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African Population Studies/Etude de la Population Africaine, Vol. 22, No. 2, 2007, pp. 205-231 Les Déterminants Démographiques Et Socio-Economiques Du Confiage Des Enfants Au Burkina Faso Zourkaléini Younoussi Université de Ouagadougou, Institut Supérieur des Sciences de la Population (ISSP), 03 BP 7118 Ouagadougou 03, Tél. : (226) 50 30 25 58 / 50 30 25 59 Fax : (226) 50 30 25 60 E.mail :yzourkaleini@issp.bf Code Number: ep07016 RESUME Au Burkina Faso, comme dans plusieurs autres pays de lAfrique sub-saharienne, traditionnellement, nombreux sont les enfants qui par la pratique du confiage sont temporairement ou dans le long terme placés par leurs parents biologiques dans dautres familles (le plus souvent apparentées) avec pour objectifs leur socialisation et leur éducation. La présente étude montre dabord, quavec la crise économique la pratique de confiage sest amplifiée ; ensuite, elle néchappe pas à linfluence des inégalités sociales et économiques entre les familles, des groupes sociaux et des milieux de résidence et enfin on observe un changement dans le temps de ses déterminants. La reproduction de cette pratique dans un contexte social, économique et géographique différents favorise de nouvelles formes et de modalités qui donnent lieu à penser à lexploitation et au trafic des enfants. Introduction Le confiage, encore appelé placement ou encore transfert des enfants, constitue un des traits traditionnels des systèmes familiaux africains qui se pratiquent sur la base du respect de certaines règles (Jonkers 1997).Le concept « enfant confié » ou « enfant placé » ou encore « enfant transféré » se rapporte à une forme dorganisation sociale qui intègre lenfant dans un système déchange entre familles avec pour objet sa socialisation et son éducation. Cest le type de confiage jadis pratiqué en Afrique de lOuest et qui se distingue de ladoption (concession définitive). Par ce système déchange, lenfant est placé ou transféré auprès dun parent, dun ami, dun maître coranique ou dune simple connaissance pour être élevé comme les enfants de ce dernier. Par cette pratique lenfant se retrouve dans un processus de formation tout en contribuant souvent à lactivité économique du ménage dont il est membre. Quand la contribution à lactivité économique devient le seul objet du confiage au détriment du processus de formation lenfant peut être exploité. Dans la perspective que léconomique prend le dessus sur le social, plusieurs auteurs saccordent à dire que, pour les parents directs, le placement est un moyen de se « délester » dune partie de la « charge » de leurs descendants, lorsquils en ont un grand nombre ou quils sont dans lincapacité de leur assurer le minimum vital (Locoh 1995b ; Frank 1985). Dans un tel contexte la pratique du confiage des enfants peut perdre son fondement traditionnel pour sinscrire dans une logique de transfert des enfants pour des raisons économiques. On parle aujourdhui des dérapages qui conduisent à un nouveau visage de ce fait social sur lequel émerge le scandale du trafic des enfants. Au Burkina Faso, on déplore aujourdhui le fait que la paupérisation croissante de la population et les contraintes économiques rendent plus difficile laccueil traditionnel. Cette pauvreté aidant, on peut donc sattendre à un ralentissement de cette pratique, les capacités des familles plus « riches » susceptibles daccueillir les enfants connaissant certaines limites. Cependant, sous le poids de la pression sociale, une famille se sent parfois obligée daccueillir un enfant qui souvent, représente une charge supplémentaire et qui ne peut donc pas bénéficier des soins les plus élémentaires pour son épanouissement. Au lieu dêtre donc protégé ou inséré, cet enfant confié peut se voir rejeté et exclu, voire exploité. Si en tant de crise le nombre denfants confiés augmente cest au niveau de la qualité et de la nature quil faille rechercher les changements. A partir des données de lenquête nationale sur « les migrations, linsertion urbaine et lenvironnement au Burkina Faso 2000 », cet article poursuit les objectifs suivants : examiner la tendance du confiage des enfants de moins de 14 ans au Burkina Faso, mettre en évidence les facteurs démographiques, socio-économiques et culturels qui déterminent ce confiage et, enfin, de déterminer les éventuels changements intervenus au cours du temps dans le profil des déterminants. Deux outils essentiels de lanalyse des biographies, les courbes de survie de Kaplan Meier et les régressions semi-paramétriques à risques proportionnels, sont utilisés pour évaluer les probabilités daccéder au confiage ou pour mieux comprendre ce qui mène au confiage. Lexamen des déterminants du confiage par génération nous permet de mettre en évidence les changements intervenus en passant de la génération la plus vieille à la plus jeune. I) Le confiage des enfants : une pratique traditionnelle La pratique de confiage, de placement ou de transfert des enfants sappui sur les coutumes et us qui sont activées par les besoins qui se manifestent au niveau familial ou individuel (voir schéma 1). En Afrique de lOuest, traditionnellement lenfant nest pas la propriété de ses parents, il appartient à toute la famille, à toute la communauté. Chez ses géniteurs ou ailleurs, dans un autre cercle familial, il doit pouvoir se sentir à la « maison ». Chaque parent doit non seulement pouvoir élever, garder et éduquer ses enfants mais aussi en recevoir dautres. Ainsi, les parents remettent volontiers les enfants aux soins de proches. On soutient souvent lidée quil faut laisser léducation de lenfant à dautres parents car loin des parents géniteurs, il sera plus docile et plus réceptif aux bonnes méthodes éducatives (Fagnon et Kpadonou 1997). Les ménages daccueil sont entièrement responsables pendant les années de garde sans que pour autant les parents donateurs se soustraient à leurs devoirs ou perdent leurs droits. Le confiage a une durée limitée et ne débouche pas sur ladoption de type occidental. Contrairement à lidée admise en Occident, le confiage denfants ne sert que rarement à adopter des orphelins ou à donner des enfants aux couples stériles. La mobilité enfantine nest jamais automatique, il faut quon ait envie ou besoin de cette présence enfantine pour la demander ou laccepter (Jonckers 1997). Mais, cette interaction entre famille ne fait jamais appel à une institution de type formel et passe souvent par une convention sociale. Le confiage peut avoir lieu dans des sociétés et des milieux très différents. En dépit des différences entre leur niveau de vie, les citadins et leurs parents ruraux peuvent se confier mutuellement des enfants. Les différents types de confiage relèvent avant tout de la volonté de resserrer les relations de parenté et dalliance (Lallemand 1993 ; Jonckers 1994). Il faut reconnaître que dans la société traditionnelle dAfrique de lOuest et du Burkina Faso en particulier, le confiage des enfants en milieu rural à une famille apparentée ou amie revêt une dimension éducative et sociale. La dimension éducative découle du fait quen milieu rural, lenfant élevé ailleurs que dans son foyer naturel est traité avec moins dindulgence par des tuteurs garants des traditions et valeurs sociales. En milieu urbain, le confiage permet à lenfant issu dun milieu rural ou pauvre dêtre scolarisé ou dapprendre un métier. Le confiage se pratique aussi dans lintérêt des parents daccueil et de départ. Les premiers tirent un bénéfice en termes de compensation matrimoniale (un enfant cédé en échange de sa mère), dexpression ou de réception de solidarité familiale avec les autres membres de leurs familles et dans une moindre mesure saccaparer des domestiques (Lallemand 1994 ; Locoh 1988).Aussi, en milieu rural comme en milieu urbain, bien que lenfant accueilli effectue, comme chez lui, des petits services pour compenser sa prise en charge, cet aspect économique ne devrait pas prendre le pas sur les motivations premières de son transfert. Quant aux familles de départ, on évoque souvent comme raison le déséquilibre entre les ressources disponibles et les besoins réels de la famille à satisfaire, qui parfois est caché derrière le désir ou lobligation de faire plaisir, amène des parents à solliciter ou à accepter le partage de la garde des enfants (Lloyd et Blanc 1996; Locoh 1995b). Dans les cas extrêmes le désir de protéger les enfants contre les sorciers et les jeteurs de mauvais sort est aussi une autre raison avancée (Fagnon et Kpadonou 1997). Un enfant peut être placé auprès de ses grands parents en remplacement de sa mère. Plus généralement, pour certaines familles où le développement économique et social na pas eu pour conséquence la nucléarisation des familles, on peut sattendre à ce que les personnes âgées élèvent les enfants et organisent leur confiage entre différents parents ou alliés. Ainsi les enfants dont les grands-parents sont encore en vie peuvent être plus exposés au confiage. Plus que les garçons les filles peuvent se voir confier la garde des nourrissons ou des travaux domestiques. Ainsi, le sexe de lenfant peut être un élément qui intervient au moment de la concertation entre les deux familles (accueil et de départ). Aux besoins, des familles daccueil, on peut sattendre que les filles soient plus confiées que les garçons (Jonckers 1997). Dans plusieurs sociétés ouest africaines et en particulier au Burkina Faso, les échanges denfants peuvent revêtir une haute valeur symbolique. On peut donc sattendre à ce que des frères et surs se confient mutuellement la garde de leurs enfants et quune mère accepte de céder son jeune enfant dès quelle en a un nouveau né. En outre, on peut sattendre à ce que lenfant sevré suite à la grossesse de la mère soit placé auprès dune tante ou de sa grand-mère. Le caractère symbolique du placement denfants peut apparaître également lorsquon donne un enfant à un jeune couple pour favoriser larrivée de sa descendance. Il en va de même lorsquon confie un bébé pour déjouer le destin (si sa mère a perdu beaucoup denfants avant lui) ou le protéger (si lon considère quil est menacé par des forces occultes néfastes). Par ailleurs, celui ou celle qui garde un bon souvenir de sa tutrice ou de son tuteur lui confira son propre enfant. Réciproquement, un enfant confié peut, devenu adulte, élever des descendants de son ancien tuteur. Les transferts et les placements pour des raisons occultes peuvent ausi sexpliquer par lorigine ethnique ou léducation qui sont en interaction avec les croyances et valeurs en vigueur dans la société. Le confiage, comme une des manifestations des solidarités familiales, reste une pratique courante, mais des changements semblent sopérer. Aujourdhui avec la crise qui affecte les familles, les solidarités traditionnelles, extraordinairement opérantes jusquà récemment, semblent atteindre leurs limites. Avec la crise, le confiage comme pratique permettant une réallocation des charges de la reproduction démographique à lintérieur de la famille, se trouve remis en cause car les capacités daccueil des familles, en zone rurale comme en milieu urbain, sont considérablement affectées. Si en temps de crise le nombre denfants confiés augmente cest au niveau de la qualité et de la nature quil faille rechercher les changements. De nos jours, dans un contexte économique marqué par la paupérisation des ménages, le travail des enfants confiés est de moins en moins un surplus pour devenir un minimum de survie dans la composition du revenu des ménages (Marcoux, 1997). Doù une diversification des tâches accomplies par lenfant qui ne correspondent plus nécessairement à sa force de travail et à son âge mais, qui se font au détriment de son épanouissement et surtout de son éducation. Ce bouleversement est surtout perceptible en ville. Les jeunes ruraux confiés aux familles citadines dans le but dêtre scolarisés ou daccéder à lapprentissage dun métier peuvent malheureusement être confrontés à lexploitation. Les filles peuvent effectuer des tâches domestiques et les garçons peuvent participer aux charges de la famille daccueil en exerçant un petit métier dans le «secteur informel» de léconomie urbaine. Ils peuvent rejoindre donc le nombre croissant denfants exerçant un travail « précoce» : cireurs de chaussures, vendeurs de gâteaux ou de sachets deau. Théoriquement, la ville offre un cadre socio-économique plus adapté à préparer l'enfant pour une plus longue scolarité ou pour l'apprentissage d'un bon métier. En effet, au Burkina Faso comme dans les autres pays dAfrique subsaharienne où les structures scolaires et économiques sont plus développées en ville, en labsence de crise économique, pour assurer une meilleure scolarité et partant, une bonne socialisation à leurs enfants, les familles vivant en milieu rural, souvent dépourvu de structures socio-économiques, devraient avoir plus de propension à confier leurs enfants aux membres de leur famille vivant en ville. Mais en temps de crise, l'expression de la solidarité familiale par le placement d'enfants confiés, si elle existe toujours dans sa forme traditionnelle, devrait inverser de sens. La crise socio-économique crée des conditions socio-économiques beaucoup plus difficiles en ville qu'au village. Cette situation singulière engendrée par le manque demploi rémunéré, pour certains parents, le salaire insuffisant et non disponible régulièrement pour d'autres, renforcé par les coûts de scolarisation et d'apprentissage très élevés, devrait pousser certains parents à envoyer leurs enfants au village où le coût de la vie en général et les frais de scolarité en particulier sont moins élevés. Par contre, si en temps de crise les flux sont toujours en direction des villes sans fléchissement ni même une augmentation en direction des villages ou encore une diminution du confiage dans son ensemble, alors on peut croire que les enfants sont plutôt victimes de formes subtiles du confiage qui les soumettent à toute forme exploitation et en ville particulièrement. Quelle signification faut-il donner à la pratique actuelle du confiage des enfants au Burkina Faso? Cette pratique répond-elle toujours aux normes dexpression de solidarité familiale ou bien est-elle en train de prendre la forme dexploitation des enfants? Il sagira pour nous de mettre en évidence les facteurs démographiques, socio-économiques et culturels qui déterminent ce confiage et, enfin, de déterminer les éventuels changements intervenus au cours du temps dans le profil des déterminants. Ces changements seront mis en évidence par un examen des déterminants du confiage par génération. Sagissant des facteurs explicatifs nous supposons que : les premiers enfants et plus particulièrement les filles, plus susceptibles de remplacer leur mère, ont une probabilité plus élevée dêtre confiés; les enfants qui ont plus doncles et/ou de tantes ont une probabilité plus élevée dêtre placés pour tenir compte du fait que des frères et surs se confient mutuellement la garde de leurs enfants; lorigine ethnique a un impact sur la circulation des enfants ; certaines pratiques chez les musulmans exposent plus leurs enfants au placement; léducation des parents est négativement associée au confiage des enfants alors que la résidence en milieu rural lui est positivement associée. II) Données et méthodes danalyse Les données utilisées dans cette étude proviennent de lenquête nationale réalisée en 2000 sur « les migrations, linsertion urbaine et lenvironnement au Burkina Faso » et qui porte sur 8644 biographies migratoires individuelles. Parmi celles-ci, on compte 4568 biographies de femmes dâge compris entre 15 et 64 ans dont 3749 ont déclaré 17540 naissances survenues entre 1952 et 2000. Le module « histoire génésique et devenir des enfants », du questionnaire biographique-femme, a permis de recueillir auprès de chaque femme, le premier départ éventuel de chacun de ses enfants, lâge auquel ce départ a eu lieu, le motif de départ, le département et la province (ou le pays) de destination. Lanalyse est centrée sur le premier départ, sous lhypothèse que le devenir de lenfant reste fortement influencé par son premier départ. Nous voulons en savoir plus sur les facteurs démographiques, socio-économiques et culturels qui favorisent ce départ. Les migrations économiques, scolaires (scolarisation dans le second cycle), de mariages ou dapprentissage interviennent généralement à des âges relativement élevés et peuvent généralement sinscrire dans le cadre dalliance, dentraide familiale de type économique ou de poursuite détudes qui ne correspondent pas souvent à un confiage de type traditionnel. Elles relèvent plus dune contrainte que dun acte volontaire sinscrivant dans le processus de socialisation de lenfant. Lenfant est souvent partie prenante des conditions de son départ et souvent le principal investigateur. Dans le cas des départs en bas âge, ils ne peuvent avoir lieu quaprès le consentement des deux familles (départ et accueil). Ces enfants seront donc considérés comme des enfants transférés, placés ou confiés, lorsque le parent rejoint, avant 14 ans, nest pas le père biologique (puisquils quittent leurs mères) ou lépoux/lépouse (quel que soit lâge au départ). Bien que cette limite dâge reste arbitraire, à partir de 14 ans, lenfant nest plus considéré comme étant exposé au risque de confiage traditionnel puisque labsence dun collège denseignement général dans la localité pourra être le mobile principal du déplacement. Cette limite dâge permet donc dexclure les enfants qui sont contraints de quitter le village après la fin du cycle primaire ou qui sont économiquement actifs à partir de 14 ans. Les lieux de départ et darrivée des enfants sont tous ceux que leur mère a connus au moment où ils avaient moins de 14 ans. En cas de confiage le lieu darrivée est la destination de lenfant et le lieu de départ est celui où il résidait avec sa mère avant son départ, quil soit à lintérieur ou à lextérieur du pays (si la mère avait séjourné avant de se retrouver au Burkina). En labsence de déplacement de la mère (jusquà ce que lenfant atteigne 13 ans) et de lenfant les lieux de départ et darrivée sont assimilés au lieu de résidence de la mère au moment où lenfant avait moins de 14 ans. On remarquera que labsence dinformation sur les enfants dont les mères nétaient pas en vie au moment de lenquête constitue une des limites de nos données. Par ailleurs, si nos données ne permettent pas de prendre en compte les enfants dont les mères sont décédées, INSD et ORC Macro (2004) montrent que ceux-ci ne peuvent que représenter que moins de 2% de lensemble des enfants de moins de 15 ans vivant dans un ménage en labsence de leur mère et père. Ce pourcentage pouvant être encore plus faible si nous excluons les enfants âgés de 14, pour tenir compte de la tranche dâge que nous avons retenons dans le cadre de cette étude. Compte tenu du faible niveau de lespérance de vie au Burkina Faso (48 ans), les femmes très âgées sont faiblement représentées dans léchantillon. Leurs enfants ne sauraient donc être représentatifs des enfants dont les mères auraient survécu à ces groupes dâge. Pour minimiser ce biais, nous excluons de lanalyse tous les enfants de mères âgées de plus de 60 ans[1] au moment de lenquête. Ainsi notre étude porte sur un nombre total de 17121 enfants (nés entre 1955 et 1999) de 3692 femmes. Les activités économiques de la mère ou ses niveaux déducation atteints sont toutes celles exercées ou ceux acquis avant le quatorzième anniversaire de son enfant. Les enfants dune même mère peuvent donc ne pas avoir les mêmes lieux de départ ou darrivée; la mère peut ne pas exercer le même type dactivité au moment où chacun de ses enfants avait moins de 14 ans. Une analyse descriptive nous permet de prendre connaissances des parents daccueil, des lieux de départ et de destination. Les courbes de survie de Kaplan Meier nous permettent de mettre en évidence lévolution du confiage dans le temps ou la comparaison entre groupes. Afin dévaluer linfluence exercée par chaque facteur sur la probabilité dêtre confié nous utilisons un modèle de régression de survie. Lâge de lenfant est utilisé comme variable mesurant le temps. Chaque enfant est suivi jusquà son départ et en labsence de départ lenfant est censuré à lâge atteint ou après 13 ans lorsquil est âgé de plus 13 ans au moment de lenquête. Cette analyse qui fait appel au modèle semi-paramétrique à risques proportionnels, utilise les variables explicatives relatives aux caractéristiques de lenfant (sexe, rang de naissance, milieu de résidence au départ, lieu de destination, nombre doncles et/ou de tantes encore en vie, génération) et celles de la mère (religion, activité économique, niveau déducation et lethnie). Afin dexaminer lévolution, dans le temps, de la structure des déterminants du confiage, la génération est considérée comme groupe cible en maintenant les mêmes variables explicatives. Ainsi, au total nous présentons quatre modèles : un modèle sur lensemble de la période (1955-1999) et un modèle pour chacune des trois générations (enfants nés avant 1980, enfants nés entre 1980 et 1989 et enfants nés entre 1990 et 1999). Les enfants dont les mères ont connu plusieurs déplacements ou plusieurs activités au moment où ils avaient moins de 14 ans se retrouvent dans plusieurs enregistrements de la base de données. Pour remédier à ce problème, les erreurs standards des coefficients de régression ont été ajustées en utilisant les erreurs standards de Huber-White (Hox, 2002). Précisons que comme les données de toute enquête rétrospective, les données utilisées ici présentent un certain nombre de limites. En effet, la technique des biographies nécessite lenregistrement chronologique de tous les événements survenus dans la vie de lindividu. Elle fait donc appel à la mémoire qui peut être défaillante sur certaines dates ou certains évènements. Toutefois, lutilisation de la fiche « âge-évenement», qui a fait ses preuves dans ce genre denquête biographique permet de minimiser les biais de mémoire (Antoine et Piché, 1998). Malgré ces limites inhérentes à ce genre denquête, la base de données constitue une source unique et originale pour létude des facteurs associés à la circulation des enfants. Lenregistrement des biographies résidentielles et professionnelles des parents et de lâge au départ et de lorigine et la destination de lenfant fait la différence avec dautres enquêtes dont les Enquêtes Démographiques et de Santé. III) Quelques caractéristiques du confiage Les filles représentent 48,5% des enfants confiés avant 14 ans. Les enfants confiés représentent 5% de la population totale féminine ou masculine de moins de 14 ans. Ainsi, dans lensemble, 5% des enfants ont connu une situation de transfert, de placement ou de confiage avant 14 ans. Ce résultat ne sécarte pas trop de celui enregistré lors de lEnquête Démographique et de Santé (EDS) réalisée en 2003 : 7,2% des enfants de moins de 15 ans ne vivaient avec aucun parent alors que leurs mères sont encore en vie (INSD et ORC Macro 2004). A) Parents daccueil des enfants confiés Indépendamment de lâge au départ, le tableau 1 révèle que les enfants (filles comme garçons), sont essentiellement placés auprès des oncles/tantes, des grands-parents et des frères/surs. Entre 0 et 5 ans, les garçons sont plus accueillis par les grands parents (maternels comme paternels) alors que les filles sont confiées auprès des grands parents maternels. Les grands-parents accueillent près de 54% et 42% respectivement des garçons et des filles de 0 à 5 ans. Ces proportions tombent à 11% et 20 % lorsque lâge du petit garçon et/ou de la petite fille est compris entre 6 et 13 ans. Cette forme daccueil des enfants par les grands-parents suppose que ces derniers participent encore à la gestion, à léducation et à lélevage de leurs petits enfants. Ce phénomène est plus accentué lorsquil sagit de laccueil dune fille par ses grands parents maternels (un tiers des filles confiées avant 6 ans), ce qui suggère que les femmes se laissent dessaisir de leurs filles à un âge précoce pour que celles-ci les remplacent auprès de leur mère. Au delà de 5 ans aussi bien pour les filles que pour les garçons le confiage semble se réaliser plus auprès des oncles/tantes, en particulier les oncles/tantes paternels (50% pour les garçons et 44% pour les filles). On retrouve donc une logique des obligations traditionnelles et sociales. Pour les oncles/tantes qui accueillent un neveu, une nièce, cest loccasion de constituer un capital de reconnaissance de la part de lenfant du frère et/ou de la sur, mais aussi de manifester son appui pour la prise en charge de lenfant à eux tous (Locoh, 1995b). Malgré la jeunesse des enfants confiés, on constate que les frères et surs accueillent une part non négligeable. En effet, la descendance dune femme étant généralement nombreuse, les enfants dune même mère naissent souvent sur une période très étendue (il peut arriver que 20 ans séparent laîné du benjamin), et les règles impérieuses de solidarité entre germains dune même mère sont toujours en vigueur. Les aînés accueillent et participent à léducation voire la scolarisation des cadets. Les garçons le sont plus avant 6 ans (13%) alors que les filles sont beaucoup plus concernées après 5 ans (17%). Tableau 1 : Répartition (%)* des enfants confiés par le parent rejoint selon lâge au départ et le sexe
* : Les pourcentages
sont obtenus après pondération B) Lieu de départ des enfants confiés La circulation des enfants ne sinscrit pas seulement dans une logique de départ denfants uniquement à partir du milieu rural. Hier comme aujourdhui le lieu de départ est à la fois rural et urbain voire à létranger (tableau 2). Même si le milieu rural reste encore le lieu de départ prédominant, en passant de la génération la plus ancienne à la plus jeune, on note une diminution de cette importance au profit des autres villes mais, celle-ci est beaucoup plus marquée chez les garçons. Par ailleurs, pour la génération intermédiaire, les départs de la ville de Ouagadougou connaissent une augmentation relative indépendamment du sexe de lenfant. Aussi bien la diminution de limportance du milieu rural que celle de la croissance des départs à partir de Ouagadougou indique que la pratique de confiage au Burkina Faso subit aussi les effets de la crise économique.
Source : Enquête sur les migrations, linsertion urbaine et lenvironnement au Burkina Faso 2000 (calculs de lauteur) C) Lieu darrivée des enfants confiés Lorsquon passe de la plus vieille à la plus jeune génération, on observe une augmentation de limportance du milieu rural et des autres villes et une diminution de celle de Ouagadougou, indépendamment du sexe de lenfant confié (tableau 3). Sagissant du cas de Ouagadougou on note par exemple quen passant de la génération la plus ancienne à la plus récente la part des garçons accueillis dans cette ville diminue de façon drastique, passant de 33% à 1% et celle des filles passe de 17% à 6%. La crise économique, certainement plus perceptible à Ouagadougou, déterminerait la réorientation des enfants vers dautres destinations, particulièrement vers le milieu rural. Mais les résultats montrent que cette crise na pas entamé la capacité daccueil des autres villes, les garçons sont de plus en plus accueillis et les filles de la génération la plus récente sont plus accueillies dans ces villes que lancienne génération.
Source : Enquête sur les migrations, linsertion urbaine et lenvironnement au Burkina Faso 2000 (calculs de lauteur) D) Origine et destination des enfants confiés Au tableau 4 on peut souligner une circulation des enfants à lintérieur dun même milieu et entre tous les milieux. La circulation Ouagadougou-zone rurale est devenue de plus en plus importante en passant de la génération la plus ancienne à la plus récente (11,5% à 35,2%). Parallèlement, la circulation de la capitale vers les villes secondaires se poursuit. La détérioration des conditions de vie des ménages depuis la crise économique des années quatre-vingt a donc conduit certains parents résidant dans la capitale à envoyer leurs enfants au village ou vers les villes secondaires (Beauchemin 2001). On observe également une circulation des enfants à lintérieur de la capitale. Le confiage à lintérieur de la capitale a essentiellement pour but de rapprocher lenfant de lécole ou de réduire les frais de scolarité (Baux et al. 2002). En passant de la plus vieille à la plus jeune génération, le milieu rural prend une place importante de plus en plus dans la destination, indépendamment du lieu de provenance. Malgré la crise socioéconomique et peut-être aussi à cause delle, la place du milieu rural dans laccueil des enfants de toute provenance, reste significative, ce qui traduit le fait que la solidarité familiale exprimé par le placement des enfants est encore vivace dans la société burkinabé. Toutefois si la pratique du « confiage » des enfants reste bien ancrée dans la société, des fissures se créent et des manifestations dexploitation des enfants sont observées. Les nouvelles formes prises par celle-ci permettent aux parents daccueil de concilier à peu de frais, leurs rôles économique et éducatif du confiage tout en souscrivant aux principes dobligations sociales qui conditionnent les relations familiales (Pilon 1996).
* : Les
pourcentages sont obtenus après pondération E) Rapidité daccès au confiage Laccès au confiage est basé sur lexamen des probabilités cumulées, ou encore le risque de connaître un premier confiage au bout dun âge inférieur ou égal à 13 ans. Le graphique 1 (courbe de Kaplan Meier) montre que la courbe daccès au premier départ des filles reste toujours en dessous de celle des garçons. Cela porte à croire quelles rentrent plus rapidement en confiage que les garçons. Toutefois, un test de « Cox » nous permet de conclure que ces deux courbes ne sont pas significativement différentes. En somme, les filles ne se distinguent pas des garçons en termes de calendrier de laccès au confiage. Pour mesurer lévolution du confiage dans le temps nous avons constitué des groupes homogènes par rapport au temps en scindant léchantillon en cohortes ou en générations. Ainsi nous supposons que les individus qui les composent ont connu les mêmes conditions de vie, le même environnement, aux mêmes âges. Aujourdhui, il semble que les enfants sont plus confiés quautrefois, filles comme garçons. En effet, au regard du graphique 2, on peut conclure que les probabilités dêtre confiés augmentent en passant de la plus vieille à la plus jeune génération, quel que soit le sexe. Lhypothèse selon laquelle lurbanisation et la crise économique (amoindrissant les solidarités familiales et les liens de réciprocités) devraient contribuer à faire diminuer cette pratique (Isiugo-Abanihe, 1994), nest donc pas vérifiée par cette analyse. Bien au contraire, les enfants semblent être pris en compte dans les stratégies distributives de minimisation des risques liés à la crise économique et aux aléas climatiques. IV) Déterminants du confiage des enfants Prenant en compte lensemble des enfants de toute la période couverte (colonne 2 tableau 5), il apparaît clairement une forte propension dêtre confié en passant de la génération la plus ancienne à la plus jeune. Les difficultés économiques ont donc exacerbé la pratique de confiage des enfants. Très certainement, avec les diverses mutations des valeurs culturelles, les difficultés conjoncturelles, les aléas climatiques, cette augmentation de la pratique de confiage conduit à des dérapages qui aboutissent à un nouveau visage de ce phénomène social. A ce sujet, Fagnon et Kpadonou (1997, p. 1) font le commentaire suivant : « quand on parle denfant confié ou placé de nos jours, on ne perçoit plus vraiment ce sacrifice que simposaient autrefois les parents, de rester dans la logique des obligations traditionnelles et sociales, quel que soit leur rang socioéconomique.» Désormais les effets de certaines valeurs et les perceptions traditionnelles relatives au confiage semblent relever du passé. En effet, si lhypothèse selon laquelle les premiers enfants ont une probabilité plus élevée dêtre placés semble être vérifiée en partie (à partir de 4 enfants) lanalyse par génération montre que cette moyenne densemble nest plus vérifiée de nos jours. En effet, après la génération née avant 1980, le rang de naissance ne semble plus avoir un effet significatif sur le confiage des enfants, toutes choses étant égales par ailleurs. Pour les anciennes générations, le sexe de lenfant nest pas un déterminant significatif du confiage des enfants. Cependant on note un changement dans le temps de leffet de cette variable. En effet, pour les deux premières générations les filles ne se distinguent pas significativement des garçons alors que pour la dernière génération elles semblent circuler plus. Le nouveau schéma vers lequel évolue la pratique de confiage des enfants semble donc privilégier laccueil des filles aptes à être immédiatement employées comme aides familiales, indépendamment de leurs lieux de provenance ou de destination. Un enfant qui compte beaucoup doncles et/ou tantes (plus de 20) semble être plus exposé à une mobilité entre familles. Cela appuie fortement lhypothèse selon laquelle le confiage des enfants met en uvre des réseaux de parenté et dalliance, sources de solidarité susceptible de contribuer à lamélioration de son bien être et de maintenir le mode de vie traditionnel au Burkina Faso. Mais des changements sont en train de sopérer car si par le passé (la première génération) le simple fait davoir beaucoup doncles et /ou de tantes a un effet propre sur le confiage des enfants, aujourdhui (deux dernières générations) cette condition nest plus suffisante pour favoriser la circulation des enfants entre familles. Lethnie Mossi, groupe majoritaire, est prise dans le cadre de cette étude comme la catégorie de référence. Certains groupes ethniques semblent avoir un comportement différent de celui des Mossi. Par exemple, lorsque la mère appartient au groupe Bobo ou Sénoufo, lenfant à moins de chance dêtre confié par rapport à celui dont la mère est de lethnie mossi. A lopposé, lenfant de mère Peul semble avoir plus de chance dêtre confié que celui dune mère Mossi. Ces résultats suggèrent donc que le mode de vie et les pratiques cultuelles propres à certaines ethnies influencent la circulation des enfants. Par exemple, la différence entre Peul et Mossi peut sexpliquer par le mode de vie des premiers, le nomadisme, qui ne leur permet pas de rester sur place durant toute une année scolaire les amène à placer les enfants auprès dautres parents ou à linternat pour assurer leur scolarisation ou lapprentissage dun métier lorsque des dispositions ne sont pas prises pour que lécole les accompagne dans ce déplacement. Néanmoins, lanalyse par génération ne confirme pas la constance de tels effets dans le temps. La faible représentativité de certains groupes ethniques dans léchantillon en appel donc à des réserves sur la nature de ces résultats. Toutefois nous pouvons faire remarquer que ces résultats se rapprochent de ceux obtenus par Dabiré (2001), à partir dune analyse des données de lEnquête Démographique et de Santé réalisée en 1993. La religion ne semble pas avoir un effet sur la pratique de confiage des enfants. Les résultats suggèrent que les conversions religieuses qui peuvent saccompagner dun changement des règles de parenté ou dalliance et dune conception différente de la personne n'entraînent pas un changement major en termes de placement denfants. Par exemple, en adoptant un mode vie proposé par la religion catholique, celui davoir un couple très solidaire, ayant pour fonction principale léducation des enfants et lépanouissement affectif des partenaires, certaines familles narrivent pas à se soustraire des contraintes traditionnelles. Il ne semble pas y avoir une différence significative selon le niveau déducation de la mère. Labsence de différence significative suppose que les enfants circulent dans les mêmes proportions entre les deux types de familles (parents instruits et parents non instruits). Ainsi, même si un bon niveau déducation peut induire chez les adultes une aspiration à un style de vie plus proche de la famille nucléaire, les normes de lentourage semblent plus ou moins sy opposer. Souvent cest laspiration à scolariser les enfants qui entraîne le confiage mutuel des enfants de frères et surs, indépendamment de leur niveau déducation. Cela dénote tout simplement la solidarité qui sexerce à légard des membres dune famille très étendue, de la campane et de la ville. Tous les individus peuvent avoir recours aux autres membres de leur famille, jusquà un niveau de parenté assez éloigné. La situation dans lactivité de la mère est aussi un autre déterminant, surtout pour les générations anciennes : les mères salariées confient moins leurs enfants en comparaison à celles qui exercent une activité indépendante alors que les enfants de mères inactives ne se distinguent pas. Les enfants de celles disposant de revenu circulant moins on peut conclure que même si plusieurs raisons semblent justifier le placement, le confiage ou le transfert des enfants, la pauvreté reste la cause fondamentale. De nos jours on peut affirmer que dans cette situation de pauvreté généralisée aucune famille nest épargnée et la situation dans lactivité ne fait désormais plus parti des facteurs explicatifs du confiage des enfants. Associée au confiage des deux premières générations, elle nest plus pour la dernière génération: les enfants des femmes exerçant une activité indépendante ne se distinguent pas de ceux des femmes salariées ou inactives. Les solidarités très fortes qui simposent par léducation et les croyances, à tous les membres dune famille, dun lignage, font que, le confiage des enfants est utilisé comme stratégie de survie par lensemble des familles touchées. Par ailleurs, même si la disponibilité doncles et tantes peut avoir un effet propre, cest plus le lieu de résidence de ces derniers qui est plus déterminant. Le lieu de destination des enfants confiés concerne plus le milieu urbain ou un pays étranger. Par exemple un enfant qui quitte sa mère a sept fois plus de chances de se retrouver dans la capitale par rapport au milieu rural. Sagissant du lieu départ, dans lensemble seule la ville de Ouagadougou se distingue du milieu rural avec une faible propension den partir. Mais lanalyse par génération inclut létranger comme un facteur qui émerge dans la structure des déterminants du confiage. Si pour la première génération Ouagadougou se distingue du milieu rural par la faible propension des enfants de la quitter pour un confiage pour les deux dernières générations il ne semble pas avoir de différence significative. A linverse, pour les enfants résidant à létranger cest seulement pour la génération la plus récente quils se distinguent significativement et fortement de ceux du milieu rural. Résidant à Ouagadougou, aujourdhui les enfants urbains circulent autant que ceux du milieu rural. Avec la crise économique qui sévit dans les pays voisins, en particulier la Côte dIvoire qui accueille près de 90% des migrants Burkinabé vers lextérieur, les enfants y quittent plus les centres urbains que le milieu rural. Ainsi, avec laggravation de la situation économique à Ouagadougou ou à létranger, de nombreux adultes contraints de prendre en charge de nombreux dépendants se retrouvent, du fait de la perte demploi, de la disparition de la clientèle potentielle de leur activité informelle, incapables de faire face à leurs obligations. Ils mettent donc à contribution les membres de leur famille encore au village ou ailleurs. Ceci confirme le fait que la solidarité entre membres dune famille nest pas en voie de disparition, contrairement à ce quon pourrait penser. Bien sûr, les jeunes « émancipés » qui demeurent apte à accueillir des enfants dautres parents démunis laissent percer une certaine lassitude à devoir aider une parentèle multiple, mais bien peu oseraient se dérober à ces obligations (Locoh 1988). Concernant le lieu darrivée, des changements se sont opérés également. La propension dêtre accueilli à Ouagadougou diminue dans le temps en passant dune différence fortement significative pour la première génération à une différence non significative pour la génération la plus récente. Pour la dernière génération les autres centres urbains accueillent moins denfants que le milieu rural. Devant laccroissement dramatique des difficultés économiques en milieu urbain, ce sont les familles qui apportent les réponses les plus cohérentes. En labsence de difficultés économiques les réseaux de solidarité entre familles et les normes dassistance sont si vivaces que de nombreuses familles urbaines supportent des charges familiales diverses auxquelles elles ne peuvent se soustraire. Elles accueillent plus denfants que les familles rurales. Cependant devant la crise économique persistante on y envoie moins denfants chez des employés harcelés de soucis financiers, voire de dettes. Il nest pas rare de voir une famille rurale prélever une portion non négligeable de ses maigres ressources pour envoyer de la nourriture à lun de ses « dépendants » au chômage en ville, ou accueillir en son sein des enfants venus de la ville. Tableau 5 : Déterminants démographiques et socio-économiques du confiage des enfants (regression de survie, modèle de cox)
Source : Enquête sur les migrations, linsertion urbaine et lenvironnement au Burkina Faso 2000 (calculs de lauteur) Conclusion et discussion La mise en évidence des différents facteurs de la circulation des enfants entre les familles nous a permis de constater que ce phénomène néchappe pas à linfluence des inégalités démographiques et économiques entre les familles, des groupes sociaux et des milieux de résidence. Le rang de naissance, le nombre doncles et/ou de tantes apparaissent comme des facteurs favorisant la circulation des enfants dans le passé. Mais hier comme aujourdhui, lethnie semble jouer un rôle important dans le confiage des enfants. Les enfants circulent entre le milieu rural et le milieu urbain et les femmes sans emploi sont plus portées vers cette pratique. A la question de savoir quelle signification donner à la pratique actuelle du confiage des enfants, tout porte à croire que le confiage des enfants demeure un mode dorganisation sociale et de gestion de la solidarité familiale. Mais ceci reste tributaire des contraintes environnementales. En effet, un enfant est envoyé dans un autre ménage que celui de ses parents biologiques, soit pour répondre à ses besoins en matière scolarisation ou de formation professionnelle, soit pour répondre à un besoin dassistance du ménage daccueil, soit pour soulager la famille dorigine. Toutefois, le recours à ces valeurs traditionnelles peut servir aujourdhui de prétexte pour abuser des enfants. Cela pourrait peut-être justifier le fait quaujourdhui les filles sont plus confiées que les garçons. Cependant, hier comme aujourdhui, les enfants sont lavenir de la famille au sens large et tous les adultes sont concernés par leur prise en charge et leur formation. Ce principe est renforcé par la nécessité dassurer ladéquation ou tout au moins léquilibre entre les membres actifs et les membres inactifs des ménages ; ce qui conduit à une redistribution des enfants entre les unités familiales en particulier dans une conjoncture économique difficile (Antoine et Guillaume 1986). Hier la distribution était plus dirigée vers la capitale et aujourdhui elle va dans toutes les directions (interne comme externe). Lintensification du confiage, à partir de tous les milieux de résidence et dans toutes les directions, confirme que ce phénomène dépend aujourdhui davantage des changements observés dans les relations entre ville et campagne ainsi que dans les structures familiales, en réponse à la déstabilisation des familles pauvres actuelles (Vimard et Guillaume 1991). Leffet puissant de la génération montre que lévolution économique et sociale de ces dernières décennies na pas entamé lintensité de ce comportement familial ; on peut même dire que la crise économique a conduit les familles les plus démunies à placer davantage leurs enfants, de manière temporaire ou de façon durable, dans des familles jouissant de conditions de vie moins précaires et/ou moins onéreuses. Les femmes sans revenu faisant plus recours à celles qui travaillent. Cependant les mutations économiques, démographiques et sociales du moment remettent profondément en question cet équilibre antérieur. La pauvreté se généralisant cette situation relève désormais du passé, travaillant ou non les enfants circulent autant. Certes le rang de naissance ou le nombre doncles et/ou de tantes ne semblent plus être un facteur explicatif important de ce phénomène de nos jours, mais comme le souligne Locoh (1995a), quand on mesure le rôle joué par les réseaux familiaux dans la prise en charge des faibles, des jeunes et des dépendants, dans la création demplois, dans linnovation de normes culturelles, pour ne citer que quelques secteurs clés, on est plus enclin à admirer leur vitalité quà atermoyer sur la perte des valeurs traditionnelles.Ce sont plutôt les caractéristiques socio-économiques du milieu de résidence de ce réseau de parenté qui captent certainement les effets de ces variables. Cependant les solidarités traditionnelles, extraordinairement opérantes jusquà aujourdhui, semblent atteindre leurs limites. En effet, les transferts denfants sintègrent dans un système général de droits et dobligations. Mais au Burkina Faso comme ailleurs en Afrique, elles sont ébranlées en cette période de déflation prolongée et dajustement structurel qui caractérise aujourdhui les économies africaines (Mahieu 1989). Ce système présente des limites puisque de plus en plus de ménages vivent à la marge (les charges induites par leurs obligations dépassent leurs revenus salariaux) et doivent développer des pratiques de crise qui restreignent les possibilités daccueil des individus nappartenant pas à la famille restreinte (Vidal et Le Pape, 1986). Les conséquences sur les solidarités familiales se font très fortement sentir : enfants de la rue, femmes abandonnées avec ou sans leurs enfants, parents âgés ou malades privés du soutien de leurs descendants, déscolarisation des enfants du fait du chômage des parents, sont aujourdhui monnaie courante. Dans ce contexte, il arrive de nos jours que les aspirations des parents et des enfants soient contradictoires. Les ménages daccueil peuvent chercher à concilier à peu de frais, leurs rôles économique et éducatif tout en souscrivant aux principes dobligation sociale qui conditionnent les relations familiales (Pilon 1996). Ainsi, lenfant est placé pour travailler et gagner de largent et ce sont les parents et/ou les placeurs qui bénéficient des fruits de ses efforts, si ce nest de sa servitude. Aussi, il semble que les filles sont plus recherchées pour ce genre de placement en ville où elles se consacrent aux activités domestiques et commerciales (Poirier et al. 1996). Il convient de mettre sur pied des dispositifs denquête et dobservation plus précis pour identifier clairement la nature des travaux imposés à lenfant, le degré de contrainte et dexploitation qui existe entre les parents qui confient leurs enfants et ceux qui les accueillent pour les faire travailler. Tout porte à croire quil existe aujourdhui des déviations par rapport aux normes dexpression de solidarité familiale. Il est donc important de répondre aux questions de savoir si le placement nest pas devenu une activité mercantile et un mode dexploitation du travail rémunéré des enfants, avec laccord plus ou moins implicite des parents. Les parents ne placent-ils pas un enfant dans le but dobtenir une rémunération, pouvant les aider à faire face aux charges des enfants restés à la maison ? Le placement nest-il pas devenu une activité mercantile et un mode dexploitation du travail rémunéré des enfants, avec laccord implicite des parents, en réponse à une demande de plus en plus forte de main duvre faiblement rémunérée ou gratuite en ville ? Après tout, un enfant placé auprès dune autre famille pour des motifs économiques nest-il pas soumit à des frustrations, des blessures narcissiques au sein de la famille daccueil ? En effet, les enfants confiés peuvent se sentir diminués par rapport à leurs homologues biologiques, surtout quand on exhibe chaque fois les conditions de vie misérables de leur famille dorigine. Lamélioration des conditions de vie des enfants passe par des programmes de lutte contre la pauvreté qui tiennent compte à la fois de ses dimensions monétaires et non monétaires. Bibliographie
[1] Le choix de cet age se justifie par la chute brutale des effectifs des femmes après cet age © Copyright 2007 - Union for African Population Studies The following images related to this document are available:Photo images[ep07016s1.jpg] [ep07016f2.jpg] [ep07016f1.jpg] |
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