont généralement des rapports sexuels et préfèrent en avoir avec des hommes plus âgés quelles. Ces résultats sont semblables à ceux obtenus par Zanou et autres (2002) en Côte dIvoire, indiquant que 89% des adolescentes ont leur premier rapport sexuel avec des hommes plus âgés. Ces hommes ont probablement déjà une longue expérience sexuelle et partant, un temps dexposition plus long au risque dinfection à VIH. Or, lutilisation du préservatif est très limitée. Un peu moins de la moitié des jeunes filles célibataires ont fait usage du préservatif lors de leur première expérience sexuelle. Par ailleurs, en raison de la précocité de lentrée en union des jeunes filles, celles-ci entrent en union avec des hommes plus âgés, probablement à plus hauts risques davoir déjà été infectés (YouthNet, 2004). Les jeunes filles sont donc souvent infectées étant en union entre autres parce que lutilisation du préservatif - un des moyens les plus efficaces de protection contre le VIH - est significativement faible. Ces résultats concordent avec ceux de la deuxième enquête démographique et de santé du Burkina Faso réalisée en 1998-99 (EDS/BF, 2000) qui indiquent un très faible niveau dutilisation du condom. Lenquête de Bobo-Dioulasso révèle par
ailleurs que les jeunes filles âgées de 20 à 24 ans sont particulièrement exposées
au risque dinfection à VIH (environ 9 fois plus) que leurs plus jeunes surs
âgées de moins de 20 ans. Ce résultat plaide en faveur dun renforcement des
actions en direction des filles plus jeunes, dans lâge de ladolescence (avant
20 ans)
[1] Létude a été menée par le Centre MURAZ de Bobo-Dioulasso et l'Unité d'Enseignement et de Recherche en Démographie (UERD) de l'Université de Ouagadougou, sous légide du Comité National de Lutte contre le SIDA et les MST (CNLS). Le financement a été assuré par le FNUAP et lONUSIDA. [2] http://www.recif.kabissa.org/filles.html [3] Le déroulement des opérations de terrain est décrit en détail dans le rapport dexécution de lenquête de terrain (Baya et al., 2000). [4] Létude multicentrique coordonnée par lONUSIDA a déjà été réalisée dans différents centres urbains africains dont Cotonou (Bénin), Yaoundé (Cameroun), Kisumu (Kenya) et Ndola (Zambie). Elle vise à décrire de manière standardisée par des enquêtes de population les facteurs de risque d'infection à VIH. [5] Le test bilatéral (versus le test unilatéral) comporte deux valeurs critiques. Le risque alpha se partage également aux deux extrémités de la distribution déchantillonnage. Dans un test unilatéral, le niveau de signification équivaut à la moitié de celui dun test bilatéral. Si par exemple nous avons un coefficient significatif à 10% dans un test bilatéral, il lest à 5% dans un test unilatéral. [6] La répartition de la population féminine enquêtée selon les principales caractéristiques socio-démographiques figure en annexe IV.1. [7] Mentionnons pour mémoire, quà la rentrée 1999/2000, seulement un tiers (34 %) des enfants burkinabè dâge scolaire (7-12 ans) était effectivement scolarisés. Cette moyenne nationale cache des disparités spatiales importantes et surtout la persistance dune sous-scolarisation des filles (avec un taux net de 27,7 % contre 39,7 % pour les garçons), qui saccroît pour les niveaux secondaire et supérieur. [8] Les faibles effectifs à partir du second cycle du secondaire nous ont souvent amené à considérer une seule catégorie « secondaire et plus ». [9] Il est possible que celles
qui ont abandonné lécole figurent parmi les cas de victimes des abus sexuels
liés à lenvironnement scolaire. Copyright 2004 - Union for African Population Studies The following images related to this document are available:Photo images[ep04036tA1.jpg] [ep04036tA3.jpg] [ep04036f1.jpg] [ep04036f3.jpg] [ep04036tA2.jpg] [ep04036t2.jpg] [ep04036f4.jpg] [ep04036t5.jpg] [ep04036f5.jpg] [ep04036t1.jpg] [ep04036t4.jpg] [ep04036t3.jpg] [ep04036f2.jpg] |
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