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African Journal of Neurological Sciences
Pan African Association of Neurological Sciences
ISSN: 1015-8618
Vol. 20, Num. 1, 2001, pp. 17-20
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African Journal of Neurological Sciences, Vol. 20, No. 1, 2001, pp. 17-20
ASPECTS CLINIQUES ET ETIOLOGIQUES DES EPILEPSIES DANS UN
SERVICE DE NEUROLOGIE A NOUAKCHOTT, MAURITANIE
Hamidou
TRAORE*, Pierre-Marie PREUX**, Mohamadou. DIAGANA*, Michel DRUET-CABANAC**,
Caroline DEBROCK**, Michel DUMAS**
* Centre Neuro-psychiatrique, BP 1655, Nouakchott 59528, Mauritanie.
** Institut de Neurologie Tropicale, 2, rue du Dr Marcland, 87025 Limoges, France.
Correspondance : Pierre-Marie PREUX, Institut d'Epidémiologie Neurologique
et de Neurologie Tropicale, Faculté de Médecine, 2, rue du Docteur
Marcland, 87025 Limoges, Email : preux@unilim.fr
Code Number: ns01005
RÉSUMÉ
Introduction:
Les épilepsies dans la pratique médicale quotidienne constituent
une cause majeure de consultation en Neurologie en Mauritanie. Sa fréquence
en population générale est autour de 8 %o.
En étudiant l'épilepsie mal connue en Mauritanie, sous les aspects
cliniques et étiologiques, cet article se propose de découvrir
les spécificités de cette affection dans ce pays. Le but de ce
travail est de montrer les réalités de l'épilepsie en milieu
hospitalier et de discuter les avantages et les inconvénients de l'application
d'un questionnaire standardisé.
Méthodes:
Cent cinquante patients épileptiques Mauritaniens ont été
examinés de manière prospective en 1997 et ont répondu
au questionnaire d'investigation de l'épilepsie en zone tropicale recommandé
par la Ligue Internationale Contre l'Epilepsie.
Résultats :
Les crises généralisées représentent 58,7 % des
cas contre 41,3 % de crises partielles. Les crises sont le plus souvent déclenchées
pour la première fois par la fièvre. Les antécédents
de crises existent dans 10,7 % des cas. Les facteurs infectieux sont peu en
cause (17,5 %), certainement à cause de la bonne couverture vaccinale
(89,3 %). Le bilan étiologique est insuffisant et la thérapeutique
a recours au phénobarbital en première intention.
Conclusion:
Malgré l'insuffisance des examens complémentaires, l'application
d'un questionnaire standardisé a permis de mieux connaître les
facteurs favorisants des crises épileptiques. Les perspectives d'avenir
porteront sur l'étude en population générale et l'approfondissement
du bilan complémentaire.
MOTS CLES : Afrique,
épidémiologie, épilepsie,
Mauritanie. ABSTRACT
Background :
Epilepsy constitutes a very frequent clinical presentation in our outpatient
clinic of Neurology in Mauritania. Its frequency in general population is at
least 8%o. The purpose of this paper is to describe the
specificities of epilepsy in this country, in particular the clinical and etiological
aspects. The aim of this work is to demonstrate the daily realities of epilepsy
in our hospital and also to discuss the interests and the limits of a standardised
questionnaire.
Methods :
One hundred and fifty epileptic Mauritanian patients were examined prospectively
in 1997 and were interviewed by the questionnaire for investigation of epilepsy
in tropical countries, supported by the International League Against Epilepsy.
Results:
Generalized tonic clonic seizures constitute 58.7% of the cases compared to
41.3% of partial seizures. Fever was often a precipitating factor for the onset
of the seizures. A family past medical history of seizures was described in
10.7% of the cases. Infectious factors were unfrequent (17.5%) probably because
of the good vaccinal coverage (89.3%). The etiological paraclinical exams were
insufficient and the treatment was phenobarbital, at least as first line drug.
Conclusion:
The application of a standardised questionnaire allows a better understanding
of the precipitating factors of the epileptic seizures. Perspectives will be
to initiate a study in the general population and the extension of the paraclinical
examinations.
KEY WORDS : Africa, epidemiology , epilepsy,
Mauritania. INTRODUCTION L'épilepsie
surtout dans sa forme convulsive généralisée est une
affection mal connue en
Mauritanie où elle est assimilée à une maladie des "djinns"
ou "chaïtane" (Satan).
Dans la pratique
quotidienne, l'épilepsie et les accidents vasculaires
cérébraux représentent les causes majeures de consultation
en Neurologie en Mauritanie. Cette étude porte sur 150 patients et permet
une vision globale des nombreux aspects de l'épilepsie. Le but de
ce travail était de dégager les aspects cliniques de
l'Epilepsie et de tenter d'en révéler certaines
caractéristiques étiologiques en
Mauritanie. METHODOLOGIE Cette étude a
été réalisée de manière prospective en 1997.
Tous les patients retenus ont fait au moins 2 crises épileptiques au
cours de leur existence. Le questionnaire utilisé a été
celui de l'Institut d'Epidémiologie neurologique et de
Neurologie Tropicale de Limoges soutenu par la Ligue Internationale Contre
l'Epilepsie (10). Les patients ont été vus en consultation
externe dans le Service de Neurologie du Centre Neuro-Psychiatrique de
Nouakchott en Mauritanie. Le recueil des données s'est
effectué grâce à de nombreuses consultations avec le patient
et son entourage immédiat. RESULTATS
1 Les antécédents :
Des antécédents familiaux d'épilepsie ont été
retrouvés dans 10,7% des cas. Ces antécédents ont été
retrouvés dans 43,7% chez les frères et soeurs contre 12,5% chez
les mères et 5,5% chez les pères. Le déroulement de la
grossesse était normal dans 64,7 % des cas, et anormal dans 9,3 % des
cas. Il a été non précisé dans 26 % des cas. Au
cours de leur grossesse, 10 mères avaient présenté des
convulsions, une toxémie gravidique ou une menace d'avortement. 10 %
de ces mères ont eu au cours de leur grossesse des antécédents
de prise de médicaments. Parmi ceux-ci, on a trouvé des
antiasthmatiques, des neuroleptiques, des traitements pour menace d'avortement,
des perfusions de nature non précisée.
Le
lieu de naissance était à domicile pour 46,7 % des cas, dans la
case de santé 12,0 %, au dispensaire 11,3 % ou à
l'hôpital 30,0 %. On remarque que les structures de santé ne
sont utilisées que dans 53,3 %, ce qui laisse supposer des conditions
inappropriées pour un accouchement adéquat. Malgré tout,
l'accouchement a été jugé normal dans 85,3 % et
anormal dans 5,3 %. Dans 9,4 % des cas, il a été impossible de
préciser. Le temps de travail était long et pénible dans
8,6 % des cas, normal dans 64,7 % et non apprécié dans 26,7 %. Le
recours à l'anesthésie générale pour
césarienne a été fait seulement dans 2,0 % des cas.
L'utilisation de moyens physiques, comme les forceps, n'ont
été employés que dans 5,4 % des cas, alors que 93,3 % n'y
ont eu pas recours. Pour 1,3 %, aucune précision n'a été
donnée. Il a été fait état d'un taux de
prématurité de 2,7 % et de naissance à terme de 90 %. Pour
7,3 % aucune précision n'a été
indiquée. L'évaluation de la souffrance
périnatale a démontré que 58 % des
nouveau-nés avaient crié immédiatement contre 8,7 %. Mais
aucune précision n'a été fournie pour 33,3 % des cas. La
notion de réanimation a été retrouvée seulement pour
6,7 % des naissances contre 88 %, et il n'y a eu aucune précision pour
5,3 %. Le placement dans une couveuse a été siganlé dans
seulement 0,9 % des cas. La durée moyenne de l'allaitement maternel
était de 21 jours. Le développement psychomoteur dans
l'enfance était jugé normal pour 90 % et anormal pour 5,3 %.
Pour 4,7 % des cas, il n'y a pas eu de précision. Les troubles
rencontrés ont été une dysarthrie et des retards du langage
parlé, de la marche et de la parole, ainsi que de la position
assise. L'état vaccinal a été de précision
très difficile car malgré l'institution du Programme Elargi
de Vaccination (PEV), la régularité des séances de
vaccination a été différente et pas toujours
respectée. L'utilisation de vaccination a été faite dans
89,3 % des cas. On a retrouvé des antécédents de
rougeole chez 11,3 % des patients, d'encéphalite et/ou
encéphalopathie 5,3 %, de méningite 0,9 %. Un traumatisme
crânien avec perte de connaissance a été retrouvé
dans 6 % des cas. 7 patients avainet présenté un coma
prolongé post-traumatique. Les affections associées
étaient variées car on a retrouvé dans les causes
d'hospitalisation des patients, outre l'épilepsie (5,4 %),
d'autres affections comme les pneumopathies, le paludisme, la rougeole, la
malnutrition, l'hypertension artérielle, les traumatismes
crâniens. Des séquelles neurologiques de ces affections ont
été retrouvé dans 10,7 % des cas.
2. L'histoire de la maladie
L'épilepsie dans cette étude était idiopathique dans 20,7
% contre 32 % de formes symptomatiques avec lésions cérébrales
non évolutives, 4 % de causes symptomatiques évolutives et 43,3
% de formes cryptogéniques.
Les crises généralisées
constituaient 58,7 % de cas contre 41,3 % des crises
partielles. L'âge de survenue de la première crise
était variable : au cours des 10 premiers jours de vie à
l'âge de 2 ans on a retrouvé 21,3 % des cas. De
l'âge de 2 ans à 20 ans, on a rencontré 59,4 % des cas
contre 17,3 % entre l'âge de 20 ans à 40 ans. Dans 2 % des
cas, on n'a pas pu situer la date.
3. Les facteurs déclenchants
L'émotion a té un facteur retrouvé dans 8,7 % des cas
; le sommeil déclenche les crises dans 18,7 % des cas, la privation
du sommeil dans 3,3 % des cas ; une crise au réveil a été
signalée dans 2,6 %. Dans 14 % des cas, l'arrêt du traitement a
déclenché les crises. Dans 2,7 % des cas, l'arrêt du traitement
n'a pas déclenché de crise. Dans 83,3 % il n'y a pas eu cette
notion d'arrêt du traitement, soit parce que le malade prennait régulièrement
son traitement, soit parce qu'il n'était pas encore sous traitement.
4. Les signes associés
sont multiples et variés. Les sujets se plaignaient en effet de céphalées,
de troubles visuels, diabète, hypertension artérielle, douleurs
abdominales, bronchite chronique, d'hypersialorrhée, séquelles
d'hémiplégie ou de monoplégie, dysenterie, troubles de
la marche, retard intellectuel, angines à répétition et
séquelles post-fracture.
5. L'examen neurologique
retrouvait une hémiplégie dans 10,7 %, une paraplégie
dans 2 %, une monoplégie dans 2,9 %, une paralysie oculomotrice dans
2,7 %, un syndrome pyramidal dans 10,7 %, un trouble du langage dans 10 %, une
malformation crânio-encéphalique dans 1,3 %. Des troubles psychiques
ont été rencontrés dans 4 % des cas, un retard mental dans
8 % des cas.
6. Les examens complémentaires
L'EEG a été fait dans 78 % des cas et était anormal dans
67,5 % des cas. Les anomalies retrouvées étaient des pointes :
49,6 % une photosensibilité : 5,5 %, des pointes ondes focales : 3,6
% des ondes lentes focales : 12,7 %, des complexes pointes et polypointes ondes
généralisées : 9,1 %, un ralentissement de l' activité
de fond : 9,1 %. Une corrélation électro-clinique a été
mise en évidence dans 72,2 % des cas.
Le bilan
microbiologique révèlait de nombreux parasites dans les selles
dont l'essentiel étaut constitué de kystes d'amibes,
de Giardia, d'Hyménolépis nana et
d'ascaris. DISCUSSION Le dépistage de
l'épilepsie est fait grâce à la description des
symptômes qui est axée sur les pertes de connaissances, les pertes
d'urines, l'émission de bave, les convulsions ainsi que les
hallucinations auditives visuelles et olfactives. Ce catalogue de
symptômes permet de définir divers types de crises
d'épilepsies dont les formes généralisées
représentent la grande majorité des cas 58,7 %. Force est tout de
même de constater que 41,3 % sont des crises partielles. Ces proportions
semblent différentes de celles couramment rencontrées ailleurs en
Afrique où les crises partielles sont les plus fréquentes (12).
L'entourage familial est souvent présent dans la consultation mais
dans bien des cas, la crise partielle est négligée par rapport
à l'aspect spectaculaire de la crise
généralisée. Dans la survenue des premières
crises, la fièvre est le facteur le plus cité par
l'entourage, ce qui est différent dans certains pays comme la
Martinique où l'alcool est le facteur le plus cité
(6). Si nous sommes encore loin d'un consensus autour d'une
proposition de classification sémiologique des crises épileptiques
(7,8,10), le manque de matériel complémentaire dans la pratique
neurologique en Afrique, oblige les uns et les autres à s'appuyer
surtout sur la description des crises
épileptiques. L'utilisation de cinq langues en Mauritanie,
suppose une maîtrise linguistique à adapter à chaque cas et
une répétition de l'interrogatoire. Cet interrogatoire
répété est fondamental et il s'adresse à tout
l'entourage mais surtout à celle ou celui qui cohabite avec la ou
le patient. En Mauritanie, au cours du premier contact, toute la famille
"élargie" (parents, grands-parents, oncles, tantes,
cousins...), est concernée et chacun des membres voudrait donner son
avis. Mais dans la plupart du temps, seule une personne est en fait plus apte
à donner des réponses exactes et suffisamment
détaillées. Cette particularité de comportement du
mauritanien explique la difficulté de situer le début des crises
et leur description, mais aussi les facteurs déclenchants que
l'entourage interprète souvent à tort. Il en est de
même pour les autres facteurs de risque comme la grossesse et son
déroulement, la période de travail et le lieu de naissance, la
période de l'allaitement et la survenue de pathologies
infectieuses. 10,7 % des cas étudiés présentent des
antécédents familiaux d'épilepsie. Des études
antérieures réalisées dans divers pays montrent des
proportions d'antécédents familiaux qui vont de 3 à 60 %
(9). La consanguinité est présente en Mauritanie, comme cela a
été étudié par Gouider et al en 1998 dans les pays
du Maghreb (3), qui retrouvait ce facteur dans 17 familles sur 19, dont 15 au
premier degré. Les programmes de lutte contre l'épilepsie
dans les pays en développement doivent prendre en compte ces facteurs de
risque car l'accouchement à domicile (46,7 %) reste encore
important laissant supposer qu'un accouchement sur deux est fait sans
garantie appropriée. La longueur du travail (8,6 %), le recours à
l'anesthésie générale (2,0 %), le recours aux moyens
physiques (5,4 %), la prématurité (2,7 %), sont autant
d'indices orientant vers une cause lésionnelle de
l'épilepsie. La souffrance périnatale est retrouvée
dans 8,7 % des cas malgré une discordance apparente avec la notion de
réanimation (6,7 %). L'état vaccinal semble satisfaisant
dans l'ensemble, pour un pays en développement comme la Mauritanie
(89,3 %). Mais il faut préciser que l'on vaccine uniquement dans le
cadre des maladies cibles du programme élargi de vaccination (P.E.V.)
telles que la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, la
poliomyélite, la tuberculose et la rougeole ; les autres maladies
infectieuses ne sont pas prises en charge sur le plan vaccinal. Une
pathologie infectieuse est présente dans les antécédents de
17,5 % des sujets étudiés. 6 % des patients ont des
antécédents de traumatisme crânien avec perte de
connaissance alors que Durand et al. (1) rapportent un taux de 3,4 %. Il est
probable que l'association de crises précoces post-traumatique et
la réelle épilepsie post-traumatique (origine tardive liée
à des séquelles lésionnelles) est responsable de ce taux de
6 %. Selon Jallon et al. les causes les plus fréquentes en Martinique
sont liées à la consommation d'alcool et aux traumatismes
crâniens suivis des accidents vasculaires cérébraux (6).
Mais comme partout sous les tropiques, les facteurs étiologiques les plus
fréquents semblent d'ordre infectieux, notamment parasitaire.
Cependant, les conditions de précarité font que tous les
problèmes liés à la malnutrition, aux situations pré
et post natales, sont précurseurs de crises épileptiques. Le
bilan étiologique reste peu concluant dans un grand nombre de crises
d'épilepsie (2). Sur le plan thérapeutique, le
phénobarbital est le médicament de première intention du
fait du pouvoir d'achat de la population mauritanienne. Même si la
pharmacocinétique simple et la faible fréquence des interactions
médicamenteuses des nouveaux anti-épileptiques permettent leur
utilisation facile (4), la monothérapie reste encore
prépondérante. A ces causes réelles s'y ajoutent les
problèmes d'accessibilité aux drogues liés aux
problèmes logistiques (5).
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