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African Population Studies
Union for African Population Studies
ISSN: 0850-5780
Vol. 11, Num. 1, 1996, pp. 63-74

African Population Studies/Etude de la Population Africaine, Vol. 11, October/octobre 1996

LA MOBILITE SPATIALE DANS LE CERCLE DE GOUNDAM (MALI):UNE STRATEGIE DE SURVIE

Mahalmoudou HAMADOUN*

Code Number: ep96003

RÉSUMÉ

Depuis bientôt 1/4 de siècle, les communautés sédentaires et nomades du cercle de Goundam dans le Nord malien sont en crise. Les sécheresses multiples et multiformes qui sévissent dans la zone ont entraîné la détérioration des ressources naturelles existantes, l'aménuisement des efforts de développement, et ont contraint certains au départ. Apparaissent ainsi de nouvelles stratégies de survie, notamment la redistribution des hommes sur l'espace et la concentration des systèmes de production dans la partie Sud du cercle autour des lacs, mares et fleuves. Certes, cette grande mobilité des hommes n'est pas un phénomène étrange dans la zone, car elle constitue un mode de vie pour les groupes nomades, mais le phénomène est si important aujourd'hui chez les sédentaires, qu'il est souvent difficile d'identifier les "vrais nomades" dans cette zone. La mobilité touche tous les acteurs économiques sans aucune différenciation. Par ailleurs, cette mobilité a entraîné aussi une dynamique de l'habitat et des villages (éclatement de villages et conquêtes de nouveaux espaces), ce qui n'est pas sans conséquence sur l'évolution d'ensemble de la zone.

ABSTRACT

The sedentary and nomadic communities of Goundam, which is located in the North of Mali, have been going through a crisis for a quarter of a century now. The multifarious droughts which are raging in the area have resulted in the degradation of existing natural resources, the slackening of development efforts, and have driven some into leaving the area. Then new survival strategies emerged, namely the redistribution of the population into the space and the concentration of production systems into the area's southern part, around the lakes, ponds and rivers. Obviously, this high mobility of people is not an unusual phenomenon in the area, for it is the very lifestyle of nomadic groups, but the phenomenon is so important now among sedentary people that it is difficult to identify the "real nomads" in that area. The mobility affects all other economic actors without any differentiation. Moreover, this mobility has also led to a housing and village dynamics (breaking-up of villages and conquest of new spaces), which is not without any consequence on the area's overall evolution.

INTRODUCTION

Le cercle de Goundam est situé au Nord du Mali dans la Région administrative de Tombouctou (à 97 km de Tombouctou ville). Il a été créé avant 1900 et couvre une superficie de 94 628 km². Dans ce cercle vivent plus de 25% de la population régionale soit 115 02 habitants en 1987. Goundam est un creuset d'ethnies diverses, mais surtout un lieu de contact de deux mondes: le monde arabo-berbère (peuplé de pasteurs nomades : Touareg, Maures, Bellah et Peul) et le monde noir (sédentaires agriculteurs et pêcheurs: Sonraï, Bambara, Bozos, Somonos). Goundam, c'est aussi un cercle où depuis 1973 (année de grande sécheresse) sévit une forte péjoration climatique qui entrave toutes les actions de développement. Face à ces contraintes, les populations ont adopté tout un ensemble de stratégies pour survivre dans ce milieu, faute de ne pouvoir l'abandonner.

A travers cette étude, nous avons voulu cerner un aspect de ces multiples stratégies à savoir la mobilité des hommes sur l'espace, et en particulier chez les sédentaires qui depuis 1973 en ont fait "un mode de vie". Il s'agit là de décrire les mouvements, leurs impacts et surtout de cerner la dynamique de l'habitat et des villages qui en découlent.

L'étude a été conduite dans trois localités (chefs lieux d'Arron-dissement) du cercle de Goundam : Tonka, Bintagoungou et Goundam Central. Elle a concerné 200 ménages dont 85 à Goundam Central, 60 à Tonka et 55 à Bintagoungou. Nous avons ainsi travaillé sur 80 ménages paysans, 60 ménages d'éleveurs, 15 ménages de pêcheurs et 15 ménages de forestiers (coupe de bois). Le tirage des ménages par activités socio-professionnelles a été fait de façon raisonnée, et guidé par l'importance économique de chaque activité dans l'économie du cercle.

I. MOBILITE DES HOMMES

I.1. Les migrations

Ce sont les mouvements les plus importants. Les localités nomades demeurent les plus touchées à cause de leur situation géographique, qui les rend beaucoup plus exposées aux effets des sécheresses successives. Elles constituent le plus souvent des zones potentielles de départ des populations, et le phénomène s'y traduit par un éclatement des anciens villages, une dispersion et une conquête de nouvelles terres dans la zone ou en dehors de celle-ci. En 1973 (année de grande sècheresse au Mali et un peu partout dans le Sahel), on estimait à 50 000 (Gallais, 1975) le nombre de nomades partis de la zone. Mais, certains ont regagné les centres urbains comme Goundam et Tonka, où ils se sont convertis à d'autres activités, en particulier le commerce.

Dans les localités sédentaires, le phénomène existe aussi, mais à la différence que dans ces dernières, il ne se traduit pas par un éclatement des anciens villages, encore moins par la dispersion totale. Les partants quittent leurs résidences vers d'autres localités économiquement plus viables dans le cercle , ou en dehors de celui-ci, et s'intègrent aux populations autochtones. Certains effectuent des mouvements pendulaires entre leurs localités d'acceuil et leurs lieux de départ, tandis que d'autres n'y reviennent plus. Dans le cercle de Goundam, les localités de Bintagoungou, Tonka et de Goundam sont les principales zones d'acceuil. Dans ces trois localités, 68 % des chefs de ménages enquêtés ( 200 ménages au total), vivent dans des villages différents de leurs villages d'origine ou de naissance et parmi ceux-ci, 60% évoquent la sécheresse comme motif principal de leur départ et, pour 40% ce sont des raisons de travail.

La répartition de ces migrants par groupes socio-professionnels donne 36% de paysans, 33,82% d'éleveurs, 16,18% de forestiers et 14% de pêcheurs. Selon la provenance, parmi ces immigrants on note: ceux qui sont originaires du cercle de Goundam (75,73%); ceux qui viennent de la région de Tombouctou (19%), ceux qui viennent des autres régions du pays (5,27%). Parallèlement à ces immigrations, s'opèrent l'émigration et l'exode rural alimentés par les jeunes fuyant les villages en direction des grands centres urbains du pays (Bamako, Ségou, Mopti etc..). Les raisons sont surtout d'ordre économique: manque de terres cultivables, recherche de travail pour les uns, pour d'autres, il s'agit de profiter de l'anonymat de la ville pour se refaire une nouvelle identité. Nous avons denombré 232 partants à l'intérieur des 200 ménages enquêtés. La répartition par sexe des personnes exodées à l'intérieur de ces ménages et par localités se présente ainsi :

Tableau 1 : Répartition des personnes déplacées par localités d'origine

Localités

Hommes

Femmes

Enfants

Total

Nbre Ménages

Goundam

82  
66.6%

33
26.82%

8
6.52%

123
53.02%

85

Tonka

33
57.89%

16
28.07%

8
14.04%

57
24.56%

60

Bintagoungou

35
67.30%

9
17.30%

8
15.40%

52
22.42%

55

Ensemble

150
64.65%

58
25%

24
10.35%

232
100%

200

Source : Données enquêtes Mahalmoudou Juillet 1990 et recensement 1987.

En plus des grands centres urbains du pays, les partants sont aussi attirés par les pays voisins en particulier la Côte d'Ivoire, le Sénégal, la Lybie ou le Burkina Faso.

Ces migrations posent d'enormes problèmes dans le cercle, aussi bien pour les localités de départ que celles d'acceuil. Dans les prémières, à la perte des bras valides s'ajoute l'éclatement des villages (en milieu nomade surtout), tandis que dans les secondes, les arrivants constituent certes, une main d'oeuvre importante et souvent bon marché (les Bellah surtout), mais se posent les problèmes de leur insertion sociale (cas des nomades), la surcharge humaine et animale sur les maigres ressources existantes et enfin les problèmes de redistribution des richesses et particulièrement des terres à laquelle s'opposent farouchement les anciens propriétaires fonciers.

I.2. Les déplacements périodiques

On distingue les déplacements à l'intérieur du cercle, les déplacements en dehors du cercle et l'exode rural. Les raisons de ces déplacements sont surtout d'ordre économique.

S'agissant des deux premiers types de déplacements, ils concernent 74% des personnes enquêtées, mais les déplacements à l'intérieur du cercle sont les plus fréquents. Ils s'effectuent entre les villages d'un même arrondissement ou entre les localités d'arrondissements différents. Les foires hebdomadaires sont aussi des occasions qui favorisent de tels mouvements. En plus des échanges auxquels prennent part les participants, c'est l'occasion pour eux de s'informer des nouvelles du pays, mais aussi des villages environnants. La recherche de travail temporaire (ouvrier agricole, manutention) ou la surveillance des champs situés dans les localités proches sont aussi d'autres raisons de déplacements. A ces mobiles économiques s'ajoutent les raisons sociales: visites à des parents, mariages, décès etc... Ces déplacements se font essentiellement à pied ou sur des montures (ânes, chameaux, et chevaux) et dépassent rarement une ou deux semaines.

Les voyages hors du cercle répondent aux mêmes mobiles. Les populations participent aux foires hebdomadaires des cercles voisins, comme Diré et Niafunké. Quant aux pêcheurs, ils vont surtout à Mopti, Ségou ou Bamako, pour y vendre leurs poissons, mais aussi pour se procurer des matériels de travail (filets, hameçons etc...), qu'ils ne peuvent trouver sur place. Les éleveurs également rejoignent les marchés à bétail des régions de Mopti, ou de Ségou où les prix sont beaucoup plus intéressants.

Pour certains, ces voyages sont des occasions pour rendre visite, soit à un fils, soit à un frère parti du village depuis longtemps. Ils cherchent des aides financières auprès de ces parents en vue de faire face aux dépenses de leurs familles, acheter des animaux ou payer des ouvriers agricoles durant la période des cultures. Ces déplacements se font le plus souvent pendant les périodes libres de cultures. Ils concernent 59,5% des ménages enquêtés, dont 12% voyagent dans la région, 16% vont vers la capitale Bamako, 19,5% dans le reste du pays et 12% vont hors du Mali: Côte d'Ivoire, Sénégal, Niger, et la Lybie. Ces voyages couvrent souvent de longues distances, mais excèdent rarement trois ou quatre mois, le temps correspondant à la période morte des saisons de cultures.

I.3. Les mouvements pendulaires

Ils sont de deux types: journaliers et saisonniers. Les premiers concernent tous les acteurs économiques ruraux et entrent dans le cadre de l'accomplissement des activités quotidiennes. Les champs de cultures et les pâturages sont situés à des dizaines de kilomètres des villages. Pêcheurs et forestiers doivent également accomplir un trajet similaire tous les jours. Chez les paysans, ces mouvements s'intensifient durant les récoltes. Ils peuvent se rendre dans les champs à tout moment, dans le but de surveiller les animaux qui divaguent autour des champs ou même d'éventuels voleurs.

Les mouvements saisonniers sont surtout effectués par les nomades. Il y a deux sortes de mouvements: le nomadisme qui a lieu pendant la saison des pluies, et la transhumance qui a lieu en saison sèche, où les éleveurs conduisent souvent les animaux en dehors du cercle et ne reviennent qu'en début d'hivernage.

Chez les paysans, ces mouvements saisonniers se traduisent par un transfert sur les champs de cultures, et concernent l'ensemble des personnes enquêtées dans les trois localités. Ils peuvent y séjourner pendant toute la durée des récoltes (un à deux mois). Les pêcheurs également peuvent rester durant un mois ou plus, autour d'une mare, d'un lac ou sur un bras de fleuve.

On retient que le cercle de Goundam est une zone de très grande mobilité sous-tendue essentiellement par des mobiles économiques. La dynamique de l'occupation de l'espace s'en trouve fortement modifiée, aussi bien en milieu nomade que sédentaire.

II. DYNAMIQUE DES VILLAGES DANS L'ESPACE

Dans cette zone, c'est la logique économique qui commande la disposition des villages et les types d'habitats.

II.1. Localisation des villages et types d'habitats en milieu sédentaire

Chez les sédentaires, la localisation des villages et le type d'habitat sont liés à des facteurs économiques et de sécurité sociale.

Tous les villages sédentaires sont localisés dans la partie Sud autour des lacs, mares et le long des cours d'eau permanents. Les pluies étant très irrégulières et faibles, les cultures sous pluie sont de ce fait compromises et très aléatoires. Les seules possibilités d'exploitation agricoles dans cette zone sont les cultures de décrue. Au delà des villages sédentaires permanents, les cultures deviennent aléatoires et les rendements très faibles. L'élevage et la cueillette sont les seules activités possibles à cette latitude fréquentée essentiellement par les éleveurs. Par ailleurs, le besoin de sécurité a entraîné dans le milieu sédentaire, au plan de l'habitat, la création de gros villages permanents capables de se défendre en cas d'agression.. Ces dispositions témoignent aujourd'hui de la sédentarité de ces populations et leur recherche de paix. Traditionnellement l'habitat est groupé, même s'il n'est rare de rencontrer quelques paillotes isolées ou des campements de cultures. On distingue deux types d'habitat chez les Songhay sédentaires :

  • La case de nattes sur arceaux de forme ovale qu'on rencontre dans les petits villages, dans les campements de cultures ou chez les pêcheurs installés sur le fleuve;
  • Chez les citadins, on rencontre essentiellement la case ronde en banco et la case carrée ou rectangulaire à la toiture plate avec ou sans étage. Mais la case ronde en banco n'est plus en pratique dans le cercle.

Contrairement aux nomades, au cours des déplacements, il est impossible de défaire les habitats. Les partants confient leurs maisons à ceux qui restent sur place.

II.2 Localisation des villages et types d'habitats chez les Nomades

- Chez les Touaregs et les Maures, traditionnellement, leurs villages ou fractions sont situés plus au Nord par rapport à ceux des sédentaires. Le besoin de grands espaces pour y conduire les animaux, la fuite de la zone Sud trop humide durant la saison des pluies et où se développent durant cette période de nombreux parasites nuisibles aux animaux, expliquent en grande partie cette localisation des entités nomades.

Mais, aujourd'hui à la faveur des conditions climatiques défavorables, les nomades descendent de plus en plus vers le sud en direction du fleuve, des mares et des lacs à la recherche de points d'eau et de bourgoutières particulièrement (pâturages aquatiques)..

Cette descente vers le Sud et l'intensification des mouvements de nomadisme et de transhumance, ont entraîné l'éclatement de nombreux villages et fractions nomades et la colonisation de nouvelles terres dans la partie Sud à proximité des localités sedentaires. Très souvent, ces nouveaux villages ou fractions créés, soit autour d'un puits, ou d'un pâturage, ne comptent pas plus de vingt personnes qui sont souvent membres d'une seule famille. A titre d'exemple, dans l'arrondissement de Goundam-Central, selon les résultats du recensement de 1987 (BCR, 1987), le village de Tindieredief Omayata ne comprenait qu'une seule concession constituant un seul ménage avec deux personnes de sexe feminin.

Dans l'arrondissement de Bintagoungou, le village de Dag Hamzane compte une concession avec deux ménages totalisant 10 personnes dont cinq hommes et cinq femmes. Avec le recensement national de 1987, sur 107 nouveaux villages répertoriés, 93 sont des villages ou fractions nomades. Souvent, le mobile économique en tant que cause d'éclatement des villages se trouve doublé d'une volonté manifeste d'éloignement de certaines familles dans le but de fuir l'imposition fiscale sur le bétail et les hommes.

Cette recherche permanente de pâturages et de points d'eau a eu pour conséquence, l'absence de l'habitat permanent chez les nomades. Ils vivent constamment sous la tente très facile à démonter et à emporter. On distingue deux types de tentes : La tente de cuir (Ahekette ou houkoum) très usitée et la tente de nattes très peu utilisée. Tentes en cuir ou en nattes, elles sont toutes deux faciles à défaire et à emporter en cas de besoin.

En général, le village ou la fraction nomade est temporaire et mouvant, et les matériaux utilisés dans la construction de l'habitat témoignent de la volonté de mobilité de ses habitants. Il cesse d'exister à partir du moment où il ne regroupe plus à la fois pâturages et points d'eau. Cependant, depuis la grande sécheresse de 1973, avec l'aide de l'Etat malien et les ONG opérant dans le cercle, certains nomades ont été sédentarisés et reconvertis à d'autres activités en particulier l'agriculture irriguée de riz et le maraîchage (Tin-Aïcha dans l'arrondissement de Gargando, Wani, Dibla et Gouya dans l'arrondissement central de Goundam). En dehors des localités, où on note la présence de l'administration (Farach, Gargando, Raz-Elma et Tilemsi) ou celles nouvellement créées dans le but de sédentariser les nomades, il n'y a pas de villages nomades permanents. Cépendant, même dans les localités où on note la présence de l'administration, pendant une bonne partie de l'année, les villages sont abandonnés par leurs occupants, seule l'administration reste sur place.

  • S'agissant des Maures, suite aux sécheresses dans la zone, ils se sont divisés en deux groupes:
    • ceux qui ont regagné les grands centres urbains, où ils s'adonnent au commerce (sel, dattes, thé et sucre) et aux activités maraboutiques. Ils vivent souvent dans les mêmes types de concessions que les sédentaires;
    • ceux qui ont regagné le Sahara et qui vivent autour des oasis ou dans le Sud Algérien. Ils pratiquent la phoéniciculture, l'exploitation du sel gemme et élèvent des camelins. Autour de ces oasis, l'habitat est essentiellement constitué par les tentes de cuir, qu'on peut démonter à tout moment et sans peine..
  • Chez les Peuls et les Bellah, les premiers, en dépit de leur grande mobilité possèdent des villages permanents situés dans la partie Sud à proximité des localités sédentaires sur les terres exondées, mais en plus l'habitat Peul reste permanent et fixe. Ainsi, tous les Peul ont des villages d'attache, woro n'guendi ou Saré à l'image de ceux des Songhay. Les Peuls à la différence des autres nomades, font généralement de la transhumance. Ils quittent ainsi leurs villages et vont soit dans les bourgoutières du lac Débo, soit dans le Gourma au Sud sur la rive droite du Niger. Pendant l'hivernage, ils s'établissent auprès des villages sédentaires où ils construisent des abris ( des tentes très généralement). Ils peuvent ainsi demeurer dans ces nouveaux villages pendant des mois au cours desquels, les jeunes assurent la garde des animaux, tandis que les femmes s'adonnent au troc du lait et autres produits animaux contre des céréales avec les populations autochtones. Ensuite, ils regagnent leurs villages d'attache, où ils se livrent à la culture. La mobilité peul demeure saisonnière et ne nécessite pas un déplacement des villages. Ces Peul ont ainsi deux types de villages: un village d'attache à la structure sédentaire et un village de migrations saisonnières. L'habitat peul combine ainsi sédentarité et mobilité.

Quant aux seconds (les Bellah), ils vivent soit dans les localités sédentaires auprès des Songhay ou des Peul, soit dans les campements daga ou débé, non loin des villages sédentaires. Dans les centres urbains, ils constituent généralement de gros quartiers à l'entrée des villes, à l'image du quartier Alkara à l'entrée Est de la ville de Goundam. Chez les Bellah, sédentaires ou nomades, l'habitat demeure toujours le même, à savoir la tente de nattes. Durant les périodes de récoltes, ils quittent leurs résidences pour s'installer sur les champs de cultures et forment des campements ou débés. Ils prêtent leurs services aux paysans moyennant des céréales. En période de pêche, certains se déplacent avec leurs familles, suivant les pêcheurs dans leurs migrations. Les Bellah installés à côté des centres urbains constituent une main d'oeuvre très importante et bon marché. Ils rendent d'enormes services aux populations moyennant un revenu en nature ou en espèce.

La localisation des villages et les types d'habitats dans le cercle de Goundam répondent à un impératif économique, mais aussi de sécurité pour les sédentaires. Les matériaux utilisés dans la construction témoignent de la sédentarité ou de la mobilité des populations. Mais devant la persistance de l'adversité de la nature, ce ne sont pas seulement les hommes qui bougent, les villages aussi subissent les effets de cette mobilité. On les fait et défait au gré de la nature. Ils subissent une profonde mutation dans leur forme et structure.

II.3. Evolution numérique des villages

A partir de 1961, le cercle fut divisé en huit arrondissements dont quatre sédentaires: Goundam, Tonka, Bintagoungou et Douékiré, et quatre nomades: Farach, Gargando, Ras- Elma et Tilemsi. En 1976 (BCR, 1978) on a denombré 138 villages et fractions dans ces huit arrondissements et 245 en 1987. En 11 ans, le nombre des villages et fractions a augmenté de 43,67% soit, 107 au total dont 93 en milieu nomade (soit 87%) qui se répartissent ainsi: 22 à Farach, 26 à Gargando, 6 à Ras-Elma et 39 à Tilemsi.

Chez les sédentaires, on a recensé 14 nouveaux villages soit 13% dont, 8 à Goundam, 4 à Bintagoungou, 1 à Douékiré et 1 à Tonka. L'éclatement des anciens villages et la conquête de nouveaux espaces résultent soit d'une volonté manifeste d'isolement de certaines familles, soit de mobiles économiques, politiques ou personnels. Mais, cette augmentation du nombre des villages n'a pas toujours été suivie d'une augmentation de la population de leurs arrondissements de tutelle.

II.4. Evolution de la taille des villages.

Selon les résultats des recensements administratifs de 1956, la population du cercle était de 138 458 habitants. En 1958, la moyenne des densités au Km² du cercle est légèrement supérieure à 35 (Grandet, 1958). En 1987, cette moyenne était de 1,22 hbt/Km2. En fonction des densités, on peut regrouper les huit arrondissements en quatre groupes:

  • moins d'1 habitant au Km2 : Gargando, Ras-Elma et Tilemsi;
  • entre 1 et 2 habitants/Km2: Bintagoungou, Farach, et Goundam
  • entre 2 et 5 habitants/ Km2: Douékiré;
  • plus de 5 habitants/ Km2: Tonka;

Quand à la population, seules les localités de Goundam, Tonka et Farach ont connu une augmentation de leur population de 1976 à 1987. Les autres localités ont surtout connu un dépeuplement au profit de celles précitées ou d'autres situées hors du cercle. L'augmentation du nombre de ces villages ne s'est pas traduite par une augmentation de la population de leurs arrondissements de tutelle. A titre d'exemple, dans l'arrondissement de Tilemsi le nombre de villages est passé de six (6) en 1976 à quarante cinq (45) en 1987, soit trente neuf (39) villages de plus qu'en 1976, tandis que la population de l'arrondissement (5217 en 1976) durant la même période a connu une baisse de 29%, soit 1512 habitants de moins qu'en 1976. Les arrondissements nomades de Gargando ( 9450 en 1976 ) et de Ras-Elma ( 10601 en 1976) ont connu le même sort perdant respectivement 37,42% et 31,17% de leurs habitants. Seul Farach ( 8107 en 1976) a connu une augmentation de sa population de 39% soit 3 187 habitants de plus qu'en 1976.

S'agissant des arrondissements sédentaires, on peut dire qu'ils ont connu un sort meilleur à celui des nomades. Goundam ( 21027 en 1976) et Tonka (21648 en 1976) ont connu une augmentation de population avec respectivement 9,48% soit 1 002 habitants et 15,71% soit 3 403 habitants.

Bintagoungou ( 19544 en 1976) a connu une légère baisse de sa population, 1,84% soit 360 habitants de moins par rapport à 1976. Douékiré (13166 en 1976) a aussi perdu 18,39% de sa population durant la même période (1976-1987) soit 2 422 habitants. Ce phénomène d'éclatements des anciens villages et de colonisation de nouvelles terres chez les nomades et de diminution de la population initiale chez les sédentaires trouve son explication dans deux faits essentiels: l'adversité de la nature qui se traduit par les conditions climatiques et hydrauliques médiocres que connait la zone depuis plus de deux décennies, et l'inégale répartition des maigres ressources naturelles disponibles dans le cercle. Ainsi les villages fortement exposés aux aléas climatiques sont abandonnés au profit de nouvelles terres plus prometteuses, notamment dans la partie Sud autour des lacs, mares pérennes, puits et forages.

Cette mutation des populations concerne aussi bien les sédentaires que les nomades et traduit un phénomène général de grande mobilité dans le cercle entraînant une profonde modification de la structure des localités et des communautés résidentes.

CONCLUSION GENERALE

La grande mobilité des sédentaires du cercle de Goundam traduit la crise générale qui frappe la zone sahélienne depuis 1973. A un moment où les nomades fuient les zones Nord pour se rapprocher des grands centres urbains et de la vallée dans le Sud, les sédentaires eux, se déplacent d'une contrée à l'autre à la recherche de mieux être social. Ceci a entraîné la désorganisation des structures sociales, des modes de vie et d'occupation de l'espace aussi bien chez les sédentaires, que chez les nomades. Chez ces derniers d'ailleurs, nous assistons de plus en plus à leur sédentarisation (Tin-Aïcha dans l'Arrondissement de Gargando) et à la naissance de nouvelles couches socio-professionnelles à savoir les pasteurs agriculteurs (agriculture irriguée de riz chez les nomades de Wani, Dibla dans l'Arrondissement Central de Goundam).

Cette grande mobilité n'est pas sans conséquence sur la gestion des ressources naturelles existantes et en particulier, celle des terres de cultures et des pâturages de la vallée qui subissent aujourd'hui une très grande pression humaine et animale. Mais en dépit de ses effets néfastes, cette mobilité doit être perçue à notre avis comme une nécessité, une stratégie de survie dans un milieu hostile où, tout se dégrade sous l'oeil impuissant de ses occupants. Seule une maîtrise totale de l'eau et la régénération des pâturages aquatiques (bourgoutières) peut mettre fin à cette mobilité générale, et permettre aux populations de retrouver leurs habitudes d'antan.

BIBLIOGRAPHIE

  • Brassard, G. ( ). Les établissements humains au Mali.
  • Gallais, J (1975). Pasteurs et paysans du Gourma (La conditionnalité sahélienne), CEGET-CNRS, Paris, 239P.
  • Grandet, C (1958). "La vie rurale dans le cercle de Goundam", Cahiers d'Outre Mer (C.O.M), n° 41 Janvier-Mars.
  • Ministère du Plan-DNSI (1988). Recensement Général de la Population et de l'Habitat 1976, BCR, Volume 0, Tome 2 (répertoire des villages).
  • Ministère du Plan-DNSI (1990). Recensement Général de la Population et de l'Habitat 1987, BCR Volume 0, Tome 2 (répertoire des villages), Janvier.

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