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African Population Studies/Etude de la Population Africaine, Vol. 19, No. 2, Sup. B, 2004, pp. 251-264 Laccessibilité culturelle : une exigence de la qualité desservices et soins obstétricaux en Afrique Gervais Beninguisse[1], Béatrice Nikièma[2], Pierre Fournier[3]et Slim Haddad[4] RÉSUMÉ La pertinence de la qualité
dans la perspective des clients est de plus en plus reconnue en santé
reproductive mais les initiatives de changement sont rares, en partie parce que
ses composantes sont encore scientifiquement peu documentées. Cet article
examine la problématique de la qualité des services et de soins obstétricaux en
Afrique dans la perspective des clientes en mettant en évidence limportance de
ladéquation de loffre biomédicale avec les attentes et préférences dans
lappréciation de la qualité et son influence potentielle sur les décisions en
matière dutilisation. Trois sources dinformation sont utilisées : une
revue de la littérature socio-anthropologique ; une enquête qualitative
réalisée au Cameroun sur la perception que les femmes ont de la qualité de services
et soins obstétricaux dans les systèmes traditionnel et biomédical ; et
une analyse quantitative de données secondaires sur la justification des
comportements dutilisation des services modernes dobstétrique au Burkina
Faso. Daprès les résultats, il y a dune part des attentes et préférences
spécifiques dont les réponses sont prévues par lappareil biomédical. Il sagit
par exemple de la détermination du sexe et de la gémellité de la naissance
attendue, de laccouchement sans douleurs et de laccouchement par césarienne.
Dautre part, il y a des points dattachement dont le système biomédical est en
marge. Ainsi la discrétion qui traditionnellement entoure la grossesse à ses
débuts (incompatible avec la prescription biomédicale de précocité de la première consultation prénatale, fixée daprès les
normes en vigueur, au premier trimestre de la grossesse), la présence
réconfortante de lentourage familial, le bénéfice de soins traditionnels tels
que les massages daprès délivrance, laccès aux suites de couches (cordon,
placenta) après laccouchement, la préservation de lintimité de la femme par
léloignement de toute présence masculine et lutilisation non collective des
salles de séjour et du matériel dinterventions obstétricales, sont autant
déléments dont lexclusion influence négativement la qualité perçue et peut
constituer une entrave à lutilisation des services obstétricaux.
Lamélioration de la qualité passe donc nécessairement par une adéquation de
loffre aux attentes et préférences et fait appel à une complémentarité dans
laction entre les systèmes traditionnel et biomédical pour la définition dun
paquet minimum consensuel de soins obstétricaux qui garanti à la fois
lefficacité clinique et la satisfaction des clients. INTRODUCTION Laccès aux services obstétricaux est une des composantes essentielles dune bonne santé reproductive en Afrique. Le contexte épidémiologique de la maternité, particulièrement préoccupant, le justifie pleinement. Daprès les estimations de lOMS (OMS, 1998), le ratio de mortalité maternelle pour 100000 naissances vivantes est de 870 en Afrique contre 36 en Europe, 11 en Amérique du Nord, 190 en Amérique Latine et Caraïbes et 390 en Asie. La mortalité périnatale est estimée à 75 en Afrique contre 13 en Europe, 9 en Amérique du Nord, 39 en Amérique Latine et Caraïbes et 53 en Asie (WHO, 1996). Pour faire face à ces problèmes, des services obstétricaux sont déployés dans les pays africains avec un souci croissant daméliorer leur qualité, cest-à-dire leur capacité à offrir de meilleurs soins à un plus grand nombre de femmes, notamment par des soins efficaces à moindres risques et dispensés avec compétence technique (Diprette et al., 1993). Mais le degré dadhésion des populations demeure largement en deçà des attentes des prestataires et nettement plus faible que dans les autres régions du monde. En effet, toujours daprès lOMS, la fréquence du recours aux soins prénatals parmi les femmes enceintes est de 63% en Afrique contre 97% en Europe, 95% en Amérique du Nord, 73% en Amérique Latine et Caraïbes et 65% en Asie. La fréquence du recours à lassistance médicale pendant laccouchement est davantage plus faible : 42% en Afrique contre 98% en Europe, 99% en Amérique du Nord, 75% en Amérique Latine et Caraïbes et 53% en Asie. LAfrique nest donc pas seulement la région du monde où la fécondité et les risques liés à la grossesse et à laccouchement sont les plus élevés, elle est aussi la région où les femmes ont le moins recours aux services obstétricaux. Cette situation suscite bien des interrogations scientifiques ayant des implications programmatiques aux rangs desquelles figure laccessibilité culturelle des services et de soins obstétricaux, une des exigences importantes de la qualité en Afrique. Cet article se propose de clarifier la problématique de la qualité des services et de soins obstétricaux dans la perspective des clientes, en analysant les écarts entre loffre et les attentes et préférences des populations. Larticle est structuré en quatre parties. La première examine la relation entre la sous-utilisation des services obstétricaux et la mortalité maternelle, de manière à situer le contexte dans lequel la problématique de la qualité est abordée du point de vue de laccessibilité culturelle. La deuxième partie fait une synthèse de la littérature socio-anthropologique en mettant en évidence les éléments dinadéquation entre loffre biomédicale de services et de soins obstétricaux et les attentes et préférences des populations africaines. La troisième partie rend compte dune validation empirique au Cameroun et au Burkina Faso. Au Cameroun, des femmes rapportent leur perception de la qualité des systèmes biomédical et traditionnel de services et soins obstétricaux. Au Burkina Faso, des mères expliquent pourquoi elles ont choisi de recourir au système moderne ou traditionnel de soins obstétricaux pour le suivi de leur grossesse ou pour laccouchement. Enfin, nous terminons dans la quatrième partie, par une discussion sur les implications des résultats. Problématique de laccès aux services obstétricaux en Afrique Le problème de laccès aux services obstétricaux en Afrique se pose en terme de sous-utilisation associée à une forte mortalité maternelle. Une démarche compréhensive conduit donc inéluctablement à sinterroger, entre autres, sur la question de la qualité desdits soins. Une sous-utilisation associée à une forte mortalité maternelle La mortalité maternelle est définit comme un phénomène associé à la grossesse et à laccouchement. Daprès lOMS, cest « le décès d'une femme survenu au cours de la grossesse ou dans un délai de 42 jours après sa terminaison, quelle quen soit la durée ou la localisation, pour une cause quelconque déterminée ou aggravée par la grossesse ou les soins qu'elle a motivé mais ni fortuite ni accidentelle ». Cette définition soulève quand même une difficulté : celle de limputation causale du décès maternel. En effet, tous les décès qui surviennent au cours de cette période (de la conception à 42 jours après laccouchement) ne sont pas forcément imputables à la grossesse ou à laccouchement. De même, toutes les complications de grossesse ou d'accouchement ne débouchent pas forcément sur un décès au cours de cette période (Campbell et Graham (1991a et 1991b). Cest surtout laccès aux soins de qualité pendant laccouchement qui est fortement lié à la mortalité maternelle puisquil est empiriquement établit quenviron deux tiers des décès maternels surviennent en fin de grossesse (Abou Zahr, 1998). La mesure de la mortalité maternelle est lacunaire en Afrique du fait notamment de la défaillance des données adéquates. En dépit de cette lacune, on peut observer une forte relation (coefficient de corrélation=0,70) entre la mortalité maternelle et lassistance de laccouchement par un personnel qualifié (graphique1). Une faible proportion daccouchements assistés par un personnel qualifié est associée à une forte mortalité maternelle. Même si cette corrélation ne permet pas détablir un lien de causalité, elle est une forte présomption qui permet de penser que laccès aux soins obstétricaux de qualité peut contribuer à la réduction de la mortalité maternelle. Laccessibilité culturelle figure aux rangs des indicateurs susceptibles de rendre compte de la qualité perçue des services et de soins obstétricaux en Afrique. Laccessibilité culturelle en tant quindicateur de qualité Le concept de qualité, emprunté à la médecine et à lindustrie, est de plus en plus au cur des préoccupations des programmes de santé reproductive. Dans le domaine de la santé reproductive, la qualité signifie « offrir toute une gamme de services sûrs et efficaces qui répondent aux attentes et préférences des clients » (Kols et Sherman, 1998). Ainsi définit, la qualité intègre non seulement la perspective des prestataires, cest-à-dire la prestation des soins sûrs efficaces ainsi que les ressources et lorganisation qui la détermine, mais aussi dans la perspective des clients, à savoir des soins qui répondent aux besoins et préoccupations des clients. Cest dans la perspective des clients que laccessibilité culturelle est examinée en tant quindicateur de qualité des services et de soins obstétricaux. Du point de vue de laccessibilité culturelle, une bonne qualité de services et de soins obstétricaux est appréciée par rapport à lattention accordée aux attentes et préférences des femmes dictées par leurs coutumes et traditions. Cest surtout dans le domaine du planning familial que la pertinence des attentes et préférences des clients comme indicateurs de qualité a été empiriquement éprouvée. Leur influence sur la satisfaction des clients et lutilisation de la contraception (intensité et continuité) a ainsi été mise en évidence (Yinger, 1998 ; Who, 1996 ; Kaplan et Ware, 1995 ; Mensch et al., 1995 ; Hall et al., 1993). On sait par contre peu de choses sur leur rôle sur lappréciation de la qualité et lutilisation des services obstétricaux. Quels sont les attentes et préférences en matière de services et de soins obstétricaux et comment les prestataires y répondent-ils ? Une synthèse de la littérature socio-anthroplogique et une observation empirique nous livre quelques éléments de réponse dans les lignes qui suivent. Attentes et préférences en matière de
services et de soins obstétricaux en Afrique: bref aperçu de la
littérature socio-anthropologique Quelques repères idéologiques Dans la plupart des sociétés africaines, la
grossesse est une conjugaison harmonieuse du naturel (cest-à-dire du
« proprement physiologique ») et du spirituel, le résultat dune
action copulatoire des géniteurs favorisée par laction providentielle des
forces transcendantales (Beninguisse, 2003 ; Lallemand, 1991 ; Erny,
1988). Attentes et préférences relatives à la prise en charge de la grossesse Une discrétion absolue au premier trimestre de la grossesse La prise de conscience de la grossesse se fait à partir des signes classiques dits présomptifs tels que larrêt de règles, une sensation fréquente de fatigue dès larrêt des règles, un engorgement des seins (ressenti sous forme de contractions), les nausées à prédominance matinale, des coliques et constipations, des douleurs du bas de labdomen, un gain pondéral significatif, de fréquentes envies de sommeil, une transpiration plus abondante (Erny, 1993 ; Ombolo, 1990). Le premier trimestre de la grossesse (1 à 3 cycles lunaires d'absence de règles) est une étape capitale du processus denfantement (Ewombé-Moundo, 1991)[5]. La femme croit en une probabilité de grossesse sur la base des signes classiques décrits précédemment. A cette étape, l'on pense que le produit de la conception n'est qu'une masse de sang, un mollusque qui n'est pas encore une véritable grossesse. La femme a donc tout intérêt à garder la nouvelle sécrète, dune part, pour se protéger contre les esprits jaloux et malveillants (Laburthe-Tolra, 1985) et dautre part, pour ne pas anticiper sur la volonté divine ou celle des puissances de lau-delà (génies, ancêtres) sur une grossesse encore incertaine. Cette discrétion de début fait éviter à la femme le « ridicule » dune fausse alerte de grossesse. Elle n'en parle qu'à ses proches parents en cas de nécessité. Dans certaines ethnies comme chez les Yambassa du Cameroun (Onana Badang, 1979), les femmes ne doivent même pas en parler à leur mari car « ce sont les maris qui trahissent le secret de leur nouvel état physiologique dans leurs conversations avec les autres membres du groupe ». Le mari géniteur s'en apercevra d'ailleurs de lui-même par un changement brutal d'attitude : il aura eu des rapports sexuels avec sa femme sans que cette dernière lui parle de ses menstrues ; sa femme a de plus en plus envie de lui (une augmentation des appétits sexuels) et sa température ne cesse de s'élever. Ce souci permanent de discrétion peut constituer un obstacle au recours aux services et soins prénatals notamment à la précocité de la première consultation qui, selon les normes en vigueur en Afrique, doit se dérouler au plus tard dans le premier trimestre de la grossesse. Cette exigence peut être perçue comme une occasion potentielle de rupture du secret et donc comme une source de danger pour la femme. Un besoin latent de détermination du sexe et de la gémellité de la naissance Si l'attente d'un enfant revêt une importance capitale, l'attente d'un mâle ou des jumeaux est perçue, dans la plupart des ethnies africaine, comme un événement particulièrement valorisant au plan social (Erny, 1993 ; Lallemand, 1991). La naissance d'un garçon constitue, pour la famille, l'assurance d'une perpétuation de la lignée et, pour le père, la garantie d'être vénéré comme ancêtre après sa mort (les filles étant destinées à quitter le lignage en raison de la règle de lexogamie qui régit les mariages dans de nombreuses ethnies). Chez les Babouantou du Cameroun (Tribu Bamileké) (Nzikam Djomo, 1977), les mouvements du ftus ressentis à droite du ventre laissent présager une naissance masculine et à gauche ou ailleurs une naissance féminine. Après les relations sexuelles, la femme Souto se couche du côté droit pour avoir un garçon et gauche pour avoir une fille (De Pedrais, 1950). Dans dautres ethnies, on croit en une possibilité dorienter de façon sélective le sexe de lenfant en agissant sur les mécanismes de fécondation. Chez les Beti du Cameroun, labsorption de « layan fam (oignon mâle) », peu avant les relations sexuelles permet dobtenir une naissance mâle (Ombolo, 1990). La mise au monde des jumeaux élève les géniteurs au statut de privilégiés à qui on reconnaît des dons et des égards particuliers. Chez les Bamiléké du Cameroun, les Kouyou du Congo Brazzaville et les Banyamwési dAfrique de lOuest (Charles-Henry et De Latour, 1991 ; Lheyet-Gaboka, 1954 ; Bösch, 1930), les jumeaux sont porteurs de bienfaits : ils sont supposés apaiser les souffrances physiques par le simple contact de leur main et leurs géniteurs acquièrent un prestige social et le pouvoir de pacifier. « Si une mère de jumeaux brandit des herbes de paix entre deux antagonistes, la querelle s'arrête sur-le-champ », dit-on chez les Bamileké. Mais la naissance des jumeaux n'est pas toujours source de bienfaits. Les attentes sociales à leur égard sont quelquefois teintées de craintes en raison même de leur origine mystérieuse et des multiples pouvoirs qu'ils sont censés détenir. Chez les Mbali dAngola (De Pedrais, 1950), la naissance de jumeaux représente une calamité pour tout le pays et donc il faut sen séparer. Chez les Banen du Cameroun (Mahend Betind, 1966; Dugast, 1960) les jumeaux sont capables de répandre la disette dans le village, de transmettre la « maladie des jumeaux » (Biasas)[6]. Ils peuvent aussi provoquer la stérilité chez les femmes dont la menstruation coïncide avec leur naissance. La reconnaissance d'une grossesse gémellaire commence par un pressentiment basé sur des signes tels que laugmentation inhabituelle du volume abdominal et la fréquence des dèmes des membres inférieurs. Ces signes dits présomptifs sont soumis par la suite à l'examen divinatoire auprès d'un devin-guérisseur pour une éventuelle confirmation. Cest sans doute le contexte social de préférence male, de valorisation ou dappréhensions des jumeaux qui a développé cet intense besoin de détermination du sexe et de la gémellité de la naissance que lon observe dans nombre de sociétés africaines. Ce besoin trouve aujourdhui sa réponse au système biomédical par le biais de léchographie, mais le coût de cet examen est loin dêtre à la portée de tout le monde. Les catégories sociales les plus défavorisées ne pouvant y accéder, nont souvent dautre choix que de se soumettre à la consultation divinatoire dont le coût des prestations nest souvent que symbolique[7]. Les interdits et prescriptions alimentaires et comportementaux : des exigences sacrées de la gestation. Cest à partir du deuxième trimestre de la grossesse (3 à 6 cycles lunaires d'absence de règles), deuxième étape du processus denfantement, que les interdits et les prescriptions alimentaires et comportementaux sont observés aussi bien par la femme enceinte et le père géniteur que par lentourage familial (Ewombé-Moundo, 1991 ; Abega, 1996). La femme enceinte est en butte à toutes sortes dinterdits gestuels, postoraux et alimentaires[8] qui relèvent dun code socio-sanitaire, éthique (morale sociale) et esthétique de la communauté. Tout ce qui peut prétendument nuire à la préparation physiologique et psychologique de la future parturiente ou de lenfant est à proscrire (Ewombé-Moundo, 1991 ; Ravololomanga, 1991 ; Kashamura, 1973). La signification symbolique de ces interdits repose sur lanalogie ou la similitude entre la forme, la texture ou les caractéristiques des aliments ou des gestes proscrits et lissue de la grossesse et le devenir de lenfant. Daprès Lallemand (1991 : 10), il sagit « dune association métaphorique ou métonymique entre la conséquence imputée à lobjet et la crainte quil suscite : interdire tout lieux de deuil aux femmes enceintes de peur quelles avortent relève de la métaphore, les empêcher de manger du lièvre sous prétexte quil est voleur et risque ainsi de communiquer cette propriété particulière au ftus relève dune démarche métonymique ». Sil est des aliments et gestes interdits, il y en est par contre qui sont fortement recommandés, notamment ceux qui sont des symboles de fécondité ou de fécondation. Leur absorption (ou observation) équivaut à répéter lacte de fécondité ou de fécondation pour neutraliser toute velléité inconsciente dentraver le bon déroulement de la grossesse (Deutsch, 1949). Même si à certains égards, on peut déplorer laspect négatif de ces interdits, par exemple leur conséquence sur léquilibre alimentaire de la femme enceinte, ils rassurent et procurent à celles qui les observent damples satisfactions maternelles. Aussi importe-t-il que lappareil biomédical de la prise en charge de la grossesse tienne compte de ces interdits dans ses prescriptions nutritionnelles et de préparation sophrologique pour en accroître la satisfaction. Le support social de lentourage familials: un précieux accompagnant Les membres de lentourage familial ont un rôle important à jouer dans le processus denfantement. Dune part, ils sont tenus d'assurer la protection de la future mère en lui évitant tout obstacle impressionnant et en sabstenant d'évoquer devant elle l'expérience d'une issue défavorable de grossesse (Ewombé-Moundo, 1991). Ils ont en outre le rôle et la responsabilité d'apporter à la future mère tout le support social dont elle a besoin pour faire face aux difficultés d'ordre psychologique (stress, problèmes conjugaux, etc.) et matériel (aide aux tâches ménagères, garde des enfants, contraintes financières) qui sont susceptibles de peser sur l'issue de grossesse. Dautre part, les membres de lentourage familial exercent sur la femme enceinte un contrôle social de ses émotions, sentiments, attitudes et comportements, de manière à les orienter vers les modèles socialement valorisés, (Raponda-Walker, 1995 ; Kashamura, 1973). Tout ceci montre que laccompagnement psychologique de la grossesse est une exigence importante de lobstétrique traditionnelle africaine. Bien que cette exigence constitue un besoin définit et prévu par lobstétrique biomédicale, force est de constater quelle ne figure pas dans le paquet minimum de soins offert en Afrique. Attentes et préférences relatives à la prise en charge de laccouchement Lieu et pratiques daccouchement : unicité, intimité et convivialité Le lieu daccouchement est choisi avec un souci permanent de discrétion, de sécurité (la crainte de sorciers par exemple), dintimité et de convivialité. Le lieu daccouchement varie selon les ethnies et les systèmes de filiation (patrilinéaire ou matrilinéaire) (Erny, 1989) mais plus souvent la famille dorigine de la parturiente est le lieu le plus indiqué. A travers ce choix, la famille maternelle, avec les bons soins de la mère de la parturiente, prend solennellement lengagement dassurer la sécurité de la délivrance. En général, l'accouchement se déroule dans un endroit discret, loin des regards envieux et jaloux pouvant provoquer ou prolonger les souffrances de la parturiente. L'accouchement public est presque toujours perçu comme une calamité. Chez les Beti du Cameroun (Laburthe-Tolra, 1991), on pense qu'un ennemi pourrait recueillir le sang de laccouchée pour faire mourir le nouveau-né et bloquer toutes les naissances futures. C'est pour cette raison fondamentale que la femme choisira, autant que possible, d'enfanter dans un milieu où elle se sentira le plus en sécurité (dans son village natal, chez sa mère ou chez ses surs). Chez les Bambara dAfrique occidentale et les Joola du Sénégal, cest pour préserver lespace social de la souillure du sang de laccouchement que la naissance se déroule en dehors du village (Journet, 1991 ; Erny, 1989) Laccouchement se déroule dans la cuisine, derrière la case, sur la pierre d'accouchement, par terre, sur une natte, sur des feuilles ou sous une tige de bananier, sur un lit en bambou préalablement fabriqué pour la circonstance. Lespace est aménagé pour accueillir une seule parturiente, « accoucher à plusieurs » est une éventualité totalement exclue (Beninguisse, 2003). Fort de
ce qui précède, il nest pas étonnant que la pratique simultanée de plusieurs
accouchements dans la même salle, lutilisation collective des salles de séjour
et du matériel dinterventions obstétricales, et la proscription ou la
limitation de lentourage familial couramment observés dans certaines
maternités biomédicales en Afrique puissent constituer une entrave à
lutilisation des services obstétricaux. La maîtrise de la douleur durant laccouchement : une valeur morale La maîtrise de la douleur est une des principales valeurs morales dans les cultures traditionnelles dAfrique (Erny, 1989). La parturiente doit maîtriser sa douleur si elle veut échapper à la honte et transmettre à son enfant le pouvoir de contrôler sa personnalité et de se sentir socialement estimé. Très souvent, on aide la parturiente par des prières, linvocation des esprits et surtout les incantations orales à finalité psychologique dont lefficacité thérapeutique (ou instrumentale) réside, à notre avis, dans la foi quont les acteurs de leur pouvoir libérateur de la douleur (Daniel, 1972). Laccouchement sans douleur est donc, dans les traditions africaines, une des principales vertus recherchées. Lappareil biomédical a une compétence à offrir dans ce domaine, notamment par lanesthésie péridurale. Son accessibilité est susceptible daugmenter la qualité perçue des soins et lutilisation des services obstétricaux. La restitution des suites de couches au couple : une exigence des traditions Après la délivrance, une attention particulière est accordée à la section du cordon ombilical et à la sortie du délivre. Ces deux éléments sont dans presque toutes les traditions africaines hautement valorisés et remis spontanément au couple pour être lobjet dactions rituelles (Erny, 1989). Le placenta, le cordon ombilical et le sein maternel sont physiologiquement et intimement liés. Cest pourquoi le placenta et le sang utérin seront soustrait de toute malveillance, cachés ou enterrés en lieu secret et discret, afin quaucun maléfice ne puisse être exercé sur la mère ou le nouveau-né par leur intermédiaire (Charles-Henry et Pradelles de Latour, 1991 ; Buhan et Kangue Essiben, 1986 ; Ortoli, 1942). Dans les maternités, les suites de couches sont très rarement remises au couple pour satisfaire à cette coutume. Ce manquement peut influencer négativement la qualité perçue et constituer une entrave à lutilisation des services obstétricaux. Les massages daprès délivrance: indispensable pour des soins maternels de qualité. Après l'accouchement, la femme est astreinte aux massages et aspersions du ventre et des organes à l'eau chaude, à labsorption dinfusions et potages. Le but de ces thérapies indispensables est de favoriser la reconstitution de ses forces et de ses organes en faisant sortir les caillots de sang coagulé restés dans son ventre et qui provoquent des douleurs et ballonnements (Traoré, 1965). Des massages des seins sont également pratiqués pour favoriser la montée laiteuse. Vu limportance des massages daprès délivrance dans les sociétés africaines, leur absence dans le paquet minimum de soins constitue un manquement à la qualité et potentiellement un des obstacles majeurs à lutilisation des services obstétricaux. Que retenir de cette synthèse socio-anthropologique ? La littérature socio-anthropologique a permis de mettre en évidence un certain nombre dattentes et de préférences dont labsence dans loffre de soins peut influencer négativement la qualité perçue et constituer un obstacle à lutilisation des services et de soins obstétricaux biomédicaux. Ainsi nous avons relevé un certain attachement : - à la discrétion de la grossesse à ses débuts, discrétion qui apparaît comme incompatible avec lexigence biomédicale de précocité de la première visite prénatale fixée au premier trimestre ; - aux interdits et prescriptions alimentaires et comportementaux durant la grossesse que toute offre de soins devrait considérer dans les prescriptions nutritionnelles et de préparation sophrologique ; - à la convivialité par la présence réconfortante de lentourage familial ; - aux soins traditionnels tels que les massages daprès délivrance ; - à la restitution des suites de couches (cordon, placenta) au couple après la délivrance nécessaire pour laisser place aux actions rituelles ; - à la préservation de lintimité de la femme par léloignement de la présence masculine et lutilisation non collective des salles de séjour et du matériel dinterventions obstétricales. Nous avons également perçu quelques besoins latents dont des réponses existent déjà dans le système biomédical mais souvent de façon encore peu accessible. Il sagit de : - la détermination du sexe et de la gémellité de la naissance attendue, besoin satisfait par léchographie ; - la maîtrise de la douleur durant laccouchement que la péridurale rend possible. On peut se demander si ces attentes et préférences issues de lobstétrique traditionnelle prévalent encore dans lAfrique daujourdhui. La troisième partie apporte quelques éléments de réponses à travers une observation empirique. Laccessibilité culturelle de services et de soins obstétricaux selon le type de prestataire : deux observations empiriques au Cameroun et au Burkina Faso. Lenquête qualitative au Cameroun Il sagit dune enquête qualitative sous forme dentretiens de groupe réalisée en 1997 dans le Grand-Nord et lEst du Cameroun, auprès des femmes sur la perception quelles ont de la qualité de soins dans les systèmes traditionnel et biomédical de services obstétricaux. Ces deux régions ont été choisies en raison de leur profil épidémiologique particulièrement défavorable : leurs niveaux dutilisation des services obstétricaux sont largement inférieurs à la moyenne nationale tandis que leurs niveaux de mortalité néonatale sont de loin supérieurs (Beninguisse, 2003). Au total huit entretiens de groupe ont été réalisés dont quatre dans chacune des deux régions (tableau 1). Ces entretiens ont porté sur 44 interlocuteurs dont 32 accoucheuses traditionnelles (ou accoucheurs traditionnels), 5 femmes ayant accouché au cours des 12 derniers mois avec laide des accoucheurs traditionnels, 2 femmes ayant accouché au cours des 12 derniers mois sans aucune assistance et 5 femmes ayant accouché au cours des 12 derniers mois en milieu hospitalier. Leur répartition régionale était la suivante : dans le Grand-Nord - les femmes accoucheuses traditionnelles des villages de Wak et Karnanga ; - les hommes accoucheurs traditionnels des villages de Wak et Karnanga ; - les femmes accoucheuses traditionnelles de Ngaoundéré ; - les clientes des accoucheurs traditionnels et du milieu hospitalier de Garoua. à lEst - les femmes accoucheuses traditionnelles de Doumé ; - les femmes accoucheuses traditionnelles de Dimako ; - les femmes accoucheuses traditionnelles des villages de Baktala et Nkolambélé ; - les clientes des accoucheurs traditionnels et du milieu hospitalier des villages de Baktala et Nkolambélé ; - en outre, un entretien individuel a été accordé à une femme ayant accouché sans assistance médicale ࠠ Nkolambélé. Létude quantitative au Burkina Faso Il sagit dune analyse secondaire de données provenant dune enquête transversale auprès de ménages réalisée en 1999 dans le cadre dune étude multi-pays dénommée Maphealth (Haddad et al., 2000). Cette enquête avait pour but de mesurer limpact des programmes dajustement macro-économiques sur laccessibilité, lutilisation et la qualité des services de santé modernes. Maphealth-Burkina a couvert trois régions différentes du point de vue de leur situation géographique, leur niveau de développement et leur composition ethnique : Bobo-Dioulasso, Bazèga et Nouma. La région de Bobo-Dioulasso, dans louest, est la capitale économique du pays. Comme toute ville, elle a une composition ethnique diversifiée avec une prédominance de Bobo-Dioula. La région du Bazèga au Centre-Sud, et celle de Nouna au Nord-Ouest, sont plutôt rurales. Le Bazèga est fortement peuplé par des Mossi tandis que Nouna est en majorité peuplé par des Bwaba et Dafing. Un questionnaire organisé
en quatre modules ayant chacun des thématiques particulières a été administré
lors dune entrevue directe aux membres des ménages sélectionnés. Les résultats
rapportés ici proviennent de lexploitation du module consacré à la santé
maternelle. Nous avons particulièrement analysé la distribution des
déclarations de 1582 femmes en âge de procréer et qui ont eu une grossesse au
cours des cinq années précédant lenquête. Il leur avait été demandé de parler
de leurs comportements dutilisation des services de santé lors de leur plus
récente grossesse, quelle ait aboutit à un accouchement ou non, et den donner
les principales raisons. Lenquête qualitative du CamerounLes attentes et préférences expriméesDes entretiens de groupes, il se dégage une définition dune prise en charge idéale de la grossesse et de laccouchement autour de laquelle sexprime un ensemble dattentes et préférences. Cest une prise en charge qui non seulement garantit une issue favorable mais aussi se déroule dans le respect des coutumes ou dans des conditions culturellement, géographiquement et économiquementacceptables. Ainsi, les femmes ont besoin : - dune prise en charge adéquate des affections et complications obstétricales ; - des soins facilement accessibles à tous et aux moindres coûts ; - du respect de la discrétion lors des consultations ; - que leur intimité soit préservée ; - que le paquet minimum de soins inclue les soins traditionnels dont elles ont parfaitement conscience de lefficacité (cas des massages). En outre elles souhaitent : - savoir le sexe et la gémellité de leur grossesse ; - avoir lentière responsabilité de lusage fait des suites de couches (placenta, cordon ombilical) après la délivrance ; - une présence réconfortante de lentourage familial tout au long du processus de lenfantement ; - avoir la possibilité daccoucher sans douleurs ; - plus dhumanisme et de responsabilité dans les comportements des prestataires de soins.f Les aspects facilitant et rebutants des deux systèmes de soins obstétricauxEn rapport avec les attentes et préférences exprimées, nous avons demandé à nos interlocuteurs dénumérer les avantages et inconvénients des systèmes biomédical et traditionnel de services et de soins obstétricaux. Les résultats (tableau 2 et 3) mettent en évidence des éléments de tension mais aussi des points de convergence. Les avantages de chaque système Lefficacité thérapeutique du système de soins biomédical nest pas remise en cause. Pour la prise en charge de la grossesse, on apprécie particulièrement sa capacité à déterminer le sexe et la gémellité de la grossesse, à détecter efficacement les grossesses à risques, à soigner le paludisme et la prévention vaccinale du tétanos néonatal. Pour la prise en charge de laccouchement, la maîtrise de la douleur, de la césarienne et de laccouchement de mort-né lui sont reconnues. Concernant le système traditionnel de soins, les interlocuteurs relèvent positivement son accessibilité économique et géographique, son souci de préserver lintimité féminine, sa capacité à mieux traiter lanémie et le « vers des femmes »[9], la possibilité quil offre dobserver les coutumes de protection et de purification, ses massages daprès délivrance, sa convivialité assurée par la présence encouragée de lentourage familial et la non-exigence de la layette. Les inconvénients de chaque système Parallèlement aux avantages hautement appréciés, des insuffisances sont déplorées dans les deux systèmes. Au système biomédical, on déplore linaccessibilité économique et géographique de ses soins et services (rareté et éloignement), la violation constante de lintimité féminine par la présence daccoucheurs de sexe masculin, lutilisation commune du matériel dintervention obstétricale, la tendance répréhensive en cas de non-respect du calendrier des consultations ou de linsuffisance de la layette, labsence de massages daprès délivrance, la non-restitution au couple des suites des couches (placenta et cordon ombilical) après laccouchement, labsence dinformation et de communication de la part du personnel de santé, les longues files dattente, la promiscuité dans les salles de séjour, lacharnement en faveur du planning familial, la présence limitée de lentourage familial et lincapacité à protéger la mère et lenfant contre les forces maléfiques. Au système médical traditionnel, on déplore son incapacité à détecter précocement et à prendre en charge les complications (mort ftale, césarienne, paludisme, dèmes), la forte prégnance dinterdits alimentaires, le non-respect strict de lhygiène. Lenquête quantitative au Burkina FasoLa majorité des femmes interviewées affirment avoir participé au moins une fois à la consultation prénatale (78%) lors de leur plus récente grossesse. Parmi celles qui ont accouché, 59% ont eu recours à lassistance dun professionnel de la santé en se rendant dans une structure de soins moderne publique, privée ou confessionnelle. Pour une part non négligeable, la grossesse (22%) et laccouchement (41%) ont été pris en charge en dehors des services de santé biomédicaux avec laide de personnes-ressources traditionnelles et/ou celle daccoucheuses villageoises formées aux techniques modernes de soins obstétricaux (tableau 4). Daprès les expériences rapportées par les femmes burkinabés, la compétence technique du système biomédical nest pas remise en cause. Au contraire elle apparaît, à certains égards, comme un avantage recherché. Elle constitue la première raison du choix de la structure sanitaire chez 22% des utilisatrices de la consultation prénatale (CPN) et 32% des femmes accouchées. La proportion de femmes qui ont utilisé la CPN en raison de sa compétence technique pourrait être revue à la hausse puisque plus du quart des femmes classées dans la catégorie « autres » ont consulté pour se protéger contre déventuelles menaces à leur santé ou à celle de leur futur bébé. Les non-utilisatrices de leur côté nidentifient pas la compétence comme une cause à leur choix. Un des principaux reproches fait aux services biomédicaux est la cherté de leurs prestations. Elle a empêché 29% des non-utilisatrices de la CPN et 17% des accouchées à domicile de recourir à des soins modernes. En dehors de la compétence et des coûts financiers, plusieurs autres critères dont la distribution est présentée dans le tableau 4 guident le choix dutilisation. Une structure sanitaire peut être choisie en raison de sa proximité géographique aussi bien pour la CPN (33%) que pour laccouchement (26%). Elle peut aussi être choisie parce quelle dispose dune technologie jugée adéquate (8% CPN et 10% accouchement) ou pour diverses autres raisons non précisées (28% CPN, 20% Accouchement). Les motivations de la non-utilisation en période prénatale (22%) et per-partum (23%), quant à elles, sont imputables en partie à la perception que les coûts en distance et en temps sont trop élevés. Plusieurs femmes ne voyaient pas dintérêt particulier à se faire suivre pendant la grossesse (12%) ou accoucher (11,4%) dans un centre de santé. Pour dautres, la non-utilisation des services modernes, principalement pour laccouchement, est liée à des convenances personnelles : pour des raisons non explicitées, elles préféreraient accoucher à domicile ou être aidée par une accoucheuse traditionnelle (6%). Marginalement, elles obéiraient à des exigences religieuses, au choix du conjoint ou à celle dun autre membre de la famille (3%). Il existe dénormes disparités entre les régions en matière dutilisation des services dobstétricaux. Comme le montre le tableau 4, le recours aux services modernes semble habituel dans la région de Bobo-dioulasso aussi bien pour la consultation prénatale que pour laccouchement tandis que le contraire sobserve dans la région de Nouna. Au Bazèga, les centres de santé sont utilisés pour le suivi de la grossesse mais beaucoup moins pour laccouchement. Lévocation des avantages et désavantages suivent cependant le même profil explicatif à quelques nuances près. Il est étonnant de constater que des proportions relativement importantes de répondantes soutiennent ne pas connaître lexistence des structures sanitaires modernes. Il est tout aussi remarquable que plus du quart, voire le tiers, des répondantes évoque des raisons autres que celles déjà citées pour justifier leur comportement. Lanalyse de ces autres raisons montre que pour près de 30% de ces cas, elles expriment une démarche curative dun état morbide ou une démarche préventive de protection de la mère et du ftus. Lutilisation se justifie par une habitude de fidélité dans 16% des cas. En ce qui concerne les accouchements, plusieurs des non-utilisatrices accusent des circonstances accidentelles donc peu contrôlables comme la rapidité du travail, labsence du mari ou dune autre personne-ressource. Compte tenu du fait que la moitié des autres raisons nest pas spécifiée et que spontanément une proportion non négligeable de femmes ne déclare aucune raison, au total, cest près du quart au tiers des femmes dont on ne connaît pas les raisons de non-utilisation. Il est probable que ce manque dopinion reflète en réalité une insatisfaction inexprimée étant donné que pour des raisons culturelles, il est habituel de sabstenir dexprimer des critiques négatives à lendroit dune autorité (les services modernes sont une émanation du pouvoir étatique). Quelles que soient les modalités de prise en charge de la grossesse et de laccouchement, le sondage dopinion indique que des changements de comportement des non-utilisatrices ne seront pas faciles à obtenir, puisquelles se déclarent tout autant satisfaites de leur option que les utilisatrices. Le niveau global de satisfaction pour la CPN et lassistance à laccouchement est respectivement de 96% et de 94% chez les utilisatrices tandis que les non-utilisatrices, sont satisfaites à 87% des soins reçus pendant laccouchement. DISCUSSION ET CONCLUSION La pertinence de la qualité dans la perspective des clients est de plus en plus reconnue en santé reproductive mais les initiatives de changement sont rares, en partie parce que ses composantes sont encore scientifiquement peu documentées. Cet article a mis en évidence limportance de ladéquation des services et soins obstétricaux avec les attentes et préférences des femmes dans lappréciation de la qualité. Larticle a aussi mis en évidence linfluence potentielle de cette adéquation sur les décisions en matière dutilisation. En Afrique, linadéquation entre loffre biomédicale et les attentes et préférences des populations a des balises historiques. Pourtant lémergence de lappareil biomédical de services et de soins obstétricaux sy est produite dans un contexte où les conditions favorables à ladhésion des populations étaient déjà présentes. Dabord, un savoir obstétrical y prévalait avec des pratiques, certes dune efficacité discutable, mais qui témoignaient du souci de répondre à un besoin de santé et de sécurité tout au long du processus denfantement. Ensuite, il y avait des attentes et préférences spécifiques dont les réponses sont à la portée de lappareil biomédical. Il sagit par exemple de la détermination du sexe et de la gémellité de la naissance attendue, de laccouchement sans douleurs et de laccouchement par césarienne. Seulement, en se développant indépendamment des structures traditionnelles, le système biomédical de soins obstétricaux ne semble pas avoir suffisamment pris en compte les attentes culturelles des populations. La discrétion qui traditionnellemententoure la grossesse à ses débuts, la présence réconfortante de lentourage familial, le bénéfice de soins traditionnels tels que les massages daprès délivrance, laccès aux suites de couches (cordon, placenta) après laccouchement, la préservation de lintimité de la femme par léloignement de toute présence masculine et lutilisation non collective des salles de séjour et du matériel dinterventions obstétricales, sont autant déléments dont lexclusion influence négativement la qualité perçue et peut constituer une entrave à lutilisation des services obstétricaux. Cet article documente
limportance de laccessibilité culturelle comme critère de la qualité des
services et des soins obstétricaux aux côtés de laccessibilité économique et
géographique. Lamélioration de la qualité passe donc nécessairement par une
adéquation de loffre aux attentes et préférences, ce qui fait appel à une
complémentarité dans laction entre les systèmes traditionnel et biomédical, la
recherche dun espace thérapeutique commun pour la prise en charge de la
grossesse et de laccouchement. La tâche nest certes pas facile au regard de
nombreuses pesanteurs à surmonter : la longue pratique du cloisonnement
disciplinaire pouvant créer linertie du changement, la dépendance économique
et sanitaire de lAfrique vis-à-vis loccident (porteur et diffuseur du système
de santé biomédical), la crise économique et celle du système de santé que
traverse le continent. Cette tâche est rendue difficile aussi par une possible
incompatibilité entre certaines attentes et les standards defficacité et les
capacités des services de santé. Ainsi par exemple, le souhait de discrétion de
la grossesse à ses débuts est incompatible avec la précocité de la première
consultation prénatale fixée normativement au premier trimestre de la
gestation. De même, le refus de toute présence masculine parmi le personnel
soignant et de lutilisation collective des salles daccouchement, de séjour et
du matériel dintervention obstétricale peuvent être incompatibles avec les
capacités dorganisation des services de santé. Néanmoins, une réflexion
approfondie mérite dêtre engagée ou poursuivie en se nourrissant des leçons du
passé caractérisées par trois principales impasses : le cloisonnement des
actions sanitaires, la non-prise en compte des réalités culturelles et des
attentes associées et la participation absente ou insuffisante des populations.
On partirait donc dun système médical normatif à un système médical flexible
en fonction des attentes et préférences des populations déterminées avec leur
participation. De ce système flexible, naîtrait un paquet minimum consensuel de
soins obstétricaux qui maximise la qualité, cest-à-dire garanti à la fois
lefficacité clinique et la satisfaction des clients. Doù lintérêt de
poursuivre des recherches visant à appréhender les composantes de la qualité du
point de vue des clients et à mettre en évidence leur influence sur
lutilisation des services obstétricaux.
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