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African Journal of Neurological Sciences
Pan African Association of Neurological Sciences
ISSN: 1015-8618
Vol. 21, Num. 1, 2002, pp. 15-19
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African Journal of Neurological Sciences, Vol. 21, No. 1, 2002, pp. 15-19
PROBLEMES LIES A LA PRISE EN CHARGE REEDUCATIVE DES HEMIPLEGIES
VASCULAIRES A ABIDJAN (COTE D'IVOIRE)
ANALYSIS OF THE REHABILITATION MANAGEMENT OF VASCULAR HEMIPLEGIA
PATIENTS IN ABIDJAN (COTE D'IVOIRE)
AUTEURS : Ange-Michel DATIE*, Béatrice Mansé NANDJUI*, Berthe
ASSI**, Emmanuel SES*, Benjamin MANOU*, Thérèse SONAN-DOUAYOUA**,
Ernest Beugré KOUASSI**
* Service de Médecine Physique et de Réadaptation, CHU de Yopougon,
21 BP 632 Abidjan 21, Côte d'Ivoire.
** Service de Neurologie, CHU de Cocody, BP V 13 Abidjan 01, Côte d'Ivoire.
Tirés à part et corrections : Datié Ange-Michel ;
adresse professionnelle ci-dessus.
Téléphone 225 05 01 44 73 ; E.mail (angemicheld@hotmail.com)
Code Number: ns02003
RÉSUMÉ
Description :
les accidents vasculaires cérébraux sont responsables de conséquences
fonctionnelles multiples, sur le plan locomoteur et neuropsychologique. La rééducation
fonctionnelle constitue l'un des éléments essentiels de la prise
en charge. Son impact dépend de la qualité des structures existantes
et du contexte socio-économique et culturel de chaque pays.
Objectif :
le but de ce travail était d'identifier les différents problèmes
qui se posent à la prise en charge rééducative des hémiplégiques
vasculaires en Côte d'Ivoire afin d'en améliorer l'efficacité.
Méthode :
il s'agit d'une étude rétrospective portant sur 176 dossiers de
patients hémiplégiques vasculaires suivis pendant six ans dans
le service de rééducation fonctionnelle du CHU de Yopougon à
Abidjan. Ont été étudiés les caractéristiques
cliniques, la qualité du bilan fonctionnel, les modalités de suivi
de la rééducation, le statut fonctionnel à un an et les
facteurs socio-culturels.
Résultats :
aucun patient n'avait bénéficié de rééducation
précoce pendant l'hospitalisation initiale. 36.8 % des patients ont été
reçus en rééducation fonctionnelle après le 3è
mois d'évolution. Le bilan fonctionnel n'a pas systématiquement
recherché de troubles neuropsychologiques associés, en dehors
de l'aphasie mentionnée dans 14.2 % des cas, de même qu'il n'a
pas fait appel à des échelles standardisées pour apprécier
le degré d'autonomie. L'ergothérapie était absente et la
rééducation orthophonique n'a pas été suivie. 49.4
% des patients ont abandonné précocement leur rééducation
ou ne l'ont même pas débutée. A un an d'évolution,
62.02 % des patients gardaient encore d'importantes séquelles fonctionnelles.
Conclusion :
l'insuffisance de l'évaluation fonctionnelle, l'absence de thérapeutique
complémentaire à la kinésithérapie et les difficultés
économiques sont les principaux problèmes rencontrés dans
la prise en charge des hémiplégiques vasculaires. Une plus grande
rigueur dans la prise en charge, l'application des politiques de réhabilitation
à base communautaire et la sensibilisation des pouvoirs publics quant
à l'importance des mesures sociales en faveur des personnes handicapées
sont nécessaires pour un meilleur devenir fonctionnel des hémiplégiques.
Mots clés : Afrique - Hémiplégie vasculaire
- Rééducation Fonctionnelle
ABSTRACT
Background and purpose
Rehabilitation care are necessary to reduce the physical and neuropsychological
disabilities provided by stroke. The rehabilitation process and the functional
outcome depend on the severity of the impairments but must also take into account
the cultural and economics factors. The purpose of our study was to appreciate
the organization of stroke patients rehabilitation in Côte d'Ivoire with
the aim to point out problems encountered.
Methods
We conducted a retrospective study concerning 176 cases of vascular hemiplegia
recorded about a six years period in a rehabilitation department in Abidjan
(Côte d'Ivoire). Demographic characteristics, clinical data, initial functional
assessment, rehabilitation treatment and functional status one year after stroke
were analysed.
Results All patients started rehabilitation care after discharge from
the hospital. Moreover, 36.8 % of them were admitted for the first time in a
rehabilitation unit after 3 months post-onset. Initial functional assessment
failed to assess neuropsychological impairments except aphasia. The precise
content of rehabilitation treatment consisted only of physical therapy, neither
occupational nor speech/language therapy were available. One year after stroke,
62.02 % of the patients seen within this period were still dependent for daily
living activities or unable to do their previous work.
Conclusion
Deficiency of initial functional assessment, irregularity or renunciation of
rehabilitation care which apart from physical therapy included neither occupational
nor speech/language therapy are the main hindrances identified. Moreover, sociocultural
behaviour and political actions scarcity favourable to disabled persons limit
these patients socioprofessional reintegration.
Key Words: Africa - Rehabilitation - Stroke
INTRODUCTION
L'hémiplégie vasculaire est une pathologie fréquente en
Côte d'Ivoire [9]. Son retentissement social peut être majeur en
raison des graves séquelles qui peuvent en découler et la rééducation
fonctionnelle reste une composante essentielle de la prise en charge du patient
hémiplégique [2, 7, 8, 10, 11, 12]. Pour faire face à
la diversité des troubles engendrés par la lésion cérébrale,
la rééducation fera appel à plusieurs compétences
dont la précocité et la régularité de la mise en
œuvre contribueront à une bonne récupération fonctionnelle
et une meilleure réinsertion sociale de l'hémiplégique.
La qualité et l'efficacité de cette rééducation
sont dépendantes de la qualité des structures existantes mais
aussi des politiques sociales en vigueur dans chaque pays et de l'environnement
économique et culturel. Le but de cette étude était d'analyser
la prise en charge rééducative des hémiplégiques
vasculaires à Abidjan afin de dégager les difficultés et
les spécificités d'une telle prise en charge dans un pays en voie
de développement comme le nôtre.
POPULATION ET METHODE
Nous avons procédé à l'analyse rétrospective des
dossiers de 176 patients hémiplégiques vasculaires. Tous ces patients
ont été reçus dans le service de rééducation
fonctionnelle du CHU de Yopougon à Abidjan, sur une période de
six années (de 1992 à 1997). Ce service est le plus important
des trois services de rééducation existant dans le secteur hospitalier
public et est situé dans la commune la plus peuplée d'Abidjan,
soit environ 600.000 habitants pour 2.900.000 que compte la ville d'Abidjan
[5 ]. Il dispose en son sein de Médecins et de Kinésithérapeutes
et offre des soins en ambulatoire.
Ont été retenus, les dossiers des sujets adultes âgés
de plus de 15 ans, d'origine africaine, résidant en Côte d'Ivoire
et adressés dans ledit service avec le diagnostic d'accident vasculaire
cérébral, quels qu'en soient l'ancienneté et le traitement
antérieur.
Plusieurs paramètres concernant les aspects socio-démographiques
et cliniques, la prise en charge rééducative et l'évolution
ont été recueillis et analysés. Nous avons eu recours à
l'échelle d'évaluation d'autonomie de Dudognon [4] pour apprécier
le degré de handicap à un an, au vu des informations disponibles
dans les dossiers. Cette échelle définit trois niveaux d'évolution
de l'autonomie :
niveau I : séquelles discrètes = autonomie de la
marche et dans les activités de la vie quotidienne ; main plus ou
moins déficitaire ; reprise du travail envisageable directement
ou après reclassement.
niveau II : séquelles importantes = autonomie de marche
en extérieur ; aide partielle pour les activités de la vie
quotidienne ; incompatible avec la reprise du travail.
niveau III : séquelles majeures = dépendance totale
ou presque ; marche en extérieur impossible sans aide.
RESULTATS
Données socio-démographiques (tableau
I, figure 1)
La composition de la population faisait ressortir une nette prédominance
masculine (61.5 %) avec une moyenne d'âge de 53 ans (extrêmes de
25 à 84 ans). Une proportion de 62.5 % des patients avait moins de 60
ans et 50.6 % étaient encore en activité professionnelle au moment
de la survenue de l'AVC.Concernant les lieux de résidence, 36.5 % des
patients habitaient la commune de Yopougon, 36.5 % provenaient des autres communes
d'Abidjan et 27 % résidaient en dehors d'Abidjan.
Données cliniques (tableau
II)
La majorité des patients provenaient des services de Neurologie et de
Neurochirurgie (51.1 %), avec une prédominance d'AVC ischémique
(60 % des cas) et d'hémiplégies gauches (55 %). Le déficit
moteur était massif dans 32.1% des cas et de répartition proportionnelle
dans 65.6 % des cas. Les autres déficiences fréquemment rapportées
étaient dominées par les problèmes orthopédiques
du membre supérieur homolatéral et notamment de l'épaule,
retrouvés chez 42.6 % des patients. Les aphasies ont été
signalées dans 14.2 % des dossiers et trois cas d'héminégligence
visuelle gauche non confirmés par des tests standardisés ont été
rapportés. Sept patients avaient un antécédent d'accident
vasculaire cérébral.
Prise en charge rééducative
Bilan initial
De façon systématique, les patients adressés dans le service
bénéficiaient d'une consultation auprès d'un médecin
avant toute prescription et toute exécution de séances de rééducation
fonctionnelle. La première évaluation clinique et fonctionnelle
était faite dans le cadre de cette consultation qui avait pour but d'établir
un dossier comprenant les données socio-démographiques, l'anamnèse,
le bilan fonctionnel et la prescription de rééducation fonctionnelle.
Le dossier était ensuite transmis au kinésithérapeute devant
prendre en charge le patient. Les patients étaient réévalués
par le médecin à la fin des séances de rééducation
qui lui ont été prescrites. L'analyse des dossiers a montré
que l'intensité et la répartition du déficit moteur ont
été précisés respectivement dans 81.2 % et 74.4
% des cas, tandis que le degré d'autonomie pour les activités
de la vie quotidienne a été précisé chez 21.6 %
des patients à l'occasion de ce bilan initial. Le degré d'autonomie
a été cependant apprécié chez tous les patients
qui ont pu être revus après leur programme de rééducation.
Cette appréciation était purement qualitative se fondant sur les
possibilités de réalisation de quelques activités telles
que la prise des repas, l'hygiène corporelle, l'habillement, les déplacements,
et n'a jamais fait appel à une échelle d'autonomie standardisée
comme l'Index de Barthel. La recherche d'autres paramètres a été
également analysée et les résultats sont présentés
dans le tableau III. Il s'avère
que les troubles neuropsychologiques, les troubles du tonus et les données
liées à l'environnement social des patients sont peu recherchés.
Délai de prise en charge
Les délais de prise en charge sont présentés dans le tableau
IV. Il apparaît que 35.9 % des patients ont été reçus
dans le service de rééducation au cours du premier mois d'évolution,
et que 12.4% des patients étaient vus pour la première fois au-delà
de la première année d'évolution.
Modalités de suivi
Parmi les 176 patients reçus dans le service, 12 patients soit 6.8 % ont
sollicité une prise en charge à domicile pour des raisons de commodité.
Tous les autres patients ont été suivis en ambulatoire et aucun
patient n'a débuté sa rééducation pendant la période
de son hospitalisation initiale.
Nature de la rééducation
La rééducation fonctionnelle qui était proposée
aux patients se résumait à la kinésithérapie. Aucun
patient n'a eu droit à des séances d'ergothérapie ni d'orthophonie.
La kinésithérapie se déroulait à un rythme de trois
séances par semaine. Les prescriptions se faisaient par tranches de 15
ou 20 séances renouvelables en fonction de l'évolution, le coût
d'une séance étant de 2000 CFA (20 FF).
Les protocoles de rééducation ont fait appel essentiellement
à la méthode neuro-orthopédique privilégiant la
rapidité d'acquisition d'une autonomie locomotrice (verticalisation et
marche) à la qualité de la récupération fonctionnelle.
Le renforcement musculaire et la bicyclette ergométrique ont été
fréquemment utilisés dans le cadre de cette rééducation.
Observance du traitement
Le suivi de la rééducation a été défectueux
chez 87 patients soit 49.4 %, se traduisant par un abandon des séances
avant la fin de la première tranche de prescription. Pour les 89 autres
patients soit 50.6 %, le nombre moyen de séances réalisées
a été de 21,1 séances avec un maximum de 60 séances,
pour une durée moyenne de traitement de deux mois. Lorsqu'un minimum
d'autonomie était acquis, notamment à la marche, la rééducation
était quelquefois poursuivie à domicile avec l'aide de la famille,
en suivant quelques indications données par le kinésithérapeute
ou le médecin-rééducateur. Le patient continuait toutefois
de bénéficier d'un suivi médical sous forme de consultations
de contrôle. La durée moyenne de ce suivi médical a été
de 5 mois, avec un maximum de 36 mois.
Mesures sociales
Sur le plan social, le service ne dispose pas de personnel qualifié
qui aurait en charge les problèmes de réinsertion sociale et professionnelle
des patients.
Evolution (tableau V
)
Le statut fonctionnel un an après l'accident vasculaire cérébral
a été apprécié chez 129 patients. Il en est ressorti
que 66.6 % des patients conservaient un déficit moteur après un
an, que 64.9 % des patients avaient une préhension déficitaire
et non fonctionnelle et que 8.41 % n'avaient pas encore récupérer
une marche autonome. Concernant le degré de handicap, 62.02 % des patients
gardaient encore à un an, des complications fonctionnelles importantes
ou majeures, susceptibles d'entraver la reprise des activités professionnelles
antérieures ou de limiter l'autonomie dans les activités de la
vie quotidienne (niveaux II et III de Dudognon). Parmi les patients qui ont
été revus après un an d'évolution, 41 d'entre eux
étaient avaient une activité professionnelle au moment de la survenue
de l'AVC. Treize patients ont pu reprendre le travail dont trois après
changement de poste, seize patients n'avaient pas encore repris le travail et
aucune information n'avait été recueillie chez douze autres.
COMMENTAIRES
L'appréciation qui a pu être faite des conséquences fonctionnelles
et de l'évolution de l'hémiplégie vasculaire laisse entrevoir
la gravité de cette affection au plan fonctionnel et social en Côte
d'Ivoire. En effet, après un an d'évolution, 66.6 % des patients
conservaient un déficit moteur qui était partiel dans trois-quarts
des cas. Les complications orthopédiques au niveau de l'épaule
(douleur, subluxation, algodystrophie) ont été retrouvées
chez 42.6 % des patients. L'épaule douloureuse est un problème
fréquemment rapporté chez l'hémiplégique et les
proportions que nous retrouvons se situent dans les intervalles rapportés
dans la littérature [13, 14]. Sur le plan fonctionnel, la récupération
de la marche est classiquement de bon pronostic [1, 3], ce qui se confirme dans
notre série puisque 91.5 % des patients ont acquis une marche autonome.
Cependant, les anomalies étaient fréquentes au niveau de la qualité
de cette marche à type de fauchage, de steppage, d'instabilité
ou de lenteur. Ces anomalies constituaient des stigmates visibles de la maladie
et demeuraient une préoccupation pour les patients. Seulement 35.1 %
des patients ont récupéré une préhension jugée
fonctionnellement satisfaisante, c'est à dire permettant une utilisation
courante du membre supérieur dans les activités de la vie quotidienne
et dans la vie professionnelle. La récupération fonctionnelle
du membre supérieur a toujours constitué un véritable écueil
dans la rééducation de l'hémiplégique [6, 8]. En
effet, on estime que moins de 20 % des patients présentant initialement
un déficit moteur sévère pourront récupérer
une main fonctionnelle. Les chiffres nettement plus élevés que
nous avons retrouvés s'appliquent à des patients qui avaient un
déficit moteur initial d'intensité variable et ne reflètent
donc pas une meilleure récupération fonctionnelle, comparativement
aux données de la littérature [6, 8]. En terme de handicap final,
il est apparut que 62 % des patients présentaient à un an une
perte ou une limitation importante de leur autonomie pour les activités
de la vie quotidienne et pour la vie professionnelle. Bileckot et al [2] à
Brazzaville rapportaient des résultats meilleurs avec un taux comparatif
de 46.3 %. Les populations d'hémiplégiques étaient comparables
sur le plan socio-démographique, mais la prise en charge était
beaucoup plus précoce (82 % des patients reçus avant le soixantième
jour) et plus prolongée (en moyenne de trois mois). LE Thiec et al en
France [7], trouvaient une proportion de 40.2 % de patients aux stades III et
IV de l'échelle de Rankin à un an d'évolution. Les approches
méthodologiques différentes rendent les résultats difficilement
comparables d'une étude à l'autre. Par ailleurs, le caractère
rétrospectif de notre étude, avec des données parfois imprécises
ou absentes, et le nombre élevé de perdus de vue doivent rendre
prudente l'appréciation des résultats.
Quoiqu'il en soit, l'analyse de ces dossiers nous a permis de constater quelques
insuffisances dans la prise en charge rééducative des hémiplégiques
vasculaires en Côte d'Ivoire. L'évaluation fonctionnelle de ces
patients nous est apparue très incomplète et notamment sur le
plan neuropsychologique. Les syndromes de négligence, les troubles praxiques
et gnosiques n'ont jamais été recherchés de façon
formelle, et seules les aphasies évidentes de type Broca ont été
rapportées dans les dossiers. Le bilan fonctionnel était empirique
et ne faisait pas appel à des échelles d'évaluation fonctionnelle
telles que la Functional Ambulation Classification (FAC) pour la marche ou le
Barthel Index pour le niveau d'autonomie par exemple. L'utilisation plus systématique
de ces échelles serait d'une grande utilité pour une meilleure
évaluation fonctionnelle des patients, car fournissant des données
précises, reproductibles d'un examinateur à l'autre et comparables.
La réalisation et l'utilisation d'un dossier pré-établi
incluant les éléments-clés à rechercher et les méthodes
d'exploration pourraient apporter plus de rigueur dans ce bilan fonctionnel.
Les insuffisances sont retrouvées également au niveau du traitement.
La charge de travail des kinésithérapeutes, en nombre insuffisant,
reste élevée malgré la présence à leurs cotés
d'auxiliaires bénéficiant d'une formation pratique rudimentaire
et appelés très tôt à prendre en charge des patients.
L'insuffisance du nombre de thérapeutes et la conception parfois erronée
que certains d'entre eux ont pu avoir de l'hémiplégie, vue comme
une simple paralysie, ont certainement favorisé certaines attitudes thérapeutiques
expéditives et inadaptées. En effet, le recours à certaines
techniques rééducatives qualifiées à juste titre
de «fossiles » [8] et orientées vers le renforcement musculaire
et l'endurance (travail contre résistance, vélo de rééducation,
etc....) n'est pas rare. L'absence totale de soins complémentaires à
la kinésithérapie a pu réduire sensiblement l'efficacité
de celle-ci. L'ergothérapie est inexistante par manque de spécialiste
et les séances d'orthophonie sont peu accessibles à la majorité
de la population compte tenu de la rareté des orthophonistes et du coût
relativement élevé des séances dans le privé (15.000
CFA = 150 ff). Par ailleurs la prise en charge orthophonique des patients analphabètes
pose problème dans la mesure où le support linguistique utilisé
est le français.
Enfin les problèmes d'ordre social, économique et culturel ont
contribué à leur tour aux difficultés de la prise en charge.
En effet, les politiques de réinsertion socioprofessionnelle des personnes
handicapées sont encore timides voire inexistantes dans nos pays. Le
faible pouvoir d'achat de la population comme le faisait remarquer également
Bileckot au Congo [2] est un facteur important d'abandon thérapeutique,
surtout lorsque la prise en charge s'avère particulièrement longue
comme c'est le cas pour l'hémiplégie. Il se pose aussi un réel
problème d'accessibilité des structures de soins en rapport avec
l'éloignement géographique des patients et les difficultés
du transport urbain (insuffisance et inadaptation des transports publics, coût
élevé du transport en taxi). Sur le plan culturel, le recours
fréquent au traitement traditionnel qui se présente sous des modalités
diverses a été quelquefois accusé d'aggraver la spasticité
et les douleurs de l'épaule avec un risque accru de syndrome algodystrophique
[2]. La richesse de l'environnement humain et parfois la polygamie sont apparues
également comme des éléments susceptibles de limiter le
désir d'autonomie [2]. Certains interdits culturels contribuent aussi
à maintenir la dépendance vis-à-vis d'un tiers ; c'est
ainsi que par exemple un patient hémiplégique gauche, refusant
d'utiliser sa main droite pour se servir du papier toilette, resterait dépendant
d'une tierce personne pour les toilettes. En effet, dans certains milieux traditionnels,
il est interdit d'utiliser la main droite pour réaliser des activités
perçues comme ... souillantes ! Le suivi de ces principes culturels
sera d'autant plus rigoureux que l'individu sera très attaché
aux traditions (vivant en milieu rural), qu'il sera marié ou qu'il sera
âgé.
CONCLUSION
Plusieurs problèmes sont susceptibles d'altérer la qualité
de la récupération fonctionnelle et de la réinsertion sociale
des hémiplégiques en Côte d'Ivoire. Pour y faire face, en
dehors des mesures visant à améliorer les structures de soins
et l'aide sociale, une meilleure attitude thérapeutique du personnel
soignant et de la famille s'impose. Une meilleure évaluation fonctionnelle
des patients prenant en compte les désordres neuropsychologiques s'avère
nécessaire. Il convient également de renforcer la prise en charge
de ces patients en y associant des principes d'ergothérapie pour lesquels
la famille devrait être impliquée, et en insistant sur la nécessité
de la notion d'autonomie. Dans cette perspective, les programmes de réhabilitation
à base communautaire devraient être véritablement mis en
œuvre en Côte d'Ivoire. Il importe enfin de mieux faire connaître
l'hémiplégie vasculaire à l'ensemble du personnel soignant,
sur le plan de ses mécanismes, de ses conséquences cliniques et
de ses principes de rééducation. C'est à ce prix que nous
réussirons à améliorer la prise en charge de ces patients
malgré nos conditions de travail difficiles.
* Les résultats préliminaires de ce travail ont fait
l'objet d'une communication au troisième congrès de Neurologie
Tropicale - Fort De France (Martinique), 30 novembre au 02 décembre 1998.
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