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African Journal of Neurological Sciences
Pan African Association of Neurological Sciences
ISSN: 1015-8618
Vol. 20, Num. 1, 2001, pp. 4-7
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African Journal of Neurological Sciences, Vol. 20, No. 1, 2001, pp. 4-7
LA SCLÉROSE EN PLAQUES EN AFRIQUE NOIRE
Éric G. GRUNITZKY, Agnon AK BALOGOU, Akouavi L.
KOWOU
Service de Neurologie. CHU de Lomé BP. 4231. Lomé (Togo).
Correspondance : kgrunitz@syfed.tg.refer.org
Code Number: ns01002
Résumé
Description.
La sclérose en plaques (SEP) paraît rare en Afrique noire. L'absence
d'enquêtes de populations et de données épidémiologiques
pertinentes font classer cette région du monde dans une zone ou la maladie
reste probable mais exceptionnelle.
Objectif
Le but de ce travail est de montrer la fréquence de la SEP dans les
différentes régions de l'Afrique et d'analyser les facteurs protecteurs
contre cette affection.
Méthodologie.
Une revue de la littérature a été faite à partir
du MEDLINE.
Résultats
L'existence de la SEP en Afrique noire est confirmée par de rares travaux
d'inégales valeurs. La rareté de la SEP peut s'expliquer par l'absence,
la modestie des infrastructures neurologiques et par des considérations
géoclimatiques. Les études épidémiologiques des populations
noires aux USA, en Grande Bretagne, dans les Caraïbes et en Afrique du Sud
confirment cette relative rareté de la SEP et suggèrent l'existence
d'un facteur racial et génétique. Les études de migration
de populations entre des zones de prévalence inégale ont montré
l'existence d'un facteur de risque âge dépendant orientant vers l'existence
d'un facteur environnemental.
De nombreuses hypothèses illustrent l'interférence de ces deux
facteurs environnemental et génétique : les conditions socio-sanitaires
médiocres favorisant les maladies transmissibles et le contact précoce
avec différents antigènes, le rôle des UV-B sur le système
immunitaire, la production de la mélatonine par la glande pinéale
et son action sur l'immunité, le rôle de la vitamine D etc..
Conclusions
Une meilleure connaissance de la SEP en Afrique noire par des enquêtes de
population et des moyens d'investigations de qualité permettrait sans doute
de mieux cerner certains de ces facteurs présumés "protecteurs".
Mots clés : Afrique, épidémiologie, sclérose
en plaques.
Abstract
Description
Multiple sclerosis (MS) seems to be scare in black Africa. Many of early
theories appear ludicrous in the light of present - day concepts, and others
are only of historical interest. The lack of epidemiological studies in black
Africa makes this part of the world an area where this disease is possible but
exceptional.
Objective
The aim of this study is to bring out the frequency of MS in different part
of black Africa and to analyse its protector factors .
Methodology
We made the review of the literature.
Results
The presence of M S in Africa is confirmed by few studies . The scarcity
and the modesty of neurological infrastructures in many part of black Africa
don't allowed specific studies about MS. Although the precise cause of MS remains
undetermined , number of epidemiological facts have been clearly establish.
The increasing of developing MS with increasing latitude, the importance of
environmental and genetic factors regardless of race have been confirmed by
some authors.
Conclusion
Population based studies with suitable investigations in black Africa is
needed for the comprehension of MS.
Keys words : Africa, epidemiology, multiple sclerosis
La sclérose en plaques (SEP) se
caractérise classiquement par une prévalence selon un gradient
Nord-Sud. Les taux de prévalence de la SEP croissent rapidement en
direction du pôle puis décroissent à sa proximité.
Ils décroissent également rapidement en direction de
l'équateur (39). La revue de la littérature confirme
l'apparente rareté de la sclérose en plaques en Afrique
noire (1,37,38,). L'absence d'enquêtes de populations et de
données épidémiologiques pertinentes font classer cette
région du monde dans une zone où la maladie reste probable mais
exceptionnelle.
Les infrastructures neurologiques et la SEP
Le nombre de neurologues et les moyens de diagnostic sont essentiellement
concentrés dans la partie nord et sud du continent (36). Entre ces deux
ensembles, dans la partie équatoriale et intertropicale, on compte 1
neurologue pour 1 à 5 millions d'habitants. COLLOMB et al (17)
déjà dans les années 1960 attiraient l'attention sur
les difficultés de diagnostic de la SEP en Afrique : la validité
du diagnostic, l'observation du malade limité à une courte
période, la difficulté à suivre les malades à leur
sortie de l'hôpital, l'équipement médical
insuffisant. La rareté de la SEP en Afrique noire ne peut être
expliquée seulement par l'absence, la rareté et la modestie
des infrastructures neurologiques.
Épidémiologie de la SEP en Afrique
Au sud du continent
BERMAN S (11), dans son histoire de la neurologie en Afrique du Sud (1960),
soulignait l'extrême rareté de la SEP chez les Bantous et les Afrikaners
nés et vivant en Afrique du Sud. DEAN (21) déjà en 1967
soulignait l'absence de la SEP chez l'Afrikaner de souche. Sur une population
de 2.500.000 malades reçus en 21 ans, le diagnostic de la SEP n'a été
envisagé que 18 fois et était possible 12 fois. Les cas rapportés
par COCHRANE (1947), KRAMMER et al (1956), WRIGHT et al (1965) et THOMSON et
al (1965) n'ont pas été confirmés (21). Entre 1956 - 1969
et 1968-1969 des études sur la prévalence, l'incidence , la morbidité
et la mortalité de la SEP ont été conduit en Afrique du
Sud (21-23) . Ces études ont été complétées
par une étude de la SEP en fonction de l'âge de migration et des
zones de migration ( 14, 22, 24-26 ). Les résultats de ces études
ont montré l'extrême rareté de la SEP dans la population
noire, l'inégale distribution des taux de prévalence dans la population
blanche. Les taux les plus faibles ont été observés dans
la population Afrikaner de souche (3 p. 100.000) et les plus forts chez les
immigrants anglophones (11 p. 100.000). L'analyse de ces taux de prévalence
par rapport aux migrations de population entre des zones de prévalence
inégale (zone de forte prévalence de l'Europe vers l'Afrique du
Sud, zone de faible prévalence) a fait apparaître un facteur de
risque âge dépendant (15 ans).
G. DEAN (21 - 23) évoque la différence de fréquence de
survenue de la SEP dans les différentes populations de l'Afrique du Sud
par les facteurs environnementaux.. Pour A.Y. BIRD en Afrique du Sud et E. SATOYOSHI
au Japon (14), l'existence probable d'un facteur infectieux ou environnemental
est renforcée par l'augmentation de l'incidence de la SEP en Afrique
du Sud et au Japon entre respectivement 1964-1970 et 1966-1972. Ceci serait
du à une migration massive de population des zones de fortes prévalences
(Europe et Amérique du Nord) vers les zones de faibles prévalences
(Afrique du Sud et Japon) dans l'après guerre.
Le premier cas avec confirmation anatomo-pathologique chez un "métis"
a été rapporté en 1979 par F.R. AMES et R.M. BOWEN (7).
Le premier cas confirmé de SEP chez le noir sud-africain a été
rapporté seulement en 1987 par A. BHIGJEE (12). En 1994 G. DEAN et al
(26) colligeaient seulement 7 cas de SEP en Afrique du Sud.
RACHMAN (49) rapporte en Rhodésie (actuel Zimbabwe) une seule observation
de SEP chez un autochtone. Il a préféré cependant l'enregistrer
sous le diagnostic d'encéphalomyélite aiguë disséminée
du fait de la rareté et de l'absence de SEP chez le noir africain.
En Afrique de l'Ouest. En 1973, HADDOCK (33) au Ghana et OSUNTOKUN (45)
au Nigeria n'ont rapporté dans la revue des maladies neurologiques dans
leurs pays respectifs aucun cas de SEP . COLLOMB et al (17) en 1961 dans une
enquête réalisée auprès des responsables des services
neuro-psychiatriques de plusieurs pays d'Afrique centrale et de l'ouest ont
confirmé l'absence de la SEP au Tchad, au Gabon et en RCA. De rares cas
mal documentés ont été signalés au Cameroun et au
Congo Kinshasa. COLLOMB et al (18) rapportaient au Sénégal une
seule observation de SEP sur un période de 3 ans dans une population
de 1800 malades. Les mêmes auteurs (19) ont rapporté en 1970, 3
nouveaux cas, tous confirmés, sur un total de 4900 malades souffrants
d'affections neurologiques et 800 cas autopsiés. Ils ont souligné
cependant le caractère atypique de ces cas et la prédominance
de l 'atteinte médullaire.
Plus récemment une étude multicentrique portant sur 129 cas de
myélopathies d'origine indéterminée et de 82 cas de paraparésie
spastique tropicale (PST), en Afrique de l'Ouest, a révèlé
que seulement environ 15 % d'entre eux avait une sérologie HTLV-1 positif.
Un pourcentage élevé de ces malades présentaient par ailleurs
une névrite optique et parfois une atteinte auditive. L'hypothèse
d'une maladie autoimmune ou le rôle d'autres rétrovirus ne peut
être formellement exclu comme étiologie de ces myélopathies
(50).
En Afrique de l'Est , J.R. BILLINGHURST (13)
n'a signalé aucun cas de SEP dans sa revue des maladies
neurologiques en Ouganda et R.M.FOSTER et J.R. HARRIES au Kenya (32) ont
rapporté 2 cas de SEP chez des africains. Entre 1983 et 1988, six cas
confirmés de SEP ont été observés par A.M AdAM (2)
à l'Hôpital National Kenyatta. Il n'existait aucune
particularité clinique par rapport aux cas observés dans les pays
tempérés . Quand à HALL (34) il n'a recensé
aucun cas de SEP en Éthiopie et à Djibouti. En Afrique
centrale, E. MBONDA et al ( 42) ont rapporté un cas confirmé
en Belgique (clinique, IRM et LCR) de SEP chez une femme originaire du
Cameroun.
Au nord du continent, de nombreuses publications confirment dans de
larges séries, l'existence de la SEP en Afrique du Nord (9,10,51).
Les travaux rapportés dans de nombreux pays africains et plus particulièrement
ceux de DEAN (21-26), COLLOMB et al (18,19) ont confirmé la rareté
et non l'absence de la SEP dans la population noire. D'autres auteurs
devant des tableaux cliniques très évocateurs de SEP hésitent
à retenir le diagnostic de SEP (13). "Ce doute de Thomas »
pourrait expliquer l'absence d'autres cas dans d'autres pays
africains.
La SEP chez les Noirs aux USA
Le taux de prévalence de la SEP est plus élevé chez les
blancs que chez les noirs indépendamment de la latitude mais reste plus
élevé dans les deux communautés dans la partie nord que
la partie sud (5). Par exemple le taux de prévalence à Boston
(latitude 42°) est même plus élevé chez les noirs que
chez les blancs à Halifax (latitude 44°). Cette même constatation
a été faite par KURTZKE et al (40), BEBEE et al (8) dans l'armée
américaine. D'après M.ALTER et M. HARSCHE (4), le seul facteur
racial ne peut expliquer ce phénomène. La différence dans
le risque chez les noirs africains et les noirs américains devrait être
génétique ou environnemental.
Pour P. H. PHILLIPS et al (46) les formes de « neuromyélites optiques"
seraient les manifestations les plus fréquentes de la SEP chez les Américains
d'origine africaine dans sa série. L'atteinte ophtalmologique
serait plus sévère. La même constatation a été
faite en Afrique australe (26). Pour d'autres auteurs (44), l'âge
de début de la SEP, et le profil évolutif peuvent être déterminés
par des facteurs génétiques et environnementaux.
La SEP dans les populations noires ayant immigrés vers les zones
de fortes prévalence (Londres)
Les Africains (Afrique de l'Ouest et de l'Est) dans le Grand Londres
présentent les mêmes risques que ceux de leurs pays d'origine
(24). Par contre leurs enfants nés en grande Bretagne présentent
les mêmes risques que ceux de leur pays d'adoption (28-30) . Ces
recherches ont confirmé le facteur de risque age dépendant et
plaident fortement en faveur d'un facteur de risque environnemental.
Les facteurs génétiquesLa susceptibilité génétique a été mise en
évidence chez les sujets de race différente atteints de SEP par
l'étude du système HLA et des immunoglobulines (16,31,41). Elle
est sous la dépendance de plusieurs gènes dépendants ou non
du complexe majeurs d'histocompatibilité (CMH). En Europe du Nord,
on constate une forte liaison avec HLA classe I (A3 et B7) mais surtout classe
II (DR2 et DQW1). Les Lymphocytes T (récepteurs α et b)
semblent jouer un rôle sans exclure d'autres loci (20 ).
Les facteurs environnementaux
Depuis les années 1970, les différents travaux épidémiologiques
ont montré le rôle indiscutable des facteurs environnementaux (exogène
et ou endogène) et d'un risque âge dépendant dans
la survenue de la SEP. Le rôle d'un agent infectieux, viral est
régulièrement évoqué (3,5). Le rôle des rayons
UV-B dans la distribution géographique de la SEP a été
soulevé (15). Les UV-B décroissent au fur et a mesure que l'on
s'éloigne de l'équateur tandis que la prévalence
de la SEP augmente. Les UV-B aurait une activité immunodépressive
particulièrement sur l'activité des cellules T c'est
à dire sur l'activité auto-immune (43). Pour C.E. Hayes
et al (35) la vitamine D 3 a été capable de prévenir
dans le modèle expérimental de la SEP chez la souris, la survenue
de l'encéphalomyélite allergique expérimentale. Le
degré d'exposition aux UV conditionne la production de la vitamine
D3 et constitue un immunorégulateur avec une inhibition des maladies
autoimmunes. Le degré d'exposition aux UV expliquerait la différence
de prévalence de la SEP chez des populations habitant les mêmes
latitudes mais avec un ensoleillement différent. Pour d'autres
auteurs (27,52) les rayons UV modulent la sécrétion de la mélanine
à partir de la puberté et expliquerait l'existence du facteur
de risque âge dépendant et la distribution raciale et géographique
de la SEP.
Le régime alimentaire, en particulier, le rôle de certains acides
gras a été évoqué par certains auteurs.
Peu d'études ont été menées en Afrique sur
la SEP, les formes familiales n'ont pas été rapportées
(20% en Europe) alors que les maladies génétiques (consanguinité)
sont habituelles dans le continent noir. En Afrique du Nord, les formes cliniques
sont identiques à celles rapportées ailleurs.
Conclusion
La SEP reste relativement rare chez le noir africain. L'intérêt
pour la SEP manifesté par de nombreux auteurs en Afrique depuis les années
1960, n'a débouché que sur une douzaine d'observations
colligées en 1990 au Sud de l'Afrique et quelques observations
indiscutables rapportées au Sénégal (1961; 1970), et au
Kenya (1994.) La prévalence de la SEP dans les populations noires (américaines
et immigrés en Europe) dépendrait du degré de mélange
avec les populations blanches (47,48). Les nombreux cas de SEP qui ont été
rapportés ces dernières années en Afrique du Sud chez des
"métis" confirmeraient cette analyse (6). A coté
des facteurs génétiques qui sont indéniables (facteurs
de susceptibilité), il apparaît indiscutablement le rôle
"protecteur" de certains facteurs environnementaux chez
le noir africain.
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