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African Population Studies
Union for African Population Studies
ISSN: 0850-5780
Vol. 23, Num. 1, 2008, pp. 119-131

African Population Studies/Etude de la Population Africaine, Vol. 23, No. 1, 2008, pp. 119-131

A qui profitera la « fenêtre démographique » des pays du Maghreb?

Kamel Kateb

Institut National D'Etudes Démographiques (INED)

Code Number: ep08007

Résume

A qui profitera la « fenêtre démographique » des pays du Maghreb ? Les pays du Maghreb entrent dans la seconde phase de la transition démographique. Les projections démographiques montrent que les taux de dépendance resteront bas pour le quart de siècle prochain, ouvrant ainsi une "fenêtre d'opportunité démographique." La question qui se pose désormais est de savoir si cette période sera mise judicieusement à profit ? Nos travaux que si cette fenêtre pourrait effectivement améliorer la scolarisation, elle accentuerait en même temps la compétition dans les marchés du travail et matrimonial

Abstract

Who will benefit from the “demographic window” in the Maghreb? Countries in the Maghreb have now entered the second phase of their demographic transition. Demographic projections show that dependency rates will likely remain low for the next quarter of century, thereby creating a "demographic window of opportunity" during which countries could invest in economic growth. In this context, a key question is whether these countries will effectively capitalize on this opportunity. Results from this study suggest that while this period could well boost schooling, it will likely intensify competition in the job and marriage markets

Depuis deux décennies, les pays du Maghreb sont entrés dans la seconde phase de leur transition démographique. Les taux de croissance de la population ont baissé suite à la diminution des taux de fécondité. Les projections démographiques montrent des changements importants dans la structure de la population pour le quart de siècle prochain. La baisse de la fécondité et la diminution de la pression quantitative à l'entrée du système scolaire, combinées au processus de nucléarisation en cours conduiraient à accroître l'investissement par enfant. De même, l'importance relative du nombre d'adultes allège la prise en charge des générations précédentes qui sont en dehors de la vie active. Cette situation particulière de l'histoire démographique des populations est appelée « fenêtre démographique, » période pendant laquelle il y a moins d'enfants et un faible nombre de personnes âgées à charge. La question qui se pose désormais pour les pays du Maghreb est de savoir si cette période sera mise judicieusement à profit par la mise en œuvre d'une politique de développement qui rentabiliserait cette « rente démographique » ? À qui profiterait prioritairement cette manne ? Les pays de la zone Nord de la Méditerranée en serontils les grands bénéficiaires? Qu'en est il des dépenses publiques, qu'en sera-t-il pour les individus sur les marchés du travail et matrimonial. Pour tenter de répondre à ces questions, nous analysons des données secondaires issues des projections démographiques des Nations Unies et des instituts nationaux, les statistiques de l'éducation et de l'emploi des pays du Maghreb.

Changements démographiques récents

Dans les trois pays du Maghreb la croissance démographique, après une brusque accélération dans les années 1960 et 1970, a enregistré un ralentissement important qui se poursuit au Maroc et en Tunisie (Fig. 1) ; l'Algérie par contre connait une légère relance de cette croissance depuis l'année 2001 (Fig. 2). Le taux de croissance dans la région a été divisé par deux dans les trente dernières années ; il est aujourd'hui de 1.5% en Algérie et de 1.1% au Maroc et en Tunisie. La baisse de la natalité est à l'origine de ce net recul de la croissance démographique. De plus de 7 enfants par femme au milieu des années 1970, l'ISF est aujourd'hui inférieur à 3 enfants par femme. Cette diminution du nombre moyen de naissances par femme souligne l'ampleur de la transition démographique dans la région (Fig. 3). En même temps la baisse de la mortalité aux différents âges a élevé l'espérance de vie ; calculée à la naissance, elle a connu une progression fulgurante, à un rythme de 6 mois par an dans le dernier demi siècle (Fig. 4). Une descendance restreinte et une vie plus longue pour les générations qui ont connu les plus gros effectifs de population et les fratries les plus nombreuses, telle est la situation démographique qui se dessine dans les pays du Maghreb.

Pour l'Algérie et le Maroc, il est encore trop tôt pour parler de vieillissement de la population ; les personnes âgées de 65 ans et plus ne représentent que 5% de la population totale, il faudra attendre les années 2030 pour que ce taux atteigne les 10%. En Tunisie, le processus est plus précoce d'une dizaine d'années.

L'indice de vieillissement de la population se mesure généralement en rapportant la population des 65 ans et plus à la population en âge d'activité (15-64). Cet indice est resté relativement stable depuis le début des années 1960 entre 7 et 8% pour les trois pays (Fig. 6). Les projections des Nations unies, dans leur variante moyenne, ne prédisent une augmentation de cet indice qu'au-delà des années 2030.

Pour les prochaines décennies ces projections prévoient une population en âge d'activité (15-64 ans) qui comprend les deux tiers de la population totale.

L'indice de dépendance qui rapporte la population en âge d'inactivité (0-17 ans et 65 ans et plus) à la population en âge d'activité (18-64 ans) a quant à lui connu une hausse dans les années 1970. Ensuite, à partir des années 1980s, il a entamé une baisse qui se prolonge jusqu'en 2010. L'indice se stabilise jusqu'en 2050, il y a pratiquement 2 personnes en âge d'activité pour une personne en âge d'inactivité (Fig. 6). Cet indice ne prend pas en compte la composition de la population active qui exclut une grande partie de la population féminine en âge d'activité. Les taux seraient, dans ce cas beaucoup plus élevés en début de période ; le taux la différence serait atténuée. d'activité des femmes s'élevant par la suite,

La fenêtre démographique

La thèse véhiculée par la conception de la « fenêtre démographique » suppose que les individus nés pendant la première étape de la transition démographique, membre d'une fratrie nombreuse auront une descendance relativement peu nombreuse ; Ils bénéficieront de ce fait d'une situation démographique favorable au développement de l'épargne et de l'investissement (prise en charge partagée des ascendants, et moins d'enfants à charge). Elle pourrait se vérifier pour de nombreux pays ; mais l'est-elle pour des pays dont la baisse de la fécondité s'effectue brutalement, comme c'est le cas actuellement au Maghreb. Les ascendants vivront (heureusement) plus longtemps de cinq ans en moyenne entre 2000 et 2020. Les charges sont réparties au sein de la fratrie mais se déroulent sur un laps de temps plus long dans des pays où le système de retraite ne concerne qu'une partie de la population et où les pensions sont modiques pour la majorité des retraités.

Pour apprécier tous les effets de cette fenêtre démographique, il faut prendre en compte le gonflement de la demande additionnelle d'emploi qui aggrave la concurrence à l'entrée du marché du travail ; il faut prendre aussi en compte le processus de nucléarisation de la famille qui est à un stade avancé dans ces pays et qui ne manquera pas d'accroître les besoins en capitaux nécessaires à l'installation des nouveaux couples.

Les générations qui arrivent sur le marché du travail et sur le marché matrimonial auront les effectifs les plus importants de l'histoire démographique de ces pays. Si on observe l'évolution des effectifs des différentes cohortes composées d'individus nés avant 2005, la génération (1975-79) a des effectifs moindres que les générations suivantes dont les individus sont nés au moment où s'amorce la baisse de la fécondité ; il faut attendre les générations dont les individus qui les composent sont nés après 1995 pour que les effectifs deviennent moins important (Fig. 7 & 8). Les générations nées au cours des années 1980 et le début des années 1990 auront des effectifs beaucoup conséquent plus nombreux à se présenter plus importants que leurs prédécesseurs et sur le marché du travail. que les générations suivantes. Ils seront par conséquent plus nombreux à se présenter sur le marché du travail.

Quelle serait leur situation sur le marché du travail (épargne et investissement) et sur le marché matrimonial ? Sur le marché du travail la concurrence sera rude pour tous les individus qui atteindront l'âge de 20 ans dans la période 2000-2025, période où les générations ayant de gros effectifs de population arrivent à l'âge de travailler et de se marier. La demande d'emploi additionnelle sera très importante --entre 500 et 800,000 par an--avec un taux d'activité des femmes variant de 10% en début de période à 50% en fin de période. Cette demande additionnelle s'ajoute naturellement au stock de demandeurs d'emplois déjà existant (2,000,000 en 2005).

Ce n'est pas par hasard si au cours de ces dernières années, le taux de chômage des 20-30 ans se situe entre 60 et 70%. Pour tirer parti de la fenêtre démographique, il faudrait disposer d'un revenu pouvant répondre aux dépenses courantes et dégager une épargne pour l'investissement, et ceci ne dépend pas uniquement des variables démographiques. La demande additionnelle ne diminuera d'une manière importante que lorsque les générations dotées de grands effectifs de population arriveront à l'âge de la retraite, c'est à dire aux horizons 2035-2040 (Fig. 9). L'avantage c'est que les systèmes de retraite ne seront excessivement sollicités que dans une trentaine d'années, ce qui permet de mettre en place des systèmes de retraite appropriés. L'inconvénient c'est que probablement cette situation gonflera le nombre des candidats à l'émigration.

La croissance de la population, malgré la baisse de la fécondité, reste relativement importante. Dans les vingt prochaines années elle sera de l'ordre de 1,3% par an. La population globale atteindra les 93,5 millions d'habitants en 2025, partant de 68,5 millions en 2000. Le potentiel migratoire reste important, car les effets de la baisse de la natalité et de la fécondité ne se feront sentir sur la population adulte (20 à 40 ans) à forte propension migratoire qu'au-delà de 2020. Cette population, estimée à près de 22,5 millions en 2000, sera de l'ordre de 29,3 millions en l'an 2020. Ses effectifs diminueront de 1,1 millions de personnes entre 2020 et 2025 (Tableau 1). Les 20-40 ans représentent naturellement la tranche d'âge des candidats potentiels à la migration, c'est-à-dire des individus susceptibles d'élaborer un projet migratoire.

La migration est en dernier ressort régulée par le marché du travail. Entre 2000 et 2010, la croissance de cette tranche de la population mettra le marché du travail local à rude épreuve. En 2000, l'emploi global, dans les trois pays se situait à près de 15 millions, au rythme de la création d'emploi de la dernière décennie (400 000 emplois par an pour les trois pays) il sera en 2010 de l'ordre de 19 millions, alors que la population âgée de 20-40 ans sera de l'ordre de 28,5 millions. Dans le scénario le plus optimiste, où la création d'emploi suivra le rythme de ces 5 dernières années (la croissance annuelle a été supérieure à 5% du PIB) l'emploi créé sera de l'ordre de 8 millions et l'emploi total offert de l'ordre de 23 millions. En considérant que 50% de la population féminine de cette tranche d'âge serait inactive, il y aurait près de 21,5 millions d'actifs âgés de 20 à 40 ans, Les emplois sont naturellement occupés par les personnes âgées de 18 à 65 ans, il faudrait donc ajouter, aux demandeurs d'emplois âgés de 20-40 ans, les demandeurs d'emplois âgés de 18-19 ans et 40-65 ans. 1

Par conséquent plus que par le passé, le marché du travail des pays du Maghreb connaîtra un surplus de demandeurs d'emplois au cours des deux prochaines décennies. L'équilibre sur le marché se fait non seulement en termes d'adéquation entre offre et demande d'emploi, mais aussi en qualité de l'offre et des opportunités de mobilité sociale. L'ensemble de ces éléments et les autres indicateurs économiques, politiques et sociaux conduisent à penser que les flux migratoires, au départ du Maghreb, persisteront dans les prochaines années. Or toutes les études montrent que les profils migratoires ont connu des modifications considérables au cours de la dernière décennie. Dans les flux migratoires les personnes ayant une qualification professionnelle et un niveau d'instruction élevé remplacent progressivement les ruraux et les personnes sans instruction des décennies précédentes. On est en droit de s'interroger si par ce processus ne se dessine pas un autre système de transfert de valeur des pays pauvres vers les pays riches.

Les difficultés au niveau du marché du travail ont des conséquences sur les flux migratoires. Au départ des pays du Maghreb ils représentent au début du 21e siècle près de 150 000 personnes par an. Ces flux ont doublé au cours des vingt dernières années (Fig. 10). Depuis 1974, ils sont alimentés par le regroupement familial, la migration pour études, la demande d'asile politique et la migration clandestine qui se substitue à la migration pour raison de travail. L'arrêt de l'immigration pour raison de travail décidé en France en 1974, et les réglementations de plus en plus strictes des pays de l'Union européenne en matière d'admission et de séjour pour atteindre l'objectif « d'immigration zéro » ont eu deux répercussions majeures : la première a été la diversification progressive des pays d'arrivée, les migrants se sont dirigé vers un plus grand nombre de pays européens, proches du Maghreb (Espagne et Italie) mais aussi vers la Belgique, les Pays Bas et l'Allemagne ; la seconde répercussion a été le développement de l'immigration clandestine au fur et à mesure que les mesures aux frontières de l'Europe de Schengen visant à limiter l'entrée légale des candidats à l'immigration se renforçaient et gagnaient en efficacité.

Tableau 2

Cette faiblesse relative de la migration à partir de l'Algérie indique que des changements sont intervenus dans les profils migratoires, incontestablement liés aux politiques de restriction et de sélection de l'immigration adoptées par les pays européens ; ils sont cependant fondamentalement déterminés par les transformations constatées dans les pays de départ. La première phase migratoire touche à sa fin (population rurale, analphabète et sans qualification se dirigeant vers les emplois de l'industrie et de la construction en priorité) au profit d'une nouvelle vague migratoire qui a commencé à se dessiner au cours des années 1980 : population urbaine scolarisée à différents degrés, proportion de plus en plus grande de femmes prenant l'initiative de la migration et s'orientant vers les emplois tertiaires privilégiant les services aux entreprises et aux particuliers. Alors que pour le Maroc (Hamdouche & all, 2000) la première phase connaît un prolongement et coexiste probablement avec la seconde, notamment à la faveur de la migration vers l'Espagne et l'Italie. Les données statistiques relatives aux immigrants maghrébins enregistrés en France en tant que travailleurs permanents indiquent que pour les douze dernières générations arrivées dans la dernière années (1990-2002) 40 % des Algériens, 46 décennie (Tableau 3)2 . Il est évident que si % des Marocains et 57 % des Tunisiens sont de telles données existaient pour l'Espagne enregistrés comme des cadres, ingénieurs et l'Italie où la présence d'immigrés et techniciens. Les données du recensement marocains est importante (plus de 300 000) français de 1999 montrent que les et plus récente qu'en France, il y aurait, sans personnes nées en Algérie ont un niveau aucun doute, des proportions moindres de d'instruction plus élevé dans les cadres et d'ingénieurs parmi les migrants.

L'association des médecins algériens en France3 déclare plus de 3,000 adhérents ; majoritairement formés en Algérie, ils se sont rendus en France pour effectuer leur spécialité dans différentes disciplines médicales et s'y sont finalement installés. Cet exemple illustre une des voies possibles d'émigration ; en effet, les étudiants étrangers originaires des pays en voie de développement sont de moins en moins considérés comme un pont culturel et leur formation ne constitue plus une aide au développement. La forte présence d'étudiants étrangers originaires des pays en développement constitue « pour les pays d'accueil une immigration déguisée 4» (Latreche, 2001a). Selon l'OMI, depuis 1990, près de 30 000 étudiants algériens sont entrés en France (Tableau 4). Les entrées annuelles qui avaient considérablement diminué au milieu des années 1990 (500 en moyenne), ont repris leur niveau antérieur au cours de ces dernières années (3 à 4,000 par an). 4 […] Désormais, l’accueil des étudiants implique un traitement purement migratoire intégré dans la problématique globale des migrations internationales et de la gestion des flux. [En 1995] sur 148 000 étudiants étrangers de l’université française 43 % sont africains dont 25 % d’Algériens (15 900 environ) et 27 % de Marocains (Latreche A, 2001b) ».

Selon une enquête effectuée auprès des étudiants algériens inscrits dans les universités françaises, 34 % n'envisagent pas un retour dans leur pays de naissance. Ils envisagent de transformer leur migration temporaire en migration définitive. Plus de la moitié d'entre eux pensent s'installer en France; les autres préparent une seconde migration vers l'Amérique du nord ou la Scandinavie. La mise en union avec un conjoint de nationalité française et la naissance d'un enfant sont les facteurs déterminants de l'installation en France (Latreche, 2001a).

Or les effectifs de Maghrébins étudiant à l'étranger ont considérablement augmenté au cours de ces dernières années (Fig. 11). Par conséquent, un plus grand investissement dans le capital humain se traduit par la migration d'une partie des compétences formées dans le pays. Une partie des moyens financiers consacrés par les ménages et l'Etat seront orientés vers le secondaire et le supérieur pour élever le capital humain et la compétitivité sur le marché du travail.

Impact sur le système d'enseignement

La baisse de la fécondité amorcée à la fin des années 1970 et le début des années 1980 (Fig. 3) s'est concrétisée par un recul de la natalité --de près de 50‰ dans les années 1970 à moins de 20‰ actuellement--et par suite du nombre de naissances par année. En Algérie le nombre des naissances avait atteint 850,000 par an dans les années 1980 pour tomber à 600,000 au début de l'an 2000. Il enregistre une légère augmentation au cours de ces dernières années. Il en découle une diminution des entrées dans le système scolaire et dans les effectifs de l'enseignement primaire (Fig. 12). Il se prolongera probablement dans le cycle moyen (scolarisation obligatoire dans le primaire et dans le moyen). L'Etat pourra ainsi diminuer ses efforts dans le budget d'équipement pour les orienter vers l'amélioration de la qualité de l'enseignement. Cependant, l'amélioration de la qualité de l'enseignement dans le primaire et le moyen peuvent se traduire par l'augmentation des effectifs dans le secondaire et le supérieur. Les taux de réussite au baccalauréat qui stagnait en Algérie à moins de 30% ont dépassé les 50% au cours de ces dernières années ; les effectifs de l'enseignement supérieur en Algérie sont passés de 466 000 en 2000 à 762 000 en 2005. Ils sont estimés à plus d'un million pour l'année scolaire 2007-2008. La diminution des effectifs dans les premiers cycles s'accompagnerait d'un gonflement des effectifs dans les autres cycles d'enseignement où les coûts par élève sont beaucoup plus élevés. Il n'y aurait ainsi pas d'amélioration sur le plan budgétaire mais un transfert sur les autres cycles, avec toutefois une amélioration indéniable du capital humain. Les familles ayant deux ou trois enfants investiront plus dans l'éducation par enfant pour un même budget consacré à l'éducation des enfants que s'ils en avaient 5 ou 6.

Il est nécessaire d'avoir plus d'argent pour se marier

Sur le plan matrimonial, les frais de premier établissement grèvent profondément les budgets des nouveaux couples. Par le passé, ces frais étaient considérablement réduits du fait de la cohabitation des générations. Le mariage des jeunes adultes relevait du groupe familial ; ceci devient de moins en moins vrai, pour deux raisons fondamentales : la fin du système patriarcal (Fargues, 2001) et le processus de nucléarisation des ménages en cours dans les trois pays à des niveaux différents mettent les novelles générations face à des dépenses que ne connaissaient pas les générations antérieures (Kateb, 2005).

En Algérie, les recensements montrent une tendance à la réduction du nombre de familles par ménage (1,15 en 1998 contre 1,31 famille par ménage en 1966) et du nombre de familles par logement occupé bien que le taux d'occupation des logements reste particulièrement élevé. La proportion de familles couples avec enfants a, quant à elle, augmenté passant d'un peu moins de 60 % en 1954, à plus de 78 % en 1998 de l'ensemble des familles. Cette proportion plus grande de couples avec enfants enregistrée en 1998 est accompagnée d'un élargissement du processus de décohabitation des couples mariés; 7 couples sur 10 ont un espace domestique non partagé avec des ascendants ou des collatéraux. Ces résultats suggèrent que la famille nucléaire se substitue à la famille élargie ou tout au moins devienne la forme dominante (Tableau 5).

La famille élargie abrite dans le foyer paternel l'ensemble des fils mariés, et fait cohabiter plusieurs générations (3 au minimum) (ONS, 2000). Les historiens de la famille (Burguière & al, 1986) ont montré que la famille nucléaire a toujours existé aussi loin que l'on remonte dans le temps. Il n'en reste pas moins que l'augmentation de la proportion de ménages constitués de familles formées du couple et de leurs enfants célibataires aura une incidence sur les structures familiales et leur fonctionnement. Il s'en suit que les frais d'établissement des couples qui se constituent relèvent de moins en moins du groupe familial et seraient l'un des facteurs explicatifs du relèvement de l'âge moyen au mariage (28 ans pour les femmes et plus de 30 ans pour les hommes). Il est évident que l'épargne résultant de la fenêtre démographique ne pourrait dans ce cas pas être orienté vers l'investissement mais vers l'achat de biens de consommation durable.

Conclusion

L' ouverture de la fenêtre démographique au Maghreb, ainsi que la nucléarisation concomitante des ménages favorise indéniablement une élévation du L'ouverture de la fenêtre capital humain par une amélioration démographique au Maghreb, ainsi que la continue du niveau d'instruction des populations. Cependant, les générations dont les effectifs de population sont les plus importants seront celles qui supporteront le choc de la période de transition. Elles auront certes moins d'enfants et partageront au sein de la fratrie la prise en charge des générations antérieures, mais elles connaîtront une rude concurrence sur le marché du travail et auront plus de mal à construire leur couple. Au-delà de ces effets différenciés sur la scolarisation et les marchés d'emploi et de mariage, cette étude souligne la possibilité réelle de répercussions internationales : contrairement à la formulation classique de la thèse des dividendes de la transition démographique, les répercussions de ces transitions s'étendront en dehors des frontières nationales, dans un contexte de migration internationale et de globalisation.

1 En l’an 2000, le nombre total de chômeurs en Algérie est estimé à 2,6 millions personnes. En 2010, la population active totale est estimée à près de 13,5 millions ; en l’absence de migrations, le nombre de chômeur sera de l’ordre de 4,5 millions.

2 Les calculs effectués pour la Tunisie et le Maroc donnent les mêmes tendances.

3 Cette association, MADEF, milite à la fois pour que les services universitaires algériens reconnaissent une équivalence algérienne aux diplômes obtenus en France, mais aussi pour les droits des médecins algériens qui exercent en France dans le secteur public.

Bibliographie

  • Kateb K. 2005. École, population et société en Algérie. Paris, les éditions L'Harmattan, collection Perspectives méditerranéennes, 240p.
  • Kateb K. 2003. « Changements démographiques et organisation familiale en Algérie» in Maghreb-Machrek n°176 Paris, Documentation française : 95-110
  • Kateb K. 2001. « Démographie et démocratisation de l'enseignement en Algérie » in Maghreb-Machrek n°171-172, juin Paris, Documentation française : 80-89
  • Fargues, Ph. 1987. “ La démographie du mariage arabo -musulman : tradition et changement ”, Maghreb-Machrek, 116 Paris, Documentation français : 59-73
  • Fargues, Ph. 2001. « La génération du changement » » in Maghreb-Machrek n°171-172, juin 2001, Paris, Documentation français : 3-11
  • Latrèche A. 2001a. « Le devenir des diplômés maghrébins en France » Migrations et société, Vol 13 n° 74, mars avril 2001 :.87-97
  • Latrèche A. 2001b. « Les migrations étudiantes de par le monde » Hommes & Migrations, n°1233 : 13-27.

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