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African Population
Studies/Etude de la Population Africaine, Vol. 19, No. 2, Sup. B, 2004, pp.
227-250 Jean-Pierre Zamwangana Tungu Institut de Démographie,
Université catholique de Louvain, Belgique RÉSUMÉ Létude
examine les effets sur la fécondité de la migration des femmes de la campagne et
villes régionales du Congo vers Kinshasa, la capitale, à travers la comparaison
des comportements des femmes migrantes et non-migrantes. Elle sappuie sur les
données dune enquête par sondage menée en 2002 par lauteur dans la ville de
Kinshasa auprès dun échantillon aléatoire e 2068 femmes mariées de 15-49 ans.
Lhypothèse centrale de létude est que les femmes qui migrent des régions
moins urbanisées vers les régions plus urbanisées prennent les comportements de
la région de destination, selon des mécanismes qui varient selon les processus
en jeu : sélectivité des migrantes, adaptation de la fécondité des
migrantes à lenvironnement daccueil, rupture de la vie reproductive des
migrantes. Les résultats montrent que les femmes arrivant à Kinshasa ont pratiquement
les mêmes comportements de fécondité que leurs homologues résidant depuis
toujours dans la capitale. Les divers indices de fécondité récente et cumulés
tendent en effet à être légèrement inférieurs chez les migrantes que chez les
non-migrantes de même âge ou de même durée de mariage, mais les différences
sont dans lensemble statistiquement non-significatives. En conclusion, en
attendant lapprofondissement des analyses par des méthodes multivariées et
explicatives, létude suggère que la migration féminine peut jouer un rôle
non-négligeable dans lamorce de la transition de la fécondité à Kinshasa. INTRODUCTION Limpact de la migration féminine sur la fécondité est une vieille préoccupation en démographie et dans dautres sciences sociales. Cette problématique constitue encore de nos jours un important domaine dinvestigation. En effet, depuis le premier travail séminal de Kiser en 1938 aux Etats-Unis, les chercheurs (démographes, sociologues et économistes) continuent à examiner les liens existant entre la migration (interne ou internationale) et la fécondité aussi bien dans les pays du Nord que dans ceux du Sud, du fait sans doute de lintérêt théorique et politique que cette problématique suscite en termes de changements démographiques ou dadaptation des migrants à leur nouvelle société. Diverses raisons justifient létude des effets migratoires sur les comportements de fécondité. Les recherches sur le sujet donnent une indication utile sur le degré dadaptation des migrants à leur région daccueil (Bach, 1982) et sur leur contribution à la fécondité urbaine, rurale ou générale (Lututala, 2003). Elles améliorent aussi les perceptions des planificateurs et décideurs politiques sur le rôle des migrations dans la transition de la fécondité, comme le signalent plusieurs auteurs, dont Brockerhoff et Yang (1994) :
Ces recherches conduisent aussi à lamélioration de la qualité des résultats des perspectives démographiques régionales. Leur élaboration se fonde en effet sur un certain nombre dhypothèses sur les comportements des migrants. Selon que ces derniers gardent les comportements de la région dorigine où adoptent ceux de la région de destination, les tendances de ces perspectives seront différentes. Faute détudes sur les effets de la migration sur la fécondité, de telles hypothèses ne reposeraient pas sur des résultats empiriques et voueraient ainsi les perspectives à une plus grande incertitude. En dépit de cet intérêt, il y a encore peu détudes sur limpact de la migration sur la fécondité en Afrique subsaharienne (Oucho, 1991 ;Omondi et Ayiemba, 2003 ; Lututala, 2003). Pourtant, lAfrique est la région qui a actuellement le plus besoin de recherches sur ce domaine, et ce pour trois raisons au moins : (i) elle est la région où la fécondité reste la plus élevée et le moins en baisse du monde ; (ii) elle enregistre une croissance urbaine spectaculaire résultant en grande partie de mouvements migratoires ; (iii) elle est le plus en mal des politiques de population efficaces et cohérentes qui tiennent effectivement compte des différents aspects de la population et du développement du continent. Ces raisons justifient pour le moins lintérêt de lintensification des études de relations entre fécondité et migration des femmes en vue daider, entre autres choses, à une meilleure capitalisation des flux migratoires vers les grandes villes dans lélaboration de politiques de population comme le mentionne aussi Oucho (1991) :
La présente étude essaie danalyser les effets de la migration des femmes sur la fécondité (cumulée et récente), à travers la comparaison entre les comportements de fécondité des femmes migrantes installées à Kinshasa et les comportements des non-migrantes de cette ville à partir de données dune enquête menée dans cette ville en 2002 auprès de 2.068 femmes mariées et en âge de procréation. Lhypothèse centrale de létude est que le fait de migrer dune région à forte fécondité vers une région à faible fécondité conduirait les migrantes à adopter les comportements proches de ceux des non-migrantes de la région daccueil. Nous commencerons par synthétiser les théories qui sous-tendent lhypothèse centrale de notre étude, avant détayer notre démarche méthodologique et ensuite dindiquer les principaux résultats obtenus. Ceux-ci seront présentés en deux temps ; nous donnerons dabord les différences observées de fécondité entre femmes migrantes et femmes non-migrantes et indiquerons ensuite linfluence de certaines caractéristiques socio-économiques sur ces différences de fécondité. Considérations théoriquesLa migration peut être considérée comme lun des facteurs de la modernisation au même titre que la scolarisation, la participation économique et lurbanisation. Elle est, à ce titre, un des déterminants de la fécondité, puisque les migrants peuvent avoir des jugements de valeur et des comportements différents de ceux des personnes quils rencontrent dans les lieux de migration (EMF, 1980). Cependant, le rôle de la migration sur la dynamique démographique et en particulier sur la fécondité est souvent appréhendé en pratique au niveau macro-structurel et non individuel. Pourtant beaucoup dauteurs font référence à limpact de la migration sur le comportement de fécondité des femmes (Coulibaly et Pol, 1975 ; Goldstein et Goldstein, 1982 ; Goldscheider, 1982 ; Lesthaeghe, 1988 ; Bourgeois-Pichat, 1987 ; Findley, 1982 ; Bogin, 1982 et 1988 ; Simmons, 1984 ; Coleman, 1996), en considérant la migration vers la ville comme un moteur du changement de comportement de fécondité. Voici en guise dexemple les propos de Bourgeois-Pichat (1987) à ce sujet :
Du point de vue empirique, les effets de la migration des femmes sur la fécondité urbaine sont mesurés à travers la comparaison entre la fécondité des femmes migrantes et la fécondité des femmes non-migrantes. Celles-ci sont soit des sédentaires restées dans les campagnes, soit des sédentaires des milieux urbains de condition comparable. Les résultats de ces études montrent que les femmes migrantes peuvent avoir une fécondité inférieure, égale ou supérieure à celle des natifs urbains, mais souvent inférieure à celle des sédentaires restés dans les campagnes ; ils indiquent également une certaine variabilité de ces différences de fécondité suivant certaines des variables socio-démographiques (Zamwangana, 2001). Le nombre limité de travaux qui contrôlent ces variables ne permet pas en revanche didentifier clairement les variables qui jouent un rôle important dans la manifestation des différences entre migrantes et non-migrantes en matière de fécondité. Quatre modèles sont proposés dans la littérature démographique et sociologique pour expliquer les différences de fécondité selon le statut migratoire : (i) le modèle de sélectivité qui sappuie sur le concept de sélectivité migratoire bien connu des démographes ; (ii) le modèle dadaptation qui impute le nouveau comportement de fécondité des migrantes à leur adaptation aux conditions de vie du milieu daccueil ; (iii) le modèle de socialisation qui met laccent sur la socialisation (des normes, attitudes et croyances) des migrantes en matière de reproduction ; (iv) le modèle de rupture selon lequel les changements associés à la migration affectent la fécondité. Comme le soulignent beaucoup dauteurs, ces hypothèses sont complémentaires ; elles ne doivent pas être considérées comme des alternatives ou mutuellement exclusives. Le modèle de sélectivité considère que les migrantes sont des personnes qui se caractérisent par un certain nombre de traits psychologiques ou démographiques qui les prédisposent à une faible fécondité (Hervitz, 1985 ; Ribe et Schultz, 1980). Une autre idée relative à la sélectivité est que lintention de migrer conduit à une baisse de la fécondité, puisque « les individus qui migrent adoptent des comportements particuliers, notamment quils retardent leur procréation et leur mariage, ou quils mettent moins denfants au monde pour ne pas handicaper la réalisation de leurs intentions migratoires » (Lututala, 2003 : 122). Aussi, Ribe et Schultz (1980) distinguent-ils deux catégories de migrantes : celles qui désirent moins denfants et qui se dirigent vers les grandes villes, et celles qui désirent avoir plusieurs enfants et qui migrent vers dautres milieux ruraux. Le choix de la destination des migrantes ne serait pas un fait du hasard, mais déterminé par les objectifs que lon se fixe en matière de fécondité. En définitive, le modèle de sélectivité semble expliquer les différences de fécondité par la composition sélective des migrantes et/ou ladoption par ces dernières des comportements conséquents en matière de fécondité ou de contraception (retard de lâge de la femme au mariage et à la première naissance, désir dune taille réduite de la famille, etc). Le modèle dadaptation postule, pour sa part, que la plus faible fécondité des femmes immigrées à la ville résulte de leur adaptation aux contraintes physiques, économiques et sociales ainsi quau mode de vie du nouvel environnement (Findley, 1982 ; Goldstein et Goldstein, 1982 ; Lee et Pol, 1993 ; Hervitz, 1985 ; Brockerhoff, 1998). Comme les contraintes et le mode de vie dominants en ville sont généralement favorables à une faible fécondité, la fécondité des migrantes sera inférieure à celle des sédentaires restées en milieu rural, mais proche de celle des natifs urbains de condition comparable. Diverses hypothèses sous-tendent cet ajustement des comportements de fécondité des migrantes à lenvironnement daccueil. Certaines dentre elles sinscrivent dans la perspective des théories micro-économiques de fécondité, et dautres sont relatives à certaines théories sociologiques, notamment celle dassimilation développée par Park dans les années 1920 (Ribe et Schultz, 1980 ; Findley, 1982 ; McKinney, 1993 ; Ford, 1990). Ainsi, comme le soulignent Goldstein et Goldstein (1982), « adaptation perspective point to conditions at place of destination as the key variables affecting the fertility of migrants.» Une variante du modèle dadaptation parfois évoquée dans la littérature et quon peut qualifier dhypothèse des caractéristiques stipule que les écarts de fécondité entre les migrantes et les non-migrantes de la région daccueil résulte de la composition socio-économique différentielle entre les deux catégories de femmes (Martine, 1975 ; Ro, 1976 ; Young, 1980). Les tenants de cette explication se fondent sur le fait que les migrants sont généralement moins qualifiés, moins instruits et plus démunis que les autres citadins. Ainsi, selon cette hypothèse, la convergence de la fécondité entre les non-migrantes et les migrantes ne pourrait se produire quavec lassimilation de ces dernières, cest-à-dire avec la « disparition de toute différence entre les immigrés et la population autochtone » (Henry, 1981). Le modèle de socialisation ou dacculturation (family-origin hypothesis) met laccent sur ladoption progressive par les migrantes qui sinstallent en ville des normes, valeurs, croyances et attitudes relatives à la fécondité dominant dans leurs milieux dimmigration. Ainsi, bien quelles traînent avec elles les valeurs culturelles acquises ou parfois même subies dans leurs milieux dorigine, les migrantes finissent, au bout dune certaine durée de résidence, par adopter des normes, attitudes et croyances prévalant dans le nouvel environnement de résidence (Lututala, 2003 ; Hervitz, 1985 ; Ribe et Schultz, 1980) Ce processus dacculturation ou de socialisation des modèles culturels de la fécondité sinscrit dans une durée pouvant sétaler sur toute une génération au point que cest chez les migrantes de seconde génération que peut se concrétiser la convergence des comportements entre les migrantes et les natifs urbains. Ainsi, le modèle de socialisation concernant limpact de la migration sur la fécondité nadmet pas un changement rapide des comportements de fécondité avec le changement du milieu de résidence, et ce « malgré la présence en ville de divers facteurs de baisse de la fécondité » (Brockerhoff et Yang, 1994). En outre, « this hypothesis does not discuss relative prices of children in urban and rural areas or the effect of more expensive and better paying labor market opportunities for women in most urban as compared with rural areas.» (Ribe et Schultz, 1980 : 8). En définitive, contrairement au modèle dadaptation qui voit le changement de la fécondité engendré par la migration comme le résultat de ladaptation des migrantes au lieu daccueil, celui de socialisation lattribue à un processus graduel dacculturation que subissent les migrantes dans leur nouvel environnement. Le modèle de rupture a été développé par Goldstein et Tirasawat (1977). Il constitue une approche explicative différente de celles développées précédemment, puisque ses mécanismes daction portent davantage sur les effets « collatéraux » de la migration que sur le changement de comportement proprement dit. Le modèle de rupture stipule en fait que la migration en ville saccompagne souvent de changements qui dune manière ou dune autre peuvent provoquer momentanément une perturbation dans la vie reproductive et/ou familiale des femmes et réduire ainsi leur fécondité. Les causes potentielles et observées de cette rupture sont nombreuses et complexes. On évoque généralement la séparation temporaire des conjoints ; séparation qui peut se traduire par une absence « forcée » ou une diminution de la fréquence des rapports sexuels conjugaux et donc par une baisse de la fécondité du fait de la réduction du risque de conception. Il y a aussi le stress consécutif à la migration ; stress dont les effets physiologiques peuvent se traduire par le blocage du mécanisme de lovulation ou la baisse de la libido sexuelle. Les difficultés socio-économiques de linsertion durant les premières années dimmigration peuvent aussi causer la rupture de la vie reproductive par le refus de procréer ou de se marier, en vue de mieux repartir ailleurs ou dattendre les meilleurs jours. Il reste toutefois que la séparation des conjoints, due à la migration, est le facteur de rupture le plus important et le plus fréquemment avancé dans la littérature (Potter et Kobrin, 1982 ; Goldstein et Goldstein, 1982), ce qui justifie sans doute lusage du concept de désintégration familiale souvent associé au modèle de rupture. Ainsi, selon le modèle de rupture, les différences de fécondité entre migrantes et non-migrantes sexpliqueraient davantage par la différence de fréquence de rapports sexuels entre les deux catégories de femmes. Dautres facteurs de nature socio-démographique ont été identifiés dans la littérature. Ils concernent notamment la durée de résidence à la ville daccueil, le milieu dorigine ou de destination, le motif de la migration, lâge et le statut familial à la migration, lexpérience urbaine avant la migration, le nombre de migrations, le caractère temporaire ou définitif de la migration, (Goldstein et Goldstein, 1982 ; Goldstein et Goldstein, 1983 ; Findley, 1982 ; Martine, 1975 ; Brockerhoff, 1990). Selon le schéma ci-dessus, la migration entretient une relation directe ou indirecte avec la demande denfants, loffre denfants et les coûts de régulation de la fécondité, et à travers ces facteurs, elle influe sur la régulation des naissances et la fécondité proprement dite. La migration peut agir directement sur ces composantes de la fécondité ou en interaction avec les autres caractéristiques dont la durée de résidence dans le lieu de destination. Celle-ci implique que les effets de la migration sur la fécondité et ses différentes composantes deviennent plus importants au fur et à mesure que les migrantes séjournent dans la région daccueil. Comme on la vu, ce sont les mécanismes de sélectivité, dadaptation et de socialisation qui assurent larticulation entre la migration, la durée de résidence au lieu daccueil, la fécondité et ses différentes variables intermédiaires. La sélectivité des migrantes suppose que celles-ci sont dotées de caractéristiques leur permettant de mieux sinsérer dans le nouvel environnement et dadopter des nouveaux comportements en matière de reproduction (plus faible demande denfants, attitudes favorables à la régulation de la fécondité, contrôle plus efficace des naissances, .). Le concept dadaptation suggère, lui, que les migrantes sadaptent rapidement aux contraintes et conditions de vie de la région daccueil, adaptation qui leur permet de mieux prendre conscience de la charge des enfants, de raccourcir les durées dallaitement et dabstinence sexuelle, de réduire la demande denfants et de contrôler éventuellement leur fécondité. En ce qui concerne le mécanisme de socialisation, lidée de base est que linsertion socioculturelle des migrantes favorise progressivement labandon des attitudes et comportements traditionnels de fécondité, les rapproche des services de planification familiale et conduit à lamélioration de leurs connaissances et attitudes vis-à-vis des méthodes contraceptives. Il sensuit une certaine convergence dans la demande et loffre denfants, les coûts et la pratique de la régulation des naissances entre les populations migrantes installées dans les grandes villes et les sédentaires de ces villes. Ces convergences dans les variables intermédiaires peuvent être à lorigine de la convergence de la fécondité entre ces deux sous-populations migrantes et non-migrantes si toutes les autres choses sont égales par ailleurs. Cest lhypothèse de base qui sera vérifiée dans cette étude ; nous allons la préciser plus loin. Comme cela apparaît bien sur le graphe, notre schéma conceptuel sarticule sur un ensemble de sept concepts ou variables théoriques. Celles-ci peuvent être réparties dans les trois grandes rubriques suivantes :
Données, concepts et méthodologieDonnées Les données utilisées dans cette étude proviennent de lEnquête démographique dénommée Migration interne et comportements démographiques à Kinshasa, MICOKIN en sigle, que nous avons réalisée dans la ville de Kinshasa dans le cadre du Programme « Research Training Fellowship through Masters Programmes in Population, Demography or Reproductive Health, 2000-2002 » de lorganisme anglais The Wellcome Trust. Il sagit dune enquête par questionnaire auprès dun échantillon représentatif de la population de la ville de Kinshasa (environ six millions dhabitants dont près de la moitié serait composée de migrants), préparée et exécutée de septembre 2001 à septembre 2002. Les données ont été collectées de février à mars 2002 auprès de 2.068 femmes « mariées » âgées de 15 à 49 ans révolues, choisies de façon aléatoire dans 64 des 320 quartiers que compte cette agglomération. Lenquête a connu la participation de 20 enquêteurs, 3 contrôleurs et 1 superviseur. Le plan de sondage détaillé de lenquête MICOKIN est présenté par ailleurs (Zamwangana, 2003). Létude se situant au niveau micro-structurel, analyse des conséquences au niveau individuel de la migration sur la fécondité, la femme est notre unité danalyse. Afin déliminer demblée les femmes sorties de leur vie reproductive ou ne la vivant pas pleinement au moment de lenquête, léchantillon a été restreint aux seules femmes mariées et en âge de reproduction ; le mariage étant ici pris au sens large du terme : toute union, légale ou non mais socialement reconnue, entre un homme et une femme, quil y ait eu versement de tout ou partie de la dot ou non. Lensemble des femmes ainsi définies ont été soumises à un questionnaire portant principalement sur lhistoire migratoire depuis la naissance (le cas échéant), les caractéristiques socio-économiques et démographiques du couple ainsi que sur les attitudes et comportements en matière de fécondité, de nuptialité, dallaitement, dabstinence post-partum et de contraception. Ce questionnaire permet bien dexaminer à bien la relation entre la migration et la fécondité au niveau individuel. Lexamen préliminaire des données obtenues montre quelles sont de bonne qualité générale tant du point de vue de la cohérence externe que de celui de la cohérence interne : il y a eu en effet peu de cas de refus et dabsence (taux de couverture de lenquête égal à 93 %) ; peu de déclarations erronées dâge et de dates des événements vitaux comme le premier mariage, la première naissance, malgré quelques attirances remarquables pour des chiffres ronds dans la déclaration des durées dallaitement, dabstinence post-partum et daménorrhée ; une allure plutôt régulière de la parité déclarée selon le groupe dâge des femmes ; peu de réponses indéterminées ou invraisemblables ; ainsi quune proximité des niveaux dun certain nombre dagrégats démographiques entre notre enquête et MICS2/2001 (par exemple une certaine proximité entre la prévalence contraceptive des femmes en union de lenquête MICOKIN (13 %) et celle fournie par lenquête MICS2-2001 pour la ville de Kinshasa (11 %)). Pour de plus amples renseignements sur les résultats de lévaluation de la qualité de ces données, voir Zamwangana (2003) Définitions et indicateurs de migration et de fécondité Le concept de migration a déjà reçu bon nombre de définitions en démographie et dans dautres sciences sociales. Ces définitions varient selon les préoccupations des auteurs et surtout les dimensions quils privilégient dans leurs travaux. Dans cette étude, la migration a été définie comme un déplacement dindividu impliquant le changement de résidence de lintérieur du pays vers la ville de Kinshasa depuis plus de 6 mois ; seuls les déplacements des individus arrivés à lâge de 6 ans ou plus sont pris en compte. Cette définition permet de classifier les enquêtées en deux catégories classiques : les migrantes, soit les personnes ayant effectué un tel changement de résidence, et les non-migrantes. Elle ne permet pas cependant de tenir compte de la diversité de ces migrantes qui comprennent à leur sein les migrantes récentes, les anciennes migrantes et les migrantes de retour. Pour désagréger les migrantes en autant de catégories, nous utilisons un indice de migration qui combine (i) le statut migratoire proprement dit (migrante/non-migrante), (ii) la durée de résidence à Kinshasa (depuis moins de 10 ans ou depuis plus de 10 ans), (iii) le lieu de naissance (permettant de repérer les migrantes de retour à Kinshasa) ainsi que (iv) lâge à la migration grâce auquel les migrantes enfants (âgées de moins de 6 ans à la migration) sont incorporées dans la catégorie de non-migrantes. Ainsi avons-nous en définitive les quatre groupes de travail ci-après : (i) les non-migrantes de Kinshasa : femmes ayant toujours vécu à Kinshasa, y compris les femmes venues avant lâge de 6 ans. Groupe majoritaire, elles représentent 56 % des femmes de léchantillon. (ii) les migrantes de retour : femmes nées à Kinshasa, émigrées puis retournées avant lenquête. Elles représentent 8 % des femmes de léchantillon. (iii) les anciennes migrantes : femmes immigrées à Kinshasa depuis plus de 10 ans. Elles comptent pour 26 % de lensemble des femmes enquêtées. (iv) les migrantes récentes : femmesimmigrées à Kinshasa depuis moins de 10 ans. Elles représentent environ 10 % de lensemble des femmes enquêtées. La fécondité est le processus de production des enfants nés-vivants par les individus, les couples ou les populations. Elle est appréhendée dans cette étude à travers le niveau de fécondité cumulée et celui de fécondité récente, celle-ci permettant de « mesurer les comportements récents » (Tabutin, 2000). Trois indicateurs individuels de fécondité seront tour à tour utilisés pour mesurer le niveau de fécondité : lindice individuel de fécondité cumulée (IFC), la parité ajustée (Pj) et lindice individuel de fécondité récente (IFR)[1]. Chaque indice individuel de fécondité cumulée (IFC) est calculé à partir du nombre denfants nés vivants mis au monde par une femme au cours de sa vie jusquau moment de lenquête, en rapportant, pour chaque femme, ce nombre denfants au nombre moyen denfants des femmes du même groupe dâge ; cest une variante du DRAT (Duration Ratio) de Boulier et Rosenzweig que lon peut utiliser lorsquon ne veut pas utiliser le schéma standard de fécondité « naturelle » proposé par Coale et Trussel ou se construire son propre standard faute de données appropriées. Lindice IFC positionne la fécondité de chaque femme par rapport à la moyenne parmi les femmes du même groupe dages. Un indice IFC de 1,35 par exemple (de surfécondité) pour les femmes migrantes traduirait que ces femmes ont une fécondité 35 % supérieure à la moyenne parmi les femmes du même groupe dâges (migrantes et non-migrantes confondues) ; si le même indice est de lordre de 1,03 pour les femmes non-migrantes de Kinshasa, alors la fécondité des femmes migrantes est de 31%, soit [(1,35/1,03)*100], supérieure à celle des non-migrantes. Lindice correspondant au niveau agrégé est obtenu par la moyenne arithmétique des indices individuels de lensemble des femmes composant le groupe considéré, soit :
où Cij(a) représente le nombre denfants - nés vivant chez la femme i dâge a appartenant au groupe social j ; Cj(a) représente le nombre moyen denfants nés - vivants dans lensemble des femmes dâge a appartenant au groupe social j ; m représente le nombre de femmes composant le groupe j. La parité ajustée (Pj) est obtenue par le rapport de la parité déclarée par la femme à sa durée totale de mariage à lenquête (Tabutin, 2000). Elle tient en fait compte de la durée totale dexposition au risque de fécondité et indique pour chaque femme le nombre denfants nés - vivants par année de mariage. Un indice de lordre de 0, 30 par exemple indique environ une naissance vivante tous les trois ans. Lindice correspondant au niveau agrégé est calculé comme suit.
où Cij représente le nombre denfants nés vivant chez la femme i du groupe social j ; Dij représente la durée totale dunion (depuis le premier mariage) à lenquête pour la femme i du groupe social j ; m représente le nombre de femmes composant le groupe j. Lindice individuel de fécondité récente (IFR) est calculé à partir du nombre de naissances vivantes survenues durant les cinq années précédant lenquête, soit la période allant de 1997 à 2001 dans le cadre de cette étude. Il est obtenu en rapportant le nombre de naissances vivantes que chaque femme a connu au cours de ces cinq années à sa durée de mariage durant cette période. Comme le mentionne Tabutin (2000), lindice ainsi calculé est « léquivalent du taux de fécondité légitime au niveau individuel ». Il indique le nombre denfants nés vivants par année-femme vécue durant cette période quinquennale. Au niveau dun groupe considéré, une fois encore, lindicateur agrégé nest rien dautre que la moyenne arithmétique des indices individuels de lensemble des femmes de ce groupe, soit :
où Nij représente le nombre de naissances durant les cinq années précédant lenquête chez la femme i appartenant au groupe social j ; dij représente la durée dunion pour la femme i appartenant au groupe j durant la période quinquennale de référence ; m représente le nombre de femmes composant le groupe j. Méthode et stratégie danalyse Lévaluation des effets de la migration sur la fécondité (passée et actuelle) est effectuée au moyen de la méthode de comparaison des moyennes. Celle-ci a consisté à comparer les valeurs moyennes des indices de fécondité (IFC, Pj et IFR) des femmes migrantes et non-migrantes de même âge ou durée de mariage. Pour tester la significativité statistique des différences observées, nous avons recouru à la méthode de lanalyse de variance (test F de Snedecor). Linterprétation des résultats se base sur les P-valeurs associées aux statistiques de F. Lorsque la P-valeur associée à une statistique F est inférieure au seuil de signification retenu, nous concluons que la différence est statistiquement significative à ce seuil ; dans le cas contraire, la différence est due au seul hasard. La quasi-totalité de ces tests se sont avérés non significatifs au seuil de 5%. Limpact des caractéristiques socio-économiques sur le rapport de fécondité entre migrantes et non-migrantes est examiné au moyen de lanalyse par stratification. Nous avons vérifié, par exemple, pour chaque modalité du niveau dinstruction atteint par la femme (instruction faible, instruction élevée) si les différences ou convergences de la fécondité par âge ou durée de mariage ont la même intensité. A linstar de travaux antérieurs sur la relation entre migration et fécondité et de ceux sur les effets économiques de la migration, les modifications du comportement de fécondité supposément issues de la migration vers Kinshasa sont évaluées à travers la comparaison entre les comportements des migrantes installées à Kinshasa et les comportements des non-migrantes de cette ville. Prenant les comportements de ces dernières comme un standard et compte tenu des écarts de fécondité entre lintérieur du pays et la ville de Kinshasa, nous considérons que la migration influence la fécondité des migrantes sil y a un certain ajustement de la fécondité des migrantes à celle des non-migrantes de condition comparable. Leffet négatif de la migration peut également se traduire par une fécondité un peu plus basse des migrantes par rapport à celle des non-migrantes. Principaux résultatsQuelques caractéristiques des migrantes et des non-migrantes enquêtéesIl
y a, dans léchantillon et selon les critères établis, 900 femmes migrantes
dont 62 % proviennent directement de régions rurales et 38 % de villes
régionales du pays ; villes dont le niveau de fécondité est supérieur à
celui de la ville de Kinshasa. La diversification des origines des migrantes
vont de pair avec la différenciation de leurs motifs darrivée ou de retour à
Kinshasa. Si la majorité des migrantes (environ 70 %) y sont venues pour
accompagner ou rejoindre le conjoint ou un autre membre de famille, certaines
dautres lont fait pour des raisons économiques ou scolaires. Il reste que
lon est encore loin, dans le réseau migratoire de Kinshasa, des modèles
économiques de migrations féminines tant les migrations socio-familiales (liées
notamment au mariage) demeurent encore la forme dominante des mouvements des
femmes vers cette ville. Lâge des migrantes à larrivée ou retour à Kinshasa
est concentré autour de ladolescence (entre lâge de 12 et 18 ans) et entre 19
et 34 ans. Les résultats de lenquête indiquent que 32 % des femmes migrantes
sont venues entre 12 et 18 ans et 47 % entre 19 et 34 ans. La migration précoce
(avant 12 ans) nest pas importante, puisquelle ne concerne que 16 % des
migrantes (non comprises bien sûr les migrantes arrivées avant lâge de 6 ans,
dorénavant classées comme non-migrantes). Les migrations plus tardives,
intervenues après lâge de 35 ans, sont également rares dans léchantillon de
notre étude (5 %). Hormis les migrantes anciennes, toutes les catégories de
migrantes semblent avoir une structure par âge similaire à celle des
non-migrantes de Kinshasa. Lâge moyen des migrantes récentes (31 ans) et des
migrantes de retour (32 ans) ne semble pas différent de celui des non-migrantes
de Kinshasa, bien quil se démarque nettement de celui des migrantes anciennes
(38 ans). La tendance est pratiquement la même avec la durée écoulée depuis la
première union : la proportion de femmes mariées depuis plus de 15 ans est
plus élevée chez les migrantes anciennes que dans les autres groupes de femmes.
Lâge et la durée de mariage méritent par conséquent dêtre contrôlés dans les
différentes analyses. En revanche, il y a peu de différence entre les
différents sous-groupes (migrantes et non-migrantes) sur les caractéristiques
socio-économiques et culturelles comme la filiation religieuse et ethnique, le
niveau dinstruction, lactivité économique et le niveau de vie. On est
visiblement en présence des quatre sous-populations peu différentes au plan
socio-économique. Quen est-il alors sur le plan démographique et reproductif
en particulier ? En
somme, il semble bien
apparaître à la lumière des données disponibles, que les femmes immigrées à
Kinshasa au cours des 20-30 dernières années ont pratiquement le même
comportement récent en matière de fécondité que les femmes qui ont toujours
vécu dans cette ville depuis la naissance ou la prime enfance. Contrairement à
nos attentes, la durée de résidence à Kinshasa ne semble pas introduire une
importante variabilité dans le comportement récent en matière de fécondité
entre les migrantes : rien nindique que le comportement des migrantes est
dautant plus proche des non-migrantes que leur durée de séjour à Kinshasa est
élevée. De même, les migrantes de retour ne paraissent pas globalement accuser
un comportement récent de fécondité différent de celui dautres types de
migrantes ou de non-migrantes de Kinshasa. Cest quasiment à la même conclusion quon arrive en utilisant une autre mesure de la fécondité cumulée, à savoir lindice comparatif de fécondité cumulée, léquivalent du DRAT de Boulier et Rosenzweig, déjà présenté plus haut. Lessentiel de linformation concernant cet indicateur par durée de mariage est présenté au tableau 4. Il y apparaît assez clairement, à une exception près, quà durée de mariage égale, le niveau relatif de fécondité des femmes de chacune des catégories de migrantes est légèrement inférieur ou égal à celui des non-migrantes de Kinshasa. Le niveau relatif de fécondité des anciennes migrantes (0,94) de 5-9 ans de mariage par exemple est 11 % inférieure à celui des non-migrantes de Kinshasa (égal à 1,05), tandis que celui des migrantes récentes, égal à 0,97 est 8 % inférieure à celui de ces dernières. Il en est quasiment de même avec les migrantes de retour qui accusent un niveau relatif de fécondité plus bas que leurs homologues résidant depuis toujours dans la capitale congolaise. Cest pratiquement le même rapport de fécondité entre migrantes et non-migrantes qui sobserve chez les femmes ayant entre 10-14 ans ou plus de 15 ans de mariage. Mais comme le montrent la valeur de F et le nivea de significativité qui lui est associée (tableau 4), ces différences de fécondité ne savèrent pas statistiquement significatives au seuil de 5 %, traduisant la convergence des comportements de fécondité entre les non-migra ntes et les différentes catégories de migrantes considérées dans le travail. Bien sûr, reflet à la fois de la bonne qualité de données et de la convergence des comportements entre les différents sous-groupes, le niveau relatif de fécondité varie avec la durée de mariage : les femmes récemment mariées (moins de 5 ans) étant en sous-fécondité par rapport à la moyenne parmi les femmes du même groupe dâges, celles mariées depuis plus de 10 ans étant en sur-fécondité relative. Cela est vrai tant chez les migrantes de retour, les migrantes récentes et anciennes migrantes que chez les non-migrantes. Ainsi, que lon travaille sur la fécondité récente ou la fécondité cumulée ; quelles soient mesurées par le taux de fécondité légitime ou le niveau relatif de fécondité du type DRAT, la conclusion est la même : le niveau de fécondité des femmes immigrées à Kinshasa, quelle que soit leur histoire migratoire (migrantes de retour, migrantes anciennes ou migrantes récentes), légèrement plus faible, a tendance à être proche de celui des non-migrantes de Kinshasa. Linfluence de certaines caractéristiques sur le lien entre migration et fécondité Beaucoup dauteurs comme Findley (1982) ont souligné limportance de certaines caractéristiques socio-économiques comme le niveau dinstruction, le statut social et lactivité économique de la femme dans la relation entre la fécondité et la migration des femmes, étant entendu que les comportements procréateurs et migratoires dépendent largement de ces caractéristiques. Cependant peu détudes ont jusquà présent vérifié cet état de choses à Kinshasa et ailleurs. Pourtant, lidentification de caractéristiques qui jouent un rôle important dans la manifestation des différences de fécondité entre migrantes et non-migrantes est une donnée qui permet de déterminer le profil des migrantes qui adoptent rapidement et facilement les nouveaux comportements et celui des migrantes qui se montrent plutôt peu réceptives. Les effets des trois caractéristiques socio-économiques sur la relation entre migration et fécondité sont mesurés dans cette étude, à savoir le degré de scolarisation des femmes, le degré de leur participation économique ainsi que le niveau de vie des ménages auxquels elles appartiennent. Il sagit là de variables qui, avec lâge et la durée de mariage, constituent les principaux déterminants de la fécondité à Kinshasa (Shapiro et Tambashe, 1997 et 2003). Lanalyse est ici restreinte à la seule fécondité récente, bien que les résultats ne soient pas assez différents de ceux obtenus avec la fécondité cumulée. Linfluence du degré de scolarisation de la femme Les données recueillies à Kinshasa ne semblent pas montrer que le rapport entre la migration et la fécondité varie selon le degré de scolarisation des femmes comme le montrent les résultats du tableau 5. En effet, le niveau de la fécondité récente tend à être légèrement inférieur chez les femmes migrantes que chez les femmes non-migrantes aussi bien lorsque ces femmes sont peu scolarisées (moins de 10 années de scolarité) que lorsquelles sont assez scolarisées (10 années de scolarité ou plus). Sur des résultas non présentés ici, nous sommes également arrivé à la même conclusion en considérant plutôt la fécondité cumulée. Nous pourrions en déduire que lajustement des comportements de fécondité des migrantes à celui de la ville de Kinshasa ne présuppose vraisemblablement pas que celles-ci aient dabord atteint un certain niveau de scolarisation, bien que celui-ci soit une des conditions générales de baisse de la fécondité. Linfluence du niveau de vie des ménages Les conditions de vie du ménage auquel appartient la femme migrante peuvent déterminer sa capacité à adopter des nouveaux comportements en matière de fécondité. Il se peut par exemple que les migrantes appartenant aux ménages économiquement démunis aient par ce fait même plus que les autres migrantes des jugements de valeur et des attitudes hostiles à une faible fécondité. Dans ce contexte, le niveau de vie des ménages peut jouer un rôle important dans la manifestation des différences de fécondité entre les migrantes et les non-migrantes. Cependant, rien de tout cela ne sobserve à Kinshasa lorsque lon considère simplement la quantité de biens de consommation durable comme un proxy du niveau de vie des ménages et que lon situe la ligne de pauvreté au niveau de possession dau moins cinq biens de ce type. En effet, les résultats présentés au tableau 6 tout en mettant en évidence lexistence dune certaine association entre niveau de vie et niveau de fécondité des femmes, montrent aussi que les différences de fécondité entre chacun des sous-groupes de migrantes et les non-migrantes de Kinshasa ne varient guère selon le niveau de vie des ménages, notamment chez les femmes du groupe dâges 25-34 ans et 35-49 ans. Le niveau de vie des ménages ninfluencerait donc pas le rapport entre la migration et la fécondité à Kinshasa. Linfluence du degré de participation économique Lidée que les différences de fécondité entre migrantes et non-migrantes peuvent varier selon le degré de participation économique des femmes ne trouve pas non plus décho dans le contexte de notre étude comme cela découle de lanalyse des résultats du tableau 7. Il y apparaît que les écarts de fécondité, déjà très faibles, entre les migrantes et les non-migrantes sont damplitude pratiquement égale aussi bien chez les femmes travailleuses que chez les femmes au foyer. Il aurait été peut-être plus intéressant de tenir compte de la nature (salariée ou non) du travail exercé par les femmes travailleuses, mais le faible effectif des femmes travailleuses à Kinshasa ne nous a pas permis de les désagréger davantage. En somme, cette analyse sommaire des effets de certaines caractéristiques socio-économiques sur la mesure de la relation entre migration et fécondité montre, si besoin en est, combien les différentes catégories socio-économiques des migrantes sinstallant dans la ville de Kinshasa, tendent à ajuster leurs comportements de fécondité à ceux de cette ville. Elle apporte sans doute de nouveaux éléments nécessaires à la vérification de notre hypothèse centrale. CONCLUSION Le principal objectif de cette étude était dévaluer les effets de la migration des femmes sur leurs comportements en matière de fécondité. Il sagissait, en dautres termes, de voir si le fait de migrer des régions congolaises à forte fécondité (campagnes et villes régionales) vers la ville de Kinshasa conduisait les migrantes à adopter les mêmes comportements de fécondité que les femmes qui y ont toujours vécu depuis la naissance ou la prime enfance. Pour ce faire, suivant en cela dautres auteurs ayant déjà abordé cette question, nous avons opté pour lanalyse différentielle de la fécondité entre les non-migrantes de Kinshasa et diverses catégories de migrantes. Ces dernières ont été constituées sur la base du statut migratoire de la femme, de la durée de résidence à Kinshasa, de lâge à la migration et du lieu de naissance. La comparaison de divers indices de fécondité récente et cumulée de chacun des sous-groupes des migrantes avec ceux des non-migrantes met en évidence le lien entre la migration des femmes et la fécondité à Kinshasa, puisquà âge ou durée de mariage égal, les femmes immigrées à Kinshasa ont légèrement moins denfants que les non-migrantes, bien que les différences observées ne soient pas importantes. Par ailleurs, contrairement à nos attentes, ces différences ne varient guère selon certaines caractéristiques socio-économiques des femmes. Il se dessine assez clairement une certaine tendance à lhomogénéisation des comportements en matière de fécondité entre les femmes migrantes et non-migrantes de Kinshasa. Compte tenu des niveaux plus élevés de fécondité des milieux/régions de provenance de ces migrantes, il est tentant de conclure que les femmes immigrées à Kinshasa tendent à ajuster leurs comportements de fécondité à ceux de la ville de Kinshasa. Elles ne devraient pas par conséquent être considérées comme un groupe à forte fécondité, mais comme des personnes qui peuvent jouer un rôle important dans la diffusion des nouveaux comportements en matière de fécondité aussi bien dans leur milieu dimmigration que dans les milieux dorigine en cas de retour comme le suggère la citation de Brockerhoff et Yang en début de ce texte. Si les résultats de cette analyse exploratoire nous permettent déjà davoir quelques éléments de réponse à notre question de départ, ils méritent encore dêtre approfondis dune part par une analyse multivariée permettant de contrôler en même temps plusieurs caractéristiques socio-économiques et démographiques de la fécondité, et, dautre part, par une approche explicative grâce à laquelle on peut parvenir à dégager des facteurs explicatifs des tendances observées. Ces deux aspects constituent lobjet de la prochaine étape de cette étude. REMERCIEMENTS Lauteur tient à remercier The WELLCOME TRUST qui a financé cette recherche (projet n°062014/Z/00/Z). RÉFERÉNCES
[1] Le lecteur intéressé aux principes et méthodes de calcul de ces indices individuels de fécondité, peut consulter Tabutin (2000).
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