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Reports from
Union of African Population Studies / L'Union pour l'Etude de la Population Africaine
Num. 11, 1995
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Union for African Population Studies, Rapport de Synthese / Summary Report,
Numéro/Number 11, March 1995
Programme de petites subventions pour la recherche en population et developpement
LA FECONDITE DES ADOLESCENTES AU SENEGAL
Nafissatou J. DIOP Ph.D
Ce document est un condensé de la thèse soutenue
par Mme N.J. DIOP, en 1993 à l'Université de Montréal.
Les opinions exprimées dans cette étude n'engagent strictement
que l'auteur et en aucune manière l'Union pour l'Etude de la Population
(UEPA)
ETUDE REALISEE DANS LA CADRE DU PROGRAMME DE PETITES SUBVENTIONS POUR LA RECHERCHE
EN POPULATION ET DEVELOPPEMENT FINANCE PAR LE CRDI, LA FONDATION ROCKEFELLER,
LA FONDATION MAC ARTHUR, LA SAREC ET LE MINISTERE FRANCAIS DE LA COOPERATION
Code Number: uaps95004
TABLE DES MATIERES
AVANT-PROPOS
I. INTRODUCTION
II. LE CONTEXTE SOCIAL DE LA FECONDITE DANS L'ADOLESCENCE
2.1 L'ambiguïté du terme adolescente
2.2 L'adolescence dans la société traditionnelle
2.3 L'adolescence dans la société moderne
III. METHODOLOGIE
3.1 Cadre analytique
3.2 Source des données et méthodes
IV. RESUME DES PRINCIPAUX RESULTATS
4.1 La fécondité et ses déterminants
4.2 Conséquences de la fécondité des adolescentes sur
la santé de la mère
V. IMPLICATIONS POUR LA POLITIQUE DE POPULATION
BIBLIOGRAPHIE
Avant-propos
L'Afrique est le continent où les problèmes
de population se posent avec le plus d'acuité. Ces problèmes
ont des répercussions dans tous les domaines de la vie. La prise de
conscience de ces problèmes et la pénurie de spécialistes
africains des questions de population avaient amené les gouvernements à mettre
sur pied, avec l'aide des Nations-Unies, un certain nombre d'institutions régionales
de formation en démographie.
Cependant, en dépit du nombre important de démographes
formés au cours des deux dernières décennies, l'amélioration
de la base des données démographiques et de l'engagement manifesté par
les gouvernements, la prise en compte des facteurs démographiques dans
les stratégies de développement est demeurée très
timide. Ces résultats mitigés sont imputables, en grande partie, à l'insuffisance
des connaissances théoriques et empiriques concernant le caractère
dynamique des systèmes socio-économiques et démographiques
et aux difficultés à traduire les politiques en programme d'action.
Or, la majeure partie des spécialistes formés
dans le domaine de la population se retrouvent souvent livrés à eux-mêmes,
isolés dans des structures mal préparées à utiliser
leurs compétences. De plus, avec la persistance de la crise économique
que traverse le continent, les pays africains n'ont pas la possibilité de
faire face aux besoins en financement de la recherche. Aussi est-il rare que
ces spécialistes disposent de moyens leur permettant d'entreprendre
des recherches.
C'est pour répondre à l'ensemble de ces problèmes
que l'UEPA s'est engagée dans la mise en oeuvre d'un Programme de Petites
Subventions pour la Recherche en Population et Développement. Ce Programme
a pour objectif principal d'aider les jeunes spécialistes africains à renforcer
leur capacité de recherche dans le domaine des interrelations de la
population et du développement. Par cette initiative, l'UEPA espère
contribuer non seulement à assurer la relève dans de bonnes conditions
mais aussi, et surtout, à améliorer la connaissance des questions
de population en Afrique, dans une perspective globale et intégrée.
Depuis sa création, le Programme de Petites Subventions
a reçu plus de 800 demandes de financement. Au total 81 chercheurs ont
eu à bénéficier de financement dont 29 au cours de la
1ère phase du Programme (1986-1991) et 52 au cours de la seconde phase
(1992-1995). Les recherches financées au cours de la 1ère phase
ont donné lieu à la production de 26 rapports dont 8 ont déjà été publiés
et 9 autres sont en cours d'édition. Ces recherches couvrent un vaste éventail
de sujets d'actualité. Elles ont consisté en des monographies
explorant en profondeur les problèmes étudiés (urbanisation,
exode rural, enfants de la rue, statut de la femme, stratégies de reproduction,
etc.).
Dans l'ensemble, la moisson du Programme de Petites Subventions
est impressionnante tant en ce qui concerne la formation à la recherche
que les résultats obtenus. Les mérites de ce Programme sont d'autant
plus importants que sa conception et son orientation répondent bien
aux préoccupations de l'heure. Il a adopté une perspective ouverte
des questions de population intégrant les aspects économiques,
culturels et strictement démographiques. De plus, il met l'accent sur
la formation à la recherche, dans les pays mêmes, contribuant
ainsi à maintenir les compétences sur place et à développer
la capacité des institutions nationales. Enfin, de par sa philosophie,
le Programme favorise l'intégration régionale et la collaboration
entre francophones et anglophones.
La présente étude qui fait partie du lot de
rapports produits dans le cadre du Programme, porte particulièrement
sur la fécondité des adolescentes au Sénégal. Elle
s'appuie essentiellement sur l'exploitation des données de l'Enquête
Démographique et de Santé (EDS) du Sénégal de 1986
concernant la menstruation, la nuptialité et la fécondité de
rang 1 des femmes sénégalaises avant le 20ème anniversaire.
La problématique dominante de cette étude est
l'analyse de l'évolution éventuelle de la primo-fécondité avant
20 ans dans les différentes générations sous observation.
C'est à l'évidence un sujet très important et l'approche
longitudinale utilisée est particulièrement pertinente, dans
le contexte actuel de la recherche internationale où la "fécondité des
adolescentes" est devenue un "problème", donc un argument pour renforcer
les programmes de planification familiale.
N. J. DIOP développe une argumentation intéressante,
démontrant que la fécondité des adolescentes pose à la
fois des problèmes de santé et d'acceptabilité sociale.
Les conclusions de cette étude sont d'autant plus intéressantes
qu'elles ne vont pas toujours dans le sens escompté et ont débouché sur
des recommandations pragmatiques.
Je tiens à féliciter N.J. DIOP pour le travail
novateur et intéressant qu'elle nous offre dans les pages qui suivent.
De plus, je voudrais remercier tous ceux qui, de près ou de loin, (donateurs,
superviseurs des lauréats et lecteurs des rapports de recherche) ont
contribué à l'aboutissement de cette étude.
Puisse ce Programme stimuler encore davantage la réflexion
sur les relations complexes qui existent entre la population et le développement
et permettre aux chercheurs d'assurer leur responsabilité scientifique
dans la lutte pour le développement de l'Afrique.
Enfin, je voudrais, ici, rendre un vibrant hommage à feu
Richard HOROWITZ, ex-représentant régional de la Fondation Ford
pour l'Afrique qui, avec Sidiki COULIBALY, actuellement Directeur du FNUAP
au Sénégal, ont porté ce Programme sur ses fonts baptismaux.
Prof. Mumpasi LUTUTALA
Président de l'UEPA
I. INTRODUCTION
L'étude de la fécondité des adolescentes
a été longtemps assimilée à celle de la fécondité générale,
avant que ne s'impose la nécessité d'étudier spécifiquement
ce groupe de femmes. C'est aux Etats-Unis que l'intérêt pour ce
sujet, en tant qu'objet d'étude, est né avec l'arrivée à l'adolescence,
dans les années 1960, des générations du "Baby Boom".
Sous l'influence de facteurs d'ordres variés ces générations
avaient adopté des comportements différents de ceux des générations
précédentes, en particulier une plus grande pratique de la sexualité avant
le mariage (Furstenberg, 1976; Elder, 1980).
Le recours à l'avortement, la nécessité d'une éducation
sexuelle et d'offre de services de planning familial dans les écoles
firent l'objet d'un vif débat sur les plans moral, politique et législatif.
Les raisons de ce débat sont diverses: pour Geronimus (1986), ce sont
les risques pour la santé de la mère et de l'enfant; d'autres
le justifient par le désir d'une politique plus égalitaire à l'égard
des minorités, puisqu'on estime qu'environ 63 % des jeunes filles noires
aux Etats-Unis sont touchées par le problème (Davis, 1988; NRC,
1987). Pour Phipps-Yonas (1980), le fait est que la question n'est plus exclusivement
un problème de sous-culture, puisqu'il est également en augmentation
chez les adolescentes blanches. Enfin, certains auteurs ont mis en avant le
coût économique de la grossesse précoce (Moore, 1978; NRC,
1987).
En Afrique, cette question commence à susciter un intérêt
particulier. Elle n'est pas encore perçue comme un problème partout.
Mais pour Gyepi-Garbrah (1985), si l'on se place dans une perspective de diminution
de la fécondité, la contribution des naissances des adolescentes
est considérable. Pour Nichols et ses collègues (1986), les grossesses
avant le mariage deviennent de plus en plus importantes au Nigéria et
au Libéria à cause des changements socio-culturels. Senderowitz
et Paxman (1986) les conséquences sociales et médicales de la
fécondité précoce sont trop importants pour qu'on les
ignore. Bamikale et Pebley (1989) parlent d'une désorganisation de la
société traditionnelle.
D'un autre côté, les taux d'urbanisation et de
scolarisation qui augmentent sans cesse on contribué à amplifier
ce phénomène en Afrique. En effet, depuis deux décennies
un nombre croissant de filles sont scolarisées et urbanisées
(Nichols et al., 1986). Or ces jeunes filles ont tendance à se
marier plus tard, et c'est à elles que le dilemme de l'adolescence se
pose le plus (Cherlin et Riley, 1986; Ladipo et al., 1983). Des études
ont révélé que dans cette population les taux d'activité sexuelle,
de grossesse et d'avortement sont très élevés (Oronsaye
et Odiase, 1983; Oyeka, 1986; Gyepi-Garbrah, 1985; Ladipo et al., 1983;
Nichols et al. 1986; Akuffo, 1987).
Certains aspects de la culture africaine et de la structure
sociale influenceraient également le comportement des adolescentes urbaines.
L'autorité du groupe familial se serait affaibli et aurait provoqué un
relâchement du contrôle familial sur ses membres, laissant plus
de liberté à l'adolescente (Gyepi-Garbrah, 1985). Cette plus
grande liberté conjuguée aux images d'une liberté sexuelle
venue d'Occident entraînerait une plus grande propension aux relations
sexuelles avant le mariage (Bamikale et Pebley, 1989; Demehin, 1983).
D'autres études ont montré que la cohabitation
et la promiscuité dans les villes étaient telles qu'elles poussaient
les enfants dans la rue, où ils étaient livrés à eux-mêmes
(Jean-Bart, 1988; Demehin, 1983). Ces idées ont été reprises
par Cherlin et Riley (1986) qui, dans un effort de conceptualisation, affirment
que l'activité sexuelle des adolescentes célibataires aujourd'hui
peut s'expliquer par les deux raisons suivantes: "l'adaptation rationnelle" et
la "désorganisation sociale".
La désorganisation sociale fait partie intégrante
de la théorie générale de la modernisation. Cette dernière
stipule l'affaiblissement des structures traditionnelles et le relâchement
du contrôle des aînés sur les jeunes dans la famille. Les
comportements nouveaux ainsi nés sont orientés plus vers la satisfaction
personnelle et la gratification émotionnelle, que vers la responsabilité familiale.
Dans ce cadre les relations sexuelles seraient spontanées et ne répondraient à aucun
but particulier.
L'adaptation rationnelle serait plutôt liée à la
théorie de la dépendance. Ce modèle se fonde surtout sur
les effets de la pauvreté des populations. Les adolescentes qui arrivent
en ville à la recherche de plus de pouvoirs économiques n'ont
souvent pas d'autres choix que de compter sur l'aide d'un "ami" pour leur payer
leurs études ou leur offrir des cadeaux, des habits, de l'argent ou
du travail en échange de faveurs sexuelles (Cherlin et Riley, 1986;
Caldwell, 1990; Akuffo, 1987), qui peuvent même mener au mariage. S'engager
dans les relations sexuelles est donc une décision rationnelle.
Dans la littérature sur la procréation des adolescentes
en Afrique, comme pour les pays développés, la fécondité des
adolescentes mariées a été très peu étudiée.
L'accent a essentiellement été mis sur l'activité sexuelle
des jeunes filles urbaines fréquentant l'école. Si cette démarche
se justifie dans les pays développés où plus de 90 % des
adolescentes sont célibataires et font des études, par contre
en Afrique où plus de la moitié des adolescentes sont mariées
et non instruites elle n'est pas très efficace car elle ne prend pas
en compte la majeure partie du public cible devant faire l'objet d'un programme
d'intervention.
Notre étude s'était fixée trois objectifs
fondamentaux: d'abord réactualiser la définition du concept d'adolescence
en le replaçant dans le contexte sénégalais; puis, après
avoir indiqué les déterminants de la fécondité des
adolescentes au Sénégal, tracer le cadre théorique pour
une recherche socio-démographique en Afrique; enfin comparer le comportement
des adolescentes à celui des femmes plus âgées pour déterminer
les raisons pour lesquelles le comportement qui est le principal déterminant
de la morbidité et de la mortalité maternelle et infantile est
plus négatif chez les adolescentes (Hobcraft, 1991; Adelunke et al.,
1992; Geronimus, 1987;1991; Leslie et Gupta, 1991).
II.LE CONTEXTE SOCIAL DE LA FECONDITE DANS L'ADOLESCENCE
2.1 - L'ambiguïté du terme "adolescence"
Dans la plupart des dictionnaires, l'adolescence est définie
comme "le processus à travers lequel un individu fait la transition
du stade de l'enfance à celui d'adulte". L'adolescence se caractérise
par des efforts pour atteindre "un développement social, physique, mental
et émotionnel" (Elder, 1980). Alors que le début de l'adolescence
est couramment associé dans la plupart des cultures au début
de la puberté, la fin de l'adolescence est rarement définie clairement
(Senderowitz et Paxman, 1985; WHO, 1986). Senderowitz et Paxman (1985) pensent
que la définition de l'adolescence peut varier d'une culture à l'autre,
tant que certains critères reconnus comme ceux d'un adulte ne se sont
pas manifestés.
S'il est couramment accepté que l'adolescence est la
période de vie où l'individu fait la transition du stade de l'enfance à celui
d'adulte, il est par contre difficile de situer où finit cette enfance
et où commence l'âge adulte. En tout état de cause, dans
chaque société, un événement particulier marque
et légitime la fin de l'adolescence. Cependant, comme le souligne Elder
(1980), ce qui définit l'adolescence ce n'est pas la puberté,
ou la croissance soudaine, ou le processus de maturation générale,
mais plutôt la perception de cette maturation communément admise
dans la société considérée. Comment les sénégalais
perçoivent-ils l'adolescence?
2.2 - L'adolescence dans la société traditionnelle
sénégalaise
Dans la société traditionnelle sénégalaise,
l'influence de l'âge est en effet primordiale et le respect de l'aîné est
important, suivant la hiérarchisation prônée par la société (Diop,
1981). Selon ces normes, l'éducation de l'enfant, puis de l'adolescent,
et l'apprentissage de son métier sont assumés par les membres
de la famille étendue. Ceux-ci forment le caractère de l'individu
et son orientation professionnelle (Miske-Talbot, 1984).
La concession est un instrument de contrôle social car
elle règle la vie de ses membres. Le contrôle social est d'autant
plus nécessaire que le comportement d'un individu peut valoir à tout
le lignage une condamnation ou une célébrité (Ayodele,
1983; Miske-Talbot, 1984). La surveillance des membres les uns par les autres
est encore plus forte pour les adolescentes qui sont dans une période
d'apprentissage du rôle de femme. Car la fille n'allant pas à l'école
apprend très tôt son futur rôle de femme et de mère
sous la surveillance de sa mère et des autres membres féminins
de la concession. Des responsabilités lui sont progressivement confiées,
de sorte que dès qu'elle atteint la puberté, on la donne en mariage.
Cependant les filles jouissent également d'une autonomie
relative au sein des classes d'âge. En effet, l'importance des pairs
dans le développement social de l'enfant est largement reconnue par
la société traditionnelle. Comme le disent Kelly et ses collègues
(1987), l'adolescent(e), a, avec les parents, les soeurs et les pairs du même
sexe et du sexe opposé des relations différentes avec les mêmes
personnes, durant l'enfance. Les relations entre pairs deviennent plus intenses,
et les relations avec la famille sont moins fortes. Les sociétés
traditionnelles reconnaissent également cette différence et la
classe d'âge est une institution dans laquelle l'enfant puis la jeune
fille vont s'épanouir.
Sous diverses formes (chansons, contes, proverbes) les normes
et les valeurs de la société (honneur pour elle et sa famille,
pudeur, dignité, respect de soi-même, et surtout la tolérance
et la patience dans son futur ménage) sont rappelées à la
fille car ce sont eux qui feront d'elle une bonne épouse. L'adolescente
doit rester vierge et chaste, et observer une règle de conduite lui
permettant de protéger sa virginité et sa fécondité future
(Miske-Talbot, 1984; Ayodele, 1983; Diop, 1981).
Le mariage et la sexualité de la femme ne sont conçus
qu'en rapport avec la fécondité. Le mariage et la procréation
sont perçus comme un devoir de l'individu, pour la survie et la régulation
de la société (Miske-Talbot, 1984). Aussi la fécondité précoce
est-elle encouragée, car valorisante pour la femme, pour l'homme et
pour le lignage.
Ce caractère précoce du mariage et de la procréation
a fait dire que l'adolescence dans la société traditionnelle
est une notion qui n'existe pas, puisque dès que la fille atteint la
puberté elle est donnée en mariage (Chui, 1978), car le mariage
est synonyme de respectabilité, de maturité et de statut d'adulte.
La maternité est également reconnue comme telle. C'est pourquoi
quand elle arrive en dehors du mariage, l'adolescente perd tous ses privilèges
de jeune fille, dont la prise en charge matérielle et sociale par les
parents. Ce système a prévalu pendant plusieurs siècles
au Sénégal. Les changements apparus depuis quelques décennies,
n'ont surtout touché que le milieu urbain.
2.3 - L'adolescence dans la société moderne
La colonisation a entraîné de rapides changements économiques,
administratifs et religieux dans les sociétés africaines. La
manifestation de ces changements dans la structure sociale est complexe. La
société moderne s'est installée en milieu urbain sous
les effets conjugués de la monétarisation de l'économie,
de l'introduction de l'instruction, des médias, de différentes
importations technologiques et de la religion.
Si la famille reste encore pour beaucoup l'institution sociale
de base, son autorité est cependant réduite (Caldwell, 1991;
Diop, 1985). Dans les sociétés africaines modernes, les relations
entre les parents et les enfants sont différentes de ce qu'elles étaient
dans les sociétés traditionnelles. En effet, au fur et à mesure
que la société devient technologiquement avancée, l'éducation
de l'individu passe plus par l'instruction, la télévision et
la radio, la presse et de nouvelles idées qui créent des comportements
différents. Ces comportements nouveaux affectent la perception que la
société a de l'adolescence.
L'éducation des jeunes, et des filles en particulier,
passe par le réseau scolaire, et ne les prépare pas seulement à des
rôles d'acteurs à l'intérieur de la famille, mais aussi à ceux
d'acteurs dans un nouvel environnement où la réussite de l'individu
n'est plus lié à son lignage, mais résulte à sa
capacité à assimiler un savoir "scientifique" et à innover.
L'apprentissage y est surtout beaucoup plus long et perturbe ainsi l'emploi
du temps normatif en allongeant la période entre l'enfance et le mariage.
C'est ce qui a fait dire à Chui (1978).qu'il y a une émergence
de la période d'adolescence.
Cette période d'adolescence est source de conflits.
Dans la société moderne, les activités que mènent
les groupes d'adolescents les éloignent des adultes de plus en plus
et la séparation des sexes n'est plus aussi prononcée. Toutes
les nouvelles activités récréatives, tels le cinéma
ou les soirées dansantes, raccourcissent le temps passé dans
le cercle familial. Dans la société moderne africaine l'adolescent
commence à ressembler à celui des pays occidentaux.
Ainsi, son entourage commence à le percevoir différemment.
Il devient économiquement indépendant et ne commence à prendre
part à l'entretien de la communauté que très tard. Il
devient de plus en plus inutile et mérite de moins en moins qu'on lui
confie des responsabilités car il se comporte de moins en moins comme
membre du groupe collectif. Ainsi, bien que biologiquement mûr, il est
socialement immature.
L'adolescent lui-même a subi un changement dans son
comportement. Il développe sa culture propre, qui génère
un type de vie différent comportant ses propres codes, ses goûts
en musique et en danse, et ses idées sur la morale. Le contenu de ces
styles change à travers le temps, mais il contient toujours le même
message: une expression de ségrégation et l'opposition à la
société des adultes (Kelly et Hansen, 1987).
Dans la société moderne le groupe des pairs
sert de tremplin à l'adolescent pour passer de l'enfance au stade d'adulte
et de l'emprise de la famille à une prise en charge personnelle. Les
adolescentes sénégalaises en milieu urbain apprennent en imitant
les pairs, et les masse-médias jouent un rôle important dans la
vulgarisation des modes vestimentaires et des nouvelles valeurs créées
par les jeunes des sociétés occidentales.
En outre, avec l'introduction du travail mécanisé suite à la
modernisation, un mouvement des populations du milieu rural vers le milieu
urbain commence. La migration des adolescentes vers les villes, que ce soit
avec leur famille ou toutes seules à la recherche d'un travail, tel
le mouvement des jeunes filles diolas et serers vers Dakar et d'autres villes
secondaires à la recherche d'un travail de domestique, entraîne
le passage rapide d'un système traditionnel à un système
moderne. L'adolescente n'est plus en mesure d'intérioriser un système
cohérent de barrières normatives suffisantes pour prévenir
certains comportements. Ainsi, sans référence ni guide sûr
quant à la manière de faire face aux situations nouvelles qu'elles
rencontrent en ville les adolescentes commencent à adopter des comportements
différents. Le tiraillement entre des valeurs traditionnelles et des
habitudes modernes en est d'autant plus accru quand leur famille est restée
au village.
Ces deux perceptions de l'adolescence au Sénégal
vont se répercuter sur la fécondité des adolescentes.
Ainsi, selon l'une ou l'autre perception de l'adolescence, la fécondité précoce
sera appréhendée différemment. Dans la société traditionnelle,
la grossesse précoce est acceptée et souhaitée par la
société, et elle s'insère dans le programme normatif traditionnel.
Donc dans l'Afrique traditionnelle, la fécondité durant l'adolescence
n'est pas un problème social. Dans la société moderne
où l'activité sexuelle semble être devenue plus fréquente,
l'appréciation des grossesses chez des jeunes filles célibataires
a beaucoup évolué.
Dans le cas d'une grossesse avant le mariage, la maternité des
adolescentes est considérée comme perturbant le cycle de vie
normal de la mère. C'est ce que Furstenberg (1976) appelle "la perturbation
du programme normatif", dans la mesure où les adolescentes, et dans
une large mesure toute la communauté, se retrouvent dans une transition
de statut prématurée, les propulsant dans des positions qu'elles
ne sont pas prêtes à assumer. Ces grossesses sont fortement rejetées
par la famille et par l'entourage, et créeront des difficultés
d'intégration pour la mère.
Dans quelles mesures les deux approches de l'adolescence ainsi
déjugées, l'évolution sociale qui en a résulté ainsi
que le relâchement de l'autorité familiale affectent-ils la puberté,
le mariage et la maternité avant l'âge de vingt ans? C'est ce
que nous nous proposons d'étudier sans oublier d'analyser les raisons
pour lesquelles le comportement des adolescentes est plus négatif que
celui des mères plus âgées pour ce qui concerne l'usage
des services de santé.
III - METHODOLOGIE
3.1 - Cadre analytique
3.1.1 - Modèle pour l'étude de la fécondité et
des déterminants
La transition de l'état d'adolescente à celui
d'adulte est étudiée selon une perspective longitudinale, afin
de mieux cerner le changement social. L'approche du cycle de vie permet de
mieux comprendre les liens qui existent entre l'âge et le temps (Elder,
1980). Trois modalités temporelles sont définies:
L'effet d'âge (lifetime); il se rapporte
davantage au processus de croissance physique de l'individu. Cette étude
cherchera à identifier les adolescentes. La puberté sera utilisée
pour cerner l'effet d'âge.
L'effet de moment (social time); il s'intéresse
plus à la différenciation d'âge pour l'enchaînement
des événements et des rôles. Cette idée est cernée à partir
des deux perceptions de l'adolescence. En effet, avec l'évolution de
la notion d'adolescence, la société accepte un enchaînement
des rôles différent selon que l'on se trouve dans le système
traditionnel ou dans le système moderne. Le mariage et la maternité font
davantage appel au rôle et aux normes de la société. Ces
variables seront utilisées pour comprendre l'effet de moment, qui est
utilisé ici dans un schéma urbain-rural.
L'effet de cohorte (historical time) est plutôt
axée sur la différenciation et la succession des rôles
des cohortes, avec leur influence sur les modes de vie. Cette étude
cherchera à identifier les différences dans l'apparition des événements
selon les générations.
Pour l'étude des déterminants, étant
donné que l'EDS a interroger les femmes âgées de 15 à 49
ans au moment de l'enquête, la limite supérieure du cadre de réflexion
sera l'âge de 20 ans. Cependant avec des données rétrospectives,
les événements ont pu survenir à n'importe quel âge.
Une adaptation au cadre sociologique développé plus haut, qui
indique que la fin de l'adolescence est marquée par le mariage ou la
maternité, consiste à utiliser comme définition "tout événement
survenu avant l'âge de vingt ans", sans précision sur la borne
inférieure. Et cela pour toutes les générations de l'enquête.
3.1.2 - Modèle pour l'étude des conséquences
médicales de la grossesse
Les conséquences médicales de la grossesse à l'adolescence
sont dans une large mesure fonction du comportement des mères pendant
la grossesse. La décision de la mère d'utiliser les services
de santé se fonde selon la littérature, sur trois groupes de
facteurs: les facteurs prédisposants, les facteurs renforçants
et les facteurs facilitants (Green et al., 1980). Les facteurs prédisposants
sont des éléments antérieurs au comportement et qui vont
entraîner la motivation du comportement. Les facteurs facilitants précèdent
le comportement et vont permettre la réalisation (ressources personnelles
ou communautaires). Les facteurs renforçants sont les éléments
qui agissent subséquemment. Ce modèle est appelé dans
la littérature de la santé, le modèle PRECEDE.
3.2 - Source des données et méthodes d'analyse
Cette étude est basée principalement sur les
données de l'Enquête Démographique et de Santé (EDS)
de 1986. La méthodologie utilisée pour l'analyse de la fécondité et
de ses déterminants fait appel aux tables de survie. Celles-ci permettent
d'éviter des erreurs systématiques, d'utiliser toutes les données
et de tirer parti de l'information des histoires incomplètes puisque
dans une enquête transversale comme celle de l'EDS, l'expérience
ou l'exposition à un risque de certaines femmes de l'échantillon
est interrompue par l'enquête, c'est-à-dire que les événements
ultérieurs ne sont pas saisis.
Par ailleurs, pour la plupart des tables comparant les générations,
on a utilisé des tables brutes qui décrivent la survenance des événements
en l'absence de phénomènes perturbateurs, permettant ainsi la
description d'un phénomène à l'état pur (Smith,
1980). Ensuite, on a construit des tables nettes qui tiennent compte de deux
phénomènes concurrents. Il s'agissait de considérer deux
causes d'éventualité: les conceptions prénuptiales et
les mariages avant la conception (Smith, 1980).
On a également utilisé des tables d'occurrence
sur la durée de l'intervalle protogénésique selon l'âge
au mariage. Enfin, on a appliqué des régressions logistiques
pour décrire les relations entre les variables dépendantes à deux
modalités et les facteurs de risque, considérés comme
les variables indépendantes pour l'étude des conséquences
médicales à savoir:
- Si la femme a eu une consultation prénatale durant
sa grossesse, et si oui, qui a-t-elle vu?
- Si elle a reçu une injection contre le tétanos
durant la grossesse?
- Qui l'assistait durant sa délivrance?
IV - RESUME DES PRINCIPAUX RESULTATS
4.1 - La fécondité et ses déterminants
4.1.1 - La puberté
Les tables de survie n'ont pas fait état d'une baisse
de l'âge aux menstruations pour les générations nées
entre 1946 et 1971. Il faudrait une observation plus longue et des données
plus fiables pour pouvoir tirer des conclusions nettes.
Cependant selon certaines caractéristiques socio-économiques
comme la résidence et l'instruction, la courbe d'extinction de la puberté des
femmes les plus instruites est celle qui décroît le plus vite
pour la génération âgée de 15-19 ans au moment de
l'enquête,. En supposant que les femmes les plus instruites et qui vivent
en milieu urbain sont celles qui sont les mieux nourries, le changement dans
ce groupe confirme ce qui a déjà été vérifié dans
plusieurs pays. Dans les autres groupes d'âge, cette relation n'existe
pas ou est moins marquée. Ceci n'est pas surprenant dans la mesure où rien
ne laisse supposer que dans le passé les conditions de nutrition étaient
meilleures en milieu urbain, ou pour les femmes instruites.
Si dans la littérature il est admis que l'âge à la
puberté décline avec l'amélioration du niveau nutritionnel
(Burrel, Healy et Tanner, 1961; Gyepi-Garbrah, 1985; Senderowitz et Paxman,
1986), avec les données du Sénégal, cette hypothèse
n'a pas pu être confirmée.
4.1.2 - Les relations entre l'âge à la
puberté et l'âge au premiermariage
Le calendrier du mariage selon l'âge auquel les femmes
ont eu leur puberté montre que, lorsque l'âge à la puberté est
précoce, l'âge au mariage l'est également. Il apparaît également
que l'intervalle entre la puberté et le mariage est très court.
Ainsi l'arrivée des menstruations chez une adolescente incite les parents à organiser
le mariage ou la consommation du mariage. En effet, la relation qui a été établie
entre l'âge à la puberté et l'âge au mariage montre
que l'apparition des menstruations entraîne une reconnaissance de la
fille par la société car celle-ci est considérée
comme physiquement mûre pour la reproduction et donc pour le mariage.
Ceci confirme que la puberté est un déterminant non négligeable
de la formation des familles.
4.1.3 - L'âge au premier mariage
Même si le mariage est quasi universel, peu de personnes
restant définitivement célibataires, il apparaît que des
mutations importantes sont en train de se produire dans le calendrier de la
nuptialité. La proportion de femmes mariées avant 20 ans a régulièrement
diminué au fur et à mesure que les générations
sont plus jeunes. Le test du khi² le confirme en se révélant
significatif au seuil de 1 %.
Puisque socialement le mariage marque la fin de l'adolescence,
la durée de l'adolescence peut en être affectée. Si quatre
cinquièmes de la génération née en 1941-1947 n'étaient
plus adolescentes avant d'atteindre le vingtième anniversaire, c'est
la moitié de la génération née en 1966-1971 qui
ne l'est plus avant d'atteindre le vingtième anniversaire. Il y a donc
eu un allongement progressif de l'adolescence. En milieu urbain l'allongement
de l'adolescence a été réellement amorcé avec les
générations nées à partir de 1957. En milieu rural
la transition a également été amorcée, mais avec
un retard de deux groupes quinquennaux de générations par rapport
au milieu urbain. Elle a donc été nettement plus lente.
Ainsi l'adolescence est une période courte en milieu
rural, et plus longue en milieu urbain. Mais ce que les données ont
pu montrer c'est que cette différence, qui n'était pas significative
avec les générations plus âgées, le devient avec
les jeunes générations. Ceci confirme bien le schéma d'étude
qui a été proposé, à savoir que l'on a deux systèmes
sociaux au Sénégal. Alors que dans le passé, il n'y avait
qu'un seul système, dans lequel la transition de l'adolescence était
pratiquement la même pour les deux zones de résidence, aujourd'hui,
cette transition de l'adolescence est beaucoup plus longue dans le système
moderne, car l'écart s'est creusé au fur et à mesure que
le milieu urbain devenait prépondérant et se modernisait.
4.1.4 - L'âge à la première maternité
L'âge de la première naissance a très
peu augmenté au fil du temps. Le gain a été exclusivement
apporté par la jeune génération. Il est resté constant
pendant trois générations, puis il a légèrement
augmenté avec les générations nées entre 1961 et
1966, et n'a commencé à baisser qu'avec les générations
nées après 1966.
L'âge au mariage ayant régulièrement reculé,
on aurait dû assister à une tendance similaire pour l'âge à la
première maternité qui est restée stable. Les adolescentes
vivant en zone rurale continuent à avoir leur première naissance
beaucoup plus tôt que celles du milieu urbain. Mais la différence
n'est significative que pour les quatre premiers groupes d'âge à l'enquête.
Pour les groupes 40-44 ans et 35-39 ans, la différence n'est pas significative.
Si on considère le niveau d'instruction, on observe
le même schéma pour toutes les générations. Plus
les femmes ont de l'instruction, plus elles retardent leur première
naissance. La différence constatée à 19 ans entre les
différents niveaux d'instruction est significative pour tous les groupes
d'âge, même si le seuil de signification augmente, quand on passe
des jeunes âges aux plus anciens. Par contre, quand on considère
séparément les catégories d'instruction il n'y a pas de
différence significative de l'âge de la maternité entre
les 40-44 ans et les générations plus jeunes.
4.1.5 - Les conceptions prénuptiales
Les données disponibles n'ont pas confirmé l'hypothèse
de l'augmentation des conceptions prénuptiales au Sénégal.
Il n'y a pas eu d'augmentation de la fécondité de rang 1 avant
le mariage, mais le pourcentage des femmes qui ont vécu une naissance
prénuptiale comme premier événement avant 19 ans est en
augmentation. Ceci semble traduire un changement amorcé avec les générations
nées à partir de 1961.
En contrôlant avec le milieu de résidence, on
a pu voir que pour l'ensemble des femmes, il n'y a pratiquement pas de différence
de comportement. Cependant en observant chaque génération distinctement,
on constate que c'est surtout la génération des femmes vivant
en milieu urbain et âgée de 15-19 ans au moment de l'enquête
qui semble avoir le comportement relevé dans l'hypothèse précédente.
Pour les autres groupes d'âge les pourcentages sont plus importants en
milieu rural.
Ainsi c'est en milieu urbain qu'un net changement de comportement
s'est opéré puisque dans la jeune génération, les
jeunes filles de 15-19 ans passent en plus grand nombre au statut d'adulte
en commençant par une maternité. Ce qui ressort également
de cette analyse, c'est le niveau élevé de ce pourcentage chez
les femmes ayant eu une éducation primaire.Ceci confirme la théorie
selon laquelle plus le temps entre le début de l'adolescence-qui se
caractérise par l'apparition des menstruations-et la fin de l'adolescence-qui
est souvent identifiée au mariage-est long, plus le risque est grand
pour la jeune fille d'avoir des rapports sexuels avant le mariage, et probablement
une grossesse.
L'étude de l'intervalle protogénésique
montre que plus l'âge au mariage augmente, plus il y a un raccourcissement
de l'intervalle entre le premier mariage et la première naissance. Il
y a donc une nette tendance à la hausse de la fécondité pendant
les premières années de procréation lorsque l'âge
au mariage augmente. Ce phénomène s'accompagne d'une augmentation
des conceptions prénuptiales.
4.2 - Les conséquences médicales de la grossesse
précoce
Les soins de santé durant la grossesse ne sont pas
encore systématiques pour les femmes sénégalaises. Non
seulement un tiers des femmes n'ont pas reçu de vaccin contre le tétanos
durant leur grossesse afin de prévenir la mortalité néo-postnatale
de leur enfant, mais ce comportement est encore plus négatif chez les
jeunes mères. Même en prenant en compte des caractéristiques
socio-économiques, pourtant très discriminantes, la différence
de comportement reste très significative pour les très jeunes
mères de moins de 18 ans. En outre, la résidence en milieu rural
et l'analphabétisme sont les facteurs les plus fortement associés à la
non vaccination.
Un tiers des femmes n'ont eu aucune visite prénatale
durant leur grossesse. Pour les très jeunes mères, le risque
de ne pas se faire consulter est fortement significatif et le demeure même
quand on prend en considération des variables socio-économiques.
Le fait d'être pauvre, d'habiter en milieu rural, d'être analphabète
et d'être mariée est fortement lié à l'absence de
visite médicale de qualité.
Quant à l'assistance à l'accouchement, ce sont
les très jeunes mères qui ont le comportement le plus positif.
Cependant ce comportement positif disparaît quand on prend en compte
la qualité de l'assistance. Les très jeunes mères, à cause
de leur manque d'expérience, sont prises en charge par les femmes plus âgées,
et ont donc plus tendance à avoir recours aux services matrones (accoucheuses
traditionnelles).
Par ailleurs, l'examen des variables indépendantes
montre que le facteur "existence de service" est plus discriminant pour l'utilisation
des structures de santé que les facteurs liés aux caractéristiques
des utilisatrices. En effet, l'absence des services en milieu rural explique
largement le fait que les femmes ont moins recours aux services de santé.
En milieu urbain une proportion non négligeable de femmes n'ont pas
recours aux soins de santé. Pour celles-ci, ce n'est pas faute de disponibilité de
service, mais plutôt pour des raisons liées aux horaires des services
de planification familiale, à la qualité des soins, à l'éducation
ou à d'autres blocages culturels.
V - IMPLICATIONS POUR LA POLITIQUE DE POPULATION
De cette étude on peut dire que la mise en place d'une
politique de santé plus dirigée vers les jeunes mères
améliorerait davantage l'état sanitaire de la population. Les
campagnes de planification familiale, mettant l'accent sur la nécessité de
retarder la maternité durant la très jeune adolescence, pourraient également
avoir un effet positif accru sur la santé de la mère. De plus,
toute politique visant à élever l'âge au mariage devrait être
accompagnée des mesures nécessaires pour empêcher que la
réalisation de l'objectif poursuivi ne donne lieu à une augmentation
de la fécondité et des conceptions prénuptiales.
Par ailleurs, il est urgent que les 60 % de femmes rurales
qui continuent à recourir aux soins de santé traditionnels aient
accès aux services de santé modernes.
Aussi, est-il particulièrement urgent de prendre des
mesures pour parer à ces problèmes. Les campagnes d'IEC qui sont
la base du Programme National de Planification Familiale ont essentiellement
un message d'espacement des naissances. Cela veut dire que ce sont surtout
les femmes déjà mères qui sont visées. Aussi, faudrait-il
développer un Programme de Planification Familial spécifiques
aux jeunes, non seulement du point de vue IEC, mais surtout du point de vue
clinique.
La problématique de la fécondité des
adolescentes et ses multiples conséquences pourraient prendre de l'ampleur
dans les années à venir, dans la mesure où "la modernisation" de
la société ne fait que s'accélérer. Même
les politiques d'aide internationale et d'ajustement structurel concourent à accroître
le problème. L'instruction est de plus en plus nécessaire, mais
en même temps, les possibilités d'insertion sur le marché de
l'emploi se réduisent. La scolarisation des jeunes filles au niveau
du secondaire et du supérieur s'accélère. La médiatisation
d'une culture occidentale, créant une universalité de la culture "jeune" s'établit.
Le désir, mais surtout les possibilités de mariage se rétrécissent
dans la mesure où celles-ci sont fortement liées à la
situation économique, l'avortement clandestin se vulgarise, créant
de sérieux problèmes sanitaires. Tous ces éléments
vont contribuer à rendre le problème encore plus sérieux
dans l'avenir.
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