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Reports from
Union of African Population Studies / L'Union pour l'Etude de la Population Africaine

Num. 24, 1996
POUR UNE APPROCHE SOCIO-ECONOMIQUE DE LA DELINQUANCE

Union for African Population Studies, Rapport de Synthese / Summary Report, Numéro/Number 24, Mai/May 1996

UNION POUR L'ETUDE DE LA POPULATION AFRICAINE UNION FOR AFRICAN POPULATION STUDIES

POUR UNE APPROCHE SOCIO-ECONOMIQUE DE LA DELINQUANCE A COTONOU

Micheline Agoli-Agbo

Centre de formation et de recherche en matière de population (CEFORP), Université de Bénin

Code Number: uaps96024

TABLE DES MATIERES

LISTE DES TABLEAUX
INTRODUCTION
Contexte
La délinquance, un concept aux multiples facettes
I - PROBLÉMATIQUE
II - OBJECTIFS
III - METHODOLOGIE
3.1 - Source des données
3.2 - Echantillonnage
3.3 - Qualité des données
IV - RESULTATS DE L'ETUDE
4.1 - Niveau de la délinquance à Cotonou
4.2 - Des délinquants de plus en plus jeunes
4.3 - Des stratégies de survie selon l'âge
V - LES FACTEURS DE CHANGEMENT SOCIAL
5.1 - Mobilité sociale
5.2 - Influence de l'urbanisation
5.3 - Scolarisation
5.3.1 - Scolarisation du père et délinquance des enfants
5.4 - Difficultés socio-économiques
5.5 - Anomie sociale
5.6 - Milieu familial des délinquants
5.7 - La structure familiale pourrait-elle avoir quelque influence sur la récidive ?
5.8 - Vie sociale
VI - LES INDICATEURS DE CRIMINALITE
6.1 - Nature des délits
6.2 - Durée de la peine
6.3 - La récidive
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
La prison, une école à double fond.
BIBLIOGRAPHIE

LISTE DES TABLEAUX

Tab 1: Répartition annuelle des délinquants incarcérés à Cotonou de 1988 à mi-1993
Tab. 2: Structure par âge de la population carcérale de Cotonou de 1988 à 1990
Tab. 3: Répartition des délits selon leur nature
Tab. 4: Répartition des enquêtés selon la durée de la peine
Tab. 5: Répartition des détenus selon le nombre de condamnation

INTRODUCTION

Contexte

Cotonou, capitale économique du Bénin a connu à l'instar des autres capitales africaines, une croissance rapide et non maîtrisée aussi bien sur le plan spatial que sur le plan démographique. Pour une superficie de 95 ha environ, elle abrite une population de 536827 hts (INSAE, 1992). Les jeunes y représentent la moitié des citadins. Même si l'immigration connaît un certain ralentissement, l'apport de l'exode rural a largement contribué à atteindre ce chiffre (GAYE, 1993).

Pour ces jeunes fuyant les campagnes où l'accès à la terre devient pour eux de plus en plus incertain si non impossible, l'exode rural constitue, du moins pour certains, la seule issue possible. Mais que peut encore offrir cette ville au bord de l'asphyxie à ces jeunes depuis la crise des années 1980 aggravée par les contraintes d'un programme d'ajustement structurel et celles de la dévaluation ?

C'est à Cotonou, en effet, ville où les activités économiques sont le plus développées que les effets de la crise économique sont le plus ressentis. Elle y a même engendré une sorte d'anomie sociale beaucoup plus préjudiciable aux jeunes. L'anomie sociale est ici comprise comme "un état de dérèglement affectant un groupe social soumis à une trop brusque transformation".

Cette situation a prévalu au Bénin où l'absence d'une politique économique cohérente et coordonnée a été à la base de la faillite du régime militaro-marxiste qui a dirigé le Bénin pendant 18 ans (1972-1990). Les dernières années de cette période d'aventures politico-économiques ont été marquées par une crise macro-économique qui s'est avérée à la longue pernicieuse allant jusqu'à une crise de trésorerie où l'Etat non seulement n'était plus en mesure d'assurer les dépenses de souveraineté nationale mais aussi n'était plus capable d'assurer le paiement régulier des salaires de la fonction publique. Les troubles sociaux qui s'en sont suivis, avant de l'emporter, ont créé une fracture sociale dans toutes les communautés et notamment à l'école et dans les familles où l'autorité parentale a été mise à rude épreuve.

Le renouveau démocratique issu de la Conférence nationale n'a pas comblé tous les espoirs qui ont tôt fait place au désenchantement. Il ne pouvait en être autrement, car la marge de manoeuvre du régime démocratique était assez faible face à des populations dont les besoins et les attentes étaient immenses.

Le souci de rétablir les équilibres macro-économiques a été à la base de mesures drastiques dont on connaît bien les effets pervers: ralentissement de l'activité économique, dégradation du pouvoir d'achat des salariés tant du secteur public que privé, compression du personnel de l'Etat, fermeture ou liquidation de plusieurs entreprises publiques, non paiement des salaires à l'indice réel et, bien sûr, inflation et dévaluation. A Cotonou, les taux de chômage sont estimés pour 1993 à 8,5 % et ceux du sous-emploi à 30 %. De plus 18 % de ceux qui ont une activité génératrice de revenu ont un salaire mensuel de moins 10 000F (PNUD et INSAE ELAM 4 et 4 bis, 1994).

Au niveau des demandeurs du premier emploi, 30 000 à 40 000 jeunes ayant passé quelques années à l'école viennent grossir leur nombre, accentuant les tensions, déjà très vives, sur le marché du travail.

La traditionnelle solidarité africaine est aussi en crise. Avec les pertes d'emplois et le sous-équipement chronique, les familles urbaines ne savent plus quoi imaginer pour s'assurer une subsistance précaire.

Nombre de parents, par incapacité, ont dû démissionner face à leur responsabilité, livrant les enfants à eux-mêmes. Ceux-ci, victimes de la démission des parents, transitent par la rue avant de se retrouver dans les prisons et deviennent, de ce fait, des délinquants selon la définition légale du terme.

La délinquance, un concept aux multiples facettes

La notion de délinquance est malaisée à définir puisqu'elle a varié au cours du temps avec des nuances selon que cette définition émane des sociologues, des psychologues ou des criminologues. Pour les sociologues, la délinquance devrait être considérée soit "comme la violation des normes de conduite en usage" (Sellin, 1938), soit comme une conduite qui entre en conflit ou en désaccord avec les intérêts prioritaires de la communauté, (Robinson, 1972 cité par Frechette et Leblanc, 1987). Les psychologues, privilégiant la personne plutôt que le comportement, axent leurs réflexions sur la "condition délinquante" et reconnaissent, qu'il existe chez les individus délinquants des "traits endopsychiques qui fondent l'entrée dans la conduite délinquante". Pour les criminologues qui, eux, se placent à l'intersection du droit pénal et des sciences sociales, le délinquant serait "l'auteur de tout acte prévu et puni par la loi et qui peut faire l'objet de poursuites de ce chef" (Dalloz, 1988).

Mais on ne peut, sur un sujet aussi délicat, se borner à définir de façon rigide la délinquance, trop de questions resteraient en suspens. Quelles lois doivent être violées pour qu'il y ait délinquance ? La perpétuation de l'acte est-elle un critère suffisant pour que l'on parle de délinquance ? La délinquance doit-elle être vue comme une conduite ou un genre de vie ? Ceci pour confirmer clairement que la délinquance est une construction sociale qu'il serait difficile d'enfermer dans une définition universellement admise. Mais comme nous aurons recours dans ce travail à des données statistiques précises fondées sur le critère juridique, nous adopterons la définition légale du terme. Malgré son caractère artificiel, elle offre la possibilité de bien délimiter le champ d'étude et présente des avantages certains pour la démarche scientifique.

Il ne sera donc question dans ce travail que de la délinquance qui arrive jusqu'au niveau d'une juridiction même si cela ne doit pas occulter le fait que cette définition ne rend pas compte du phénomène dans toutes ses dimensions sociales.

I. - PROBLÉMATIQUE

Eu égard au contexte décrit plus haut, il ressort que :

- Cotonou, la capitale économique du Bénin connaît, à l'instar des autres capitales africaines, une urbanisation rapide et incontrôlée ;

- l'incapacité de l'Etat à assurer correctement un certain nombre de services publics entraîne pour la population urbaine des problèmes prioritaires de survie ;

- les jeunes qui forment la majorité de la population urbaine vivent avec beaucoup de frustrations l'exclusion dont ils font l'objet. Certains n'hésitent pas à adopter des comportements délictueux pour s'assurer le minimum vital qui, pour eux, est un droit légitime.

Notre réflexion se situe dans le cadre du débat actuel qui perçoit la délinquance non seulement comme conséquence de l'expansion urbaine, mais aussi comme "le résultat d'un modèle économique inadapté aux réalités sociales et sociologiques des villes".

II. - OBJECTIFS

Cette recherche vise trois objectifs à savoir :

- mesurer l'ampleur de la délinquance eu égard à la croissance démographique que connaît la ville de Cotonou;
- mettre en évidence le fait que l'exode rural et les mauvaises conditions de vie urbaine sont des facteurs aggravants ;
- voir dans quelles mesures les lois répressives constituent des réponses adéquates à ce problème socio-économique.

III. - METHODOLOGIE

3.1. - Source des données

L'essentiel des matériaux utilisés dans ce travail a été obtenu par:

- le recueil des statistiques du greffe de la prison civile de Cotonou: (observation des registres d'entrée et de sortie de 88 à 93). Les renseignements recueillis ont trait aux variables d'identification sociale à savoir: nom et prénoms, sexe, date et lieu de naissance, filiation, domicile, profession, nationalité, état matrimonial, ethnie, coutume, religion, nombre d'enfants, niveau d'instruction, position militaire, nombre de condamnations;

- l'application d'un questionnaire directif sur 271 détenus de droit commun ;

- des entretiens biographiques avec une cinquantaine de condamnés.

3.2. - Echantillonnage

Pour les statistiques courantes, nous avons systématiquement retenu tous les condamnés de 1988 à 1990 ; Il y en avait au total 688 pour qui les renseignements sont complets. Quant à l'enquête complémentaire, l'échantillonnage est basé sur un choix raisonné dont les critères sont :

- vivre à Cotonou depuis 6 mois au moins avant l'incarcération ;

- être âgé de 15 à 40 ans ;

- avoir déjà été condamné une ou plusieurs fois par le tribunal correctionnel ou une cour d'assise et être actuellement incarcéré à la prison civile de Cotonou.

Ces critères appliqués à la population carcérale résidente nous ont permis de retenir la taille de l'échantillon fixée à 300 en fonction de nos besoins d'analyse, du délai et des moyens d'exécution de l'enquête. La base du sondage a été la population carcérale estimée à 1 300 détenus vers juin 1993. Pour l'entretien biographique, nous avons fait un tirage au 5éme pour retenir environ 60 des 300 détenus. Les trois femmes comprises dans ce premier groupe ont été systématiquement retenues.

3.3. - Qualité des données

Houchon écrivait depuis 1962 que "les statistiques relatives au crimes et aux criminels sont réputées les moins fidèles et les plus difficiles à manier de toutes les statistiques", malgré leur importance dans l'évaluation de l'efficacité judiciaire et dans la planification d'une politique criminelle. Les raisons de cet état de chose tiennent évidemment à la nature du phénomène criminel.

Pour notre part, nous avons relevé quelques incohérences entre les registres de pointage des entrées et sorties et ceux réservés aux prévenus et aux condamnés à telle enseigne qu'on n'arrive jamais au chiffre global après décompte. Les conditions et les méthodes de travail très archaïques auxquelles sont soumis ceux qui sont chargés de l'enregistrement des données peuvent expliquer cette incohérence. Par exemple, un prisonnier évadé et retrouvé est remis en prison même si la durée légale de sa détention est venue à expiration sans qu'aucune mention ne soit faite dans les registres. Un individu ayant été incarcéré auparavant dans une autre prison que celle de Cotonou peut être à nouveau incarcéré dans la capitale comme délinquant primaire ou récidiviste sur simple déclaration de sa part. Une telle pratique compromet la fiabilité des données enregistrées. Ces difficultés ne sont, du reste, pas propres aux statistiques judiciaires béninoises.

IV. - RESULTATS DE L'ETUDE

4.1. - Niveau de la délinquance à Cotonou

En juin 1993, au moment de l'enquête, la prison de Cotonou abritait 1300 détenus dont une quarantaine de femmes pour 400 places, soit un taux d'occupation supérieur à 300 %. La compilation des statistiques courantes depuis 1988 nous permet d'avoir les chiffres contenus dans le tableau suivant.

Tableau 1 : Répartition annuelle des délinquants

incarcérés à Cotonou de 1988 à mi 1993

Années

1988

1989

1990

1991

1992

1993*

Prévenus

1145

766

946

1375

1477

762

Condamnés

530

223

371

332

643

339

Source : élaboré à partir des statistiques du greffe de la prison civile de Cotonou

* Les chiffres pour cette année concerne le premier semestre seulement

Parmi ces personnes mises en cause par les services judiciaires comme auteurs de crimes ou délits, les moins de 25 ans (15-19 et 20-24) représentent près de 40%. On constate une quasi-stabilité de ces taux pendant la période d'étude ; en 1988, ils étaient 39,3 % ; en 1990, 41 % et, en 1993, 40,2 %. On est donc loin de l'explosion évoquée par certains.

Tableau 2: Structure par âge de la population carcérale de Cotonou de 1988 à 1990

Group. d'âges

1988

1989

1990

total de la Péri.

%

15 - 19 ans

30

8

11

49

7,1

20 - 24 ans

77

70

74

221

32,1

25 - 29 ans

85

55

61

201

29,2

30 - 34 ans

49

20

37

106

15,3

35 - 39 ans

21

9

8

38

5,7

40 et +

39

13

21

73

10,7

Total

301

175

212

688

100,0

Source : élaboré à partir des statistiques recueillies au greffe de Cotonou

Lorsqu'on compare la structure par âge de la population carcérale à celle de la population totale de Cotonou, ces deux groupes d'âge représentent respectivement 12 % et 11,6 % (INSAE 1992). Cela confirme la forte représentation de ces deux groupes d'âge dans la population carcérale.

Les femmes ne représentent que 3 % de la population carcérale. S'adonnent-elles moins aux activités délictueuses ? A ce propos, toutes les observations se rejoignent : la criminalité légale masculine dépasse en tout lieu et en tout temps celle de la femme. En effet, bien que les femmes représentent plus de la moitié de la population béninoise, le pourcentage des femmes condamnées ne dépasse presque jamais 5 à 10% du total des condamnés. Une analyse sommaire de ce constat peut laisser supposer que la femme est plus respectueuse des lois ou encore qu'elle vit en dehors des difficultés socio-économiques. Rien de tel, il est plus plausible que le rôle social qu'elle incarne et les lourdes tâches domestiques et éducatives qui l'accablent lui laissent peu de temps à consacrer aux activités délictueuses. Cependant, certains prétendent que les femmes, plus astucieuses, se dissimulent plus aisément pour échapper aux poursuites judiciaires .

4.2 - Des délinquants de plus en plus jeunes

L'âge moyen est passé de 27 ans en 1990 à 25 ans en 1993. Nous avons aussi constaté une entrée plus précoce dans la délinquance et, ceci, malgré qu'une partie importante de l'activité délictueuse des adolescents soit traitée dans un cadre extra-pénal. Non seulement cette criminalité est plus précoce mais elle devient aussi plus violente et alimente de ce fait un sentiment d'insécurité quasi-généralisé dans les villes béninoises.

4.3 - Des stratégies de survie selon l'âge

S'agissant de la nature de l'infraction commise selon l'âge, il a été constaté que, même si les jeunes continuent de violer les normes en commettant des infractions contre les biens, ils changent de cible. Ainsi, les plus jeunes sont surtout attirés par le vol d'argent : 70 % des vols entre 15-19 ans (chi carré = 33,1 avec p = 0,01). Bien que les 20-24 ne dédaignent pas l'argent, ils sont beaucoup plus attirés par les objets de luxe et autres biens d'équipement dont les engins à deux ou quatre roues en vue de les revendre ; les chiffres passent de 15 % à 60 %.

Il semble donc que le vol du numéraire chez les plus jeunes correspond à une possibilité immédiate d'utilisation alors que les plus âgés sont mieux organisés pour la revente. Certains recoupements aussi permettent de penser que le vol d'argent correspond le plus souvent au début de l'entrée dans la conduite délinquante.

V - LES FACTEURS DE CHANGEMENT SOCIAL

5.1 - Mobilité sociale

En Afrique, il est généralement avancé que la mobilité sociale, dans sa forme d'exode rural qui concerne la moitié des migrants incarcérés, serait une cause d'éclatement des valeurs et de déstabilisation des familles. Même si cela a pu être démontré sous d'autres cieux, les indicateurs utilisés ici ne sont pas assez raffinés pour nous permettre de l'infirmer ou de l'attester. Il convient donc de modérer ce discours parce que les migrations campagnes-villes répondent bien à "une stratégie familiale qu'à des choix individuels".

La durée de vie à Cotonou, pour nos enquêtés, montre par ailleurs qu'ils ne sont pas devenus des délinquants du jour au lendemain. De ce popint de vue, on peut retenir deux catégories de délinquants. Il y a d'abord les migrants qui deviennent délinquants après une durée de résidence d'au moins un an, parce qu'ils ne sont pas arrivés à s'adapter aux dures contraintes socio-économiques de la vie urbaine et il y a la seconde catégorie, composée des purs produits de la ville. Pour les raisons qui ont conduit au déplacement, les enquêtés répondent qu'ils sont venus en ville pour apprendre un métier (14 %), en quête d'emploi (12 %) et, les autres, par suite d'un confiage.

5.2 - Influence de l'urbanisation

La non maîtrise de l'urbanisation est génératrice de problèmes socio-économiques quasi-insolubles. Plusieurs études ont épinglé les milieux urbains comme quantitativement plus criminels que les milieux ruraux. Cotonou n'échappe certainement pas à ce constat. On y rencontre des zones de fortes concentrations humaines (1000hts/km2) et des coefficients d'occupation fort élevés avec des types d'habitat précaires qui sont des signes évidents d'une urbanisation incontrôlée dans un contexte économique dégradé.

Un autre phénomène, qui ne relève pas directement de l'urbanisation incontrôlée de la ville mais qui en est une des conséquences, est le taux d'activité professionnelle des femmes, accompagnée d'une absence quasi-totale d'infrastructures sociales (écoles maternelles, salles de sport, aires de jeux) qui fait que l'éducation des jeunes est laissée au hasard de la rue et des petits copains. Le travail des mères (sous n'importe quelle forme) est actuellement d'une nécessité absolue pour la survie en ville, mais le prix à payer en terme d'éducation des enfants est souvent très élevé, immense au point de vue social et revêt, entre autres, la forme de la délinquance juvénile. Cette pratique de laisser-aller et de manque de surveillance a un caractère général et concerne toutes les couches sociales de la population urbaine et le rôle qu'il joue ici est très grand. On doit y prêter une attention particulière.

5.3 - Scolarisation

Le taux de scolarisation des enquêtés est passé de 49 % en 1990 à 79 % en 1993; ce taux est même plus élevé que la moyenne régionale (60 %). Même si ce taux semble à priori acceptable, la durée moyenne de scolarisation demeure faible et diminue sensiblement selon l'âge. Les déperditions sont nombreuses surtout au niveau du primaire : 114 ont commencé le cycle primaire et seuls 26 l'ont achevé, soit un taux d'abandon de près de 77 %. La scolarité semble avoir été très perturbée. L'instabilité scolaire s'explique selon les enquêtés eux-mêmes par le manque de ressources des parents qui obligent les enfants à mener plusieurs activités de front : ménages et petits commerce, travail à l'atelier, etc. Lors de l'interview, ils ont affirmé presque tous ne pas aimer l'école (70 % des scolarisés) et avoir été contraints par leur parents ou tuteurs. Ils évoquent tour à tour, la sévérité de l'enseignant (20 %), l'inadaptation aux contraintes scolaires (45 %) alors que d'autres activités, jeux et loisirs les attireraient plus. Pour les autres ce sont les difficultés d'assimiler le programme enseigné qui serait le mobile de ce dédain pour les études. Cela se traduit par de gros retards scolaires et la quasi-absence de diplôme devant sanctionner la fin des études.

De plus, les années d'agitation sociale (1988-1990) que le pays a traversées ont eu un impact défavorable sur le système scolaire: mauvais rendement, fort taux de déperdition, baisse des taux de scolarisation, crise de confiance des usagers dans une institution qui ne forme que de potentiels chômeurs. Ainsi, le temps passé à l'école apparaît, de plus en plus, aux yeux des parents comme du temps perdu et un gaspillage d'argent. L'école n'est donc plus le gage d'une ascension sociale tant convoitée chez les aînés.

5.3.1 - Scolarisation du père et délinquance des enfants

La proportion de délinquants diminue à mesure que les parents ont un niveau d'étude plus élevé. Lorsqu'on met en relation le niveau d'étude des délinquants et celui de la famille on note une forte association entre les deux variables. Les calculs montrent que la situation de l'enfant évolue favorablement selon que le père a poursuivi ou non ses études .

Les mères étant généralement analphabètes, la chose est moins évidente de leur côté. Les mêmes résultats apparaissent lorsqu'on se demande si le métier du père influence le niveau d'instruction de l'enfant. Les fonctionnaires du public ou du privé, plus au courant des exigences de la vie moderne, envoient et maintiennent plus leur enfant à l'école, tandis que les artisans et ouvriers se contentent pour leur enfant d'une instruction rudimentaire.

5.4 - Difficultés socio-économiques

Les liens qui existent entre situation économique et délinquance sont difficiles à appréhender. De ce fait et ne pouvant obtenir des réponses satisfaisantes sur le revenu des détenus et le niveau socio-économique de leurs parents ou tuteurs avant leur incarcération, nous nous sommes intéressés à leurs catégories socio-professionnelles et à leur statut dans la profession.

Les paysans-cultivateurs occupent dans les statistiques des infractions une place inférieure à celle qu'ils ont dans l'ensemble de la population. Il est vrai qu'ils sont très peu représentés à Cotonou. Ceux qui ont déclaré appartenir à cette catégorie sont, sans doute, des migrants hors saison qui s'adonnent périodiquement à des activités délictueuses ou des délinquants déférés d'une zone rurale. Les artisans-manoeuvres sont les plus représentés. Ils forment 70 % de la population enquêtée, soit un gain de 14 par rapport aux statistiques courantes (1988-1990). Les personnes non actives ont fourni 5 % de délinquants en 1990 contre 12,5 % en 1993. Il serait pourtant difficile d'affirmer que l'extrême misère est source de délinquance. A notre, avis ce n'est pas seulement le fait d'avoir un emploi en soi qui peut jouer un quelconque rôle, il faut surtout un emploi adapté à la personne, au caractère et aux aptitudes de celui qui l'occupe. Le fait que le sous-emploi frappe une majorité d'artisans qui, faute de capital, acceptent n'importe quel job (docker au port, conducteur de taxi-moto) et souvent dans des conditions qui prédisposent aux activités délictueuses est une piste à approfondir pour voir son rôle criminogène.

Quant au statut dans la profession, 31 % sont des apprentis. Nul n'ignore en effet les conditions de vie pénibles que les patrons et les tuteurs imposent aux apprentis à Cotonou. Ceux-ci sont non seulement délaissés par leur famille mais aussi et surtout exploités par les patrons qui trouvent en eux une main d'oeuvre gratuite. La période de libération est une période très critique dans la mesure où ils sont obligés de payer la dot qui s'élève parfois à 100 000 f. La plupart des apprentis ont commis leur forfait dans la période de libération. Ce sont des moments propices pour basculer dans la pré-délinquance. C.Ougouag semble partager cette analyse lorsqu'elle affirme que : "l'adolescent, coupé de sa famille, mal à l'aise à l'école ou dans son apprentissage, incertain dans son insertion ou victime du chômage élabore sa propre stratégie de survie qui n'est souvent pas conforme aux normes sociales".

Près de la moitié des enquêtés affirment être des indépendants surtout au niveau des artisans. Les autres sont des salariés permanents ou temporaires. Cette situation de précarité a engendré une anomie sociale dont les effets ont été préjudiciable aux jeunes.

5.5 - Anomie sociale

La déliquescence économique évoquée plus haut a ébranlé graduellement l'infrastructure morale de la société dans le domaine de l'honnêteté, de la discipline et de l'amour du travail au point d'engendrer une anomie sociale. Le processus d'accumulation est moins la contre-partie méritée d'un travail bien fait ou le résultat d'activité économique bien gérée que le résultat de la corruption et de la fraude fiscale, entre autres. L'argent est devenu, à quelque chose près, le seul critère de différenciation sociale. Tous les moyens pour s'en procurer sont bons. Les jeunes observent quotidiennement à la maison, à l'école et dans la ville ce processus d'accumulation malhonnête. Un tel état de chose entraîne des conséquences sérieuses, peut-être pas toujours sous la forme de la délinquance mais il fait surgir des modèles de comportement, des modèles d'hommes incapables d'actions désintéressées sachant contourner les lois ou y trouver des brèches. D'abord, il y va de petits problèmes anodins de voisinage ou de simple comportement de citoyens (respect du code de la route et/ou des règlements en vigueur), puis de questions plus fondamentales. Le plus souvent, il ne s'agit pas d'enfreindre la loi mais de la contourner. L'enseignant qui n'a pas reçu son salaire depuis trois mois acceptera plus facilement les pots de vin de parents qui ne veulent pas voir redoublé ou renvoyé leur enfant. Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres. Il en résulte une baisse constante de l'étique du travail et une érosion des normes de conduite qui, observée dans la plus tendre enfance donnera des résultats terrifiants à l'époque de la maturité. "On fera vieux ce qu'on a fait jeune" dit-on. C'est, hélas, ce modèle de réussite sociale -modèle fait de tricherie, d'anarque, et de débrouillardise sur le plan économique- qu'on propose aujourd'hui à la jeunesse urbaine. C'est à se demander si la vraie crise n'est pas plus sociale qu'économique, plus insidieuse certes, mais plus dévastatrice.

Par ailleurs, le chômage croissant dans la capitale, qui résulte de modèles économiques inadaptés, modifie dans un sens globalement négatif le comportement social des jeunes. On peut observer ses effets à plusieurs niveaux :

- sur l'attitude face au travail

La crise économique et la recherche excessive du profit ont favorisé la prolifération très exagérée des officines de travail ou de service (à Cotonou, on peut citer les officines de transit, de représentation commerciale ou de service de nettoyage) dont l'administration ne contrôle pas, ou alors mal, le fonctionnement. Or, c'est là que la plupart des jeunes sans qualification sont contraints de faire leurs premières armes. Ils y sont traités comme de simples outils qu'on prend et qu'on jette selon les besoins. Comment s'étonner qu'ils y récoltent le dégout du travail ?

- sur le ryhtme et les habitudes de travail des jeunes

N'étant pas tenu par un horaire de vie professionnelle, les jeunes chômeurs prennent facilement l'habitude de vivre la nuit, ce qui contribue à les marginaliser et à rendre difficiles leur relation avec le monde des adultes notamment quand leurs occupations nocturnes sont bruyantes. L'exès de temps libre engendre l'ennui qui devient souvent angoisse chez un jeune dont le bagage culturel est faible ou nul, qui est donc sans repères. Cette angoisse mène fréquemment à l'usage de la drogue. Mais la drogue n'est souvent pas accessible à la poche des chômeurs, ce qui explique que la plupart des jeunes qui rencontrent la drogue de cette façon deviennent des revendeurs (dealers) et se recrutent facilement dans les milieux défavorisés.

5.6 - Milieu familial des délinquants

Il est généralement admis que l'urbanisation et les difficultés économiques modifient considérablement les normes familiales. Le foyer désuni ou irrégulier est générateur de troubles quasi irrémédiables pour l'enfant. La structure familiale des délinquants sera de ce fait appréhendée, faute de données plus spécifiques, à travers la situation matrimoniale de leurs parents.

Des données recueillies il ressort que 27 % des enquêtés sont orphelins de père, 21 % viennent de foyers divorcés ou séparés et 12,5 % ont perdu leurs deux parents. A la question de savoir l'âge auquel ils ont perdu leur père ou leur mère, les détenus ont répondu de façon si divergente qu'il nous a été impossible d'exploiter la question. Pour les 2/3 des enquêtés, l'âge des parents est indéterminé, que ce soit l'âge actuel ou l'âge auquel il est mort. Pour ceux qui ont pu le déclarer, l'âge moyen des pères est de 48 ans et il est de 42 ans pour les mères. Ceci dit, on rencontre des parents assez jeunes (32 ans), les écarts sont donc très importants. De ce fait, l'hypothèse selon laquelle les parents des délinquants sont plus âgés que ceux des non délinquants n'a pu être vérifiée. Quand on regarde du côté de la fratrie, les pères ont en moyenne 11 enfants et, les mères, 6,5. La grande dimension de la fratrie est une piste d'explication possible puisqu'elle entraînerait les enfants -les plus jeunes surtout- à des pratiques répréhensibles, faute d'éducation appropriée. 29 % des enquêtés sont les aînés de leur père. La tradition indique que c'est un facteur criminogène en raison du poids social qui pèse sur les aînés.

La polygamie, assez répandue en Afrique, a souvent été citée à tort ou à raison comme l'une des causes de la délinquance. Malgré qu'une proportion élevée (70 %) d'enquêtés aient vécu dans un foyer polygame, il n'apparaît pas clairement que la polygamie des parents maintienne une corrélation avec la délinquance des enfants, du moins sur le plan statistique. La polygamie, après prise en compte des autres variables, n'a aucun poids spécifique. Il semble aussi indiquer que la mésentente ou les disputes ne sont pas déterminantes dans l'adoption de la conduite délinquante. Nous avons pu apprécier cela à travers la réponse faite à la question de savoir dans quel climat vivaient les parents. 60 % des enquêtés ont répondu qu'il était bon. Nous ne saurions dire en tout cas, avec les données disponibles, si le climat conjugal, caractérisé à 30 % par la mésentente des parents, surtout dans les ménages polygames et l'absence répétée du père, entraînent une proportion plus élevée de comportements déviants chez les enfants.

A propos des enfants confiés (confiage résultant de la mobilité ou du décès des parents) dans les foyers d'adoption, 60 % de cette catégorie affirment ne pas être intégrés dans les familles d'adoption, ne pas être traités comme les propres enfants de la famille et avoir éprouvé de ce fait un sentiment de rejet. Ce qui expliquerait à leur avis, la fugue pratiquée par 40 % et la rencontre avec d'autres garçons vivant dans les mêmes conditions. Rencontres qui se font généralement dans la rue, au jeu de football ou au jeu de cartes avec mise ou non.

A propos des enfants confiés, nous citons, entre autres, l'exemple de deux d'entre eux. Le premier n'a jamais connu sa mère, celle-ci vivrait toujours mais il ne sait où et il aurait bien voulu en savoir plus. Il déclare être bouleversé par cet état de chose. Le second (16 ans) a été confié dès l'âge de deux ans à un ami du père. Les parents biologiques seraient depuis lors au Gabon et n'auraient plus jamais cherché à revoir leurs fils. Ces deux délinquants sont tous deux des récidivistes. Leur histoire, vraie ou fausse, ressemble à bien des milliers d'autres que nous avons entendues. Elle nous aide à comprendre mieux comment, à 16 ans, on peut avoir fait la prison déjà deux fois.

5.7 - La structure familiale pourrait-elle avoir quelque influence sur la récidive ?

Pour vérifier cela nous avons calculé le nombre moyen de condamnations par modalité selon que les parents sont décédés, séparés ou vivent encore ensemble.

Ici aussi, les chiffres sont bien étalés et ne nous autorisent pas à charger outre mesure la structure matrimoniale. Cependant, on constate que ceux qui ont perdu leur mère ont le nombre moyen de condamnations le plus élevé. Viennent ensuite ceux qui vivent dans un ménage monoparental. Ceci contribue à la formation de la conduite délinquante même sans être décisif. L'absence de la mère serait plus durement ressentie par les enfants. Le fait de travailler sur les petits chiffres limite évidement la portée de l'analyse et doit être présent à l'esprit lors de l'interprétation des résultats.

5.8 - Vie sociale

La vie sociale des individus interviewés est tributaire de leur vie scolaire et familiale. Et celle de nos délinquants n'était pas des plus réussies. Leur vie familiale aussi apparaissait peu stable sinon assez perturbée. Si l'on ajoute à cela le niveau socio-économique assez bas des parents (ouvriers et artisans pour la plupart) et le chômage qui frappait 25,5 % des détenus 6 mois avant leur incarcération ainsi que le nombre important d'apprentis (31 %) que comporte le groupe, on a déjà une idée de leur vie sociale. On ne peut plus, de ce fait, retenir les seuls facteurs bio-psychologiques. On doit au contraire regarder de près le fonctionnement de nos sociétés.

Parmi les raisons qui les ont poussés à commettre des actes délictueux, les jeunes détenus citent le mauvais encadrement familial et la pauvreté des parents ou le rejet des familles d'adoption (20 des 28 âgés de 15 à 24 ans).

Pour les plus âgés (les 25-39 ans), c'est le chômage qui est le premier facteur de leur malaise. Le manque de moyens qui en résulte les empêche de s'occuper de leur famille. Les petits métiers qu'on peut exercer dans le secteur informel ne nourrissent guère le garçon qui veut rester honnête en raison des dispositions réglementaires assez rigides.

Ils regrettent en majorité cette pratique qui, selon leurs dires, déshonorerait leurs proches familles. "Nous avons honte", ont déclaré près de 70 % de nos interviewés. Pourquoi avez-vous recommencé, puisque vous avez déjà fait la prison une fois ? Notons ici que 40 % de ce groupe, soit 25 interviewés sur 61 ont fait deux fois au moins la prison. Ils affirment aussi être coupables mais pas responsables (sauf deux des trois femmes qui estiment avoir été condamnées injustement, c'est-à-dire pour un délit qu'elles n'auraient pas commis). "Nous avons été abandonnés par nos parents ou tuteurs", disent-ils. Pour justifier leur acte, 40 % (surtout les 15-25 ans) citent pêle-mêle "ne pas avoir assez à manger, ne pas avoir une maison où dormir" et, 20 %, "le mauvais traitement". 94 % de ces deux dernières catégories énumérées chez les jeunes proviennent de familles éclatées. Les plus âgés parlent eux de chômage, de nombreuses familles à entretenir.

Ceux qui sont à leur première condamnation pensent qu'il est possible de se refaire une vie normale. Pour les récidivistes ou multirécidivistes, un certain nombre se moquent éperdument de leur avenir. Ici, ils ont appris à affronter et à vaincre la peur. La prison, pour eux, serait formatrice. "On apprend à être plus dur, à résister, à affronter les forces de l'ordre comme un homme". Pour les autres, il faut faire "quelque chose" pour les aider à sortir de ce cercle vicieux.

Bien qu'il faille prendre ces déclarations pour ce qu'elles valent, les intéressés cherchant toujours à justifier leur acte, il convient néanmoins de les analyser à leur juste valeur. Ces jeunes, qui n'étaient surtout pas des anges au départ, ont subi quelque part des traumatismes au point de choisir la rue ou la prison dont l'environnement est caractérisé par la surpopulation, l'insalubrité, la malnutrition, la prostitution et le manque de soins médicaux.

Ces faits ne sont que l'expression patente de la désarticulation que subissent les familles urbaines prises sous les feux d'une crise économique qui n'en finit pas.

Les conditions citées plus haut ont contraint certains détenus à trouver refuge dans l'usage de la drogue (chanvre indien ou herbe) communément appelé Gué. Sur les 61 interviewés, 15 ont affirmé le consommer dans leur cellule. Nous n'avons pas assez d'éléments pour comparer cette situation à celle de Yaoundé au Cameroun où 5 % de la drogue consommée dans la ville est le fait des détenus (Caumarianas, 1994). Il y a certes, parmi les détenus soumis à l'enquête quantitative, 7 personnes (3 Nigérians et 4 Béninois) qui ont été condamnés pour trafic de drogue dure.

VI - LES INDICATEURS DE CRIMINALITE

6.1 - Nature des délits

Quel que que soit l'angle envisagé, le vol sous toutes ses formes demeure l'activité de prédilection de nos enquêtés au point de représenter 82 % des délits, quel que soit l'âge du délinquant. La répartition se présente comme dans le tableau suivant :

Tableau 3: Répartition des délits selon leur nature

NATURE DU DELIT

POURCENTAGE

Vols, 82%

dont: vol et tentative de vol

Vol et recel

Vol en bandes

Vol à la tire et à l'étalage

Achats d'objets volés

Faux et usage de faux, escroquerie

Infraction contre les personnes

Voies de fait, coups et blessures

Homicide involontaire, meurtre

Drogue (possession ou consommation)

Divers

48

20

8

5

2

3

10

2

3

3

2

Par rapport à cet état de choses, on peut légitimement se poser la question de savoir si la délinquance des jeunes est surtout provoquée par la pauvreté du milieu familial. Question difficile, d'autant plus qu'on ignore dans quelles mesure ces vols correspondent au désir de combler un besoin économique réel donc de s'enrichir ou simplement à des actes de voyous cherchant à éprouver leur capacité de ruse ou de dextérité. Même si, en général, les biens volés sont vendus, les gains n'ont pas pour but d'améliorer les conditions d'existence familiale. Ils sont souvent utilisés à des fins personnelles qui sont très diverses (alcool, dépenses de prestige auprès des ami(e)s, jeux de pari). Il convient donc de se garder de surestimer le rôle de l'élément matériel dans la délinquance juvénile. Certes, les milieux où se recrutent ces jeunes sont dans une grande mesure des milieux ouvriers, les enfants des milieux de paysans et de fonctionnaires sont moins atteints, mais ce n'est pas seulement du côté des conditions matérielles qu'il faut chercher les causes de la délinquance. Il est à la limite un facteur favorisant.

Les voies de fait, les coups et blessures volontaires et les violences enregistrés ont le plus souvent pour mobile des malentendus autour de l'argent. Généralement, ces infractions sont le fait, dans la majorité des cas, des 15-24 ans qui s'adonnent aux jeux de carte et de divers paris avec mise. Non seulement ceux-ci sont prohibés par la loi, mais il arrive aux jeunes d'en venir facilement aux mains lorsque surgit un problème anodin mais qui doit leur faire perdre la mise. L'expérience a montré aussi que c'est dans ces milieux de jeux que les drogues locales circulent et que les jeunes font de l'auto-initiation. Dans ces conditions, l'effet de la drogue fait souvent basculer les petits tiraillements en des bagarres bien rangées dont l'issue peut être dramatique. Dans les braquages, on déplore à la fois des infractions contre les biens et contre les personnes.

Le délinquant agit-il seul ?

Les détenus évitent souvent de parler de leur complice si celui ci n'a pas été appréhendé en même temps qu'eux. Les chiffres obtenus dans les registres n'ont pu être exploités à cause de leur faible représentativité. On a pu noter, néanmoins, la tendance des jeunes à agir seul ou à limiter le nombre des co-auteurs lorsqu'ils prennent de l'âge. Très jeunes, 15-19 ans, ils opèrent en groupes de deux ou trois. Mais le nombre trop faible de délinquants dans ce groupe d'âge nous oblige à des réserves. Pour les plus âgés, la présence ou non de co-auteurs dépend surtout de la nature de l'infraction. Quand il s'agit de cambriolage, de vols avec effraction, de vols de voiture, les délinquants opèrent par groupes. Mais les abus de confiance, le faux et usage de faux, l'escroquerie et les infractions contre les personnes s'opèrent généralement seul.

6.2 - Durée de la peine

La durée de la peine est fonction de la gravité de l'infraction et des conditions dans lesquelles elle a été commise. Généralement, pour rendre compte de la gravité de l'infraction, on construit une échelle. Mais la construction d'échelle de gravité assez raffinée pose toujours des difficultés. Notre ambition est plus modeste. Il s'agit seulement de distinguer les délits à caractère tout à fait banal (petit vol à l'étalage, jeux de carte avec mise, vandalisme) d'une délinquance organisée et orientée (cambriolage, vol à main armée ou de voitures en série) comportant donc un préjudice plus grand. Les résultats se présentent comme suit :

Des peines assez légères qui montrent que la plupart des détenus commettent des délits mineurs spécialement dirigés contre les biens. Il s'agit donc en général d'une délinquance "banale", pas ou peu liée à une organisation criminelle. Mais les données de 1993 montrent que les actes évoluent vers une certaine violence. 70 % des délinquants sont à leur première condamnation comme le montre le tableau suivant.

Tableau 4: Répartition des enquêtés selon la durée de la peine

Peines

Nombre

pourcentage

0 - 2 mois

78

11,3

3 - 5 mois

175

25,4

6 - 8 mois

121

17,6

9 - 11 mois

52

7,6

12 - 17 mois

94

13,6

18 - 23 mois

67

9,7

23 mois et +

89

12,9

non déclaré

6

0,9

Total

682

100,0

Tableau 5: Répartition des détenus selon le nombre de condamnation

Nombre de

Condamnation

Effectifs

pourcentage

1 1

482

70,1

2

142

20,6

3

29

4,2

4 et +

35

5,1

Total

688

100,0

6.3 - La récidive

Dans la pratique, la récidive dépend plus de la façon dont le jeune délinquant a vécu sa première incarcération. Souvent, les délinquants paraissent difficiles à accepter par leur entourage, d'où rejet ou abandon de ceux qui, par leur comportement délictueux, éclaboussent la dignité de toute une famille. Seules les mères et parfois les épouses acceptent au début de rendre visite et d'entretenir les détenus. Or, dans nos prisons surpeuplées, l'Etat se soucie très peu des conditions de vie des détenus. Ils doivent recourir encore à l'aide de leur famille pour se nourrir, se vêtir, s'assurer un minimum d'hygiène et de soins médicaux et se "loger".

Pour la petite histoire à Cotonou, la surpopulation et la durée excessive de la détention préventive provoquent des abus de toutes sortes. Par exemple, les nouveaux détenus sont astreints à une "taxe forfaitaire de 1000 f par mois, exigée par les anciens de la cellule pour s'assurer leur couchette ; celui qui ne s'exécute pas dans les délais est soumis à des corvées de la part de ses co-détenus jusqu'à paiement. De plus, il doit partager sa ration alimentaire journalière avec ses camarades de cellule pour bénéficier de leur indulgence durant le séjour, du moins au début où il est encore novice. Les premières semaines de la vie carcérale seront donc pénibles pour le jeune incarcéré. Si, au même moment, il fait l'objet de mépris ou de rejet par ses parents, il sera vite récupéré par des co-détenus récidivistes ou issus de bandes organisées.

A force de partager la même cellule et les affres de la vie carcérale, il naît une certaine entente, voire une certaine amitié entre délinquants primaires et récidivistes que même les animosités et les bagarres fréquentes entre groupes n'arrivent pas à effacer. Il se crée alors une communauté d'actions où les premiers vivent de l'expérience des seconds. Le jeune sera beaucoup plus réceptif à ses leçons s'il est abandonné par sa famille.

L'acclimatation à ce nouveau contexte social qu'est la prison risque de se faire au détriment de la personnalité de chacun des détenus, les plus jeunes surtout. La présence et l'affection des parents dans ce contexte sont déterminantes pour une réinsertion sociale. Il s'agira de le considérer plutôt comme un être en proie à l'angoisse de ses conflits et de ses situations malheureuses. Les attitudes de rejet et de mépris ne peuvent qu'aggraver le risque de la récidive et enfoncer le jeune dans la marginalité.

Certains parents vivent eux aussi un effroyable cauchemar et en viennent à souhaiter la mort de leurs enfants, comme cette mère que nous avons rencontrée au portillon de la prison attendant d'avoir l'autorisation des gardes pour entrer . "J'aurai préféré que mon fils soit mort ; au moins, je saurais le pleurer ouvertement et ma peine, dans ce cas, serait plus légitime, je serais consolée ; ce n'est pas le cas avec la prison". Ces paroles dures sorties de la bouche d'une mère révèlent l'ampleur de la tragédie des parents de délinquants et des délinquants eux-mêmes. Il serait, difficile dans ces conditions, de croire en l'efficacité des lois répressives.

CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

Actuellement, on peut retenir que le contexte général est celui d'une quasi-stabilité de la délinquance à Cotonou au cours de la période d'étude 1988-1993. Le taux de délinquance obtenu pour la période d'étude est de 2,22 pour 1000. Les 20-29 ans sont les plus touchés, ils représentent 70 % de la population étudiée. Les femmes ne font que 3 % dans notre échantillon. Nous avons apporté les restrictions qui s'imposent pour l'interprétation des indices calculés.

Les chiffres obtenus montrent que la délinquance à Cotonou, par son ampleur, n'a pas encore l'aspect d'un fléau, les délinquants se présentant, dans près de 65 % des cas, comme des délinquants occasionnels susceptibles d'une véritable réinsertion sociale à peu de frais. Les discours alarmistes sont donc à revoir. Cependant, l'inquiétude est pourtant justifiée au niveau de la précocité et de la récidive qui se maintient à un niveau assez élevé (30 %). Non seulement ces activités deviennent plus précoces mais elles apparaissent aussi plus violentes, notamment dans la tranche d'âges des 20-24 ans et alimente de ce fait un réel sentiment d'insécurité. Le nombre croissant de jeunes qui vivent actuellement en marge de la société appelle des attitudes nouvelles de la cellule familiale, d'une part et des autorités politiques d'autre part, en raison de ce qu'il représente comme potentiel criminogène et des facteurs d'accroissement de la délinquance qui existent actuellement dans le milieu urbain béninois. La fréquence et la nature des actes délictueux à Cotonou tendent à montrer qu'il y a une relation, sinon de cause à effet, du moins de dépendance, entre la délinquance et le processus de transformation sociale. L'anomie sociale engendrée par la crise socio-économique des années 1980 a révélé au grand jour la désarticulation des valeurs fondamentales qui régissent le fonctionnement de la société, des familles et de l'école.

De même, la précarité de la situation économique ne prédispose plus ces institutions à exercer au profit des enfants les prérogatives qui leur étaient traditionnellement dévolues.

Les recommandations que nous formulons ne sont pas spécifiquement orientées vers la résolution du problème étudié, compte tenu de sa muldimensionnalité, mais elles participent à une amélioration de la situation sociale dont le dysfonctionnement perturbe l'insertion sociale des jeunes.

Nous avons signalé dans le texte l'absence d'études spécifiques sur la délinquance. La mise en oeuvre d'études est donc un préalable nécessaire.

La présence massive des "déchets scolaires" dans la population cible doit inciter l'Etat à rendre l'école non seulement obligatoire mais aussi à créer des centres d'apprentissage où la formation est surveillée pour ceux qui en sortent précocement.

Nous l'avons vu aussi, les orphelins de père sont fortement représentés et l'absence de la mère du foyer est durement ressentie par les enfants. Une action en vue de relever les conditions de vie pour les chefs de ménage agirait dans le sens d'un meilleur encadrement des enfants par les parents eux-mêmes. Le chômage urbain, le surpeuplement, l'insuffisance des infrastructures sociales et de logement sont autant de paramètres qui déterminent le bien-être social.

L'amélioration des conditions de subsistance dans les zones rurales et semi urbaines est une voie à privilégier dans la recherche de solutions. La garantie de l'accès à la terre passe par des réformes foncières dont la teneur doit être discutée par tous les membres de la communauté. L'Etat doit aussi entreprendre des efforts pour la mise en place de petites activités artisanales et de petites industries basées essentiellement sur les matières premières locales pour endiguer le chômage hors saison dans les zones précitées.

En dernier ressort, l'Etat doit assurer une répartition équitable du revenu. Les modèles économiques qui, pour rétablir les équilibres macro-économiques, érodent les rémunérations réelles et excluent la majorité de la population de la jouissance des acquis sociaux doivent être revus et corrigés. La création d'emplois doit rester constamment un défi social à relever.

Pour être plus efficaces, ces actions doivent s'appuyer sur une plus grande protection de la famille. C'est-à-dire permettre une meilleure adaptation de ces familles aux changements en cours.

La prison, une école à double fond.

"Nulla pena, nullum crimen, sine lege". Ce dicton bien connu des juristes donne toute la limite des peines et leur caractère législatif. L'évidence de la prison se fonde sur son rôle supposé ou exigé d'appareil à transformer les individus. Si l'on reconnait la prééminence de ce principe et son acceptation par les citoyens, on peut néanmoins s'interroger sur la pertinence ou l'adéquation des peines d'emprisonnement et sur le rôle qu'elles sont sensées jouer dans la transformation de l'individu. Nous avons présenté tout au long de cette analyse les conditions ou les facteurs qui favorisent en période de déstructuration socio-économique le glissement des jeunes vers la délinquance. A travers nos commentaires, nous avons indexé les dysfonctionnements de toutes les institutions sociales et leur rôle dans la conduite délinquante du jeune est plus que prépondérant. Or, la pratique légale conduit quasi automatiquement le jeune délinquant en prison. Nos propos ne consistent pas à favoriser l'impunité des délinquants. Mais il est permis de se demander ce qu'on peut reprocher à un jeune apprenti qui vole parce qu'il est abandonné par un père au chômage et qui doit en plus satisfaire des patrons qui l'exploitent ?

Quelle est la responsabilité du jeune migrant qui, faute d'accès à la terre, s'adonne à la vente de produits prohibés par la loi (essence) ou du jeune docker qui se réfugie dans la drogue pour supporter les exigences des nuits à la belle étoile ?

Il est aisé de reconnaître que la répression des jeunes en mal de vivre en ville n'est que le recours ultime d'une société incapable d'assurer ses prérogatives et ses obligations vis-à-vis de tous ses enfants. De plus, rester dans cette logique répressive dont on connaît suffisamment les limites, c'est partir du principe qu'à 16 ou 17 ans, le gamin récidiviste est irrécupérable. Or, le propre de l'adolescent, c'est qu'il évolue physiquement et psychologiquement d'une année à une autre. Sa trajectoire n'est donc pas définitivement fixée. Et le jeune récidiviste pourra arrêter sa délinquance lorsqu'il aura peut-être trouvé du travail, de la terre disponible pour s'adonner à l'agriculture ou bénéficier d'un encadrement familial plus sain.

La répression pénale a ses limites et atteint rarement son objectif. Punir doit permettre aussi d'éduquer. Or, il semble que cette double approche est loin d'être une réalité au Bénin où le garçon récidiviste de 17 ans est perçu comme un irrécupérable.

Pour ceux qui ont déjà pris la mauvaise pente, la tolérance familiale et, surtout, sociale doit se manifester à leur égard. D'abord à plus ou moins brève échéance, les autorités administratives et pénitentiaires doivent revoir leur pratique pour que la détention soit séparée selon les groupes d'âges, la nature de l'infraction et le statut du délinquant. Il n'est pas possible de laisser cohabiter dans la même cellule, pendant plusieurs mois, voire des années, des jeunes inadaptés sociaux avec des délinquants de groupes organisés, beaucoup plus expérimentés et/ou multirécidivistes. Dans une seconde phase, l'Etat doit ouvrir un débat national autour de ce problème. Le traitement d'une partie de la jeunesse mérite ce débat après une large concertation avec tous les acteurs concernés. Débat au cours duquel il faudra s'interroger sur les causes profondes du désarroi des jeunes. Nous devons à tout prix limiter pour eux, faute de pouvoir l'éviter, cette école à double fond qu'est la prison. Pour cela il faut donner la priorité aux mesures éducatives, permettre au magistrat d'apprécier la personnalité et l'environnement du délinquant avant de le juger. Ne pas prendre cet aspect des choses en compte, c'est faire porter sur les épaules des seuls adolescents le poids des démissions parentales et des défaillances sociétales.

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