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African Population Studies/Etude de la Population Africaine, Vol. 20, No. 2, 2005, pp. 65-99 Le comportement sexuel des adolescents à Bangui (RCA) Frédéric KOBELEMBI Démographe, Chargé de Suivi évaluation, au Secrétariat Technique du Comité National, de Lutte contre le VIH/SIDA, Bangui République Centrafricaine Code Number: ep05012 RésuméLa sexualité des adolescents est devenue un sujet de préoccupation de santé publique, avec lextension du SIDA au cours de ces dernières années, particulièrement en milieu urbain. Quels sont les déterminants des pratiques sexuelles des adolescents ? Pourquoi certaines pratiques peuvent-elles être qualifiées de comportements à risque ? Dans quelles mesures les politiques de santé publique pourront-elles résoudre les problèmes liés à ces pratiques sexuelles ? Cest pour apporter des éléments de réponse à ces questions que lenquête sur le comportement sexuel a été menée auprès de 806 adolescents filles et garçons dans la ville de Bangui. Huit discussions de groupes ont été également organisées avec ces adolescents et leurs parents. Les principaux résultats sont les suivants : la première expérience sexuelle est vécue entre 15 et 16 ans respectivement chez les filles et chez les garçons ; près de la moitié des enquêtés sont sexuellement actifs une fois par semaine ; plus de quatre adolescents sur cinq connaissent les conséquences néfastes des rapports sexuels précoces (grossesses non désirées, MST, SIDA) ; un adolescent sur deux a eu son dernier rapport sexuel protégé. Les résultats de lanalyse multivariée montrent que les chances dutilisation des préservatifs sont plus réduites chez les moins jeunes (12-14 ans) que chez les plus âgés (15-19 ans), tandis que le milieu de socialisation de lenfant (Bangui ou autre) na aucun effet significatif sur lutilisation des préservatifs. La fréquentation des structures déducation sexuelle, la communication en matière de sexualité avec les parents et le multi partenariat sont les principaux déterminants de lutilisation des préservatifs. Introduction La sexualité des adolescents est un problème de santé publique dans le monde. La République Centrafricaine, à linstar de nombreux pays, est confronté à ce problème. Les statistiques sont suffisamment alarmantes et justifient la prise de conscience. Selon les rares données statistiques disponibles, on note que la proportion de grossesses contractées en milieu scolaire varie entre 9 à 14 %. Aussi, une enquête réalisée à lUnité de Dépistage Anonyme de VIH/SIDA à Bangui en 1997 relève que dans la tranche dâges 15 à 24 ans, une fille court cinq fois plus de risque dêtre infectée par le VIH quun garçon (J. Sehonou). Les autorités centrafricaines reconnaissent que des mesures spécifiques peuvent aider les jeunes à éviter une grossesse non désirée et précoce, à limiter le recours à lavortement, à prévenir la diffusion des infections sexuellement transmissibles comme le VIH/SIDA. Cette préoccupation pour le comportement sexuel des adolescents en Centrafrique est sous-tendue par les facteurs suivants (i) la croissance démographique qui a pour corollaire laugmentation de la proportion de la population de moins de 20 ans ; le processus durbanisation et de modernisation qui a gravement perturbé lenvironnement traditionnel des adolescent(e)s et leur lien avec le reste de la société ; (ii) les rites traditionnels marquant le passage de lenfance au statut dadulte qui ont largement été bouleversés ; (iii) limmaturité physique qui expose les adolescents à des risques si la sexualité ou la reproduction commence trop tôt. Ces trois éléments ont montré que les adolescents représentent un groupe ayant des particularités psychologiques, sociologiques et physiologiques qui méritent une attention soutenue. Les études menées jusqualors en Afrique et plus particulièrement en Centrafrique ont porté pour lessentiel sur les niveaux dactivité sexuelle, les faibles niveaux dutilisation de la contraception et les conséquences éventuelles de la sexualité précoce chez les adolescents en milieu scolaire. Rares sont les recherches orientées vers lidentification des déterminants du comportement sexuel des adolescents. Cest dire que de nombreuses interrogations nont pas encore trouvé des réponses satisfaisantes. Quels sont par exemple les aspects et les déterminants des pratiques sexuelles des adolescents ? Pourquoi certaines pratiques peuvent-elles être qualifiées de comportements à risque ? Dans quelle mesure la politique de santé peut t-elle répondre à ces problèmes ? Toutes ces questions demeurent sans réponse et constituent par conséquent autant de problématiques. Nous avons choisi de les aborder. Nous nous proposons en somme, à partir de cette étude centrée sur les adolescents de la ville de Bangui, de tirer des enseignements qui pourront alimenter les stratégies des gestionnaires des programmes de santé sexuelle. Le choix du sujet se justifie par les conditions dans lesquelles vit la majeure partie des jeunes centrafricains de la capitale Bangui, conditions qui les empêchent de mener une vie suffisamment saine et de contribuer ainsi au développement de la nation. Notre intérêt pour le problème que pose la sexualité des adolescents a été suscité par les craintes et des menaces quils font peser sur la santé. Pour cerner ce problème, le présent article se propose de rechercher les déterminants du comportement sexuel et dinventorier les mesures les plus appropriées pour remédier aux éventuels problèmes répertoriés. Pour saisir les attitudes sexuelles des adolescents en Centrafrique, nous avons limité le champ de létude à la ville de Bangui. Deux principales techniques de recherche ont été utilisées dans ce travail. La première technique a consisté à rassembler des informations documentaires sur la sexualité des adolescents ; la seconde à mener une enquête auprès dun échantillon dadolescents. Cadre théorique Définition des concepts de base Pour une bonne compréhension des analyses présentées, les concepts dadolescent et de comportement sexuel méritent dêtre définis au début de cette étude. a) Ladolescence Ladolescence est une période pendant laquelle (i) lêtre humain passe du stade de la première apparition des caractères sexuels secondaires à celui de la maturité sexuelle ; (ii) il acquiert des structures psychologiques et les méthodes didentification qui transforment lenfant en adulte ; (iii) une transition se réalise entre le stade de dépendance sociale et économique totale à celui de lindépendance relative. Cette identification prend en compte quatre étapes de ladolescence : -
léveil sexuel vers 13-15 ans ; Le concept dadolescence recouvre plusieurs dimensions : biologique, démographique, sociale, psychologique, juridique, économique ; il nest par conséquent pas étonnant que les définitions utilisées diffèrent selon les chercheurs. Labsence dune définition univoque de ce concept rend ainsi difficile la détermination dune période stable de la vie à laquelle sappliquerait ladolescence. Dans le cadre de notre étude et pour les besoins de lanalyse, nous convenons de définir ladolescence sociale comme la période de vie de lhomme allant de 12 à 19 ans. b) Le comportement sexuel Pour certains auteurs, « le comportement sexuel désigne pour chaque individu, une configuration qui comprend un répertoire de pratiques sexuelles, un répertoire de scénarios et un répertoire de significations » (Bajos et al, 1993, :33). Les pratiques sexuelles désignent les types de contacts corporels, non nécessairement mutuels, liés à lexcitation sexuelle dau moins une personne ; un scénario est une série de pratiques sexuelles, réalisées dans un contexte donné avec un partenaire donné. La signification ou la représentation désigne les valeurs et fonctions attribuées, consciemment ou non, à lactivité sexuelle (Giami, 1991, 1215). On conçoit alors que le comportement sexuel peut recouvrir un vaste champ pouvant comprendre le fantasme, le voyeurisme, la masturbation solitaire ou en groupe, les rapports sexuels avec ou sans pénétration, les rapports péno-vaginaux ou péno-anaux, les rapports génito-oraux, les rapports protégés ou non. Aussi, tous les comportements sexuels, y compris ceux des adolescents, ne se traduisent pas nécessairement par des pratiques à risque de maladie sexuellement transmise ou de grossesse non désirée. Approches explicatives du comportement sexuel des jeunes De la littérature traitant de la question, il se dégage plusieurs approches dans lexplication de lactivité sexuelle des adolescents. Nous en retiendrons cinq principaux dans la suite de notre travail : lapproche biologique, lapproche socioculturelle, lapproche socio-économique, lapproche institutionnelle et l'approche de genre. Approche biologique L'approche biologique postule que lactivité sexuelle des jeunes résulte dun mécanisme purement biologique et donc naturel. Pour Freud (1905) cité par Rwenge (1995), les types de comportements sexuels sont le résultat dun vif désir sexuel. Selon cet auteur, lactivité sexuelle serait le résultat dune pulsion biologique que lindividu chercherait à satisfaire à nimporte quel prix, directement ou indirectement. Les contraintes extérieures imposées par la société seraient le cadre approprié défini par celle-ci pour réglementer toute activité sexuelle. Il ne serait pas superflu de conclure à luniversalité de lexpérience sexuelle, les variations nétant dues quaux normes sociales qui régissent lactivité sexuelle. Emboîtant le pas à Freud, Bancroft et Skakkebaek en 1978, Udry et al en 1986 ont montré que lactivité sexuelle est déterminée par un mécanisme hormonal naturel, donc biologique. Ces résultats sont davantage confortés par les travaux de Beach qui a montré en 1974 que lactivité sexuelle augmente avec le niveau des hormones à l'adolescence. De ce point de vue, on pourrait conclure à une universalité de la pratique des rapports sexuels dont les seules limites seraient les contraintes extérieures imposées par la société. Les sociologues se sont élevés contre cette approche, lui reprochant de "désocialiser" en grande partie l'activité sexuelle en faisant passer pour secondaire la construction sociale et culturelle de l'activité sexuelle. Pour eux, ces relations ne devraient pas être extraites du contexte social dans lequel elles se déroulent. Approche socioculturelle Pour les sociologues, l'engagement ou non des jeunes dans l'activité sexuelle dépend largement du milieu dans lequel ils vivent, des perceptions que la société a des relations sexuelles, du rôle assigné à l'activité sexuelle, des normes qui la régissent. Ils estiment que les comportements sexuels sont déterminés par les normes et les valeurs socioculturelles en vigueur. Une modification de ces normes et valeurs aura certainement une incidence sur le comportement sexuel des individus qui composent le corps social. De fait ils rejettent lapproche biologique comme dans ces propos de Twa-Twa (1997) : « The social science proposes that libido or sexual motivation, is generated purely by social processes that fill the culture with the message that sex is highly satisfying and identify the pubertally developed adolescent as an attractive and sexual participant. Hormones are relegated to the single role of producing pubertal development, which is socialy interpreted as the signal by the female adolescent and those arround her that she is ready to enact the social « script » of sexual behaviour ». Ils soutiennent que les comportements sexuels et les circonstances dans lesquelles se déroule l'activité sexuelle sont déterminées par les normes et les valeurs socioculturelles en matière de sexualité. La théorie générale de modernisation tente d'expliquer les tendances sexuelles actuelles des jeunes africains. Selon elle, l'adoption de nouveaux comportements sexuels par les jeunes pourrait trouver son explication dans l'influence de la modernisation qui sape progressivement les valeurs traditionnelles en matière de sexualité. Certains auteurs parmi lesquels Gagnon et Simon (1973), Hoffert et Hayes (1987), Bozon (1994) soutiennent que la motivation sexuelle est générée par des processus sociaux, par lenvironnement et le cadre de vie. Ils naccordent pas un grand rôle aux hormones qui selon eux ninterviennent que dans la croissance et la maturation des organes sexuels secondaires. Les comportements sexuels pour ainsi dire sont déterminés par les normes et valeurs socioculturelles en matière de sexualité. Influence de la modernisation et diminution du contrôle social des aînés Dans la société traditionnelle, le développement des jeunes se fait à lintérieur de la structure familiale. Toute leur éducation et leur apprentissage à la vie sont assurés par les aînés ou les parents à qui ils doivent respect et obéissance. Le contrôle social est assuré en permanence (Kouton, 1992). Vis-à-vis de leurs fils, les parents nestiment sêtre acquittés de leur devoir quaprès leur avoir donné des parcelles pour limplantation de leurs maisons, et après leur avoir trouvé une épouse. Pour les filles, les parents visent le mariage (Dongmo, 1981). Dans ce contexte de contrôle social serré, lindividu est géré par la communauté qui lui dicte jusquà ses conduites individuelles et interindividuelles. Ladolescent na pas le pouvoir de décision. Ce sont les parents qui concluent les unions entre fils et filles de la communauté, sans la moindre référence à leurs sentiments. De cette façon, lactivité sexuelle, même si elle est précoce (stratégie de la plupart des sociétés africaines traditionnelles pour obtenir une progéniture élevée), est dirigée par les aînés. Aux jeunes filles pubères, il est enseigné les astuces pour tenir un mari et faire honneur à son époux. Les valeurs telles que la virginité prénuptiale, la chasteté, la soumission au mari sont enseignées aux jeunes filles. Aux garçons, laccent est mis sur le sens des responsabilités et sur les rôles qui leur sont dévolus par la société. Cette harmonie traditionnelle est ébranlée par lintroduction et la diffusion de la culture des colonisateurs. Les villes, pôles dexpérimentation de cette culture, jouent le rôle de relais entre le monde rural et le monde occidental. Aujourdhui, lindividu nest plus sous lautorité du groupe vis-à-vis duquel il prend de plus en plus son indépendance. « Economic development, urbanization and new gender roles have change the behaviour of young people in developing countries to a great extend Migrations to cities, mass media, unemployment, and peer pressure are another set of social and economic changes that have help loosen family ties, break cultural boundaries, and encourage premarital relations. » (El-Tawila, 2000, p. 5). Les valeurs de liberté et de démocratie quon enseigne aux jeunes leur donnent loccasion de sinsurger contre lautorité des parents ou des aînés. Les activités nouvelles contribuent davantage à soustraire les jeunes de lautorité parentale. Selon Rwenge, « lécole et les nouvelles valeurs récréatives éloignent souvent les jeunes des adultes. En plus la séparation des sexes ny est plus assurée. Toutes les nouvelles inventions récréatives telles que le cinéma, les soirées dansantes, le football raccourcissent le temps que les jeunes passent sous le contrôle des parents ou dans ce cercle familial. » La conséquence de cette situation est le développement dune activité sexuelle précoce chez les jeunes, fait observé dans plusieurs villes africaines. La ville présente des caractéristiques particulières qui font delle un important centre de diffusion de la culture occidentale. Pour Gueye et al. (2000), « Incrising modernization and media exposure, along with a decline in the authority of parents and elders, have undermined the societal and cultural rules that formerly controlled and informed adolescents sexuality ». Les villes du tiers monde en particulier connaissent une croissance très rapide. Cette augmentation rapide de la population sur un espace réduit engendre une certaine promiscuité. Par ailleurs, certaines catégories de populations des villes ont un niveau de vie assez élevé pour soffrir les nouvelles technologies de linformation et de la communication. Aujourdhui le paysage audiovisuel camerounais foisonne de nombreuses chaînes de télévision nationales et internationales. Grâce à des "câblo-opérateurs"[1] privés, beaucoup de ménages ont la possibilité d'obtenir les images venant des autres parties du monde, de l'Occident notamment. Si les médias peuvent permettre aux jeunes daccroître leur connaissance et favoriser une sexualité saine, ils peuvent en même temps être à lorigine de dérives comportementales sur le plan sexuel. En effet, certains médias audiovisuels occidentaux, en raison de la mondialisation, "inondent" lAfrique dimages indécentes. Ces chaînes "pornographiques" qui font lapologie de lactivité sexuelle pré-maritale poussent les jeunes à sengager dans lactivité sexuelle. Il sinstalle une véritable tension entre lapologie des relations sexuelles pré-maritales et leffort des autorités ecclésiastiques pour la promotion des comportements sexuels responsables. Cest sans doute linfluence de ces médias qui est à lorigine de la modification de la signification de lacte sexuel chez les jeunes. La recherche du plaisir est devenue la raison principale des rapports sexuels. Ainsi les jeunes sont de plus en plus exposés aux images des télévisions étrangères qui nont pas toutes à cur de préserver les murs de ceux qui les regardent[2]. Cet extrait de Béat-Songué illustre parfaitement cette situation : « En ville, les adolescents se délectent plutôt de ce que leur offrent les films de nombreux clubs-vidéo. La sélection des films donne priorité aux films pornographiques qui sont consommés par les adolescents. Des romans du même type sont vendus aux adolescents dans les librairies de la rue et les librairies du « poteau », commercialisant de vieux livres doccasion à vil prix sur les trottoirs des places publiques très fréquentées. » (Béat-Songué, 1998, p. 185). Laccès à ces hauts lieux de perversité et de violence nest conditionnée que par le paiement dune modique somme de 25 à 100 francs CFA, ce qui est à la portée des jeunes. Par ailleurs, selon lauteur, « limitation des modèles proposés par ces films en matière de sexualité sensuit, et ceci est réalisé en compagnie dautres adolescents Le but de lexpérimentation de la sexualité ainsi que sa pratique et son expression sont de plus en plus influencés chez les adolescents par ce quils reçoivent de ces médias nouveaux. » En 1995 à Bamenda, Rwenge a constaté que les médias étaient un facteur déterminant de la primo-nuptialité, en tant quils favorisent le relâchement des murs. Dautres auteurs ont confirmé cette hypothèse de la baisse du contrôle social sur la sexualité des jeunes (Ilinigumugabo, 1996 ; Mankamté, 1997). L'exposition des jeunes à ces médias d"outre mer" est suivie dun mimétisme presque complet. Il n'est donc pas étonnant que l'on assiste aujourdhui à un recul des valeurs traditionnelles qui ont jadis gouverné les attitudes et les comportements des parents dans leur jeunesse. Ceux-ci sont désormais les témoins impuissants de nouveaux comportements que les jeunes affichent parfois avec ostentation. Les jeunes ont une nouvelle perception de lactivité sexuelle dont le rôle essentiellement procréateur est de plus en plus ignoré. Beaucoup dauteurs considèrent cette baisse du contrôle social comme responsable de la recrudescence de lactivité sexuelle précoce chez les jeunes. "The removal of sexuality from the control of the community resulted in individual decisions about when, where, with whom and for what purpose to have sexual intercourse." (Meekers, 1994).Gage et Meekers illustrent cette situation en présentant les résultats dune étude réalisée au Kenya où 60 % des jeunes interrogées ne pensent pas que les normes traditionnelles restrictives pour les relations sexuelles pré-maritales et extra-maritales puissent encore être applicables dans la société contemporaine. La virginité avant le mariage nest plus dune grande importance. Ces propos relevés par Calvès au cours des discussions de groupe auprès des filles à Yaoundé en est une illustration : « Les filles ne peuvent pas se permettre darriver la nuit de noce toute bête, ne sachant rien » (p. 166). En somme linfluence de la diffusion des modes de vie occidentale, notamment sur le plan de la sexualité, est un facteur primordial dincitation à lengagement dans les rapports sexuels chez les jeunes dans un contexte où le contrôle des parents et des aînés perd de son importance. Influence de la scolarisation La baisse du contrôle social ou des parents est aussi à mettre à lactif des effets négatifs de la scolarisation. Celle-ci écarte les enfants de leur milieu familial pendant plusieurs heures par jour. Le temps consacré à leur éducation par les parents se trouve ainsi réduit (Rwenge, 1995). Cette absence prolongée du cadre familial diminue le contrôle physique et psychologique des parents sur leur progéniture. Bien plus, en enseignant les nouveaux modes de pensée tels que la démocratie et la liberté, les droits de l'enfant, la scolarisation donne aux jeunes la possibilité de contester certaines valeurs et normes quils estiment appartenir à lancienne époque. Parlant de la diminution du contrôle social sur les jeunes, Meekers (1997) estime que: « This change can be attributed to the fact that educated youth now obtain knowledge from books which can be used to challenge the wisdom of the older generation. » Ces auteurs sont parvenus aux conclusions selon lesquelles linstruction est positivement corrélée à lutilisation des préservatifs alors que ce sont les personnes plus instruites qui sengagent plus fréquemment dans des rapports sexuels occasionnels. En contribuant à laugmentation de lâge au premier mariage, la scolarisation est aussi responsable de laugmentation de la prévalence de lactivité sexuelle chez les jeunes. « The litterature on African family formation suggests that age at marriage is rising in many African societies, especially among the better educated and urban segments of the population. » (Meekers, 1994, p. 1). Dans le même temps, lâge au premier rapport sexuel diminue, aboutissant ainsi à une augmentation substantielle de la période dexposition au risque de sengager dans les rapports sexuels. « Les études relatives au début des relations sexuelles et au moment du mariage en Afrique subsaharienne documentent une hausse de lactivité sexuelle prénuptiale sans cohabitation. » (Magnani, 1995)[3]. Tandis que lâge au moment des premières règles se réduit et que celui du mariage augmente, la période entre les deux sallonge, accroissant ainsi la période des risques dactivité sexuelle prénuptiale (Sushuela et Renee, 1997 ;Meekers, 1998). Cette évolution purement démographique pourrait bien expliquer la recrudescence de lactivité sexuelle chez les jeunes. Toutefois, ce procès négatif de la scolarisation est tempéré par dautres auteurs pour lesquels linstruction retarderait loccurrence des premiers rapports sexuels chez les filles (Ilinigumugabo et al. 1996 ; Rwenge, 1995 ; Meekers et Calvès, 1997). Communication timide entre jeunes et parents et pression des pairs Au Cameroun, la sexualité semble être encore un sujet tabou entouré de mystères. Les parents répugnent à aborder un tel sujet avec leurs enfants (Njoh, 1996). Léducation sexuelle en famille est presque inexistante (Rwenge, 1995 ; Kouintche et Tagne, 1998). Il en résulte que beaucoup de jeunes filles parviennent à la maturité sexuelle sans bonne connaissance sur le fonctionnement de leur appareil reproducteur, sans aucune connaissance sur la sexualité (Ilinigumugabo et al. 1996). Leke (1998, p. 281) écrit : « Selon les études, moins de 30 % des Africaines connaissent leur période féconde. » Ce manque de communication est illustré par la catégorie des personnes avec lesquelles les jeunes sentretiennent des MST/VIH-Sida. Le plus souvent, cest avec leurs amis que les jeunes abordent cette discussion. Les jeunes subissent donc linfluence de leurs amis et ce dautant plus quils ne reçoivent aucune autre information de la part de leurs parents (Calvès, 1998 ; Songue, 1998). Face à la pression de leurs pairs qui les invitent à avoir des relations sexuelles comme eux, les filles nont parfois pas la force de résister. En milieu urbain camerounais où les relations sexuelles avant le mariage sont devenues la règle, « les normes sociales encouragent si fortement la sexualité des jeunes adolescents que, passé un certain âge, celles qui sont encore vierges se sentent plutôt marginalisées. » (Calvès, 1998). Cette situation favoriserait chez les jeunes une sexualité à risque (précocité des rapports sexuels et rapports sexuels occasionnels), car ceux-ci nont pas toujours les informationsnécessaires ou reçoivent de la part de leurs amis des informations erronées. La perception du condom comme un objet chargé de préjugés
Lépoque où on liait lactivité sexuelle au mariage est révolue. Personne ny croît plus aujourdhui car de plus en plus les rapports sexuels nont plus pour seul but la procréation. Avec lévolution du temps, la recherche du plaisir est devenue lune des raisons principales de lacte sexuel. Ceci est dautant plus vrai que la plupart des jeunes ayant eu un enfant nont jamais désiré lavoir. Du coup, tout élément qui entraîne ou est supposé entraîner une réduction du plaisir est immédiatement rejeté. Le condom, quoiquil protège contre les IST/VIH-Sida, en sintercalant entre lhomme et la femme au cours du rapport sexuel, réduirait le plaisir tiré de lacte sexuel. Cest là lune des raisons qui sont évoquées pourexpliquer la faibleutilisation des préservatifs masculins par les populations africaines et notamment par les jeunes.
Si le préservatif masculin protège contre les IST/VIH-Sida, son utilisation nest pas évidente et dépend non seulement de son coût mais aussi de limage et de la représentation quil véhicule parmi les populations. De cette image et de cette représentation dépendent lacceptation et lutilisation de « corps étranger ». Dans beaucoup dunions, lexigence du port du préservatif est source daccusation et de suspicion de lun des partenaires. Ainsi, lhomme qui porte le préservatif soupçonne indirectement sa partenaire de mener une vie sexuelle indisciplinée ; il en est de même de la femme qui exige de son partenaire lutilisation du préservatif. Le condom est ainsi devenu synonyme de méfiance. Cette méfiance est à son tour un facteur de lérosion de la confiance entre les partenaires et une menace de rupture d'union. Cest ainsi que les partenaires qui tiennent à leur union renonceraient volontiers à un recours aux préservatifs (Bond and Dover, 1997). De même chez les jeunes filles qui tiennent à ne pas perdre leur petit ami et chez les jeunes garçons qui ne veulent pas vexer leur petite amie, on préfère ne pas sembarrasser de condom. Pour illustrer cette relation entre la confiance et lutilisation des moyens de protection, létude de lIRESCO parmi les jeunes de Yaoundé et de Douala a relevé que le condom a été dautant moins utilisé que le lien avec le partenaire était étroit : 9,5 % de jeunes ont utilisé le condom avec leur partenaire habituel[4], 57,3 % avec un partenaire sexuel occasionnel et 98 % avec un partenaire commercial. Approche économique Lapproche économique se fonde sur les deux postulats de base de léconomie à savoir lindividualisme méthodologique et la rationalité économique. Cette approche stipule que lactivité sexuelle des jeunes et les comportements qui la régissent sont le résultat dun calcul rationnel de leurs auteurs. Ainsi donc, les jeunes qui sengagent dans lactivité sexuelle et adoptent certains comportements ne le font quà la suite dune décision bien réfléchie, en vue datteindre des objectifs bien précis dordre économique et social. « Unmarried teenagers use sexual relations and pregnancy to accomplish certain goals. For example, sexual relations may have economic benefits or be a step towards marriage. » (Meekers, 1994).Cherlin et Riley (1986) cités par Meekers en 1994 ont distingué deux catégories dobjectifs poursuivis par les jeunes : lobjectif économique et lobjectif social. Lactivité sexuelle : un moyen daméliorer ses conditions économiques Certains adolescents ont des rapports sexuels contre une gratification financière ou des cadeaux qui leur permettent de satisfaire leurs besoins matériels et financiers. Lactivité sexuelle devient alors une stratégie de survie, un moyen de se mettre à labri du besoin matériel et financier. Il sagit des filles qui dans lincapacité de satisfaire leurs besoins financiers sont obligées de commercialiser leur sexe aux hommes de situation financière aisée (Calvès, 1996 ; Ilinigumugabo et al., 1996). « Si largent ne constitue pas une motivation importante pour la première expérience sexuelle, il constitue toutefois par la suite une composante majeure de leur vie affective. » (Calvès, 1998, p. 167). Ainsi les avantages financiers découlant de la multiplicité des partenaires sont cités par un nombre important de jeunes femmes âgées de 20 ans et plus. Au cours de son enquête, Calvès a relevé que 47 % dentre elles affirment quelles ont plusieurs partenaires afin de satisfaire leurs besoins financiers. Cette monétarisation des rapports sexuels se fait non seulement avec des partenaires plus âgés et plus riches (relations du type "sugar dadies" ou encore "sponsors") mais aussi avec leurs jeunes copains de qui elles exigent des faveurs similairesen échange de relations sexuelles. Dans les discussions de groupe, il ressort que le phénomène de "sugar dadies" fait aussi partie des stratégies pour la recherche dun emploi car « un parrain qui a souvent une bonne situationprofessionnelle et de nombreux contacts, peutrendreégalement des services à sa partenaire, comme laider à trouver un emploi. » (Calvès, 1998, p. 165). Les filles ne sont cependant pas les seules à recourir aux relations sexuelles de ce type pour satisfaire des besoins financiers. Les garçons sont eux aussi plus ou moins impliqués dans cette activité sexuelle rétribuée. En effet, certaines femmes un peu plus âgées se proposent daider financièrement des jeunes hommes en contrepartie des rapports sexuels que ces derniers auront avec elles (relations du type "sugar mummies"). Bien plus, la perversité pousse certains jeunes à avoir des rapports homosexuels avec des hommes plus âgés contre une gratification financière (Kaptue, 1998). Rwenge a relevé en 1995 que la précarité peut aussi expliquer les rapports sexuels occasionnels des hommes car ceux-ci nont pas assez de moyens pour entretenir une partenaire régulière. Dans ce cas, ils se contenteraient de relations sexuelles occasionnelles peu stables et peu coûteuses. Ces données montrent bien que les conditions économiques peuvent avoir une influence sur le comportement sexuel des jeunes. Relevons que la situation économique peut agir dans un double sens : en cas dinsuffisance des moyens financiers, les jeunes filles auront tendance à se prostituer et les jeunes garçons à avoir des rapports sexuels occasionnels ; dans le cas de suffisance des moyens financiers par contre, les jeunes filles adopteraient des comportements sexuels plus sains alors que les garçons sengageraient volontiers dans le multipartenariat. En somme, les contraintes économiques auxquelles font face les jeunes peuvent les pousser à se compromettre dans des relations sexuelles rétribuées. Cette dépendance économique enlève aux jeunes qui en sont les victimes le pouvoir dexercer un contrôle sur les modalités du déroulement de lacte sexuel. Ils peuvent ainsi être contraints à avoir des rapports sexuels non protégés, selon la volonté du partenaire qui exerce sa domination. Approche institutionnelle Cette approche est basée sur lidée que lenvironnement institutionnel en matière dactivité sexuelle aurait une influence sur les comportements sexuels des jeunes. Il sagit de déterminer la manière dont les institutions politiques gèrent les questions relatives à la sexualité ainsi que les stratégies quelles mettent en uvre pour faire face aux IST/Sida. Cette approche accorde une grande importance aux politiques, aux programmes et aux lois en matière de sexualité relatifs aux comportements sexuels des adolescents. Si jusquà une date très récente, lAfrique navait pas une tradition de lutte contre les IST, force est de constater que depuis la découverte du VIH/Sida, des efforts significatifs des gouvernements dans ce sens ne passent pas inaperçus. Lattitude et limplication des autorités dans la lutte contre les IST/Sida peuvent avoir une grande incidence sur la propagation de ces maladies parmi les jeunes. On peut imaginer limpact négatif que peut avoir la légalisation de la prostitution sur le comportement sexuel des jeunes : ceux-ci pourraient adopter un comportement liberticide sur le plan sexuel. Une loi légalisant la pratique de lavortement est un couteau à double tranchant : en même temps quelle peut être dun apport certain sur le plan de la santé de la reproduction, elle peut aussi inciter les jeunes à avoir une activité sexuelle intense et à risque. La politique gouvernementale en matière de services de santé de la reproduction (SR) peut aussi avoir un impact sur le comportement des adolescents. Lorsque les programmes de population et les services sanitaires sont davantage dirigés vers les adultes que vers les groupes spécifiques des adolescents, ceux-ci se retrouvent moins bien informés des conséquences dune sexualité incontrôlée. Labsence des structures sanitaires spécialisées dans les réponses aux problèmes des jeunes peut accroître leur ignorance des dangers quils courent dans leur activité sexuelle. En revanche, la dissémination des services de SR dirigés spécifiquement vers les jeunes leur permettrait dêtre mieux informés des questions relatives aux risques liés à lactivité sexuelle. Dans nombre de pays africains, la législation sur les mariages est inexistante (Rwenge, 1999) ; là où elle existe, elle est le plus souvent favorable aux mariages précoces. De plus, elle pêche souvent par une grande imprécision qui rend son application difficile. En Centrafrique, lâge minimum au mariage est fixé à 18 ans pour les jeunes filles et 20 ans pour les jeunes garçons. Malheureusement, lorsquelles existent, ces lois ne sont pastoujours respectées par certains parents conservateurs qui continuent à conclure le mariage de leurs filles sans leur consentement. Lapproche émergente du genre Cest lapproche utilisée par lOrganisation mondiale de la santé (OMS) à travers le projet Santé familiale et prévention du Sida (SFPS). Les inégalités que lon observe entre les sexes ainsi que les rapports qui en découlent sont des constructions sociales. Ces rapports sont connus sous le terme de « rapports de genre ». Lapproche de genre est fondée sur lidée selon laquelle la réduction de lécart entre les pouvoirs dévolus à chaque sexe par la société permettra à la femme de participer plus efficacement à la prise des décisions, notamment celles relatives à la santé de la reproduction. Cette approche vise le renforcement du pouvoir des femmes dans tous les domaines. Dans le domaine de la sexualité, lapproche du genre stipule quen raison de son faible pouvoir de décision, la femme ou la jeune fille na aucun contrôle ou alors na quun contrôle limité sur sa sexualité. Les rapports de genre en Afrique étant fortement inégalitaires, les femmes subissent la volonté des hommes à qui le rapport de force est favorable. Entre les jeunes, on pouvait bien sattendre à une situation de plus grande compréhension entre les partenaires mais le problème demeure. Lécart dâge entre les partenaires renforce aussi cette inégalité (les hommes plus âgés contractent très souvent des rapports sexuels avec des filles beaucoup plus jeunes). Ladoption des comportements sexuels sains (utilisation des préservatifs) doit résulter dune concertation entre les deux personnes en présence. Malheureusement, cette négociation nest pas toujours de règle à cause du rapport de genre déséquilibré. Meekers et Megan relèvent que « Sexual risk reduction tends to be more difficult for women, as they do not use condom in isolation but negociate their use with their partners. » Beaucoup dauteurs documentent des rapports inégalitaires entre les hommes et les femmes en Afrique dans les négociations sur les modalités de déroulement de lacte sexuel. Ces rapports inégalitaires qui prennent leur source dans les rapports de genre se prolongent parmi les jeunes. On aboutit ainsi à des rapports de domination où les jeunes hommes peuvent dicter leur volonté sur la façon dont doit se dérouler lacte sexuel. Les jeunes nont pas le pouvoir de demander, encore moins dexiger de leur partenaire que le rapport sexuel soit protégé. Cette situation de domination dégrade profondément limage que les jeunes filles notamment peuvent avoir delles. « Limage de soi-même est la considération que lon a de sa personne et la représentation que lon fait de sa personne et de sa personnalité. » (Rwenge, 2001 inédit). Cette dégradation de limage de soi-même agit négativement sur la perception de son auto-efficacité, cest-à-dire, la confiance quon a de son propre pouvoir de refuser certaines modalités des rapports sexuels ou de navoir que des rapports sexuels sans risque. Ainsi, « women who lack confidence in their ability to purchase condom and negociate their use tend to have a higher likelihood of engaging in unprotected intercouse. » (Meekers and Megan, 1997). Pourtant, une meilleure perception de lauto efficacité (auto-efficacy) permettrait aux adolescentes de prendre conscience de la nécessité pour elles de se protéger ou de sabstenir. Les rapports inégalitaires, la mauvaise image de soi sont des facteurs psychosociaux qui déterminent parfois les comportements sexuels à risque. Dans létude des comportements sexuels des jeunes à Yaoundé et à Douala en 2001, près de 40 % des filles estiment que lusage des préservatifs dépend entièrement du garçon. Cest dire combien cette perception de lauto efficacité affecte les comportements de prévention et ladoption des comportements sexuels sans risque. Cadre conceptuel Hypothèses de létude Lobjectif de cette étude est de rechercher à déterminer les principaux facteurs qui expliquent les comportements en matière dutilisation du préservatif pendant les rapports sexuels chez les adolescents non mariés, âgé de 12 à 19 ans, ayant déjà eu au moins un premier rapport sexuel et résidant à Bangui. Avant de présenter la méthode de régression et les variables retenues, il convient dabord de rappeler les hypothèses de travail quon cherche à vérifier. Ce cadre conceptuel explicite lhypothèse fondamentale posée est la suivante : le comportement sexuel des adolescents est déterminé à la fois par les variables individuelles didentification sociale et par les variables contextuelles (Hubert Gérard, 1989). Elle se décompose en deux hypothèses spécifiques de la façon suivante. 1- Les adolescents appartenant au groupe dâges jeunes et dont le milieu de socialisation est autre que Bangui sont plus enclins aux rapports sexuels non protégés. 2- Lutilisation par les adolescents des préservatifs pendant les rapports sexuels est fonction de la fréquentation des services déducation sexuelle, de la communication avec leurs parents, du nombre de partenaires sexuels et de la perception des risques des rapports sexuels non protégés. a) Définitions des quelques concepts clés - Niveau de vie du tuteur ou du père de ladolescent Il ressort de la littérature quil est difficile de cerner le concept de niveau de vie. Généralement, il est saisi à partir du revenu des parents ou de certains biens matériels dont disposent les parents. Il est reconnu quen Afrique, compte tenu de la structure des économies marquées par une forte proportion de la population active travaillant dans le secteur informel et des ménages vivant dautosubsistance, le revenu nest pas bien mesuré et ne peut donc pas bien rendre compte véritablement du niveau réel du ménage. Dans le cadre de notre étude, ce concept sera appréhendé à travers lactivité économique du père ou du tuteur de ladolescent. - Milieu de socialisation Ce concept désigne le lieu où le jeune a passé son enfance cest-à-dire la plus grande partie de ses douze premières années de vie. Cest donc le milieu où il a acquis un certain nombre de croyances ou dhabitudes, (durée de séjour à Bangui, changement décole, environnement, etc.). - La communication sur la sexualité Cette variable composite renvoie à la notion dInformation, dEducation et de Communication (IEC), dans la mesure où les cours déducation sexuelle dispensés à lécole font appel à linformation et léducation. De même, au niveau du foyer, les parents peuvent compléter léducation scolaire en prodiguant de bons conseils aux adolescents pour quils affrontent les réalités de la vie future de façon conséquente. Enfin, le dernier aspect concerne ; le fait quils discutent avec les parents, leurs pairs ou avec le personnel de santé va déterminer leur comportement. - Caractéristiques individuelles Variable composite renvoyant à lensemble des variables propre à lindividu. On trouve ici entre autres le sexe, lâge, lethnie, la religion, le niveau dinstruction, la pression des pairs etc. b) Spécification des variables utilisées - Variables dépendantes Comportement sexuel Nous distinguons deux types de variables dépendantes. Nous avons les variables de comportement sexuel à moindre risque et les variables de comportement sexuel à haut risque. Pour le premier cas, nous aurons des variables suivantes : la signification dune relation sexuelle, avoir eu une relation sexuelle, le nombre de partenaire sexuel. Pour le second cas, cest-à-dire le comportement sexuel à haut risque la variable dépendante retenue est lutilisation du préservatif au cours des relations sexuelles. Lutilisation du condom ou du préservatif lors des relations sexuelles prend la valeur 1, et la non utilisation prend la valeur 0. Pour les adolescents qui nont pas encore eu des relations sexuelles, leur comportement sexuel est appréhendé à travers les variables relatives aux pratiques du comportement sexuel. La variable retenue est le fait davoir des relations sexuelles. La nature des variables dépendantes dépend du choix de la méthode statistique à utiliser. - Variables indépendantes Niveau dinstruction de lenquêté Cest le niveau atteint par lindividu dans le système de scolarisation formel. On peut le mesurer de plusieurs manières : soit par le nombre dannées passées à lécole, soit par le plus haut diplôme obtenu soit par la dernière classe achevée ou le cycle détudes. Nous définissons cette variable par le regroupement des individus selon les modalités suivantes : sans niveau, primaire, secondaire et supérieur. Religion Cest lensemble des pratiques et des rites propres à chacune des croyances. Elles constituent le véhicule dun certain nombre de valeurs et normes qui régissent la vie des fidèles sur le plan comportemental, physiologique (Akoto, 1985). Les modalités retenues sont les suivantes : Protestant, catholique, musulman, animiste et sans religion. Perceptions du risque Pour adopter un comportement, ladolescent évalue les conséquences des risques encourus. Pour saisir cette variable, nous avons retenu les variables suivantes : la connaissance des conséquences des rapports sexuels précoces et des moyens pour éviter les MST/SIDA. Pour la perception du risque, les modalités suivantes ont été retenues : Grossesses/MST/SIDA, le SIDA, la grossesse, la stérilité. Fréquentation des structures déducation sexuelle des jeunes La connaissance des structures déducation sexuelle des jeunes et la fréquentation des celles-ci peuvent déterminer le comportement sexuel des adolescents. Il sagit ici dun comportement sexuel à risque quil faut déterminer. Cette variable est saisie par le besoin dinformations sur la sexualité, la connaissance des structures déducation sexuelle et la fréquentation de celles-ci. Méthodologie Sources données En plus des statistiques sanitaires disponibles dans le centre scolaire et universitaire de Bangui et le rapport du Service de lutte contre les maladies sexuellement transmissibles et le Sida, nous avons collecté les données quantitatives à travers une enquête. Cette enquête a été réalisée auprès des adolescents de lensemble des huit arrondissements de la ville de Bangui. Lenquête par questionnaire est faite auprès dun échantillon stratifié en fonction de deux variables essentielles, à savoir lâge et le sexe. Compte tenu du fait que les questions liées à la sexualité demeurent un sujet tabou dans beaucoup de familles centrafricaines, nous ne pouvons pas utiliser la méthode de sondage probabiliste à plusieurs degrés comme la plupart des enquêtes démographiques le font. Nous avons plutôt utilisé la méthode des quotas, compte tenu des contraintes liées aux moyens financiers. La population cible de létude est constituée des adolescents de 12 à 19 ans résidant à Bangui. Les limites de lenquête Les principaux biais rencontrés au cours de la présente étude concernent les biais de sélection dans la majeure partie des cas, le recrutement des participants sest fait, pour raison de commodité, dans les établissements scolaires (65,6 %), dans les lieux de loisirs (22 %), dans les lieux publics 11,5 %, rarement dans la rue (0,9 %) et jamais à lintérieur des maisons des intéressés. La méthode danalyse multivariée Les modèles de régression logistique sont utilisés pour décrire les relations entre une variable dépendante à deux modalités et des facteurs de risques appelés variables indépendantes. Celles-ci peuvent être quantitatives ou qualitatives. La variable dépendante de cette étude est lutilisation de préservatif lors du dernier rapport sexuel. Si le dernier rapport sexuel est protégé, cette variable est codée 1, sinon, elle prend la valeur 0. Cette variable est régressée sur une série de variables dichotomiques ou poly-dichotomiques. Il y a lieu de noter que la régression logistique utilise la méthode de maximum de vraisemblance pour estimer les paramètres du modèle. Cette méthode est essentiellement probabiliste, elle fournit des coefficients de régression Bi à partir desquels on calcule les risques relatifs (odds ratio). Pour mieux interpréter les résultats, on sintéressera également aux risques relatifs. Un risque relatif plus grand que 1 indique quil y a une plus grande probabilité que ladolescent ait un rapport sexuel non protégé et un risque relatif plus petit signifie une probabilité plus faible que ladolescent ait un rapport sexuel non protégé. La stratégie danalyse adoptée est une procédure pas à pas. Trois modèles caractérisent les interprétations des résultats multi-variés dont les variables indépendantes sont introduites par bloc. Le modèle de base comporte uniquement les variables relatives aux principales caractéristiques individuelles des adolescents. À ce modèle de base, il sera introduit dans la seconde étape, les variables sur les comportements sexuels des adolescents, ce qui constitue le modèle 2. La dernière étape qui est notée modèle 3, se caractérise par lajout au modèle 2, de nouvelles variables relatives à la communication en matière de sexualité chez les adolescents. Cette procédure pas à pas a pour objectif de faire ressortir les effets nets sur la variable dépendante des autres variables quand on introduit certaines variables explicatives. Il convient de signaler que les 341 individus ont été sélectionnés en tenant compte des pratiques sexuelles des adolescents. Ici, il ne sagit pas de procéder à un nouveau tirage des individus mais une sélection sur la base du critère susmentionné. Résultats Les facteurs affectant la sexualité des adolescents Evaluation des conséquences des rapports sexuels précoces Dans un certain nombre de cas, le comportement dun individu en matière de santé dépend de lévaluation de ces conséquences. En effet, daprès les résultats de lenquête, 88 % des adolescents des deux sexes confondus connaissent les conséquences des rapports sexuels précoces. Mais curieusement ils se contredisent par rapport à leur comportement sexuel dans la mesure où 48 % des adolescents avaient eu leur rapport sexuel avant 15 ans. Ils ont été nombreux à citer les grossesses non désirées, les maladies sexuellement transmissibles/Sida (66,7 %), suivi du Sida et de grossesse représentant respectivement 12,1 % et 9,2 %. Cela pourrait traduire en partie limpact de différentes actions menées en faveur des jeunes. Il sagit du Projet « Education à la Vie Familiale en Matière de Population (EVF/EMP), les actions de sensibilisation du Centre dInformation sur la Sexualité des Jeunes (CISJEU), et des clubs de jeunes pour la lutte contre le Sida dans les différents établissements scolaires de Bangui. Cependant, bien quayant une connaissance plus ou moins exacte des conséquences de la sexualité précoce, près de la moitié des adolescents (48 %) ont tout de même reconnu avoir leur premier rapport sexuel avant 15 ans. Ce qui suppose que lacquisition des informations sur les conséquences de la sexualité précoce est postérieur à lacte ou alors quelle na pas été suffisante pour atténuer le désir chez les adolescents dexpérimenter le rapport sexuel. Dans le premier cas, il peut y avoir une prise de conscience réelle du danger encouru se traduisant par ladoption duncomportement de prévention des risques (fréquences irrégulières, protection des rapports à lavenir). Dans le second cas, où il ne sagit plus dune ignorance mais plutôt dune incrédulité coupable, les prédispositions à un comportement de prévention des risques sont dun faible degré. Doù la nécessité de rendre linformation disponible et accessible dès le bas âge pour faciliter une évaluation des conséquences pouvant influer effectivement sur la décision de passer à lacte sexuel. Au-delà de la connaissance des conséquences des rapports non protégés, des différents modes de transmission de ces infections, ainsi que les manifestations ou symptômes ne sont pas toujours connus. Perception des risques La perception des risques peut susciter ladoption dun comportement préventif en matière de sexualité, en labsence des facteurs collatéraux puissants concomitants. Il y a la maîtrise de soi lorsquon se trouve en face dun(e) partenaire sexuel(le). Parfois, la réaction du partenaire sexuel peut dissiper la bonne intention à adopter le comportement quon souhaitait adopter. Daprès le résultat de lenquête, 54,4 % ont peur de mourir du Sida, contre 24 % qui ont lappréciation des trois conséquences des rapports non protégés à savoir : les grossesses non désirées, les MST et le SIDA. La peur de la grossesse ne réunit que 10 % seulement. Si lon sen tient à lopinion exprimée par les adolescents interrogés sur ce qui leur fait plus peur par rapport aux conséquences des rapports sexuels précoces, on serait tenté de penser quils seraient plus enclins à se protéger systématiquement lors de tout rapport sexuel. Il convient de signaler que les filles ont davantage peur de la stérilité et des grossesses non désirées et trois conséquences à la fois par rapport aux garçons, avec des scores respectifs de 80,3 % ; 67,7 % et 59,5 %. Par contre, les garçons dans 53,4% des cas déclarent la peur du SIDA comme risque encouru pendant lacte sexuel. Cependant, parmi les moyens de protection contre les IST/SIDA énumérés par les adolescents figurent par ordre dimportance la fidélité (48,8 %), labstinence (19,4%), la limitation du nombre de partenaires (14,1 %), le bon choix dun partenaire (10,2 %) et lutilisation des préservatifs (7 %). Il apparaît donc que lutilisation des préservatifs est citée en dernier lieu. Ce qui signifie quelle nest pas considérée comme une pratique préférentielle par les adolescents qui privilégient pour leur part la fidélité. Or, la fidélité suppose une confiance totale et réciproque entre partenaires engagés dans une union durable. Dans le contexte des relations amoureuses entre adolescents généralement marquées par leur caractère occasionnel et éphémère, il est peu probable dadmettre lapplicabilité effective de ce principe dans la réalité. Dans ce cas précis, la distorsion entre la perception du risque et ladoption dun comportement préventif est très remarquable. Fréquentation des structures de santé sexuelle En matière de changement de comportement, le processus qui va de la prise de conscience à lintention et de lintention au comportement souhaité peut être facilité par un certain nombre de facteurs dont la présence des amis, lexistence des structures de santé sexuelle des adolescents, la pression des parents. Tout ceci constitue les éléments pouvant donner à ladolescent lhabileté à agir selon la norme. Il ressort des données denquête que 55 % des adolescents connaissent les lieux dexpressions des problèmes intimes ; 45 % ignorent leur existence. Parmi ceux-ci qui connaissent ces lieux, 65 % fréquentent les différents services de santé sexuelledes jeunes. Il convient de noter que presque la quasi-totalité de ceux qui fréquentent estiment que les services sont adaptés à leurs besoins. Pourquoi certains adolescents ne fréquentent-ils pas les structures dencadrement des jeunes ? Plusieurs raisons ont été évoquées pour justifier la non-fréquentation des services de santé des jeunes. 24 % affirment quils nont pas le temps, suivis de ceux qui évoquent le manque dhabitude de fréquenter ces lieux (9,5%) et de ceux qui ne le font pas à cause de léloignement de leur domicile (8,7 %). Dautres enfin pensent quils sont encore trop jeunes ; ils restent sous surveillance des parents, par conséquent, il ne peuvent pas se promener sans lavis de leurs parents : 9,2 % des adolescents lont affirmé. Si les éducateurs de santé sexuelle des jeunes ne peuvent atteindre facilement les plus jeunes qui sont souvent contraints de se soumettre à la volonté de leurs parents, leurs parents pourraient valablement jouer ce rôle dans un cadre familial si ces problèmes ne se discutaient pas à mots couverts avec les enfants. Communication parents-adolescents La communication est un processus interactif de dialogue entre deux individus (ici parents-adolescents) dont le but ultime est de persuader un individu à adopter un comportement sain. Les données denquête montrent que seulement 42,6 % des enfants parlent de la sexualité avec leurs parents, parmi lesquels 60,6 % parlent assez librement et 39,4 % à mots couverts. Ceci traduit la volonté des parents de considérer la sexualité comme un sujet tabou. Même si lon parle, on se contente dattirer lattention de lenfant sur les conséquences des rapports précoces ou des rapports protégés. Mais on ignore quà lâge de la maturité, il y a un certain nombre de réactions naturelles que ladolescent doit avoir en fonction de son âge. Dans la communication, les parents ont tendance à évoquer les conséquences des rapports sexuels sans pour autant montrer à lenfant comment utiliser son sexe pendant lâge de puberté. Dès lors que ladolescent nest pas convaincu pour adhérer au point de vue des parents, il est souvent difficile dopérer un changement à ce niveau. Les parents doivent sinvestir davantage dans léducation sexuelle de leurs enfants eu égard à la confiance que les adolescents leur font. En effet, concernant la question « qui doit vous fournir les informations sur la sexualité ? », il ressort que 36,4 % des adolescents pensent que les parents sont habilités à le faire quand bien même ces derniers ont des limites. Le personnel de santé, les personnes âgées viennent loin derrière avec respectivement 27,8 % et 11,9 %. Les filles préfèrent avoir comme interlocuteurs en matière de sexualité, leurs parents et enseignants avec respectivement 62,8 % et 74,5%. En revanche, les garçons ont une préférence pour les personnes âgées, les religieux, les amis et le personnel de santéavec respectivement 70,8 %, 65,5 %, 53,1 % et 52,7. Dailleurs, il ressort de lanalyse du contenu des discussions de groupe avec les adolescents que ces derniers, quel que soit leur sexe, ont mis enévidence le déficit decommunicationentreparents et enfants en matière de sexualité. Un déficit qui se caractérise soit par une insuffisance dinformation au niveau familial, soit par un empêchement des enfants à avoir accès à dautres sources dinformation disponibles dans la ville. Les filles ont affirmé que « certains parents empêchent leurs enfants (filles) de fréquenter le Centre dInformation sur la Sexualité de Jeunes (CISJEU) sous prétexte quelles répondent à des rendez-vous des garçons ». Quant aux garçons, ils ont reconnu que « généralement, cest après le constat dun problème de sexualité (grossesse ou défloration de mineure) que les parents commencent à éduquer les enfants ». Ces données confirment ainsi la tendance généralement admise selon laquelle dans les sociétés, la sexualité est considérée comme un sujet tabou par les parents qui sont en fait les premiers éducateurs des enfants. Analyse bivariée : description du comportement de prévention Le comportement de prévention est généralement caractérisé par le retardement de lactivité sexuelle jusquà la maturité physiologique et la protection des rapports sexuels. Sur la protection des rapports sexuels, les opinions des adolescents recueillies au cours des discussions de groupes sont caractérisées par une certaine ambivalence. Les adolescents ont reconnu que certains dentre eux qui sont consciencieux et soucieux de leur avenir utilisent le préservatif au cours des rapports sexuels alors que dautres ne lutilisent pas. Aussi lattitude vis-à-vis du port du préservatif est-elle caractérisée soit par une intransigeance soit par une indifférence. En général, lexigence du port du préservatif par lun des partenaires est souvent perçue par lautre comme un manque de confiance de la part du (de la) partenaire doù la nécessité dune discussion préalable à linstauration dun climatdentente et de bonne compréhension indispensable pour la continuité des relations amoureuses. Par ailleurs, les garçons ont affirmé qu « au cours des relations sexuelles, certaines filles demeurent indifférentes et laissent le choix de la décision de protection à leurs partenaires ». Lattitude dindifférence traduit une hésitation entre la nécessité de se protéger contre les conséquences de lacte et le désir de vivre lintense plaisir (extase) souvent associé au contact direct dune relation sexuelle sans capote) : « dautres refusent le port du préservatif parce quil empêche de sentir le vif plaisir du contact direct » ont déclaré les adolescents. A titre de rappel, selon la théorie de laction raisonnée, lintention dune personne dadopter ou de ne pas adopter un comportement est déterminée par son attitude à légard du comportement et limportance quelle accorde à lopinion des gens qui lui sont proches. Le modèle des croyances relatives à la santé pose comme postulat quun individu est susceptible de poser un acte pour prévenir une maladie ou une condition désagréable sil possède des connaissances minimales en matière de santé et sil considère la santé comme une dimension dimportance dans sa vie. Les déterminants de la décision dagir sont la perception dune menace pour la santé et la croyance en lefficacité de la menace pour la santé ainsi que la croyance en lefficacité de laction devant la menace provient de lévaluation des avantages et des désavantages associés à ladoption des actions préventives recommandées. De plus, certaines variables (démographiques, socio psychologiques) influent sur les perceptions de lindividu et certains évènements incitant à laction peuvent éveiller chez lui la perception dune menace pour sa santé. Variables didentification sociale Le comportement sexuel est fonction de lâge. En effet, la pratique de lacte sexuel est déterminée par la maturité dun individu. Au fur et à mesure que lâge augmente, la proportion des adolescents ayant déclaré avoir eu des rapports sexuels augmente. Cette tendance est similaire au comportement de prévention où lutilisation des préservatifs au cours du dernier rapport sexuel évolue avec lâge de ladolescent. Aussi, il apparaît, daprès le tableau ci-dessus, que cest chez les adolescents de 18 à 19 ans quon retrouve les scores élevés de ceux qui ne se protègent pas lors du dernier rapport sexuel. Il existe une liaison entre lâge et le comportement de prévention chez les adolescents. Ce comportement qui est de plus en plus répandu en milieu scolaire doit aussi interpeller les parents des adolescents. La variable sexe permet dexpliquer la différence de comportement sexuel du point de vue de la prévention. Au seuil de 10 %, cette variable sest révélée significative, daprès les résultats de lenquête, 60 % des garçons se sont protégés lors de leur dernier rapport sexuel contre 40 % de filles. Il va falloir nuancer ce résultat dans la mesure où chez les filles, la latitude est souvent laissée au garçon de décider de porter le préservatif ou pas. Ceci dit, il ne sagit pas ici de lutilisation du préservatif féminin qui vient dêtre vulgarisé très récemment en Centrafrique. Variables intermédiaires Il apparaît daprès le tableau ci-après quil ny a aucune liaison entre lévaluation des conséquences et les actes concrets liés à la prévention ; au seuil de 10 % elle est non significative. Il ny pas une indifférence de comportement sexuel en fonction de la connaissance des conséquences. Daprès la théorie de Azjen et Fishbein, 1980, lattitude dune personne à légard du comportement est déterminée par ses croyances concernant les conséquences dun comportement donnée et lévaluation quelle fait de ces conséquences. Il sagit en fait du jugement subjectif par rapport à un comportement et à ses conséquences ou résultats possibles multiplié par lévaluation quefait la personne de ces conséquences. Dune manière plus concrète, on ne peut pas dire que ladolescent associe des conséquences aux actions quil pose (croyances) et quil attribue une valeur à ces conséquences. Bien quil y ait une liaison entre la perception du risque des rapports sexuels non protégés et le comportement de prévention, le Sida constitue pour les adolescents la conséquence principale qui leur fait le plus peur : plus de la moitié des adolescents (56%) qui ont un comportement à haut risque ont curieusement cité le Sida, contre un quart (25%) qui redoutent les deux autres conséquences à savoir les grossesses non désirées et les maladies sexuellement transmises. Il ressort des résultats de lenquête que la croyance à lopinion des personnes influentes na aucune liaison avec la variable de comportement de prévention. Ainsi, quel que soit leur comportement sexuel, plus de la moitié des adolescents ne reçoit aucune pression quelconque dans le choix de leur partenaire sexuel. Il convient de noter quun peu plus dun quart des adolescents ont opté pour les parents, quand il sagit de changer dopinion dans la décision de choisir un partenaire sexuel. Ce résultat traduit la faible emprise des parents sur leurs enfants en matière de prise de décision. Cependant, la communication apparaît, daprès le test statistique, comme une variable explicative du comportement de prévention. Il ressort du tableau danalyse que les adolescents qui communiquent avec leurs parents sont les plus nombreux à avoir un comportement à moindre risque. En revanche, ceux qui ont un comportement à haut risque ont déclaré ne pas communiquer avec leurs parents. Pour que les actions entreprises avec les ONGs ou les associations oeuvrant en direction des jeunes puissent porter des fruits, il va falloir que les personnes en charge de léducation des enfants puissent tenir le même langage. Car, lorsque les parents ont une faible emprise sur les enfants qui se traduit par labsence de communication, il est difficile datteindre le but recherché qui est davoir un comportement sexuel à moindre risque. Ceci nous amène à aborder la question des facteurs qui facilitent ou renforcent laction. Les facteurs de renforcement du comportement de prévention des adolescents sont entre autres la tendance des structures dencadrement des jeunes en matière de sexualité. Il ressort des données denquête que les adolescents qui connaissent les lieux dexpression des problèmes intimes ont tendance à adopter un comportement sexuel à moindre risque par rapport à ceux qui nont pas connaissance de ces conséquences des rapports sexuels non protégés. Cest ainsi que le fait de connaître ces structures ne fait que renforcer le comportement sexuel souhaité (abstinence ou port de préservatif). Un fait tout à fait curieux est la prédominance de ceux qui sont informés au niveau des centres déducation sexuelle sur ceux qui ne sintéressent pas aux structures dencadrement des jeunes. Cela traduit en partie léchec des interventions éducatives lorsque lenvironnement immédiat de la population cible nest pas pris en compte dans la stratégie daction. Létape qui va de la connaissance à lintention dagir dans le sens souhaité est souvent longue et difficile à planifier. La même tendance est observée au niveau de la fréquentation des structures dencadrement des jeunes où la fréquentation des structures a une forte liaison avec le comportement de prévention. Plus de trois quart des adolescents qui fréquentent les structures ont des prédispositions à protéger leurs rapports sexuels. Il apparaît, daprès les résultats de lenquête, que quel que soit le comportement sexuel adopté par ladolescent, le personnel médical vient en tête avec plus dun tiers, suivi des parents qui, de temps en temps, complètent les informations données par le personnel médical. Ceci pourrait sexpliquer par les actions entreprises par les autorités sanitaires en vue de réduire lampleur des maladies sexuellement transmissibles et le Sida parmi les jeunes : des structures déducation et de dépistage ont été créées pour la prise en charge des problèmes des jeunes en matière de sexualité. Il convient de noter que la variable « personne ressource pour lobtention des informations sur la sexualité » na aucune liaison avec le comportement de prévention. Cest dire que quelle que soit la source dinformation sur la sexualité, le comportement sexuel des adolescents de Bangui est identique. Analyse multivariée de lutilisation du préservatif Les effets des variables individuelles Les caractéristiques individuelles des adolescents sont appréhendées à travers lâge, le sexe, le niveau dinstruction, la situation dactivité, la religion, le milieu de socialisation et la prise en charge de ladolescent. Il ressort du tableau n°4 que certaines variables ont un impact significatif sur la décision dutilisation du préservatif lors des rapports sexuels. Dabord, on saperçoit que la variable âge exerce une influence significative sur lutilisation de préservatif pendant les rapports sexuels chez les adolescents. Les adolescents du groupe dâge 15-19 ans ont au niveau brut 5 fois plus de chance dutiliser le préservatif que ceux âgés de 12-14 ans. Cette influence de lâge sur les comportements sexuels des adolescents demeure significative lorsquon introduit la variable relative dans le modèle. Comme on peut le constater dans le modèle 2, lorsquon introduit la variable relative à la perception des risques liés aux rapports sexuels non protégés ainsi que le nombre des partenaires sexuels, il ressort que les chances de port de préservatifs sont 4,7 fois plus élevées chez les adolescents du groupe dâges 15-19 ans que ceux de 12-14 ans. Il en est de même lorsquon prend en compte leffet des variables sur la fréquentation des services déducation sexuelle et sur la communication avec les parents en matière de sexualité. Autrement dit, une partie de linfluence de lâge sur lutilisation du préservatif est médiatisée par la différence du nombre de partenaires sexuels, de fréquentation des services déducation sexuelle et de communication avec les parents. Dans ces domaines, les plus jeunes seraient défavorisés. Si leffet de la variable sexe apparaît non significatif dans les modèles 1 et 2, il ressort toutefois que les garçons ont tendance à plus utiliser le préservatif lors de leurs rapports sexuels que les filles. Lorsquon contrôle les effets de la fréquentation des services déducation sexuelle et la communication avec les parents enmatière de sexualité, leffet de la variable sexe devient significatif. Les garçons présentent 62 % de chances de plus dutiliser de préservatif lors de leurs rapports sexuels de lanalyse que les filles. Pour ce qui est du type dactivité, les résultats de lanalyse de la régression logistique indiquent que cette variable ne présente aucun effet significatif sur les comportements sexuels en matière dutilisation du préservatif chez les adolescents. Mais si lon compare les chances dutilisation de préservatif entre adolescents qui fréquentent un établissement scolaire aux autres en tenant compte des effets des autres variables, on se rend compte que les chances dutilisation de préservatif sont plutôt de 32 % plus élevées chez les élèves que chez les autres adolescents, toutes choses égales par ailleurs. Aussi, les effets dutilisation des préservatifs lors du dernier rapport sexuel des autres variables relatives aux caractéristiques individuelles telles que la prise en charge des adolescents, la religion et le milieu de socialisation se sont avérés significatifs. Les effets des comportements sexuels Les comportements sexuels des adolescents sont appréhendés par deux variables : la perception des risques liés aux relations sexuelles non protégés et le nombre de partenaires sexuels au cours de trois derniers mois précédant lenquête. Ces deux variables ont été introduites après avoir pris en compte les variables relatives aux caractéristiques individuelles (modèle 2). Il y a lieu de remarquer que lintroduction de ces deux variables na pas changé significativement les effets des autres variables. La perception des risques liée à la sexualité non protégée nexerce pas une influence significative sur lutilisation du condom par les adolescents. Mais on note une différence assez importante entre les adolescents qui sont conscients des risques liés aux rapports sexuels non protégés et à ceux qui les ignorent. En effet, les adolescents qui connaissent les risques des rapports sexuels non protégés auraient deux fois plus de chance dutiliser un préservatif lors de leurs rapports sexuels que ceux qui en ignorent les dangers. Cependant, on remarque que ce risque relatif diminue lorsquon introduit des variables sur la communication en matière de sexualité. En ce qui concerne le nombre de partenaires sexuels, son influence sur les chances dutilisation de préservatif se révèle significative au seuil de 5 %. Par contre, le fait de navoir quun seul partenaire ninfluence pas le port de préservatif pendant les rapportssexuels. Les adolescents ayant déclaré avoir plus de deux partenaires sexuels ont 71 % de chance de plus dutiliser le préservatif que ceux qui ont un seul partenaire. En dautres termes, plus le nombre de partenaires est élevé, plus grande est la chance que ladolescent utilise un préservatif lors du rapport sexuel. Limpact de la communication en matière de sexualité La communication en matière de sexualité est mesurée à travers deux principales variables : la fréquentation des services déducation sexuelle et la communication avec les parents en matière de sexualité. Lintroduction de ces variables dans le modèle induit des effets significatifs sur le comportement des adolescents en matière de port de préservatif. Les adolescents qui ne fréquentent pas les services déducation sexuelle courent un risque de ne pas utiliser le préservatif lors des rapports sexuels de 36% supérieur à celui de ceux qui le font. La communication en matière de sexualité avec les parents se révèle également un facteur important de différenciation. Leffet de cette variable sur lutilisation de préservatif estsignificatif. Cependant, il y a lieu de noter que cet effet varie en fonction du degré douverture desprit des parents en matière de communication et de sensibilisation sur la sexualité de leurs enfants. En fait, les adolescents qui parlent moins ouvertement de sexualité avec leurs parents, présentent seulement deux fois plus de chances dutilisation du préservatif que ceux qui ne bénéficient pas dune telle communication avec leurs parents. Par contre, les adolescents qui parlent librement de sexualité avec leurs parents sont trois fois plus enclins à utiliser le préservatif que ceux qui nen parlent pas. Lincidence de lensemble des variables sur le comportement de la prévention Il convient de rappeler que, la plupart des adolescents interrogés sont des célibataires (95 %). Leurs rapports sexuels devraient être protégés pour éviter les conséquences néfastes qui pourraient contribuer à compromettre leur avenir. Etant donné que le niveau de conscience des perceptions de risque ne suit pas le comportement sain qui devait être observé par les adolescents, quels sont les différents facteurs susceptibles dagir sur la décision à utiliser le préservatif pour protéger les rapports sexuels ? Lorsquon considère globalement lincidence de lensemble des variables sur le comportement préventifs le fait de fréquenter lécole, ou dêtre socialisé à Bangui ou à lintérieur du pays ne fait pas varier le comportement sexuel des adolescents. Par contre, la fréquentation des structures de santé des jeunes, la communication avec les parents, lâge, le nombre de partenaires sexuels depuis le premier rapport sexuel se sont révélés significatif et expliquent donc la variation du comportement sexuel sain. La présence des structures déducation sexuelles est un des facteurs renforçant ou facilitant le comportement de prévention des adolescents. Bien que la communication joue un rôle de déterminant dans le processus du maintien du comportement sexuel des adolescents, en matière de sexualité, la décision dadopter un comportement dépend également de lattitude du ou (de la) partenaire chez laquelle, il faut une conscience assez forte des perceptions du risque avant dimposer sa volonté à son ou (sa) partenaire sexuel(le). Dans le troisième modèle, les variables non significatives ont été extraites et ne figurent dans le modèle que les variables qui ont un pouvoir prédictif élevé par rapport à la variable expliquée. Ici, le R² connaît une légère baisse (14 %). En définitive, le comportement sexuel des adolescents est déterminé par certaines variables didentification sociale telles que : lâge, le sexe et les variables contextuelles telles que la communication avec les parents, la fréquentation des structures dencadrement des jeunes etc. Conclusion Il ressort de nos analyses que les résultats vont de manière générale dans le sens des hypothèses énoncées. En ce qui concerne lhypothèse selon laquelle les adolescents appartenant au groupe dâges jeunes et dont le milieu de socialisation est autre que Bangui sont plus enclins aux rapports sexuels non protégés, au regard des résultats obtenus, il ressort évidemment que lappartenance au groupe dâge 12-14 ans est associée à une faible utilisation du préservatif lors des rapports sexuels. En revanche, le milieu de socialisation de lenfant nexerce aucun effet significatif sur les comportements en matière dutilisation de préservation lors des rapports sexuels. Il convient également de souligner que la fréquentation des services déducation sexuelle, la communication en matière de sexualité avec les parents et le multipartenariat se sont avérés déterminants dans les comportements sexuels des adolescents résidant à Bangui. Ce résultat est presque conforme à lune des hypothèses de cette étude qui soutient que lutilisation par les adolescents des préservatifs pendant les rapports sexuels est fonction de la fréquentation des services déducation sexuelle, de communication avec leurs parents, du nombre de partenaires sexuels et de la perception des risques des rapports sexuels non protégés. Enfin, sil apparaît que les objectifs de cette étude sont de manière générale atteints, il y a cependant lieu de noter que les résultats de la régression logistique peuvent comporter certaines limites imputables en grande partie aux données utilisées. Par exemple, la méthode adoptée pour collecter les données de lenquête pourrait induire le biais de sélection. A cela, il convient aussi de souligner la taille réduite de léchantillon qui pourrait limiter lefficacité des coefficients estimés. Nonobstant cela, on peut retenir de cette étude les principaux constats suivants : 1) On assiste à lérosion des valeurs socioculturelles qui se traduit par laffaiblissement du pouvoir des aînés sur les jeunes ; il sensuit que léducation des enfants préoccupe de moins en moins la communauté. 2) La prise de conscience de la contraception est plus faible dans la population adolescente au moment de lenquête, alors que cest dans ce groupe dâge quon retrouve le pourcentage des personnes instruites le plus élevé. 3) Le comportement sexuel à risque peut contribuer à terme à laugmentation de la mortalité générale dont les conséquences immédiates sont la perte de la potentialité de reproduction future. Il conviendrait de souligner que si incomplète soit-elle, cette étude est une contribution importante à lamélioration de la connaissance des déterminants des comportements sexuels des adolescents à Bangui. Toutefois, étant donné limportance du sujet, dautres investigations seraient nécessaires pour mieux cerner tous les paramètres dont la maîtrise permettrait la définition des stratégies globales de promotion de la sexualité responsable en Centrafrique. Afin dassurer une protection efficace de la jeunesse contre les conséquences néfastes dune sexualité mal maîtrisée, il serait par exemple intéressant de mener une recherche sur la nécessité dune éventuelle vulgarisation de léducation sexuelle comme facteur favorisant ladoption des comportements à moindre risque chez les adolescents de lécole primaire. Aussi, des investigations sur les causes profondes du relâchement du contrôle social sur les enfants et plus particulièrement en ce qui concerne la sexualité, seraient utiles dans le cadre dune stratégie visant une meilleure implication de la communauté et des parents dans le processus déducation sexuelle des adolescents. Enfin, il est question détudier lenvironnement familial des adolescents en mettant un accent sur le temps que les parents consacrent à léducation de leur enfant. Références
[1] Les câblo-opérateurs sont des hommes d’affaires qui permettent aux ménages de recevoir des images des chaînes étrangères, occidentales notamment, moyennant le versement mensuel d’une somme variant généralement entre 5000 et 10000 francs CFA. [2] Certaines de ces chaînes ont parfois la triste célébrité de diffuser des images à la limite de l’indécence. [3] Magnani et al., 1995, « Men Marriage and Fatherhood in Kinshasa, Zaire », in International Planning Perspectives, n° 21, p. 19-25. [4] Il s’agit dans la majorité des cas d’un partenaire sexuel régulier et non de conjoint au sens d’époux ou d’épouse. Copyright 2005 - Union for African Population Studies The following images related to this document are available:Photo images[ep05012t4.jpg] [ep05012t2.jpg] [ep05012t3.jpg] [ep05012t1.jpg] |
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