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Reports from
Union of African Population Studies / L'Union pour l'Etude de la Population Africaine

Num. 27, 1997
L'INTRODUCTION DE L'ELEVAGE BOVIN CHEZ LES TAGBANA (SENOUFO DU SUD)DE LA COTE D'IVOIRE

Union for African Population Studies, Rapport d'etude / Study Report, Numéro/Number 27, 1997

PROGRAMME DE PETITES SUBVENTIONS POUR LA RECHERCHE EN POPULATION ET DEVELOPPEMENT

L'INTRODUCTION DE L'ELEVAGE BOVIN CHEZ LES TAGBANA (SENOUFO DU SUD)DE LA COTE D'IVOIRE

Agnissan Assi Aubin

Etudiant, Doctorat 3e Cycle Sociologie, Université d'Abidjan, Côte d'Ivoire

Code Number: uaps97027

TABLE DES MATIERES

Liste des tableaux
Liste des cartes
PREMIERE PARTIE : INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I - CADRE THEORIQUE
1. Justification du thème
2. Revue critique de la littérature
3. Problématique
4. Hypothèses de recherche
5. Objectits de la recherche
CHAPITRE II - CADRE METHODOLOGIQUE
1. Délimitation du champ d'investigation
1.1. Identification des unités d'observation géographique
1.2. Identification des unités d'observation population
2. Techniques et procédures de collecte des données
2.1. La recherche documentaire
2.2. L'observation directe
2.3. Les entretiens semi-directs
3.Méthodes d'analyse
3.1. Méthode d'analyse stratégique
3.2. Justification du choix de la méthode d'analyse stratégique
DEUXIEME PARTIE : ENJEUX - CONTRAINTES ET OPPORTUNITES DE L'ELEVAGE BOVIN DANS L'ESPACE
AGBANA
CHAPITRE III - LE PAYSAGE ECOLOGIQUE TAGBANA
1. Situation géographique
2. Climat et hydrographie
3. Sol et végétation
CHAPITRE IV - LE PAYSAGE DEMOGRAPHIQUE TAGBANA
1. Populations
2. Structure ethnique
CHAPITRE V - APPROCHE SOCIOLOGIQUE DU PAYSAGE PLURIETHNIQUE TAGBANA
1. Société et économie Tagbana
1.1. Le paysage socio-culturel traditionnel tagbana
I.1.1. La religion : substrat fédérateur de la vie sociale
I.1.2. La représentation sociale de l'espace en pays sénoufo
1.2. L'organisation socio-politique tagbana
1.3. Le paysan socio-économique tagbana
1.3.1. Le régime foncier tagbana
1.3.2. Le système agraire tagbana
1.4. La situation de l'élevage bovin dans la région tagbana
1.4.1. L'environnement humain pour l'élevage bovin
CHAPITRE VI - DEVELOPPEMENT PASTORAL ET FACTEURS LIMITANTS
1. Contraintes naturelles au développement de l'élevage
1-1. Les aléas climatiques et écologiques
1-2. Les contraintes humaines et démographiques
2. Contraintes sanitaires au développement
3. Enjeux et contraintes socio-économiques
3.1 Enjeux et contraintes à l'échelle de la production
3.1.1. Faiblesse des revenus des populations locales
3.1.2. Une politique de crédit inadaptée
3.1.3. L'espace foncier : enjeu socio-économique et juridique
3.1.4. Dégâts de cultures et vols de bétail : sources d'incidences économiques et d'animosités
3.2. Enjeux et contraintes à l'échelle de commercialisation
3.2.1. Circuit de commercialisation inorganisé et non opérationnel
3.2.2. Impact négatif des importations de bétail /viande sur la production locale
4. Enjeux et contraintes socio-culturels et religieux
4.1. Les pesanteurs socio-culturelles relatives à l'espace
4.2. L'impact psycho-social de la transhumance bovine.
4.3. Conflits agriculteurs-éleveurs : crise réactionnelle..
4.4. Représentation sociale de l'élevage comme trait d'identité culturelle et ethnique
CHAPITRE VII - DEVELOPPEMENT PASTORAL ET FACTEURS D'APPUI
1. Configuration géographique plurielle de l'élevage bovin
2. Diversité bioclimatique et dynamique pastorale-plurielle
3. Culture urbaine et dynamique pastorale
4. Mutations des techniques culturales : la traction animale révélatrice de matrices d'ouvertyre à la dynamique pastorale
CONCLUSION GENERALE
A Mise au point méthodologique
B Recommandations et perspectives
BIBLIOGRAPHIE

LISTE DES TABLEAUX

Tableau N° 1 :Identification des zones d’enquête
Tableau N° 2:Structure démographique de la région Tagbana
Tableau N° 3 :Répartition de la population par densité brute rurale et taux d’urbanisation
Tableau N° 4 :Evolution du cheptel bovin sédentaire
Tableau N° 5 :Répartition du cheptel bovin par type d’élevage et type d’élevage
Tableau N° 6 :Densités bovines par localité et type d’élevage
Tableau N° 7:Situation de l’élevage bovin par niveau d’élevage

LISTE DES CARTES

Carte N° 1 :Localisation du pays Tagbana en Côte d’Ivoire
Carte N° 2 :Département et sous-préfectures de Katiola
Carte N° 3 :Les types de climats
Carte N° 4 :Végétation et hydrographie
Carte N° 5 :Taux d’urbanisation et densités brute et rurale
Carte N° 6 :Densité bovine par système d’élevage
Carte N° 7 :Taux d’urbanisation et densité bovine
Carte N° 8 :Densité brute et rurale et densité bovine

PREMIERE PARTIE

CONTEXTE DE L'ETUDE

En Afrique noire, l'élevage revêt une importance et une signification plurielles. Pour l'Africain, le troupeau ne constitue pas seement une valeur d'échange, mais aussi d'usage. Il lui confère une marque de statut social et une valeur liturgique.

En modifier le sens et les bases de fonctionnement peut engendrer une crise dans les groupes sociaux où l'élevage n'est pas une tradition économique et où les systèmes de production agricole ignorent l'élevage bovin ou le pratiquent de façon marginale. C'est le cas de la société Tagbana de la Côte d'Ivoire.

Le développement de l'élevage représente donc dans cette société un modèle exogène qui appelle des bouleversements des modes de vie, de l'ordre traditionnel et de recomposition sociale. Il nécessite un éclairage de l'anthropologie appliquée, science de la planification rationnelle du changement.

Mais quelles sont les raisons essentielles qui ont milité en faveur du choix du présent thème de recherche ?

CHAPITRE I

CADRE THEORIQUE

Le cadre théorique de l'étude s'articule autour des motivations réelles qui militent en faveur de la réalisation de cette recherche, la lecture critique de la littérature relative au sujet, la problématique, les hypothèses et les objectifs qui l'orientent.

1. Justification du thème

Les raisons qui justifient cette recherche proviennent d'un ensemble de constats. La communauté rurale Tagbana a connu de nombreuses mutations du fait de la colonisation et, ensuite, de l'effet de plusieurs actions "dites" de développement conduites dans son territoire. Ces mutations qui sont très profondes profondes ont affecté les leviers par lequels se fait jusque-là l'insertion des individus dans le tissu social, politique et idéologique.

La communauté rurale Tagbana est donc une société engagée dans un processus général de fragmentation de ses structures et de bouleversement de ses conditions matérielles d'existence et de ses représentations. Mais ces changements s'affaiblissent de plus en plus du fait la crise généralisée : problèmes de population, ébranlement des valeurs autochtones, famine, sécheresse, exode rural, paupérisation des populations paysannes du fait de la mévente des principales cultures de rente (coton, canne à sucre, soja...) sur le marché international et du programme d'ajustement structurel.

C'est dans un tel environnement de raréfaction des ressources et de mal-vivre que l'Etat ivoirien, dans sa politique de développement rural, encourage la promotion de l'élevage bovin et la vulgarisation de la culture attelée. Présentée comme une panacée et une alternative pour la communauté rurale Tagbana, ce projet officiel vise non seulement à sauvegarder les sources d'approvisionnement des villes en produits agricoles, à réduire l'hémorragie financière due aux importations de viande, mais aussi et surtout à asseoir le bien-être du monde rural par une diversification des appareils et secteurs de production. Mais, malgré l'intérêt que représente le développement de l'élevage bovin, au regard de ses multiples avantages, les populations rurales Tagbana (cibles dudit projet) n'ont pas répondu à l'attente de l'Etat et des "développeurs", laquelle consiste à faire d'elles de véritables éleveurs ou agriculteurs/éleveurs.

En plus de l'indifférence totale d'une frange importante de cette communauté, le projet de développement de l'élevage bovin dans a engendré de nouveaux conflits et attisé les anciens antagonismes centrés autour des questions foncières, de la sécurité des cultures et des logiques des différents partenaires (populations Tagbana/ Peul/Malinké/Etat).

Ce sont donc autant de situations positives, d'incohérence structurelle,

" d'agression sociologique " du milieu Tagbana qui légitiment l'intérêt de cette étude.

2. Revue critique de la littérature

Les problèmes de développement rural en général, et de développement agro-pastoral en particulier, ont fait l'objet d'une abondante littérature. Il serait donc prétentieux dans le cadre de cette étude d'en faire une lecture critique détaillée. Aussi, le corpus d'ouvrages qui feront ici l'objet d'un examen critique, ne prétend-t-il pas être exhaustif, ni à fortiori statistiquement représentatif de l'énorme documentation produite sur le sujet.

Il est néanmoins possible de dégager les thèses fondamentales en la matière. Certains auteurs s'opposent à la prise en compte des valeurs traditionnelles dans les actions dites développantes tandis que d'autres exigent leur réhabilitation pour en faire les fondements de toute politique de développement. Par rapport à ces deux tendances, se dessine une voie médiane qui préconise un dosage de tradition et de modernité, de valeurs exogènes et endogènes.

Parmi les défenseurs de la première thèse, on retrouve Albert Meister. Dans son ouvrage L'Afrique peut-elle partir ?, il considère que toute politique de développement qui s'articule et se fonde sur les valeurs traditionnelles du monde rural est quasiment vouée à l'échec. Pour lui, la réussite passe nécessairement par la mise en oeuvre d'..... provoquée et d'incitation extérieure. En outre, il ne cache pas ses inquiétudes en direction de ceux qu'il appelle traditionalistes, parce que continuant de croire à l'opérationnalité des valeurs et des savoir-faire autochtones en s'évertuant à démontrer leur inopérationalité, il se fait l'avocat passioné de la tabula rasa.

Cette caractérisation est valable pour A. Gosselin. Dans son ouvrage Développement et tradition dans les sociétés rurales africaines, il remet en cause la capacité des structures anciennes à impulser toute dynamique de développement et clame que celles-là constituent des obstacles pour celle-ci. D'où la nécessité de leur disparition. Cette lecture qui fait de la tabula rasa la condition sine qua non de la réussite de toute politique de développement rural, ne fait pas l'unanimité. Des auteurs tels que Guy Belloncle, Robert Chambers et bien d'autres encore, pensent que toute tentative d'encrage du développement par la transposition des valeurs d'une société (aussi techniquement avancée qu'elle soit) à une autre est illégitime. Belloncle (1979) pense que le développement véritable n'est possible que s'il se fonde sur les structures traditionnelles, les potentialités et les compétences locales.

Mais ce discours de réhabilitation des valeurs traditionnelles comporte un risque pour les avocats de la thèse du développement endogène, celui de tomber dans une certaine idéalisation de la tradition et de forger, par voie de conséquence, des clichés et des visions stéréotypées des communautés rurales. L'observation s'applique à Robert Chambers, un des principaux tenants du courant populisme développement. Pour ce dernier, il est temps de placer enfin les "pauvres", les "oubliés" au centre du développement rural. Pour ce faire, il propose d'opérer un certain nombre de "renversements" dans les attitudes, les recherches et les politiques de développement. Ce renversement de perspective exige que l'on parte désormais "d'en bas" (le peuple) au lieu "d'en haut" (les institutions, les bureaucrates, la science...) et conduit cet auteur à sommer les acteurs de celles-ci à se mettre à l'écoute des paysans, des femmes, considérés comme les "oubliés" du développement. Ce faisant, Chambers exprime une attitude fondée davantage sur la sympathie que sur la scientificité envers le monde paysan le "peuple" qu'il découvre et convertit en cause sociale, morale et intellectuelle.

Dans la tendance synthétique des deux thèses précédentes, le développement est considéré comme la résultante d'un processus combinatoire de facteurs endogènes et de facteurs exogènes, d'un alliage entre tradition et modernité. Cette approche dialectique entre valeurs anciennes et valeurs modernes est celle des anthropologues "dynamistes". G. Ballandier demeure l'un de ses plus célèbres partisans. Cet auteur ((a) 1971: 33) considère que le changement social, dont le développement est une forme particulière, procède d'une double dynamique : la "dynamique du dedans" et "celle du dehors". Guy Rocher résume cette vision en disant que le développement est un effet conjugué de facteurs internes et de facteurs externes.

Cette volonté manifeste de prise en considération désormais des stratégies et des logiques des populations locales (dynamique du dedans) et celles des développeurs (dynamique du dehors) fait, non seulement, suite aux échecs tant des idéologies classiques que des modèles technicistes de développement, mais aussi à la contribution de plus en plus requise des sciences sociales à la découverte de la rationalité "implicite" des sociétés rurales et, par conséquent, à une (ré) habilitation de la dimension culturelle du développement. C'est à cette dernière tâche que se sont attelés Sanchez-Arnau et Desjeux (1994).

Même si les auteurs expliquent les échecs des projets de développement par un refus, un oubli de prendre en compte la culture par les politiques d'intervention ainsi mises en oeuvre, ils ne nomment cependant pas la ou les cultures dont il est question et ne disent pas de quelle manière elle(s) aurai(en)t pu donner de meilleurs résultats. "Prendre en compte la culture : oui, mais comment ? L'on sait depuis au moins une quarantaine d'années qu'il faut prendre en compte la culture dans le processus de développement". Mais ce qu'on ne sait pas, c'est comment la prendre en compte scientifiquement (méthodes et données), comment les peuples des pays en développement peuvent-ils la mettre à contribution pour améliorer leurs conditions de vie ou encore comment les sciences sociales (sociologie, anthropologie, etc.) peuvent-elles être d'une aide pratique ? Pourquoi l'accumulation centenaire d'études sur les cultures n'a pas donné naissance à des théories bien développées, des directives pratiques et des liens interprofessionnels entre détenteurs de savoirs intellectuels et décideurs politiques ?

Les thèses passées en revue, en s'attachant à établir le lien entre développement et culture, ont occulté une des matrices essentielles du développement, l'environnement socio culturel qui enveloppe également la donnée écologique, facteur essentiel en politique de promotion du monde rural.

C'est donc cette autre dimension importante du développement, occultée le plus souvent par les théoriciens et praticiens du développement que met en exergue Ignacy Sachs (1980).

Le fait environnemental est pris en compte dans les modèles d'analyse d'auteurs comme Sachs (1980), Maurice Strong qui a lancé en 1972 le concept d'éco-développement et a été le secrétaire général de la conférence de Stockholm sur l'environnement. Avec ce concept qui traduit "une stratégie de développement, fondée sur l'utilisation judicieuse des ressources locales et du savoir faire paysan applicable aux zones rurales isolées du tiers monde" (Sachs 1980:11), la vision du développement insiste sur la nécessité d'aider les populations à s'éduquer et à s'organiser en vue d'une mise en valeur des ressources spécifiques de chaque écosystème pour la satisfaction de leurs besoins fondamentaux.

De ce fait, l'éco-développement se veut un outil de prospection et d'exploration des options possibles d'une voie d'auto-développement qui se soumet à la logique des besoins de la population entière et non à celle de la production érigée en fin en soi. Cette option intègre le fait écologique en vue de rétablir l'harmonie entre l'homme et la nature. L'enjeu de l'approche du développement endogène serait alors de trouver des modalités et des usages de la croissance qui rendent compatibles le progrès social et la gestion saine des ressources du milieu.

L'originalité de la théorie de l'éco-développement de Sachs trouve son expression dans une certaine valeur heuristique, celle-là même qui incite à repenser d'emblée les stratégies du développement des pays riches et des pays pauvres et les modalités de leur coopération. En d'autres termes, l'auteur invite à reconnaître que la crise du développement est un phénomène mondial. Une telle reconnaissance ne dispense pas de prendre en compte la diversité des situations, la pluralité des valeurs et, par conséquent, la multiplicité des solutions souhaitables et possibles et leur variabilité induite par la fonction des lieux, le poids du passé, les conditions écologiques, économiques, sociales et les systèmes politiques.

En terme de stratégie concrète de transition du "mal développement" au développement, Sachs articule ses propositions autour de cinq points.

- la reconversion partielle des industries existantes vers la production de produits conçus pour la satisfaction des besoins sociaux, identifiés en concertation avec les intéressés (les consommateurs et les producteurs représentés par la base syndicale) ;

- l'harmonisation des objectifs sociaux et économiques avec la gestion prudente des ressources et de l'environnement ; ce qui nécessite la redéfinition des politiques en matière d'occupation des sols, d'économie d'énergie, de promotion de nouvelles ressources énergétiques nouvelles, de substitution et recyclage de produits finis, enfin de mise au point et d'application des techniques appropriées aux contextes sociaux, économiques et écologiques ;

- la recherche d'une interdépendance négociée entre les pays industrialisés et le Tiers-monde de façon à ne plus entraver le développement de celui-ci ;

- la définition de mesures d'ajustement social nécessitant prioritairement la conduite d'une politique de réduction du temps de travail et de distribution judicieuse de l'emploi au sein de la population active toute entière ;

- l'adoption de mesures institutionnelles destinées à renforcer le poids de la société civile et à encourager l'innovation sociale à la base.

On remarquera que, de manière générale, les démarches des différents auteurs ne changent fondamentalement pas et s'articulent invariablement autour du diptyque analyse-recommandation. Les analyses proposées se basant souvent sur le constat de l'échec des politiques mises en oeuvre ou encore sur les effets induits aux plans culturel et/ou écologique, débouchent ensuite sur les recommandations qui doivent guider la mise en oeuvre des politiques de développement.

La culture est omniprésente dans ces analyses, qui restent pour la plupart pauvres en conclusions opératoires. Il y a certes des avancées indiscutables, plus diversifiées quant aux tentatives d'opérationnalisation des propositions, mais les questions de départ subsistent. On continue toujours à spéculer sur la notion de culture et à chercher comment la prendre en compte en particulier. Et dans cette éventualité, qu'est-ce qui permettrait de garantir des résultats pertinents en termes de ce qu'il est convenu d'appeler le développement ?

Ainsi, le débat ouvert sur les rapports entre culture, développement et environnement se présente plus comme un pari que comme une panacée. D'où cette tendance de beaucoup d'auteurs à survaloriser, comme on l'a déjà dit, la variable culturelle érigés au rang de gage de succès d'une politique de développement.

Les questions qui se posent alors sont nombreuses : l'ouverture tous azimuts à la modernité est-elle compatible avec la valorisation des cultures locales des pays du sud et leur prise en compte dans les politiques de développement ? Les politiques de développement actuellement portées par les Etats de ces pays ne vont-elles pas à l'encontre des subcultures locales, qui sont souvent plus proches des réalités sociologiques ? Avec la référence à la culture concernant celle dite nationale, dont on sait pourtant qu'elle cherche à se façonner, tout donne à dire qu'il reste du chemin à parcourir et à croire qu'il plane encore des incertitudes que seule une meilleure connaissance des réalités sociales pourrait permettre de dissiper ou au moins d'amoindrir.

Malgré cette prise de conscience affichée et les discours officiels sur la prise en compte des logiques paysannes et la nécessaire adaptation des projets de développement, nous constatons que la rationalité agro-économique continue à gouverner le rapport au monde rural en s'appuyant sur des visions stéréotypées qui ne cadrent pas avec les mutations vécues par les paysans. C'est pour pallier cette "lacune sociologique" que nous avons orienté le second volet de la revue critique de littérature sur les études portant spécifiquement sur la société Tagbana. Holas (1954), le SEDES et Coulibaly (1978) sont représentatifs des auteurs porteurs d'un discours correctif.

Holas décrit l'organisation sociale Tagbana. Il souligne que la société traditionnelle Sénoufo est engagée dans un processus de fragmentation et de remodelage de ses structures. Il nomme, au titre des facteurs de changement de ce groupe social, l'Ecole, l'Islam, le Christianisme, le "massa" du Mali et les mouvements migratoires en direction des grandes villes et des zones industrielles de la Basse-Côte. Mais, ajoute-t-il, ces profondes mutations n'ont pu ébranler intégralement l'âme et la pensée du Sénoufo. Ce dernier a donc su préserver une bonne partie de sa personnalité ethnique, laquelle affiche un attachement à la terre indentifiée à une mère nourricière qui occupe une place de choix dans les spéculations métaphysiques et la liturgie agraire.

Le SEDES s'attache, quant à lui, à dépeindre la société traditionnelle Sénoufo et à dévoiler la centralité de la religion dans la vie de groupe. En particulier dans la régulation de l'économie (régime foncier, division du travail, rites agraires, techniques culturales, circulation des biens et services), des liens sociaux et du sacré (parenté, système matrimonial, habitat, cérémonie rituelle...). L'intérêt de cette étude, c'est d'avoir conclu qu'au-delà des apparences d'une société segmentaire visibles chez les Tagbana, la société Sénoufo fait montre d'une très forte unicité qui exprime son essence véritable, en un mot toute sa personnalité ethnique. Il réside encore dans le fait que, par delà l'interdépendance entre les différentes sphères constitués par le mode de production, les relations entre homme, le milieu écologique et climatique et la culture, il y a l'affirmation de l'emprise de la religion sur toutes les autres instances de la réalité sociale.

Coulibaly a le mérite de révéler que la société des Sénoufo constitue une unité organique vivante dont la plus petite unité opérationnelle demeure le village. Ce que toute action de développement en faveur de la société Tagbana ne doit ignorer.

Toutes ces études n'ont pas manqué de souligner le caractère encore vivace des valeurs traditionnelles Tagbana malgré les multiples bouleversements opérés. Il serait donc illusoire d'espérer obtenir des résultats positifs de toute politique de développement qui ne les prendrait pas en considération. Mais une telle prise en compte ne doit pas faire oublier que la communauté rurale Tagbana est parcourue par des logiques d'hybridation annonciatrices de syncrétismes du fait de l'introduction des normes de la modernité. C'est dans un tel espace en mutation que nous allons cerner les enjeux de l'élevage bovin.

La plupart des études consacrées à cette activité économique ont été prioritairement orientées vers les axes écologique, agro-économique et géotechnique au détriment des aspects sociologique et anthropologique. Celles qui sont à mettre à l'actif des sciences sociales traitent dans leur majorité de la transhumance pastorale peul. Les plus significatives au regard de l'enjeu scientifique de cette étude procèdent à une lecture de l'élevage bovin assise sur une convocation des données sociales et écologiques. Barry (1975 et 1978), Diabaté (1982), Coulibaly (1983), Bernadet (1984) et Pagot (1985) en sont les auteurs.

Au-delà de leur spécificité, elles montrent qu'à travers l'élevage, c'est la civilisation pastorale, dont il faut comprendre les mécanismes et les modes de fonctionnement, qui se met en branle. Il en découle que la domestication du bovin en pays Tagbana, dont la tradition économique repose essentiellement sur le travail de la terre va, au-delà de l'association des deux activités, impliquer la rencontre de deux civilisations apparemment incompatibles : la civilisation agricole et la civilisation pastorale. Cette incompatibilité demeure une pesanteur culturelle, une source de résistance à intégrer dans la problématique même de l'acceptation par les paysans Tagbana de l'élevage comme matrice du jeu de production de patrimoines.

3. Problématique

Le développement de l'élevage bovin dans l'espace agraire Tagbana présente un enjeu à la fois socio-économique et écologique. Il est résumé par la question ci-après : comment trouver des mécanismes de développement de l'élevage bovin qui rendent compatibles le progrès social escompté, l'utilisation judicieuse du savoir-faire paysan et la gestion saine des ressources du milieu d'accueil ?

Face aux conditions climatiques devenues de plus en plus défavorbles (exemple de la sécheresse), à la dégradation des sols soumis à la surexploitation, aux déboisements, aux feux de brousse, à une démographie toujours galopante dans un contexte de baisse des effectifs de population rurale en raison de l'exode et de la pauvreté croissante, nombreux sont les décideurs politiques, planificateurs et opérateurs de développement qui perçoivent en la combinatoire agriculture-élevage un impératif socio-économique et de sauvegarde du cadre écologique, une stratégie de survie pour les populations rurales africaines. La sagacité dont ils font montre leur est demandée en ce qui concerne l'identification des situations invariantes et des particularités repérables dans chaque région et dans chaque pays.

Ainsi, la Côte d'Ivoire, autosuffisante sur le plan de la production agricole, se trouve déficitaire en production animale. La couverture des besoins de ses populations en viande reste, en dépit des efforts entrepris, largement tributaire des marchés extérieurs. Pour l'année 1972, 12 milliards de F CFA ont été consacrés à l'importation de la viande, dont celle du bovin représentent près de 85 % de la consommation nationale totale de protéine animale. L'année 1974 marque un tournant dans la politique ivoirienne d'importation de viande, avec l'augmentation de 34 % du prix du bétail à Abidjan à la suite de la sécheresse frappant les pays sahéliens exportateurs. Le coût d'importation de viandes est, par ailleurs, passé à 31 milliards de F CFA en 1981, pour atteindre 34,5 milliards de francs CFA en 1985.

En l'absence d'un "sursaut national" sur la question et considérant la forte croissance des populations urbaines, essentiellement due à l'immigration et à l'exode rural, qui entraînent la réduction du nombre des travailleurs dans le secteur agricole, on peut prévoir que la couverture nationale des besoins en viande sera davantage dépendante des marchés extérieurs. Cette dépendance constituera et constitue déjà une source de sortie importante de devises à un moment où la Côte d'Ivoire a le plus besoin de capitaux pour financer des projets à caractère socio-éducatif (écoles, centres de formation, universités...) et sanitaire (dispensaires, hôpitaux, équipements thérapeutiques...). D'où la nécessité devenue vitale pour l'Etat ivoirien de s'engager avec hardiesse dans la voie de la recherche d'une auto-suffisance en matière de production animale en initiant un vaste programme de développement pastoral.

La savane de la région habitée par les Tagbana qui est un espace immense et propice à l'activité pastorale, a été choisie comme l'une des zones d'accueil de ce projet. Au-delà des atouts naturels qu'on y trouve et des avantages financiers attendus, le projet d'élevage bovin constitue, à l'image de toute innovation socio-économique, une arène, c'est-à-dire un espace de jeux et d'enjeux relevant de la coexistence conflictuelle ou non entre agriculture et élevage, c'est-à-dire des compromis ou confrontations entre acteurs sociaux (Peul/ Tagbana, agriculteurs/éleveurs, développeurs.

Il se dégage alors deux types d'enjeux de coexistence : les enjeux de coexistence intégrée et ceux de coexistence concurrentielle. La coexistence intégrée envisage les enjeux de développement de l'élevage bovin autochtone sous un rapport de complémentarité plurielle avec l'agriculture : complémentarité nutritionnelle (apport protéique à la ration alimentaire) économique (bétail comme source d'épargne, culture attelée, fumier...). La coexistence concurrentielle renvoie, par contre, à des situations conflictuelles entre deux activités productrices (agriculture/élevage), d'incompatibilité entre deux traditions (agraire/pastorale).

En conséquence, avec la mise en route du projet de l'élevage bovin ne disposant pas de facteurs favorables, des restructurations des modes de vie sont à entreprendre. En somme, il y a un coût "sociologique" à payer par les sociétés de producteurs concernées.

Comment ces dernières perçoivent-elles ces "agressions" ? Cette interrogation qui renvoie à la capacité des populations destinataires à assumer ces incidences et à les résoudre, ne peut trouver de réponse satisfaisante sans un examen des situations d'incompatibilité s'exprimant à l'échelle foncière (structures de gestion peu appropriées à l'activité pastorale) et à l'échelle sociale (divergence des logiques Peuls/ Tagbana, développeurs). Chaque catégorie d'acteurs mus par ses intérêts (matériels et symboliques) essaye d'infléchir à son profit directement ou indirectement les innovations économiques ou les ressources disponibles.

Ainsi, les terres cultivables ou fertiles, les points d'eau, devenant du fait de leur rareté des cibles d'attraction et des objets de convoitise, se transforment souvent en lieux "d'appropriation" différentielle entre agriculteurs (autochtones) et éleveurs (Peuls). Même si on n'a pas encore atteint le seuil critique de dégradation écologique des pays sahéliens, il n'en demeure pas moins que sont repérables des situations localisées de rupture symbolique homme-bétail-nature. Celles-ci sont dues à l'absence d'une stratégie d'harmonisation des objectifs de rentabilité économique avec une gestion prudente des ressources du milieu et articulée aux références autochtones.

Dans l'espace Tagbana disposant de réels atouts avec ses espaces savanicoles encore riches en réserves fourragères, il se pose, du fait de l'écologie des tiques et des glossines (vecteurs de la trypanosomiase animale et humaine), une problématique de la santé animale, composante de celle de la promotion de l'élevage bovin. Le même propos conclusif peut être reconduit avec les pathologies de virales, bactériennes ou parasitaires qui sont liées aux conditions d'hygiène précaire et favorisées par le manque d'assistance vétérinaire continue et de mesures prophylactiques (hygiène dans l'alimentation, l'abreuvement, les parcs).

L'esquisse ainsi faite de la problématique des enjeux pluriels (foncier, socio-économique, écologique, sanitaire) du développement escompté de l'élevage en pays Tagbana, exige une connaissance approfondie du milieu rural local et une prise en compte des points de vue des acteurs sociaux de base, destinataires réels ou potentiels du nouveau projet économique. Deux décennies après sa mise en oeuvre, opérateurs de développement, agents techniques et populations bénéficiaires ont été unanimes à énoncer en termes d'échec l'évaluation faite des avantages/coûts (financiers, sociologiques). Les principaux objectifs assignés aux opérations de développement pastoral n'ont pas été atteints dans leur ensemble. On a certes enregistré une couverture nationale de 45 % des besoins en protéine animale (contre 15 % en 1992), mais ce taux, mis en rapport avec les investissements, demeure très en-deçà des espérances.

Aussi, la prétention de l'Etat ivoirien à convertir le paysan Tagbana en éleveur ou agriculteur/éleveur reste encore au stade de bonne intention proclamée. Ceci est d'autant plus vrai que les populations autochtones, dans leur majorité, manifestent une indifférence totale ou une hostilité au projet en question. Une telle résistance se comprend dans la mesure où on ne saurait considérer l'environnement Tagbana comme un espace sur lequel on pourrait entreprendre sans risques des innovations socio-économiques. Le croire, ce serait faire montre d'une vision techniciste du développement agro-pastoral.

L'adhésion des populations locales aux objectifs escomptés du développement de l'élevage bovin requiert qu'elles soient convaincues de leur légitimité et leur bien fondé qui sont pensés en termes d'avantages économiques en rapport avec les incidences sur la marche de leur société. C'est pourquoi, l'analyse socio-anthropologique du développement de l'élevage bovin se doit d'aller au-delà de la compréhension binaire du technicien (succès/échec), rendre compte de ses implications (positives ou négatives) en les rapportant aux ressources naturelles, humaines et symboliques du milieu local d'accueil et non aux objectifs macro-économiques de politique nationale. En définitive, il existe des projets de développement dont la réussite est un désastre et l'échec une "bénédiction" pour les populations locales du milieu réceptacle, au regard des conséquences ou incidences à long terme.

Par ailleurs, il y a lieu de révéler que si le projet en question n'a pas été suffisamment concluant, il laisse transparaître néanmoins des pôles de prospérité aux configurations variables . La dynamique pastorale ainsi enclenchée est révélatrice des attitudes calculées des paysans face aux projets de développement qui leur sont proposés par les "développeurs". En effet, c'est en fonction de leurs intérêts et des expériences antérieures acquises et, surtout, de l'environnement des compétences locales que les paysans réagissent en rejetant ou adoptant en les détournant de leurs objectifs initiaux les propositions de ceux-ci. C'est en cela que la dynamique pastorale plurielle, en tant qu'expression différentielle d'attitudes et de comportements d'acteurs sociaux locaux pensant en termes d'avantages et d'inconvénients (matériels ou symboliques) le projet de vulgarisation de l'élevage bovin, intéresse la sociologie des mutations.

Quelle stratégie éducative adaptée, capable de coordonner les divergences de logiques sociales et d'intérêts des différents acteurs du développement agro-pastoral peut-on et doit-on concevoir ? Comment intéresser ou impliquer davantage les populations rurales Tagbana dans la promotion de l'élevage bovin ? Comment surmonter les blocages culturels, renforcer les ouvertures par une prise en compte des facteurs socio-culturels et écologiques susceptibles de favoriser l'acceptabilité de l'élevage comme modèle socio-économique ? Pourquoi des populations issues du même espace culturel et ethnique tagbana et appartenant à la même configuration géographique, réagissent-elles différemment face à un même projet de développement? En d'autres termes, pourquoi n'y a-t-il pas la même résonance "sociologique" ? Ce sont là autant de préoccupations qui inspirent les hypothèses suivantes.

4. Hypothèses de recherche

En raison de l'impasse et de la résonance plurielle du projet de développement pastoral dans l'espace Tagbana, trois hypothèses de recherche peuvent être formulées :

-l'acceptabilité de l'élevage bovin comme modèle de production de patrimoines par les populations paysannes Tagbana est fonction de sa capacité à générer à moindre coût (financier, écologique, culturel) des revenus importants supérieurs à ceux tirés de l'agriculture ;

-le coefficient ethnique affecté à l'élevage bovin (comme trait d'identité culturelle Peul) et renforcé par les incidences (destruction de cultures, vols de bétail, conflits fonciers...) liées à la transhumance pastorale, suscite chez les paysans un désintérêt et une hostilité pour le projet proposé ;

-la mutation des techniques culturales illustrée par le développement de la culture attelée est porteuse de nombreux effets induits (productivité accrue, diversification économique, libération physique du paysan), constitue un facteur susceptible de favoriser l'acceptation du projet de diffusion de l'élevage bovin par les producteurs ciblés.

5. Objectifs de la recherche

Cette étude poursuit trois objectifs essentiels :

-établir un état des lieux en mettant surtout en relief la question du développement de l'élevage bovin dans la région Tagbana;

-identifier les contraintes écologiques, socio-économiques et culturelles au développement de cette activité de production animale ;

-repérer les pôles d'ouverture possibles en ce qui concerne l'acceptabilité dudit projet.

CHAPITRE II

CADRE METHODOLOGIQUE

1. Délimitation du champ d'investigation

Cette étude a ciblé la région de Tagbana située dans le centre nord de la Côte d'Ivoire, particulièrement le département de Katiola qui couvre quatre sous-préfectures (Fronan, Katiola, Niakramadoungou, Tafiré et Tortiya. Le site choisi a une superficie totale de 9420 km2 et compte 231 habitants, dont 76 655 ruraux.

1.1. Identification des localités d'enquête

Le choix de ces unités spatiales obéit à un souci de représentation et de configuration. Ainsi, l'espace retenu comme site de l'étude a été subdivisé en trois zones ; ce qui nous donne au total 5 zones d'enquête qui se répartissent selon le tableau ci-dessous.

TABLEAU N° 1 : Identification des zones d'enquête

ZONES

NORD

CENTRE

SUD

SOUS PREFECTURES

 TAFIRE

Tortiya
Niakaramandougou

Fronan
Katiola

2-2. Identification des unités d'observation-population

Le projet de développement de l'élevage bovin fait intervenir de multiples acteurs sociaux correspondant aux "groupes cibles" (paysans, notables, jeunes, femmes...) et aux représentants des institutions de développement (agents techniques et employés de l'administration déconcentrée).

Pour appréhender ce projet qui peut se lire comme un lieu de confrontations entre ces figures actorielles autour d'enjeux constitutés par l'espace et la production animale, l'objectif principal et les hypothèses de recherche recommandent d'être attentif aux variables dessinant des jeux de conflictualité dans leurs relations. C'est donc un moyen de dépassement des consensus sociaux pour cerner les contradictions de type statutaire (homme/femme, aîné/cadet) ou encore liées à la production (contrôle de la force de travail, maîtrise du foncier). Pour arriver au même résultat, nous nous sommes servis des variables porteuses d'ambiguïté sociologique. Il s'agit des catégories ethniques (Tagbana/Malinké/Peul) et socio-professionnelles (notable/agriculteur/ éleveur/développeur).

La méthode d'enquête, soumise à ces figures sociales du champ d'étude, est l'enquête qualitative. Cette dernière gouverne l'approche anthropologique par excellence, celle-là même qui essaie d'appréhender les problèmes du point de vue des intéressés (acteurs de base pris non plus comme un tout homogène mais comme un ensemble de contradictions et de négocations (arène "sociologique"). Nous inscrivant cette perspective scientifique (holisme interactif entre le micro et le macro), les axes méthodologiques de l'ethnologie, de l'anthropologie du changement social ou de la sociologie du développement rural, qui exigent la prise en considération des acteurs du jeu social, retiendront au plus haut point notre attention. C'est assurément qui nous a guidé dans le choix des populations à enquêter.

Pour ne pas nous écarter de la voie tracée, nous avons emprunté aux sociologues Ever et Shiel (1988) le concept de groupe stratégique. Concept dont l'emploi nous semble bien approprié pour interpréter la dynamique de l'arène "sociologique" décrite plus haut à propos du projet d'élevage bovin. Les concepts d'arène et de groupes stratégiques sont opératoires à cause de leur caractère essentiellement empirique.

Il y a deux catégories d'acteurs sociaux ou de groupes stratégiques (développeurs/développés) avec les opérations de développement, interventions volontaristes d'origine extérieure comprenant l'introduction de technologies nouvelles et de comportements socio-économiques. Ces deux "versants" se retrouvent dans la vulgarisation de l'élevage bovin dans l'espace Tagbana.

Dans notre outillage conceptuel, nous employons les vocables de développeur et de développé. Le premier désigne les représentants locaux d'ONG et/ou bailleurs de fonds (la GTZ), ceux de l'administration déconcentrée ou décentralisée (préfet, sous-préfet, maire), les agents techniques de développement de terrain (encadreurs zootechniques et sanitaires (vétérinaires) de SODEPRA, assistants CIDT). Le second qu'on peut remplacer par une autre unité locative, à savoir l'acteur destinaire, regroupe les populations locales ciblés (autorités traditionnelles (chef de terre, chef de village, notables ruraux) et producteurs qui leur sont plus ou moins soumis, (agriculteurs, éleveurs, agriculteurs-éleveurs et éleveurs Peul).

2. Techniques de collecte des données

Les techniques de collecte et de construction des données sont fonction non seulement des hypothèses et objectifs de recherche mais aussi de la configuration des groupes sociaux étudiés. Laquelle configuration travaillée par les logiques de la colonisation, puis celles des politiques de développement de la période post-coloniale, se résume en une hybridation. Aussi, les registres de l'ambiguïté (tradition/modernité) ou du pluralisme (hétérogénéité ethnique, culture urbaine/culture rurale...) sont-ils à convoquer pour une meilleure connaissance du milieu humain étudié.

C'est donc sa configuration ambivalente ou syncrétique qui recommande une double enquête : une enquête (ethnologique) et une enquête psychosociologique. Dans cette double perspective méthodologique, un ensemble de techniques de collecte d'informations ont été utilisées. Elles ont pour nom : recherche documentaire, observation directe, techniques d'entretien individuel et/ou de groupe (focus-groupe).

2.1. La recherche documentaire

La recherche documentaire a constitué une composante essentielle et importante des procédés d'investigation utilisés. Les axes d'orientation théorique et méthodologique de l'analyse documentaire ont eu comme vecteurs disciplinaires : l'anthropologie, la psychosociologie et la sociologie du développement. Elle a donc porté sur une littérature variée et permis, en outre, de prendre conscience de l'opérationalité des méthodes d'enquête, de mesurer leur degré de pertinence scientifique par rapport à l'objet et au contexte d'étude, et, en dernier lieu, de faire l'inventaire et la synthèse des travaux sur les politiques de développement pastoral ou agro-pastoral en Côte d'Ivoire, d'une façon générale, et dans la région Tagbana, en particulier.

Ce qu'il faut retenir, c'est que le processus de ce marchandage (développeur/développé) des dispositifs techniques, inhérent à la réalisation de tout projet de développement, est ignoré dans la conception, l'exécution et l'évaluation des programmes recensés. L'approche techniciste et agro-économiste, qui soustend cette occulation, est présente dans la politique de développement de l'élevage. Une approche critique, rapportée à un contexte social plus large, laisse apparaître une crise plurielle qui induit, au niveau des individus et même des institutions juridico-sociales, de nouvelles stratégies de recomposition et d'adaptation (ajustement structurel). Ce sont là des situations de contradictions sociales dans lesquelles il faut voir l'expression d'un double phénomène d'acculturation et de contre acculturation.

Ce sont ces processus d'acculturation et de contre-acculturation qui font fonctionner actuellement la société Tagbana sur le registre de l'ambiguïté ou du pluralisme. Ils peuvent compromettre la manifestation des changements envisagés par les initiateurs du projet.

Enfin, cette catégorie de littérature est complétée par d'autres sources correspondant essentiellement à des documents iconographiques et à des données statistiques. Les documents iconographiques sont constitués de cartes telles que :

- les cartes de découpage administratif de la République de Côte d'Ivoire à l'échelle départementale, préfectorale et sous préfectorale (DCGTX 1991), qui ont permis de délimiter géographiquement la zone d'étude, d'apprécier son étendue, d'identifier les chefs lieu de région, de départements, de préfectures et de sous-préfectures, de comparer les surfaces des zones d'enquêtes les unes par rapport aux autres ;

- les cartes du climat et de l'hydrographie de la Côte d'Ivoire (Atlas Côte d'Ivoire 1991) donnant une vue panoramique des types de climats, des différentes saisons et les principaux cours d'eau de la zone d'étude ;

- les cartes du sol et de la végétation de la Côte d'Ivoire (Idem) élaborées par l'ORSTOM dans le cadre de la convention d'étude pour le reboisement et la protection des sols et qui visualisent le caractère composite de ces unités géographiques ;

- les cartes portant sur la distribution ethnique et démographique (Idem) renseignant sur les réalités du site d'enquête ;

- les cartes des équipements (Idem et Michelin 1991), qui renvoient aux divers axes routiers, lignes ferroviaires et à certains investissements économiques (barrages, usines, projet agro-pastoral) et permettent de repérer les zones enclavées et d'apprécier les disparités créées.

En somme, ces différentes cartes ont constitué un guide édifiant dans l'exploration de la zone d'étude. Mais elles l'auraient été d'avantage si elles avaient été confectionnées à une échelle plus petite (région de Katiola).

S'agissant des documents chiffrés, nous avons fait usage de deux types de données statistiques. Le premier type a été fourni par les différents services techniques de la SODEPRA. Il porte sur le recensement du cheptel bovin par sous-préfectures et par système d'élevage (sédentaire, boeuf de culture attelée, transhumant). Ces unités statistiques, consignées dans les différents rapports annuels d'activités du projet d'encadrement centre de 1985 à 1993, ont permis non seulement de mesurer l'évolution du cheptel bovin. Le deuxième type de données émanant du Recensement général de la population et de l'habitat de 1988 est constitué de données relatives à la densité humaine et à l'urbanisation. Il faut toutefois déplorer l'absence de données statistiques fiables sur les catégories ethniques (Tagbana, Malinké, Peul) et professionnelles (éleveurs/ agriculteurs, agriculteurs/éleveurs) à l'échelle micro-géographique). C'est d'ailleurs l'une des raisons de l'option pour l'enquête qualitative.

2.2. L'observation directe

L'observation directe a constitué un outil essentiel de collecte des données nécessaires à la connaissance du paysage physique et du milieu socio-culturel Tagbana. Pour disposer d'un instrument d'observation, nous avons conçu une fiche du milieu contenant des rubriques sur l'environnement (relief, climat, végétation), l'habitat, le système foncier, l'agriculture, l'élevage, les structures de parenté, les formes de coopération.

Ces éléments ont été ainsi repérés et assimilés dans la phase exploratoire ou préenquête à des obstacles naturels et sociologiques au développement de l'élevage bovin, mais aussi à des enjeux locaux. Ainsi, l'observation directe a permis :

-de déterminer les aires géographiques d'élevage configurés en fonction des types de domestication (sédentaire, BCA (boeuf de culture attelée) et transhumant) ;

-d'identifier les modalités d'appropriation, de contrôle et d'accès à la terre ;

-de distinguer les autorités et pouvoirs locaux (administratifs et traditionnels) superviseurs et/ou détenteurs de droit de contrôle sur l'espace ;

-de repérer les limites administratives des départements et des autres localités d'enquête, celles coutumières des chefferies et symboliques des maîtres de la terre investis de charges religieuses ;

-de désigner les catégories sociales en situation (latente ou manifeste) d'ambiguïté "sociologique" (agriculteurs/éleveurs ; Tagbana/Peul) et de localiser leurs aires d'influence respectives.

Ces informations ont été complétées par des données collectées à l'occasion d'entretiens semi-directifs individuels et/ou de groupe.

2.3. Les entretiens semi-directifs

Les entretiens semi-directifs, d'enquête ethnologique ou d'enquête psychosociologique, ont suppléé à l'absence de sondage à l'échelle locale et à la faible fiabilité de celles qui existent à une échelle supérieure. Ils ont été menés selon la technique de l'interview et centrés sur des thèmes articulés à la connaissance des facteurs limitants et des facteurs dits d'appui au développement de l'élevage bovin.

Connaître les premiers, c'est étudier la diversité des droits d'appropriation collective et individuelle de l'espace et les catégories juridiques coutumières. En d'autres termes, c'est avoir une approche socio-juridique de l'espace qui révèle les règles et les pratiques sociales formant le confluent des différentes logiques des acteurs concernés. En revanche, appréhender les facteurs dits d'appui, c'est étudier quelques conflits majeurs repérés dans la phase d'observation et, donc, mettre à nu les stratégies paysannes qui sont à l'oeuvre.

Avec ces deux axes d'orientation, les entretiens semi - directifs ont porté sur la connaissance de catégories sociales, économiques et symboliques. Dans le détail, elles concernent :

-l'environnement coutumier (savoirs, droits, représentations, organisations sociales, mode de gestion des ressources...) ;

-les obstacles naturels et culturels à l'acceptabilité de l'élevage bovin comme activité économique ;

-les rapports de pouvoirs (enjeux conflictuels) à l'intérieur et à l'extérieur de l'arène "sociologique" (le projet d'élevage) ;

-les ressources locales (humaines, matérielles et symboliques..);

-les représentations globales (aspects négatifs et positifs) du projet d'élevage chez les diverses catégories d'acteurs (Tagbana/Peul/Malinké, agent local de développement, administrateur local...).

Les entretiens semi-directifs individuels ont ciblé sous-préfets et/ou maires et encadreurs GTZ et CIDT tandis que les entretiens collectifs (focus groupe) ont eu pour cibles autorités traditionnelles, agriculteurs, éleveurs et agriculteurs-éleveurs, acteurs Peul du monde pastoral, femmes et jeunes.

3. Méthode d'analyse

La grille d'analyse reste déterminée par les conclusions élaborées en anthropologie appliquée et dans les disciplines dites auxiliaires (ethnologie, psychosociologie et sociologie du développement) et la nature des hypothèses de recherche mentionnées ci-dessus.

Dans une telle perspective, le schéma d'analyse se dessine ou s'opère à une double échelle méthodologique : macro-sociologie et micro-sociologie. L'intérêt de l'analyse macro-sociologique, c'est d'éclairer, à travers une approche globale ou totalisante (holisme méthodologique), les facteurs limitants (obstacles sociaux et contextuels) le développement l'élevage bovin. A ce niveau, pourront être identifiées les causes naturelles, socio-culturelles, socio-économiques de l'échec de la politique de développement de l'élevage bovin. Quant à l'analyse micro-sociologique, elle vise à révéler, au-delà de l'échec constaté, les facteurs dits d'appui (écologique, économique, culturel) au développement de cet élevage. Il est davantage question ici d'identifier les référents symbolique, culturel et économique qui sont endogènes et compatibles avec le projet d'association de l'agriculture et de l'élevage.

3.1. Méthode d'analyse stratégique

Cette approche qui aidera à identifier les mécanismes de blocage ou d'accélération de la participation communautaire au projet de développement agro-pastoral, s'est opérée à travers la méthode d'analyse stratégique, plus précisément la méthode d'Enquête Rapide d'Identification des Conflits et des Groupes Stratégiques. Cette démarche fonde son principe sur le fait que l'environnement social est un espace de jeux et d'enjeux sociaux, un lieu de confrontation concrète entre acteurs.

Dans cette perspective, le projet de développement de l'élevage bovin dans l'espace Tagbana a été comparé à une arène où les contradictions (développeurs/développés, Tagbana/Peul, vieux/jeunes) se donnent à lire non seulement dans la représentation plurielle de l'activité pastorale mais aussi dans les modes de perception et d'exploitation de l'espace.

3.2.Justification du choix de la méthode d'analyse stratégique

L'enquête exploratoire faite sur le terrain a permis de constater que l'espace Tagbana est traversé par des conflits (ouverts ou forcés) mettant en scène agriculteurs/éleveurs, Tagbana/les Peul, représentants locaux de l'administration/Peul et/ou Tagbana.

Ces conflits qui se caractérisent par une variabilité de leur intensité d'une sous-préfecture à une autre ou au sein d'une même sous-préfecture, d'un "couple" de catégories sociales à un autre, rendent compte de l'attitude contrastée du paysant Tagbana en ce qui concerne le devenir à réserver au projet de diffusion de l'élevage bovin.

CHAPITRE III

LE MILIEU NATUREL ET LES HOMMES

Le pays Tagbana appartient à un espace géographique dont les particularités déterminent et conditionnent les types d'activités de production. Il constitue aussi un paysage humain (population, ethnies) avec ses habitudes de vie, ses manières d'être et de voir le monde. C'est à la fois ce milieu physique et humain qui oriente et explique les attitudes et les comportements des populations locales à l'égard de toute opération de développement.

1. Le milieu naturel

1.1 - Situation géographique

La communauté Tagbana appartient au grand groupe ethnique Sénoufo résidant dans la région nord de la Côte d'Ivoire. Elle peuple sa partie sud, d'où l'appellation de "Sénoufo du Sud". Les Tagbana habitent le département de Katiola, dont la superficie est estimée à 9420 km2, soit 2,9 % du territoire national ivoirien. La région compte quatre sous-préfectures mentionnées ci-dessus.

De par sa position de zone charnière entre le nord du pays Sénoufo et la "patrie" des Baoulé ou région centre, la région Tagbana est circonscrite au nord par les départements de Korhogo et Ferkessédougou, au sud par l'échelon départemental qui a pour chef-lieu Bouaké, à l'est par le département de Dabakala et à l'Ouest par celui de Mankono. Cette position lui confère des particularités climatiques et écologiques.

1.2. Climat et hydrographie

Les facteurs climatiques et écologiques sont déterminants en matière de production agricole et animale, en ce sens qu'ils conditionnent non seulement le cycle végétatif mais aussi la reproduction du bétail et les activités humaines.

La région Tagbana baigne dans le climat tropical subsoudanais, qui est une synthèse du climat tropical nord et du climat baouléen central. Ses parties centre et septentrionale (Niakaramadougou, Tortiya et Tarifé) sont soumises au même régime de pluie que la région de Korhogo, à savoir deux saisons de pluie bien tranchées, dont l'une d'une durée de six mois débute au mois d'avril ou mai pour prendre fin aux mois de novembre/décembre, jusqu'aux mois de mars/avril. La pluviométrie y oscille entre 1200 mm3 et 1400 mm3 par an. Les températures minimales et maximales sont respectivement de 21° et 35° .

Quant à la partie méridionale (Katiola, Fronan), son régime de pluie est tributaire du foyer climatique baouléen. Son rythme saisonnier compte quatre divisions, dont deux saisons de pluie allant du mois de mars à celui de juin et du mois de septembre à octobre. Celles-ci sont entrecoupées de deux saisons dites sèches qui partent de novembre à février et de juillet à août. La pluviométrie annuelle oscille entre 1100 et 1200 mm3 et la température moyenne tourne autour de 27° C.

Au plan hydrographique, le pays Tagbana occupe l'interfleuve entre le bassin versant de N'ZI et celui du Bandama. En dehors de ces deux importants réseaux hydrauliques, on note l'existence de petits cours d'eau ou rivières qui, en période de saison non pluvieuse, connaissent des étiages accentués. Parmi ces cours d'eau secondaires, on peut citer le Koyhan, le Koklen, la Nemi, la Fan, le Sarabana, la Litrenpko.

Du fait de la durée des saisons dites sèches, particulièrement dans les zones centre et nord, les paysans tentent pendant la période des pluies de contrôler les crues des vallées alluviales à l'aide de digues.

Ces conditions climatiques et hydrographiques déterminent la texture du sol et la composition de la végétation.

1.3. Les sols et la végétation

Le sol et le couvert végétal ont une influence décisive sur les possibilités de cultures et d'élevage de trait. La région Tagbana est un espace physique essentiellement constitué de granite, aux sols ocres, ocre rouge, souvent très gravillonnaires avec des bancs de cuirasse à peine dégagés par l'érosion et peu ferralitiques. Elle est couverte par une formation végétale constituée de savanes arborées d'îlots forestiers au sommet des collines et des galeries forestières le long des cours d'eau, dont les plus importants sont celles du Bandama et du N'ZI.

Cette région dispose, avec ses vastes étendues savanicoles, de réelles potentialités favorables au développement de l'élevage bovin. Mais ces atouts écologiques sont quelque peu contrariés par l'existence de glossines, vecteurs de la trypanosomiase animale. Aujourd'hui, leur densité semble réduite, à la suite des actions d'assainissement écologique (lutte anti tsé-tsé) entreprises par la GTZ dans la région, depuis 1988.

2. Les hommes

2.1. Distribution spatiale des hommes

La région Tagbana a une population totale de 131.221 habitants pour une densité humaine estimée à 13,9 habitants/km2. La population rurale y est estimée à 97.408 habitants, soit 74,2 % de la population régionale, contre une population urbaine de 33.813 habitants, ce qui ne représente que 25,7 % du total des effectifs. Ce dernier taux est fourni par Katiola (chef lieu de département) qui a l'allure d'une ville véritable. Tafiré, Niakaramadougou, Tortiya et Fronan qui correspondent aux autres sous-préfectures de la région, ne sont que de gros bourgs érigés en communes.

Tableau N° 2 : Structure démographique de la région Tagbana (RGPH 1988)

Sous -préfectures

Nombre de localités

Populations par sexe/centres urbain et rural

 

 

Hommes

Femmes

Total

Urbain

Rural

Total

Tafiré

19

9.975

9.309

19.284

0

19.284

19.284

Niakaramandougou

28

11.313

11.466

22.779

0

22.779

22.779

Tortiya

8

13.604

11.280

24.884

0

24.884

24.884

Fronan

8

7.575

8.027

15.602

0

15.602

15.602

Katiola

20

24.789

23.883

48.672

33.813

14.859

48.672

TOTAL

83

67.256

63.945

131.221

33.813

97.408

131.221

Le rapport de masculinité qui est de 105 hommes pour 100 femmes, n'est pas enregistré dans les localités de Niakaramandougou et de Fronan où les femmes représentent la majorité démographique.

Par ailleurs, les différences observées par localité révèlent une très grande disparité dans la répartition de la population régionale. Ainsi, les plus fortes densités humaines sont enregistrées dans les localités de Tortiya (39 hbts/km2, et Katiola (33 hbts/km2), suivies de celles de Fronan (11 hbts/km2) et Tafiré (10 hbts/km2). La plus faible densité brute est observée dans la localité de Niakaramandougou (5 hbts/km2).

Tableau N° 3 : Répartition de la population par densité brute, densité rurale et taux d'urbanisation

Zones

Sous-préfectures

Surface en Km²

POPULATIONS

 

 

 

Populations

Densité brute

Densité rurale

Taux d'urbanisation

NORD

 

1.900

19.284

10

10

45,1 %

CENTRE

Tafiré

4.171

22.779

5

5

24,2 %

 

Niakaramadougou

637

24.884

39

39

82,0 %

SUD

Fronan

1.369

15.602

11

11

52,8 %

 

Katiola

23.883

48.672

33.813

14.859

69,5 %

La disparité observée au niveau des densités se traduit également au niveau des taux d'urbanisation. Il y a une certaine corrélation entre le taux d'urbanisation et la densité humaine. Les localités qui ont les plus fortes densités ont aussi les plus forts taux d'urbanisation. C'est le cas avec Tortiya (82,0 %), Katiola (69,5 %) et, à un degré moindre, Fronan (52,8%), Tafiré (45,1 %) et Niakaramandougou (24,2 %). Il faut noter que la situation particulière de Tortiya est liée au fait qu'elle constitue une zone d'exploitation et de transaction de l'or et de l'argent, et donc un pôle d'attraction humaine.

2.2. Composition ethnique

La population de la région présente une relative hétérogénéité dans sa composition ethnique. En dehors du groupe autochtone qui est majoritaire, les autres entités qui semblent significatives, quoique minoritaires, sont les colonies de Malinké (ou Dioula) et les enclaves de Peul. Cette hétérogénéité est à priori source de barrières linguistiques et socioculturelles, de logiques et de normes de comportement divergents qui recommandent plus d'attention, et donc de finesse, dans toute approche du fait social.

Par ailleurs, le développement de l'élevage bovin enveloppe une variable essentielle : l'espace. En effet, le projet en question est initié dans un espace où s'affrontent divers groupes mus par des intérêts matériels ou symboliques. Une telle hétérogénéité ethnique d'acteurs aux représentations divergentes autorise à rechercher les ressources symboliques, culturelles et économiques, à partir desquels s'opère le détournement du projet. Il se pose dès lors la question de l'analyse comparée des différentes cultures en présence pour identifier, non seulement le mode d'appropriation "différentielle" individuelle ou collective dudit projet, mais aussi la représentation plurielle de l'espace.

2.3. Les données socio-culturelles

La société Tagbana engagée dans un processus de précarisation des conditions d'existence et d'individualisation progressive des pratiques et des représentations, voient cohabiter dans un syncrétisme culturel digne d'intérêt les valeurs traditionnelles et valeurs modernes. D'où la nécessité d'une lecture à la fois structurale et dynamique de cette entité à prédominance rurale. La communauté paysanne demeure dans cette région la base essentielle de toute politique de développement économique et social. Le développement de l'élevage bovin ne saurait y avoir d'assise solide que s'il répond aux besoins et aux aspirations des producteurs ruraux.

Ceci appelle une première exigence : l'acceptation par les populations locales des nouvelles valeurs socio-culturelles, socio-économiques compatibles avec le changement escompté, c'est-à-dire le mode de production expérimenté (l'association agriculture-élevage). Une seconde exigence veut que les valeurs traditionnelles ou locales soient prises en compte dans les politiques de développement car elles demeurent encore vivantes et vivaces. Pour ce faire, il importe de parier sur la nécessité d'une connaissance scientifique de la société Tagbana, celle de ses référents traditionnels en rapport avec sa vision du monde.

2.3.1. La religion, susbtrat fédérateur de la vie sociale

L'univers socio-culturel Tagbana, à l'image des autres sous-groupes Sénoufo, est fortement dominé par les croyances religieuses. La spiritualité commandait et commande encore de façon déterminante la vie quotidienne et l'ensemble des attitudes sociales et comportements économiques.

La religion qui occupe une place cardinale dans la vision du monde et est assimilé au socle de ses institutions, détermine les rôles respectifs des diverses classes d'âge, les statuts des femmes et des enfants, la tenue et la gestion de l'espace foncier et d'une façon générale, les règles d'échange ou de garanties réciproques. Cette religion s'inspire d'une cosmogonie organisée autour de deux divinités: Koulo Tyolo, assumant un rôle de transcendance, et Ka Tyelo, reconnue comme la Mère du village chargée de la consolidation de l'essence de l'être et de la substance de la chose ainsi que de celle de leurs rapports.

Le lieu de culte du Ka Tyelo est le bois sacré, site d'acquisition de savoirs enseignés par les dignitaires du Poro (organisation initiatique) et qui affirment que le maintien de la sacralité de l'Univers passe par l'accomplissement des devoirs rituels prescrits et le respect des interdits. En somme, l'enseignement porte sur l'articulation à l'ordre immanent du monde et à la totalité des gestes originellement effectués par les premiers ancêtres. Ce faisant, le Tagbana espère donner plus d'efficacité à ses entreprises. En d'autres termes, comme aiment à le souligner ses autorités traditionnelles, le plus important n'est pas de tirer profit des biens de la nature, mais de se conformer à elle et de lui obéir afin d'appréhender ses lois dynamiques et, par là, de la maîtriser.

L'activité économique traditionnelle des Tagbana ignore des données telles que la valeur d'échange et la rentabilité. La logique qui la fonde est d'ordre psycho-culturel et religieux. C'est en ce sens qu'il n'est pas permis de faire l'impasse sur les facteurs religieux, source de pesanteurs psychosociologiques au regard du modèle de l'élevage bovin à promouvoir.

Au-delà de ses implications socio-économiques, la pensée religieuse Tagbana est, par ailleurs, marquée par la philosophie de l'unité de toute chose. Pour elle, chaque partie se trouve dans le tout, baignant en lui, et vice-versa. Pour le Tagbana donc, tout est lié, tout est vivant et tout est interdépendant, haque action a une répercussion qui lui est propre dans l'ordre universel. D'où l'affirmation du caractère central de la responsabilité de l'homme dans le maintien de cet ordre.

L'équilibre de l'univers est maintenu par le mythe originel et les préceptes liturgiques tandis que l'évolution concrète de la vie dépend de la pérennité des contacts rituels établis entre l'Etre créateur, les menues divinités, les mânes des ancêtres et le monde des vivants.

C'est en effet dans le bois sacré que le Poro prépare chaque génération de jeunes Tagbana à une connaissance parfaite de leur milieu et de leurs droits et devoirs.

2.3.2. La représentation de l'espace en pays Tagbana

Pour mieux comprendre la représentation de l'espace des Tagbana, il faut s'inscrire dans l'univers cosmogonique qu'ils ont construit. D'après cette vision, la terre revêt un double statut : matériel et immatériel. Support de la vie des hommes, elle n'est pas perçue comme une simple matière d'où l'on peut extraire diverses ressources, mais plutôt comme une sorte d'Etre vivant habité par un souffle appelé génie. Par conséquent, l'acte de s'installer sur une terre vierge suppose au préalable l'agrément de cette puissance surnaturelle.

Ce pacte donne le droit au premier occupant d'une parcelle de terre d'exercer un pouvoir sacré, celui de chef de terre ou Tarfolo. Ce dernier, de par ses fonctions sacerdotales, est chargé de l'accomplissement des rites agraires indispensables au bon déroulement des travaux agricoles et à la venue des pluies dans la mesure où ils visent l'établissement d'une harmonie entre les forces cosmiques et la terre. Celle-là même dont les composantes : rivière, montagne, arbre, îlots forestiers, chemins dessinés par les hommes) relèvent du sacré.

2.4. L'organisation socio-politique des Tagbana

Tout comme la plupart des sociétés africaines, la parenté constitue l'élément référentiel de l'organisation socio-politique des Tagbana. Ceux-ci ont construit une hiérarchie qui part du père au chef de tribu en passant par le chef de famille, le chef de village. Autant de personnalités autour desquelles gravite toute l'activité politique et religieuse.

Pour mieux saisir l'organisation politico-religieuse, il convient de se référer aux mythes de fondation du sous-groupe ethnique et, surtout, à la subdivision originelle. D'après le récit légendaire sur celle-ci, la société Tagbana est stratifiée en sept grandes familles ayant chacune, à l'exception des Haragnon et des Hala, un patronyme propre. Pour ces deux unités, on a comme nom propre partagé l'anthroponyme Traoré. Pour les Tuo, on a Touré comme correspondant patronymique, Ouattara, Koné, Camara sont les noms de famille respectifs des Tiré, Hili et Nkougou.

Chacune de ces familles aurait joué un rôle spécifique. Les Harognon, par exemple, seraient les inventeurs de la chaîne utilisée lors de descente des sept familles du ciel tandis que les Hili auraient reçu la mission d'organiser les relations entre toutes ces cellules sociales. On aurait là l'explication de leur monopole du pouvoir politique. Pouvoir centralisateur qui leur revient de droit, se contente-t-on de dire souvent.

Dans tous les cas, nous avons pu observer que dans les villages Tagbna, les chefs sont les descendants de la famille Hili et que les fonctions politico-religieuses au sein des entités villageoises se définissent et se répartissent comme suit :

- au plus haut niveau de la hiérarchie, se trouve le chef de tribu qui est chargé des affaires hautement importantes de la tribu et est aidé dans l'exercice de ses fonctions par un collège de notables ;

- ensuite, vient le gestionnaire des terres, le Trafolo qui est le sacrificateur pour la tribu chargé d'organiser la vie religieuse et bénéficie de l'aide du groupe des Trafolo au sein duquel il a été choisi pour être le primus inter parus ;

- à un niveau moins élevé, on a le Kaafolo ou chef de village, aidé par les notables quand il règle les litiges et tente, par voie de conséquence, de rendre des jugements appropriés ;

- à un échelon plus bas encore, se trouve le Trafolo secondaire ou sacrificateur du village qui gère les terres, procède aux sacrifices expiratoires en cas de violation d'interdits et aux sacrifices propitiatoires en début de saison culturale ;

- au dernier échelon, on a le chef de famille appelé Darafolo dont le devoir est de veiller au bien-être de la cellule familiale et de gérer son patrimoine en se conformant aux coutumes en vigueur.

In fine que la société Tagbana est composée de six tribus (dont chacune comporte six clans) ; il s'agit des Katiolo de Katiola, Tchéclana de Timbé, Katchala de Kofisiokaha, Fohobélé de Fronan, Tagbinin de Niakaramandougou et Trafi de Tafiré. Notons l'inexistence de captifs au sein du peuple Tagbana. Serait-ce là une des réponses aux persécutions subies durant le XIXè siècle ?

2.5. Agriculture et élevage en milieu Tagbana

Les Tagbana constituent une société qui vit de l'agriculture. D'où la prépondérance du foncier en tant que substrat principal de la production économique.

2.5.1. Le régime foncier

L'organisation et la gestion foncières obéissent à tout un ensemble de règles tributaires de la représentation de la terre en tant qu'objet de culte et de production. La terre est avant tout la propriété d'une unité sociale dont tous les membres unis par des liens de parenté se composent non seulement des vivants, des ancêtres mais aussi de la progéniture future. Elle est un patrimoine sacré qui tire sa légitimité du culte voué aux ancêtres depuis des générations et ne peut donc être l'objet d'une appropriation individuelle par achat, échange, don ou hypothèque. En d'autres termes, elle n'a aucune valeur d'échange.

Les terres de culture ou de pâturage sont attribuées en fonction des besoins aux différents membres formant une unité sociale selon la taille et la position que ceux-ci détiennent au sein de cette communauté. Il n'est toutefois pas exclu que des étrangers en voie d'intégration par le jeu de l'alliance matrimoniale ou celui de l'adoption par une famille du terroir puissent recevoir des terres. Les droits conférés à chaque membre de la collectivité sont exclusivement des droits d'usage consubstantiels de l'exploitation de la parcelle de terre attribuée. Si celle-ci n'est plus cultivée, elle est restituée à la collectivité et pourra être redistribuée. Les terres sont attribuées ou reprises par le chef de village, le Kaafolo.

Le système foncier qui vient d'être esquissé, a subi de nombreuses mutations socio-économiques du fait de l'intrusion de l'économie de marché. En effet, pendant la période coloniale, la société Tagbana, à l'instar des autres communautés ethniques ivoiriennes, a connu l'imposition du droit romain qui est la source de l'existence de propriétés privées et de propriétés d'Etat. Cette "romanisation" du foncier sera perpétuée, après l'indépendance, par le gouvernement ivoirien qui déclare être d'office le propriétaire de la totalité des terres. Mais les populations paysannes ne percevant pas dans leur majorité les choses de cette manière, il est fréquent de constater la coexistence des systèmes fonciers moderne et traditionnel. Cette ambivalence notée aussi dans la production agricole (production agricole capitaliste et autoconsommation) et portée par les interventions de l'Etat corrélées à la croissance démographique, est annonciatrice de la raréfaction des terres cultivées et de la modification de l'ordre écologique.

2.5.2. Le système agraire

En pays Tagbana, les activités productrices sont organisées et rythmées par les cycles saisonniers. En raison du cultre rendu à la terre, l'activité productrive est accompagnée d'un certain nombre de rites agraires. Tout paysan est donc conscient du fait que la terre ne peut être défrichée, labourée en vue d'une activité agricole sans l'accomplissement préalable de pratiques propitiatoires et votives déterminées qui sont suceptibles de lui assurer l'agrément des génies des lieux et esprits des ancêtres. Les cérémonies rituelles les plus importantes, celles présidées par le Tralolo, sacrificateur de la tribu, et le Tarolo, sacrificateur du village, sont organisées durant la période qui précède l'ensemencement et cette autre qui précède les récoltes.

Entre ces deux importants moments, chaque paysan a le devoir d'observer, à titre personnel, certaines obligations. Ce qui peut signifier ne pas travailler dans son champ tel ou tel jour de la semaine considéré comme le temps du repos de la terre ou le moment destiné à la vénération du créateur suprême, son protecteur. Ce qui peut signifier encore s'abstenir de manger, pendant ces jours, telle ou telle variété de céréale connue d'avance. Toute entorse à ces interdits se traduirait non seulement par une compromission irrémédiable des récoltes des contrevenants, mais aussi par un déchaînement, sur eux et les membres de leur famille, du courroux irrésistible des génies offensés.

Le système cultural en l'honneur chez les Tagbana est l'essartage. Une fois son lopin de terre choisi, le paysan y abat les arbres et les arbustes puis, par le feu, il élimine les mauvaises herbes et les souches. Le défrichement qui ne se fait pas de façon aveugle, consiste à épargner certains arbres tels que le néré, le karité et l'acacia albida.

Après les diverses opérations d'abattage et d'incinération des arbres, le paysan procède au labour du sol à l'aide de la grande daba, aménage des buttes appelées aussi billons. Les résidus de la végétation herbacée sont enfouis sous forme d'engrais vert. A la fin du labour, on obtient ainsi un ensemble de monticules étalées et d'allées disposées perpendiculairement en vue d'amoindrir l'érosion du sol et de permettre le stockage de l'eau. Ce qui donne lieu à un dépôt de limon et à une humidification de la terre (indispensable à la pousse des plantes) avec l'infiltration.

Après ces pénibles travaux, commencent les semailles en mai, c'est-à-dire quand les pluies sont bien installées. Une fois les semis terminés, il faut entretenir les jeunes plantes en arrachant les mauvaises herbes dans le champ. Par ailleurs, leur garde contre les prédateurs est assurée de jour par les enfants. Sans cela, on n'est pas assuré d'avoir une bonne récolte.

Les produits agricoles récoltés sont stockés le plus souvent en plein champ. Les épis de maïs, de riz, de mil, de sorgho sont respectivement rassemblés sous diverses formes, tantôt sur des claies bien solides au-dessus du sol, tantôt suspendus aux grosses branches d'un arbre, tantôt déposés dans des greniers. Pour ceux du village, cela se fait quand les récoltes seront bien séchées.

La pratique de l'essartage est éminemment favorable à l'élevage, car les champs laissés en jachère constituent une réserve fourragère pour le bétail.

2.5.3 Les acteurs de l'élevage bovin

Il s'agit de rapports de production qui mettent en scène trois figures actorielles situées à des niveaux différents. Au premier niveau, nous avons le propriétaire du troupeau que nous désignons par le terme d'éleveurs. N'exerçant le plus souvent aucune fonction, il peut être non seulement un paysan Tagbana, mais aussi un Dioula artisan ou commerçant, voire un fonctionnaire ou un citadin Tagbana. Comme nous le voyons, le propriétaire qui n'est pas en contact direct avec son cheptel, se contente d'en tirer un revenu.

A un second niveau, se trouve le responsable du parc, qui a couramment le statut d'agriculteur-éleveur résidant dans le village. Investi de la confiance des propriétaires, il exerce non seulement une fonction de surveillance, mais aussi de représentation auprès de l'administration (Préfet, Sous-Préfet). Sa fonction rémunérée de façon variable et selon les coutumes en vigueur est un des leviers de reproduction du cheptel.

Au troisième niveau, vient le bouvier. Peul d'origine malienne ou burkinabé, venu travailler en Côte d'Ivoire dans l'espoir de se constituer un troupeau, il jouit du statut d'employé salarié (10.000 F à 12.000 F par mois) et bénéficie également du lait des vaches. Parfois, il joue le rôle de représentant du troupeau de bovidés auprès des services techniques et sanitaires.

L'éloignement de ce propriétaire porte atteinte à la qualité de l'encadrement des dits services qui n'ont pour interlocuteurs habituels que des bouviers Peul auprès desquels ils vulgarisent les thèmes techniques. Ce qui renforce davantage la connaissance et le pouvoir de ces derniers en matière d'élevage.

2.5.4.L'encadrement administratif et technique de l'élevage bovin

L'environnement administratif et technique de l'élevage bovin est essentiellement constitué par les autorités administratives déconcentrées et les élus locaux (Préfet, Sous-préfet, Maire...) et les services techniques et sanitaires tels que la CIDT (Compagnie Ivoirienne pour le Développement du Textile) et la SODEPRA (Société pour le Développement des Productions Animales).

Les autorités administratives chargés de superviser les différentes opérations de développement agro-pastoral, procèdent en réalité à des interventions limitées. Leurs principales actions concernent le règlement de litiges qui surgissent à l'occasion des destructions de cultures causées par les divagations d'animaux.

Concernant les services techniques et sanitaires, leurs actions s'orientent dans plusieurs domaines : le suivi et la protection sanitaire du cheptel, le contrôle sanitaire des troupeaux transhumants, la vulgarisation des thèmes techniques et sanitaires auprès des éleveurs et la diffusion de la traction animale auprès des paysans.

La région Tagbana qui est couverte par la Direction Régionale SODEPRA CENTRE, constitue une zone d'intervention divisée en quatre secteurs : Katiola (chef lieu de la zone), Niakaramadougou, Tortiya et Tafiré. Chaque secteur couvre un certain nombre de centres qui à leur tour englobent les villages. Ainsi, la SODEPRA est représentée dans 58 villages des 96 villages de la région Tagbana. La carte de son intervention est plus dense, car elle compte 83 villages. En outre, en fonction du degré de technicité de l'élevage qui rime avec l'assimilation des thèmes vulgarisés (maîtrise des animaux, alimentation du bétail, santé animale, exploitation économique et reproduction), elle a procédé à une classification des élevages en quatre niveaux.

Il y a d'abord les élevages de niveau zéro, c'est-à-dire à faible technicité et maternité. Les animaux sont simplement recensés et vaccinés. Ce type d'élevage se pratique dans les parcs communautaires villageois. Chaque parc ou troupeau appartient à une dizaine de propriétaires, qui sont la plupart du temps des agriculteurs avant d'être éleveurs. Avec leur dispersion, il se pose le problème de leur identification et aussi de celui de l'efficacité des actions d'encadrement des services techniques.

Chaque parc communautaire est tenu par un chef de parc. Il remplit un rôle de coordination et de contrôle de la gestion du parc et de son troupeau, ainsi que celui de représentant de l'ensemble des propriétaires pour toutes les relations extérieures, mais il n'a pas de pouvoir de décision économique (vente, abattage etc.). Le gardiennage est généralement assuré par un bouvier Peul salarié ou rémunéré en nature.

Le cheptel placé dans les parcs communautaires de la région Tagbana remplit principalement une fonction de thésaurisation, de "caisse d'épargne" et d'assurance multirisques. Les dépenses d'exploitation sont réduites au minimum (frais de gardiennage).

Pour les élevages de niveau 2, la SODEPRA vulgarise les thèmes portant sur la complémentation minérale, les détiquages et la castration des boeufs destinés à la culture attelée. Ce type d'élevage se pratique également dans les parcs communautaires villageois, mais avec un nombre de propriétaires inférieur à dix (le plus souvent, on a cinq propriétaires). Là encore, la majorité des propriétaires exerce en premier lieu des activités agricoles. La gestion du parc est confiée à un chef de parc et le gardiennage à un bouvier Peul.

En ce qui concerne les élevages de niveau 3, en plus des actions de la SODEPRA mentionnées pour les niveaux zéro et 2, les thèmes portent sur le respect des normes de complémentation alimentaire et de santé animale, l'introduction de cultures fourragères et de géniteurs améliorés, le marquage des animaux. Mais il n'est cependant pas rare de constater que ces normes ne sont généralement respectées qu'à 50% et qu'au niveau des propriétaires, la proportion de fonctionnaires, de cadres, de commerçants ou d'éleveurs purs est relativement plus importante que dans les élevages des niveaux déjà cités.

A propos des élevages de niveau 4, qualifiés de système de domestication le plus performant, et dénommé hors niveau du fait de sa plus grande autonomie vis-à-vis de la SODEPRA, les thèmes spécifiques portent sur la gestion des troupeaux et l'établissement de comptes d'exploitation. On y procède à l'embauche d'un personnel qualifié pour la gestion du parc. Les propriétaires sont généralement des hauts fonctionnaires ou de riches planteurs ou commerçants.

2.5.5. Etude quantitative du cheptel bovin

Le recensement du cheptel constitue l'une des tâches les plus délicates des agents encadreurs de la SODEPRA. Cette action qui doit être régulière est une tâche longue et difficile, exigeant beaucoup de temps et de moyens matériels et humains. Sa délicatesse tient à la très grande mobilité des animaux (notamment transhumants) et aux dissimulations souvent volontaires d'animaux. Pour pallier toutes ces difficultés, on met à profit les campagnes de vaccination pour réaliser un décompte satisfaisant.

Tableau N° 4 : Evolution du cheptel bovin sédentaire Tagbana

Années

Zone

1988

1989

1990

1991

1992

1993

Katiola

19836 bovins

16585 bovins

16297 bovins

16069 bovins

16269 bovins

18932 bovins

Source : Rapport SODEPRA Centre, 1990-1991-1992-1993-1994

L'élevage bovin est de type sédentaire. C'est une forme d'activité pratiquée par les agriculteurs Tagbana et différente du modèle des Peul fondé sur la transhumance. Une observation des effectifs bovins du premier type de 1988 à 1993 révèle que le cheptel a connu une forte baisse de 1988 à 1992 où l'effectif est passé de 19836 têtes de bovins à 16585, soit une diminution de 3250. Cette baisse s'est poursuivie très faiblement jusqu'en 1991 (16069 bovins) pour connaître une légère hausse en 1992 (16.269) et une forte hausse en 1993 avec le chiffre de 18932 bovins.

Représentation graphique de l'évolution du cheptel bovin (1988-1993)

Situation actuelle de l'élevage en 1994

Tableau N° 5 : Répartition du cheptel bovin par type d'élevage et par localité d'enquête

Localités

Bovins sédentaires

Bovins C.A.

Bovins transhumants

TOTAL

Tafiré

528328 %

1618,1 %

293020,1 %

822924 %

Niakaramand-ougou

342118,1%

1213,6 %

514835,4 %

858125 %

Tortiya

376419,9 %

4247,7 %

13119 %

511715 %

Fronan

326117,3 %

66,8 %

5000,1 %

376711 %

Katiola

311516,5 %

1213,6 %

463731,3 %

776423 %

Total

18844100 %

88100 %

14526100 %

33458100 %

La situation pastorale se caractérise par une inégale répartition géographique du cheptel. Les effectifs les plus élevés sont enregistrés dans les localités de Niakaramandougou (8581 bovins) de Tafiré (8229 bovins) et Katiola (7764), soit respectivement 25%, 24% et 23% du cheptel régional. Aussi faudrait-il souligner la proportion non négligeable de bovins transhumants qui représentent 43% dudit cheptel. Les zones de très forte transhumance sont Niakaramandougou et Katiola avec respectivement 35,4% et 31,9% du cheptel transhumant. La localité de Fronan (0,1%) constituent un espace de faible transhumance.

Le cheptel sédentaire qui représente 56% du cheptel régional connaît aussi une certaine disparité géographique. Ainsi, Tafiré renferme 28 % du cheptel sédentaire ; elle est suivie par Tortiya avec 19,9 %. Le pourcentage de bovins sédentaires le plus faible est enregistré à Katiola avec 16,5 %. Mais la disparité est moins frappante avec ce type d'élevage, en dehors de Tafiré (28% de bovins sédentaires).

Les disparités observées traduisent le fait que les espaces présentent un intérêt inégal en matière de reproduction animale. Mais les indicateurs d'effectifs bovins par localité qui sont obtenus, ne peuvent être pertinents que lorsqu'ils sont mis en rapport avec la superficie des différentes localités, c'est-à-dire quand ils sont convertis en mesures de densité.

Tableau N° 6 : Densité bovine par localité et type d'élevage

Localités

Surface géograph. Km2

Densité Bovins/km2

Densité Sédentaire Km2

Densité BCA Km2

Densité transhumant Km2

Tafiré

1900

4,3

2,7

0,008

1,5

Niakaraman-dougou

4171

2,0

0,8

0,002

1,2

Tortiya

637

8,0

5,9

0,065

2

Fronan

1969

1,9

1,6

0,003

0,2

Katiola

1347

5,7

2,3

0,008

3,4

Total

10024

3,3

1,8

0,008

1,1

La densité bovine nous offre une vision beaucoup plus réaliste de la situation pastorale en pays Tagbana, révèle que ce ne sont pas les zones où les effectifs bovins les plus élevés sont enregistrés qui connaissent la plus forte dynamique pastorale. C'est la situation de Niakaramandougou et de Tafiré qui, bien qu'occupant respectivement la première place (25% de bovins) et la deuxième place (24% de bovins) en effectifs, se situent respectivement, au plan des densités bovines, à la cinquième place (2 bovins/km²) et à la troisième place (4,3 bovins/km²). En revanche, Tortiya et Katiola occupant respectivement la 4ème position (15% de bovins) et la 3ème position (25% de bovins) arrivent en 1ère position (8 bovins/km2) et en 2ème position (5, 7 bovins/km2).

Pour mieux cerner la dynamique bovine autochtone, la densité des boeufs de culture attelée (BCA) reste un bon indicateur. Ce ne sont pas les zones ayant les plus gros effectifs de bovins dans l'élevage de type sédentaire qui constituent les sites où la dynamique pastorale est la plus forte. La lecture des indicateurs révèle que Tortiya, zone à forte dynamique pastorale, a une densité de 5,9 "bovins sédentaires"/km2 et est suivie de loin par Tafiré avec 2,7, puis Katiola avec 2,3. La zone qui connaît la plus faible dynamique pastorale sédentaire demeure Niakaramandougou qui totalise pourtant le plus quart du cheptel régional.

Les zones de prédilection de troupeaux transhumants semblent être respectivement les localités de Katiola (3,4 bovins transhumants/km2), Tortiya (2 bovins transhumants/km2), Tafiré (1,5 bovins transhumants/km2) et Niakaramandougou (1,2 bovins transhumants/km2).

La dynamique pastorale en région Tagbana peut aussi s'apprécier du point de vue des niveaux d'élevage. Le tableau suivant le prouve amplement.

Tableau N° 7 : Situation de l'élevage bovin par niveau d'élevage

Zones

Localités

Niveau

0

Niveau

2

Niveau

3

 

 

Effectif

Densité

Effectif

Densité

Effectif

Densité

Nord

Tafiré

27,13

1,8

19,90

1,04

231

0,12

 

Niakaramand-ougou

18,22

0,43

1686

0,4

31

0,007

Centre

Tortiya

461

0,88

11,04

1,73

68

0,10

 

Fronan

910

0,66

24,53

1,79

132

0,09

SUD

Katiola

535

0,39

24,47

2,03

333

0,24

 

Total

6441

0,68

99,80

1,05

795

0,08

La situation pastorale de la région Tagbana dans son ensemble montre que pour l'effectif des élevages du niveau 2, on a 9980 bovins, soit une densité de 1,05 bovins/km2. Ce qui est nettement supérieur à celles des niveaux zéro (6441 bovins), soit 0,68 bovins/km2, et 3 (795 bovins), soit 0,008 bovins/km2. Ceci signifie que la promotion de l'élevage bovin connaît un certain développement traduit par le passage progressif d'une forme extensive (niveau zéro) de l'élevage à une forme intensive (niveau 3). Le niveau 2 étant considéré comme une transition entre celle-ci et celle-là.

Mais comment ce développement qualitatif de l'élevage se traduit-il au niveau des différentes zones d'étude ? En observant les unités bovines par niveau d'élevage entre les différentes localités, le premier constat que nous pouvons faire, c'est que le développement mentionné ci-dessus n'est pas uniformément réparti. La seconde remarque, c'est que l'élevage de niveau zéro, est plus significatif dans la partie septentrionale de la région Tagbana (Tafiré : 1,4 bovins/km2) pour connaître moins d'ampleur au fur et à mesure que nous descendons vers le centre (Tortiya : 0,88 bovins/km2, Niakaramandougou : O,43 bovins/km2) puis vers le sud (Fronan : 0,66 bovins/km2, Katiola : 0,68 bovins/km2).

La troisième remarque, faite avec les élevages de niveau 2, porte sur une inversion de tendance. La décroissance peut se décrire comme suit: la promotion de l'élevage bovin est plus vigoureuse dans la partie sud (Katiola : 2,03 bovins/km2 ; Fronan : 1,79 bovins/km2) et moins prononcée lorsqu'on va vers le centre (Niakaramandougou : O,4 bovin km2 ; Tortiya : 1,73 bovins par km2) et le nord (Tafiré : 1,04 bovins par km2). Enfin, la dernière remarque a trait à la forme modernisée ou intensive (niveau 3) de l'élevage localisé là où il y a une certaine urbanisation imputable aux activités économiques et d'échanges qui y sont opérées. C'est le cas de Tafiré (O,12 bovins/Km2), Tortiya (0,10 bovins/km2) et Katiola (0,24 bovins/km2). Néanmoins, c'est dans la partie méridionale (Katiola et Fronan) que les tendances notées sont plus visibles.

En définitive, les contrastes observés constituent des réponses à l'introduction de l'élevage bovin. Cette "résonance sociologique" plurielle est tributaire d'un ensemble de déterminants liés non seulement aux facteurs générateurs de pathologie mais aussi à une certaine représentation de l'élevage.

2.5.6. L'état sanitaire de l'élevage bovin

L'élevage bovin dans la région de Tagbana connaît une situation assez précaire en dépit des efforts d'encadrement et de suivi sanitaire des services techniques de la SODEPRA et de la CIDT. Certes, les grandes flambées épidémiques sont éradiquées, mais la plupart des maladies virales, microbiennes et parasitaires continuent de provoquer au sein du bétail des dégâts pathologiques non négligeables. Toute élaboration de règles d'hygiène et de prophylaxie requiert la connaissance des pathologies suivantes les plus fréquentes de la région.

La peste bovine vient au premier rang. Cette maladie qui présente des symptômes se traduisant par une forte fièvre, une congestion muqueuse buccale et une diarrhée, est contagieuse et peut entraîner la mort de l'animal dans un délai de 4 à 8 jours. La mortalité est plus élevée chez les veaux de trois mois. Selon les résultats zootechniques de 1993 de la SODEPRA, le taux de mortalité animale causée par la peste bovine était de 3,29% en 1990, de 3,54% en 1991 et de 4,04% en 1993. Cette progression du taux de mortalité est liée au manque de médicaments occasionné par les difficultés d'approvisionnement et la raréfaction des ressources financières.

La péripneumonie bovine qu'on peut placer au second rang, est actuellement la maladie la plus grave et la plus dangereuse. Ses symptômes consistent en de fortes fièvres accompagnées de toux, de jetage mucopurulent et d'amaigrissement. Le moyen traditionnel de prophylaxie, se résumant en l'abattage des troupeaux contaminés, est pour l'instant inapplicable en région Tagbana pour des motifs psychologiques et économiques. Le traitement "curatif" en vigueur n'en demeure pas moins une solution éphémère pour l'éradication complète de la maladie. Il faudra donner, d'une manière ou d'une autre, aux services d'encadrement d'autres moyens thérapeutiques.

Les charbons bactéridiens et symptomatiques qui subsistent, ne présentent pas autant d'entraves que la péripneumonie. Il en est de même des autres maladies microbiennes recensées dans la région Tagbana et dont l'ampleur reste à déterminer. Aussi, est-il difficile de connaître les méfaits provoqués par la brucellose ou la pasteurellose du fait de la non déclaration systématique des foyers.

Les maladies parasitaires que nous citons en dernière position, occupent une place éminente tant par le nombre d'espèces concernées que par la diversité des autres pathologies qu'elles réveillent ou encore les pertes importantes, notamment chez les jeunes animaux, qu'elles occasionnent. Les maladies parasitaires doivent être considérées comme une entrave permanente au développement de l'élevage bovin dans l'espace Tagbana.

2.5.7. L'abreuvement et la nutrition animale

Le pâturage constitue la base essentielle de l'alimentation animale pendant la saison des pluies comme pendant la saison dite sèche. Il en est de même pour les cours d'eau en ce qui concerne l'abreuvement. Tributaire des intempéries climatiques, la production fourragère est saisonnière et irrégulière. D'où les difficultés pour les éleveurs d'alimenter convenablement leurs animaux surtout en période de saison non pluvieuse.

Du fait qu'en région Tagbana, l'éleveur ou le propriétaire de bétail est attaché à la tradition qui veut que les animaux subviennent eux-mêmes à leurs besoins, ces derniers s'adaptent mal à l'alimentation au moyen des fourrages. En plus, nombreux sont les éleveurs ou propriétaires qui méconnaissent la valeur nutritive et ignorent la quantité d'unités fourragères à donner aux animaux en guise de ration journalière.

Le problème de la nutrition et de l'abreuvement n'a pas partout la même acuité. La pénurie de fourrage et d'eau semble plus accentuée au nord que dans le sud car on y est confronté à une saison "sèche" de six mois qui accentue rend le phénomène de la sécheresse. Ce qui ne favorise pas une régénération rapide des fourrages et renvoie aux facteurs écologiques perçus comme des indicateurs des possibilités pastorales de telle ou telle zone de la région Tagbana.

2.5.8. Economie politique de l'élevage bovin

Le paysan Tagbana est généralement propriétaire de quelques têtes, sinon de troupeaux de taurins appartenant aux races locales. En effet, le Tagbana investit une partie de ses économies dans l'achat de bovins confiés à divers propriétaires de parcs habitant dans deux ou trois villages pour éviter les risques de morbidité, tromper la vigilance des envieux et des notables du Poro.

Le gardiennage du troupeau a d'abord été assuré par les enfants Tagbana puis, devant leur résistance, par des bouviers Peul. Ceux-ci ont la charge surtout en saison des cultures, de conduire les animaux chaque jour sur les jachères et les friches, loin des champs. Leur rayon de parcours se limite au cadre du territoire villageois. En saison "sèche", après les récoltes, on pratique la vaine pâture dans les champs et les rizières. Le bouvier Peul réside toujours au village où il est connu de tous les paysans et est tenu responsable des dégâts causés par les boeufs dont il a la charge.

Le Tagbana propriétaire de bovins ne s'occupe donc pas directement de cette richesse animale. Pire, il ignore même parfois l'évolution d'un troupeau qui remplit une fonction de valeur-refuge, de faire-valoir car le nombre de bovins obtenus est une affaire de prestige, de position sociale, d'instrument d'autorité. Les Tagbana, dans leur majorité, rechignent à convertir leurs richesses animales en biens boursicotables. Bien que conférant un statut social important, comme on vient de le voir, l'élevage est une activité économique secondaire, une richesse dans laquelle on ne puise qu'en des circonstances particulières.

En plus de l'aspect social, le troupeau joue un rôle très important dans la fertilisation de la terre. En effet, la divagation du troupeau en saison "sèche" et l'entassement du fumier dans l'étable sont des procédés pour fertiliser le sol peu productif. Ceci se passe à un moment où il y a un manque d'entretien des parcs à bétail. A l'intérieur de ces enclos délimités avec de courts piquetés de bois enfoncés en terre, les bovins ne sont pas attachés, le fumier n'est pas récolté. Ce faisant, le parc ne tarde pas à être encombré de bouse. Les bovins ne peuvent pas se coucher quand il pleut ; ils sont donc contraints de se tenir debout toute la nuit.

Par ailleurs, les troupeaux des Tagbana causent rarement des destructions de cultures ; mais quand cela se produit, le litige est réglé à l'amiable dans le cadre coutumier. En outre, ces paysans possèdent très souvent des ovins, des caprins et de la volaille. Si le Tagbana n'accepte de se séparer de son boeuf que dans des circonstances exceptionnelles comme les funérailles, il n'hésite pas, par contre, à vendre une chèvre ou un mouton pour se procurer des objets agricoles de première nécessité. C'est la volaille qui fait l'objet de fréquentes transactions. Toutes ces ressources sont utilisées à l'occasion des nombreuses cérémonies rituelles sacrificielles.

DEUXIEME PARTIE

CONTRAINTES ET ATOUTS DE L'ELEVAGE BOVIN DANS L'ESPACE TAGBANA

L'analyse des opportunités et possibilités du développement de l'élevage bovin permet de constater que les politiques de développement pastoral mises en oeuvre depuis plus d'une décennie n'ont pas, dans leur ensemble, été à la mesure des investissements et des résultats escomptés. Ce constat d'échec fait par des instances institutionnelles et politiques (bailleurs de fonds, ONG, Etat, SODEPRA, CIDT, GTZ) et de leurs destinataires (population rurale tagbana) pose le problème de la mise en oeuvre d'une stratégie appropriée. Elle passe par l'identification, dans l'analyse macro-sociologique à faire, des atouts et contraintes du développement de l'élevage bovin observables dans l'espace des Tagbana. Ceci est d'autant plus nécessaire que le constat d'échec fait ne doit pas être l'arbre qui cache la forêt des ilôts de prospérité porteurs de "résonance sociologique", c'est-à-dire qui montrent qu'il y a aussi acceptation et exécution idoine par "le bas" du projet en question.

En somme, repérer les facteurs favorables, les contraintes écologiques, les obstacles socio-économiques, les pesanteurs socio-culturelles, etc., c'est l'exercice que l'on se propose d'effectuer dans la seconde partie du rapport.

CHAPITRE VI : FACTEURS LIMITANTS DU DEVELOPPEMENT PASTORAL

La promotion de l'élevage bovin demeure, comme toute action de développement, un foyer d'enjeux ayant des implications diverses. Celles-ci sont d'ordre matériel et immatériel (économique, juridique religieux et symbolique).

1.Contraintes naturelles au développement de l'élevage

L'activité pastorale a pour lieu de déroulement l'environnement écologique. En tant que base nourricière, ce décor ambiant constitue le premier maillon de la trilogie relationnelle homme-bétail-nature. Toute crise l'affectant a des implications néfastes sur l'homme et, notamment, le bétail. C'est pourquoi le contexte géographique de toute activité d'élevage est souvent assimilé à la manifestation de ce que nous appelons la contrainte et l'atout majeurs. Dans le premier cas, les deux problèmes essentiels qui se posent ont trait à l'alimentation et à l'abreuvement.

1.1. Les aléas du milieu écologique

Dans la région Tagbana, les pâturages demeurent encore la source alimentaire essentielle du bétail. Ce qui veut dire que les possibilités de développement de l'élevage sont largement tributaires des conditions écologiques, plus particulièrement des disponibilités des ressources fourragères et des points d'eau. Elles sont importantes car, comme nous n'avons pas manqué de le souligner ci-dessus, la région dispose de potentialités naturelles. Parmi elles, il y a les végétaux correspondant aux andropogonnées vivaces de savane (andropogon, hyparrhenia, sehigachyrium, etc.). Elles constituent 90 à 95 % de réserve fourragère constituée des pâturages et de vieilles jachères.

Ce panorama ne doit pas faire oublier les interférences négatives produites par les intempéries climatiques. Celles-ci ont le "don" de précariser les ressources fourragères et hydriques, indispensables à l'alimentation et à l'abreuvement du bétail. Ces développements sont constatés dans le nord où prévaut le régime des deux saisons (pluvieuse et "sèche") alternatives d'une durée de 6 mois chacune. La "saison sèche" qui débute au mois de novembre pour prendre fin au mois d'avril, constitue pour le bétail une longue période ensoleillée, avec une humidité inférieure à 50° et une pluviométrie en dessous de 1000 mm. Pendant cette séquence, l'herbe se transforme en paille et a une valeur nutritive amoindrie à cause de son appauvrissement en matières azotées, en vitamines, en calcium. Dans les pâturages, ainsi constitués essentiellement de pailles délaissées, les animaux qui accusent des pertes de poids et des contre-performances en production laitière, se contentent des rares repousses éparses et de ressources arborées et arbustives. Ils sont soumis à un cycle de transhumance qui se renforce en période pluvieuse, unité temporelle caractérisée par l'inaccessibilité de beaucoup de pâturages du fait de l'humidité ambiante et de la densité des tiques et des autres insectes parasitaires qui y prolifèrent.

Cette mobilité spatiale contraste avec la sédentarité des populations paysannes et pose le problème de la compatibilité entre pratiques agricoles et pratiques pastorales. Nombreux sont ceux qui pensent trouver une solution idoine en confiant la conduite de leur bétail à un bouvier Peul. Celui-ci est désigné du doigt comme l'acteur le plus apte à s'acquitter de deux tâches-clé : l'abreuvement et la conduite des troupeaux. Dans le passé, le recours fréquent à une main d'oeuvre servile était la solution adoptée. Le recours aux services du Peul se poursuit avec l'avènement des pluies dont la saison, qui débute au mois de mai pour prendre fin en octobre, est celle de la reconstitution de la végétation et des ressources hydriques.

Notons que l'abondance des richesses végétales et des poins d'eau (ayant pour sites les bas-fonds et les vallées) qui signifie une meilleure alimentation animale s'accompagne de la prolifération de divers parasites comme les mouches tsé-tsé, vecteurs de la trypanosomiase. Ce qui contribue à donner plus d'allant au cycle des déplacements de troupeaux vers des lieux plus sains, à savoir les plateaux. Ainsi, on note paradoxalement que l'été pluvieux n'est pas, comme on aurait pu le croire, le moment où le cheptel vit de manière fastueuse. Aux handicaps déjà mentionnés, s'ajoute le fait que la sortie tardive des animaux de leur parc ne leur permet pas toujours d'avoir accès au bon pâturage généralement éloigné des villages. Ce qui est à l'origine d'un déficit alimentaire ou d'une sous-alimentation. Ce déséquilibre s'accentue à la fin de la saison des pluies avec les graminées qui se lignifient et ne sont plus consommées par le bétail.

Le développement de l'élevage bovin dans la région Tagbana se trouve ainsi compromis par trois problèmes dont l'acuité varie selon l'espace et le temps : l'insuffisance de l'herbe, le manque d'eau et la prolifération parasitaires.

1.2. Les contraintes humaines

Les contraintes rencontrées pour développer l'élevage bovin en pays Sénoufo relèvent également d'une série d'aléas démographiques. Les incidences sur le milieu physique des difficultés climatiques sont donc à corréler aux pratiques socio-démographiques pour bien mesurer la dégradation des pâturages et des sols.

Parmi ces pratiques, figure au premier plan la croissance des populations tant urbaines que rurales, qui a pour corollaires l'extension des villes, de l'habitat rural, le développement des cultures extensives. Les effets induits qui sont enregistrés sont l'amenuisement des terres cultivables, des pâturages et la réduction de la durée des jachères. Ce qui conduit à l'épuisement organique et minéral du sol dont la faible capacité de rétention favorise l'érosion. On peut noter un autre élément, à savoir le surpâturage imputable aux éleveurs autochtones et allochtones (Maliens, Burkinabés) confrontés à la pénurie d'eau et de ressources fourragères. Cette dernière catégorie de pasteurs, mieux avertie des conditions sanitaires et agrostologiques, sait dessiner avec beaucoup de doigté les itinéraires de leur migration dans les sites écologiques plus propices à la survie de leur bétail. En faisant entrer, pour réussir ce marquage spatial, des considérations d'ordre social et démographique (densités humaine et bovine, zone de tolérance, etc.), elle est ainsi responsable de la forte concentration des animaux dans les quelques îlots de la région aux conditions agrostologiques relativement bonnes. C'est la situation que connaissent les espaces drainés par le Bandama (fleuve Bou et le Kopoho), plus particulièrement le Sud de la région avec Tortiya et Katiola.

Les surpâturages dans ces zones ont pour conséquence de favoriser la concurrence de ligneux au détriment de la strate herbacée. Il résulte, de cette rupture de l'équilibre entre graminés et ligneux, un embroussaillement rapide inexploitable par les animaux, voire la disparition des espèces végétales les plus nutritives et appétentes (andropagnon, hyparrhenia, schizachizachyrium) et la pullulation d'adventices ou de plantes moins appréciées (les loudetia, les graminées marécageuses, les annuelles, etc.). La concentration du bétail sur des espaces réduits peut être également source de prolifération de tiques, de diptères piqueurs. C'est le cas notamment quant le dysfonctionnement de l'écosystème produit la constitution d'une formation arbustive ou boisée de type savanicole.

A ces données, s'ajoutent les phénomènes cruciaux des feux de brousse et de surcoupe de bois de chauffe. Le premier fléau limite l'apport organique du couvert végétal sous forme de matière morte. Ce qui n'est pas compensé par les déchets animaux. D'où une diminution continue des vivaces cespitueuses au profit de celles annuelles dont la valeur nutritive en saison "sèche" est nulle.

Les notables et les agriculteurs rencontrés dans la région n'ont pas manqué de souligner que la pratique séculaire des feux de brousse, de fin de saison "sèche", est une modalité de réalisation de l'essartage, le volant régulateur de l'agriculture itinérante sur brûlis. Cette pratique culturale sur brûlis qui réduit de jour en jour les terres disponibles et ne favorise pas l'entretien des pâtures, dispense en outre le paysan d'aménager une sole fourragère. Bien que conscients des conséquences néfastes des feux de brousse sur la conservation des sols et l'équilibre écologique, les éleveurs affirment brûler la brousse en vue de rendre le futur pâturage accessible et utilisable grâce aux repousses consommables et à l'élimination des brousailles qui rendent d'ordinaire les parcours d'animaux impraticables. Ils affirment encore que grâce à ces pratiques incinératives portant sur des végétaux, il est possible de stopper la prolifération des rongeurs destructeurs de récoltes notamment les agoutis (aulacodus swinderianus) des serpents, des fauves, ainsi que des parasites et des glossines vecteurs de trypanosomiase.

Si l'état de la végétation à une certaine époque (les décennies 1960-1970 et 1970-1980) permettait une pratique intense des feux de brousse du fait d'une faible densité humaine et animale et de réserves spatiales appréciables, force est de reconnaître qu'aujourd'hui l'augmentation des effectifs de population et celle du bétail se combinent avec l'extension des surfaces agricoles pour former un faisceau de facteurs dissuasifs.

2. Contraintes en matière de santé animale

Le problème de la santé animale demeure encore un enjeu important en matière de développement de l'élevage, en dépit des efforts et progrès considérables accomplis dans le domaine de la médecine vétérinaire. Progrès qui se traduisent en pays Tagbana par l'installation de structures d'assistance (Laboratoire de pathologie animale, service vétérinaire SODEPRA, GTZ) aux éleveurs dont le bétail est victime, dans les espaces embrousaillés et les galeries forestières, de maladies virales, microbiennes et parasitaires. Il nous faut souligner avec rigueur le cas de la trypanosomiase animale générée par les gîtes de glossines et qui continue de faire payer, en particulier, de lourds tributs aux zébus transhumants non trypanotolérants.

Les opérations de lutte anti tsé-tsé entreprises par la GTZ dans la région depuis bientôt une décennie ont considérablement réduit le taux de glossines, mais le manque de ressources financières pour pérenniser efficacement cette lutte onéreuse et l'absence de telles opérations dans les régions frontalières à la Côte d'Ivoire rendent vains les efforts entrepris.

En début de saison des pluies (mois de mai), il n'est pas rare de constater dans la région l'apparition de grosses tiques qui se fixent sur les animaux, provocant de grosses plaies, des infections et des maladies telles que l'hacmoglobinuria enzootica et le streptothricose. Ces tiques prolifèrent jusqu'à la fin du mois de juin, début juillet pour connaître une baisse pendant les mois de juillet et d'août. La fin du mois d'août marque l'avènement de petites tiques particulièrement virulentes qui menacent les troupeaux jusqu'à la fin de la saison de pluies.

Parallèlement aux feux de brousse précoces des éleveurs,la SODEPRA utilise des techniques modernes de lutte consistant en des séances de détiquage. Faut-il oublier, pour mieux comprendre le contexte de cette lutte pour la promotion de la santé animale, que les éleveurs et agriculteurs-éleveurs des sous-préfectures de Tortiya, Niakaramandougou estiment que la présence des tiques n'est pas liée à des facteurs écologiques mais plutôt à la station prolongée des animaux ? N'ajoutent-ils pas que la densité de ces parasites est proportionnelle à celle des bovins pâturant dans la zone infestée ? Les éleveurs originaires des régions sahéliennes ne disent-ils pas constater dans l'espace une densité supérieure de tiques à celle de leur pays d'origine ? Certains d'entre eux, notamment les semi-sédentarisés, ne soulignent-ils pas que lors de leur installation, la région n'avait guère de tiques ?

Ces dernières ont donc proliféré à la suite de leur sédentarisation. Aussi, ont-ils été contraints, à la suite de l'inanité de leurs opérations de détiquage, d'éloigner les animaux des campements pour éviter que d'autres tiques ne se fixent sur leur peau. Le détiquage qui se fait surtout dans les espaces embrousaillés et soumis au surpâturage (lieux de prédilection de la tique), se présente, selon les zones de pâture, comme une tâche plus ou moins impérative. A ces agents pathogènes, s'ajoutent la péripneumonie bovine et la brucellose qui demeurent, aux dires des vétérinaires SODEPRA de Katiola, les maladies actuelles les plus graves et meurtrières de la région. Ces troubles pathologiques d'origine bactérienne, favorisées par les périodes de disette et de malnutrition coexistent avec la peste bovine réémergeante avec l'importation et le transit frauduleux de troupeaux en provenance des pays frontaliers (Mali, Burkina Faso, Niger). La coexistence se note également avec les pathologies d'origine parasitaire qui entraînent une forte mortalité et réduisant ainsi la productivité du bétail. Pour les encadreurs de la SODEPRA (Katiola), "autant la peste bovine et la péripneumonie constituent un grave danger potentiel menaçant l'existence des troupeaux dans la région, autant les maladies parasitaires demeurent une entrave permanente au développement de la production animale".

La non maîtrise des effectifs bovins, du fait de la transhumance clandestine et des importations frauduleuses de bétail, déprécie le suivi sanitaire des animaux et rend inefficaces les opérations de vaccination contre les épizooties dans la mesure où ceux-ci sont mis en contact avec des éléments non vaccinés constituant des sources de contamination potentielle. Malgré la gratuité de la prévention vaccinale, seules les vaccinations contre la peste bovine et la péripneumonie touchent une grande partie du cheptel régional (environ 80 % du bétail, contre 25 % vaccinés contre le charbon systématique et 0,66% contre la brucellose qui est en recrudescence selon le service de pathologie animale de Bouaké). Cette dernière maladie agissant négativement sur la production laitière, l'actualité du renforcement de la lutte contre les diverses pathologies animales mérite d'être rappelée. Les actions thérapeutiques des services vétérinaires doivent non seulement s'orienter vers des soins curatifs, mais vers une prophylaxie à l'échelon tant collectif qu'individuel. Cela passe nécessairement par une maîtrise plus grande des effectifs d'animaux, un encadrement et une instruction des paysans sur les mesures d'hygiène et/ou thérapeutiques nécessaires et des moyens de communication permettant un contact rapide entre paysans et vétérinaires. Cela appelle aussi depuis la dévaluation du franc CFA en 1994 le désengagement progressif de l'Etat, dont la subvention aux prix des produits vétérinaires s'amenuise tandis que la recherche de solutions thérapeutiques plus adaptées à la récession économique devient une nécessité urgente.

3. Contraintes socio-économiques

Le projet de développement de l'élevage bovin dans l'espace rural Sénoufo exige un coût financier et matériel minimal pour sa mise en oeuvre et sa pérennisation. En d'autres termes, cela implique un investissement en amont (terres, bétail, fourrages, point d'eau, produits vétérinaire)et en aval (piste à bétail, circuit de distribution, collecte et vente des produits dérivés tels que le lait et les peaux). Il nécessite aussi l'amélioration de la production (gestion saine de l'espace, amélioration génétique, prophylaxie...). On a ainsi un ensemble de directions d'actions à suivre dans les divers paliers du développement pastoral.

3.1. Contraintes relatives à la production

Le projet de développement de l'élevage bovin, traduit comme un phénomène de mutation et nécessitant pour sa réalisation la mise en place à grands frais d'un ensemble d'infrastructures matérielles, technologiques, économiques, est en vérité désapprouvé par la Banque Mondiale. C'est du moins ce que donne à lire son audit portant sur les dites infrastructures. En somme, la mise en cause touche à l'option étatique d'aménagement macro-économique et de formation des agents techniques de terrain et administrateurs. Une telle désapprobation se fera nécessairement au détriment des populations autochtones, destinataires du projet dont les capacités économiques sont à évaluer.

3.1.1. Faiblesse de revenu des populations locales

Parmi les données fournies par la SODEPRA, la CIDT et par les populations paysannes pour expliquer l'indifférence manifestée en direction du projet de diffusion de l'élevage bovin, figure en bonne place le manque d'argent. Pour les agents de ces deux sociétés, un minimum d'investissement financier et matériel est nécessaire pour que le projet devienne réalité. Les sommes à investir correspondent aux frais de construction de parc (entre 85.000 F CFA et 110.000 F CFA avant la dévaluation du franc CFA), d'acquisition de bétail, d'alimentation (ressources fourragères, cuve à mélasse), d'abreuvement (pompe, puits d'eau), d'assistance sanitaire (pansage, détiquage, prothologie). En plus, il y a les dépenses relatives à l'embauche d'un bouvier (généralement Peul) dont les avantages numéraires sont estimés à 12.000 F CFA/mois ne dispensent par l'employeur de lui procurer un toit et de lui donner du lait en guise d'additif salarial en nature.

Nombreux sont les paysans-éleveurs (ceux des niveaux zéro et 2 indiqués pour leurs élevages) qui ne peuvent faire appel au savoir-faire d'un vétérinaire (souvent loin du lieu d'intervention) à cause de la flambée des prix prohibitifs des produits vétérinaires. Par exemple, en 1989, le coût des produits utilisés par la SODEPRA, tels que les vermifuges et les trypanocides, est jugé excessif par les petits exploitants constituant la majorité des éleveurs-agriculteurs. Ce qui fait que, selon les estimations du Laboratoire de pathologie animale de Bouaké, le taux de réalisation du programme de cure pour l'ensemble de la région n'a pas dépassé la barre des 49 %. La CIDT chargée du suivi sanitaire des boeufs de trait tente de corriger cet ordre des choses en faisant payer, depuis peu, aux éleveurs un forfait de 15.000 F/tête de bétail/an. Mais, le taux de couverture sanitaire demeure encore faible ; il ne touche que 47 % du cheptel de trait régional.

Dans le registre des coûts prohibitifs, les produits de traitement de la trypanosome et le matériel de traction animale fournissent d'autres exemples probants. La couverture sanitaire au moyen du Berenyl et du Trypamidium est faible car le traitement (préventif et curatif), répété trois fois dans l'année, coûte 890 F CFA/UAT. Les frais d'acquisition de matériels à traction animale communiqués par le chef secteur de la CIDT de Tafiré se présentent comme suit : une paire de boeufs d'attelage à crédit, remboursable en 4 ans, coûte aux paysans 160.000F CFA tandis que l'arara acquis à crédit, remboursable en 3 ans, vaut 167.000 F CFA et 125.000 F CFA, la charrette dont le prix au comptant est de 145.000 F CFA est remboursé au prix fort de de 193.000 F CFA. Le semoir avec les chiffres respectifs de 110.000 F CFA et 146.000 F CFA et enfin la herse atteignant comme sommes respectives 50.000 F CFA et 66.900 F CFA présentent une même structure. Au total, le coût d'acquisition de matériels complets en traction animale est estimé à environ 597.000 F CFA au comptant et 733.600 F CFA à crédit. En plus, il est demandé aux propriétaires de BCA (boeuf de culture attelée) une assurance-mortalité de 20.000 F CFA/an/paire de boeufs ou un abonnement de simple assistance sanitaire, équivalant à 6.000F CFA/an/paire de boeufs.

Toutes ces sommes étant hors de portée des paysans, de l'aveu même des agents de l'unité sous-préfectorale, seuls 79 exploitants sur un effectif de 2402 exploitants que compte la région ont pu s'assurer ; ce qui donne une couverture en matière d'assistance pour 166 boeufs de trait protégés par l'assurance. L'incapacité à faire face au coût élevé du matériel de culture attelée s'explique chez beaucoup de Sénoufo par la détérioration du prix des principales cultures de rente (le prix du coton/kg est passé, en 1989, de 125 F à 80 F CFA). Aussi, y-a-t-il démotivation au sein des producteurs condamnés, quand ils s'engagent dans le cycle de l'endettement, à rembourser un crédit de la CIDT continuellement rééchelonné. Quand on sait que pour être rentable, une chaîne attelée doit cultiver une superficie minimale de 7 ha avec une main d'oeuvre de 5 personnes, il devient difficile pour la majorité des agriculteurs moyens de pouvoir tirer profit de la culture attelée.

Un éleveur autochtone des élevages de niveau 3 estime, par ailleurs, dépenser annuellement 1.200.000 F CFA pour un volume de cheptel de 12 boeufs conduits par 2 bouviers Peul. En revanche, il dit être obligé de vendre ses animaux à bas prix 60.000 F/tête de bovin du fait de la faiblesse de la demande. D'où les confidences faites par beaucoup de propriétaires de bétail et relatives à leurs regrets d'avoir investi leurs ressources dans l'élevage bovin et à leur intention d'abandonner le secteur qui, en dépit du prestige social qu'il confère, s'avère peu rentable.

Pire, il engloutit même les recettes accumulées dans le secteur agricole en vue de l'acquisition du bétail et de son entretien. En outre, ils se rendent compte qu'une tension permanente les habite car il leur faut apporter tous les jours des soins, de l'aliment et de l'eau à ses animaux, honorer les engagements financiers vis-à-vis du bouvier Peul chargé de la conduite du bétail, dédommager les victimes des destructions de cultures.

Face à toutes ces difficultés génératrices de l'indifférence de la population autochtone Sénoufo pour la pratique de l'élevage, une formule de crédit a été conçue par la SODEPRA en collaboration avec la BNDA (Banque Nationale pour le Développement Agricole (banque dissoute. Mais elle s'est avérée peu opérationnelle par la suite et, donc, n'a pas su répondre à l'attente des paysans.

3.1.2 Une politique de crédit inadaptée

Une autre entrave au développement de l'élevage bovin autochtone provient de l'absence d'institutions locales de crédit ou de prêt financier. Cette difficulté pose la nécessité urgente de la mise en route d'une politique d'allocation performante compte tenu du faible pouvoir d'achat de la majorité des populations paysannes. Pour répondre à cette exigence, la SODEPRA donnait la possibilité, il y a quelques années, à quiconque désirait faire de l'élevage, d'obtenir un prêt financier auprès d'une institution bancaire, la BNDA (Banque Nationale pour le Développement Agricole), banque d'Etat appelée à jouer un rôle majeur dans la politique de la promotion du monde paysan. Cependant, les conditions d'octroi de prêts et les modalités de leur remboursement n'étaient pas satisfaisantes pour la majorité des paysans. Il y a notamment comme condition inacceptable l'obligation du versement d'un acompte. Ainsi la part des crédits alloués aux agriculteurs-éleveurs n'a représenté que 6 % du crédit dû au secteur agricole, qui, à son tour, n'a représenté que 10 % du total des crédits accordés par la BNDA.

La pratique de l'agriculture d'auto-consommation sur de petites parcelles ne permet pas aux populations rurales Sénoufo de satisfaire aux modalités d'un crédit "moderne", consistant à céder la récolte des cultures de rente telles que le coton, la canne à sucre ou le soja) à la CIDT qui, après vente, retire une somme correspondant au montant de son prêt et remet le reste des fonds à son ayant-droit. Ce qui le plus souvent maintien le paysan dans une dépendance permanente.

En revanche, les modalités d'acquisition des prêts ont été favorables aux exploitants, à divers salariés, aux commerçants, maquignons et transporteurs. Ces derniers s'appropriant le projet, en le détournant à leur profit, livrent une concurrence déloyale aux agriculteurs autochtones destinataires officiels du dit projet. Ainsi, l'essentiel des prêts de la BNDA a été accordé à cette "élite". Cette discrimination accentue la différenciation sociale, creuse donc les écarts de revenu entre paysans "riches" et paysans "pauvres" d'une part, et entre gros et petits propriétaires de bétail d'autre part.

D'ailleurs, ce sont ces gros propriétaires de bétail (généralement les éleveurs de parcs des niveaux 3 et 4), censés être réceptifs aux actions d'encadrement de la SODEPRA qui, bénéficient des avantages accordés par celle-ci. Ce qui consiste en fait à enrichir davantage les riches exploitants au détriment de leurs homologues en situation de pauvreté. Par exemple, en 1981, bien qu'un bon nombre d'éleveurs continuaient à bénéficier des actions d'assistance sanitaire de la SODEPRA, l'essentiel des efforts d'encadrement a porté sur 1,7% des parcs de niveau 3 contre 20 % des parcs de niveau 2 et 78% des parcs de niveau zéro. Cette politique d'encadrement sélectif induit des frustrations dans le milieu des petits exploitants qui y voient une injustice administrative et politique, constitue une entrave à la politique de vulgarisation entreprise et une des sources de l'absence de rapports communicatifs dynamiques entre les couches sociales les plus aisées et celles ne possédant pas d'assise économique forte. Les "élites" étant peu disposées, par exemple, à faire connaître aux paysans à faible revenu les nouvelles techniques et méthodes innovatrices et ces derniers refusant, en retour, de partager avec elles le discours apologétique sur le projet en question. D'où leur indifférence évoquée ci-dessus.

Depuis 1986, suite à un manque généralisé de trésorerie et à l'ampleur des impayés (environ 75 % des crédits alloués à l'élevage entre 1980 et 1985), la BNDA a décidé, avant sa faillite, de ne plus accorder de crédits à l'élevage. Il y a lieu de révéler ici que l'échec de cette opération de crédit bancaire s'explique par quatre raisons fondamentales :

-l'exclusion des travailleurs ayant un faible pouvoir d'achat et constituant, ne l'oublions pas, la majorité démographique du projet ; exclusion mise à profit par fonctionnaires, commerçants, maquignons ou transporteurs décidés à investir dans ce sous-secteur primaire ;

-l'inadéquation des procédures de contrôle bancaires des crédits (délais de remboursement trop courts, manque de suivi de la gestion des prêts) ;

-les très grandes difficultés d'application de sanctions juridiques en cas de non remboursement (notamment avec les gros exploitants jouissant souvent de la protection des autorités politiques) ;

-le détournement des prêts consentis (le crédit est utilisé pour des frais de santé, de scolarité, de funérailles, etc.).

Chez les Tagbana où la place importante des cultures de "subsistance" favorise très peu le développement de l'épargne, le crédit devient un facteur essentiel au développement de l'élevage. Il est donc nécessaire de rechercher des formes de crédits comportant des conditions plus souples (délai de remboursement en fonction de la stabilité de la spéculation, accord de prêts suivant un échéancier court, après "l'effectuation" d'une demande accompagnée de modalités de remboursement très simple), termes de garantie beaucoup plus réalistes). Dans l'optique de l'ancrage du petit prêt, il importe, en prenant appui sur les systèmes d'échange ou d'entraide traditionnels existants, de chercher à mobiliser l'épargne rurale. On pourra mettre ainsi en place le crédit mutuel local.

3.1.3 L'espace foncier : enjeu socio-économique et juridique

L'espace construit par les Sénoufo, Malinké et Peul est comparable à une arène où s'affrontent divers acteurs sociaux (paysans autochtones, populations allogènes, notables, femmes, jeunes, agents de développement de terrain, services techniques) mus par des intérêts, des aspirations et des logiques parfois divergents. Dans les zones rurales où les terres cultivables se font de plus en plus rares et continuent d'être régies par des structures juridiques foncières traditionnelles et inadaptées le plus souvent à la logique capitaliste de productivité et d'appropriation privée de l'espace, il est évident que le projet d'élevage bovin et la vulgarisation de la culture attelée ont très peu de chances de se développer durablement.

Le problème de sa durabilité est à situer aussi du côté des possibilités d'extension des surfaces agricoles utiles (condition essentielle pour amortir le coût du matériel d'attelage) mais réside davantage et avant tout dans la nécessité d'avoir des espaces (pâturage, terrains de culture fourragère, points d'eau en permanence) permettant l'alimentation et l'abreuvement des troupeaux sans difficultés et de réduire, jusqu'à ce que le degré zéro soit atteint, les incidences socio-économiques récurrentes (destruction de cultures, vols de récoltes, etc.). Comme nous le voyons, l'enjeu fondamental, c'est la négociation d'un même espace par l'homme et le bétail, l'agriculteur et l'éleveur. Cette concurrence homme-animal est plus rude dans les espaces où la densité humaine et la densité bovine sont les plus élevées.

En rappelant que l'accès à la terre qui est régi par deux types de droits inconciliables (le droit traditionnel qui est prééminent et le droit moderne), est source d'entraves au développement normal de l'élevage bovin autochtone, il convient de mettre l'accent sur la lecture du droit foncier Tagbana. Il n'offre pas d'interstices permettant de prendre les nouvelles façons d'organiser et de valoriser leur espace portées par le projet affronté. Les autorités traditionnelles, garantes de la gestion de l'espace, selon les rites ancestraux, continuent de privilégier l'agriculture dans l'affectation des terres constitutives du terroir villageois.

L'incohérence des stratégies de gestion de l'espace Tagbana engendrée par l'intrusion de l'administration ivoirienne avec ses projets capitalistes de développement et renforcée par l'invasion des éleveurs Peul transhumants et leurs troupeaux, a donné lieu à un "coût sociologique" élevé observable à travers les nombreuses incidences enregistrées. Celles-ci sont d'ordre socio-économique (conflits fonciers, destruction de cultures, surpâturage et dégradation du sol) et d'ordre socio-culturel (conflit agriculteurs-éleveurs, violation d'interdits sociaux). Elles ont polarisé l'attention et la préoccupation des populations autochtones (destinataires du projet).

Il se pose ainsi le problème des solutions à apporter. Trouver des formules de coexistence acceptables entre agriculteurs et éleveurs, notamment Peul, est une des directions de réflexion explorées dans un milieu où il faut souligner la persistance de la forme communautaire des parcs villageois et de l'emploi du bouvier Peul (division du travail agriculteur-éleveur). C'est pourquoi, malgré l'expression d'une réticence à une nouvelle gestion de l'espace au profit de l'élevage du Peul transhumant, on procède (comme nous l'ont confié certains notables des localités de Tafiré et Tortiya), dans certaines conditions et, suite à des négociations bien menées, à une distribution de terrains de culture et de pâturage aux non autochtones. Cet accès à la terre est le plus souvent favorisé, rappelons-le, par l'intégration de l'étranger à la communauté du fait, par exemple, de son mariage avec un de ses membres ou de son adoption par une de ses familles à la suite d'un long séjour dans la localité.

3.1.4Destructions de cultures et vols de bétail : sources de préjudices économiques et d'animosités

Les destructions de cultures causées par la divagation d'animaux, les vols de bétail et de récoltes demeurent un des problèmes les plus cruciaux, dont les incidences socio-économiques néfastes n'encouragent pas le développement de l'élevage autochtone, et une des situations les plus énergiquement dénoncées par les populations autochtones, les bouviers Peul et leurs autorités. Pour le sous-préfet de Katiola, les destructions de cultures et vols de bétail sont à l'origine des nombreux contentieux portés à sa connaissance. Il chiffre à des dizaines de millions (4 millions de F CFA par an) les moins-values occasionnées par ces méfaits. Mais, selon la même source, les victimes de ces préjudices qui sont pour la plupart du temps des agriculteurs, restent le plus souvent sans dédommagement car leurs auteurs disparaissent, une fois leur forfait accompli, par crainte de représailles ou refusent tout simplement de répondre à la convocation de l'administration.

Le sous-Préfet de Tafiré, parlant de la même situation conflictuelle, rapporte qu'en 1990 sa sous-préfecture a enregistré 32 cas de destructions de culture déclarés et chiffrés à 1.326.345 F CFA. Ils s'additionnent aux nombreux différends qui ne sont pas portés à l'arbitrage de l'administration préfectorale, soit parce que le contentieux a été résolu à l'amiable, soit parce que la victime ne connaissant pas l'auteur du forfait n'a pas jugé utile de porter plainte. Pour ce sous-Préfet, rares sont les victimes qui parviennent à être dédommagées correctement à cause de la mobilité des éleveurs Peul incriminés comme étant les auteurs des forfaits en question. Leur fuite du village, effectué de nuit, est à l'origine de la faillite du taux de réparation des torts reconnus.

Cependant, il ne faudrait pas occulter le fait que certains auteurs de ces conduites inacceptables, constitués et d'agriculteurs-éleveurs autochtones, dédommagent leurs victimes. C'est le cas de Nimba Coulibaly (éleveur dit de niveau 3 de Niakaramandougou) qui a présenté des reçus s'élevant pour la seule année 1992 à 460.000 F CFA. S'acquittant de toutes ces obligations, cet informateur explique les méfaits causés par le manque de vigilance des bouviers Peul et la mauvaise foi de certains éleveurs transhumants, exprime son souhait de voir les Peul retourner dans leur terroir et avoue ne pas pouvoir, dans le court terme, se passer des services d'un bouvier appartenant à ce groupe ethnique. Ces propos contradictoires montrent à quel point le Peul est assimilé à un mal nécessaire.

Il y a également dans la même sous-préfecture, le cas de Sidibé Yaya, (éleveur Peul sédentarisé) qui estime séjourner en Côte d'Ivoire depuis bientôt 13 ans. Il reconnaît lui aussi avoir procédé à des indemnisations pour destructions de cultures. Certaines de ces atteintes aux biens lui ont été abusivement imputées. Il dit se souvenir de deux amendes où il a eu à payer 37.000 et 78.000 F CFA la même année. Il souligne avoir été lui même victime des mêmes préjudices économiques et avoir refusé, pour des considérations d'ordre moral de se faire dédommager.

Ces faits préjudiciels ont eu d'importantes répercussions morales et sur le plan de l'intégrité physique de la personne. L'événement tragique révélé par Bafitigui Diabaté, agriculteur-éleveur, témoigne de l'ampleur et de la gravité des actes délictueux. En 1990, estime-t-il, un meurtre a été perpétré par les Peul contre un éleveur autochtone dans le village de Katao (Sous-Préfecture de Niofouin) après lui avoir volé son troupeau. Une année plus tard (1991), dans la même région, raconte-t-il, les Peul ont tué le président de GVC Coton de Siampoulogo, avant de disparaître avec son troupeau.

Il se dessine à travers ces affaires de meurtres, de coups et blessures et de vols entre éleveurs et agriculteurs un véritable affrontement inter-ethnique. Chez ces derniers, l'absence de réparation des torts causés a fini par susciter frustrations, crainte et animosité à l'égard du Peul. Les Tagbana et certaines autorités locales n'ont pas manqué de dévoiler ces états affectifs aggravés par le mépris. Ainsi pour le sous-préfet de Tafiré et de Katiola, l'invasion des troupeaux zébus transhumants a considérablement étouffé l'élevage bovin autochtone, les paysans se plaignent de ce que leurs cultures de maïs, de riz, de coton aient été broutées, leurs ignames déterrées et données en pâture au bétail, leurs greniers pillés, leurs congénères ayant pris en flagrant délit les auteurs de ces infractions sauvagement bastonnés et tués. En conséquence, selon cette source, la SODEPRA, structure dans laquelle l'Etat a inutilement investi des milliards de F CFA a procédé à une injection de capitaux n'ayant profité, qu'aux éleveurs Peul. En conséquence, cette source propose la suppression de cette société. Pour bien souligner la capacité de nuisance prêtée au Peul, cette autorité affirme éviter de faire de l'élevage bovin, même domestique, pour ne pas attirer sur lui le courroux de ses administrés qui le taxeraient d'être de connivence avec cette "figure du mal".

Ces situations conflicturelles, inductrices de catastrophes (pertes financières, pénurie alimentaire, famine, incapacité à rembourser des dettes contractées et à subvenir aux besoins familiaux) rappellent l'incompatibilité des deux activités économiques (agriculture/élevage) et des deux modes de vie (agraire/pastoral) qui sont contraints pour le moment de coexister. Pour sortir de l'impasse momentanément créé, il faut convoquer la problématique de l'acceptation de l'élevage bovin par l'intégration du Peul transhumant ou la participation des populations autochtones et, certainement, s'intéresser encore aux modes et modalités de règlements des contentieux agriculteurs-éleveurs.

3.2.Contraintes en matière de commercialisation

La commercialisation, volet économique important qui dynamise la production, se heurte à un problème de circuit de distribution organisé et opérationnel.

3.2.1 Circuit de commercialisation inorganisé et

inopérationnel

Le manque de circuit organisé de distribution et de vente de bétail et de viande constitue un handicap pour le développement de l'élevage. La commercialisation de ces biens utilise encore les circuits traditionnels. Ce qui justifie son caractère inopérationnel. Les éleveurs vendent le plus souvent leurs animaux, soit à des intermédiaires chargés de les livrer sur les marchés à bestiaux des centres urbains les plus proches, soit directement sur le parc à des paysans utilisateurs de la culture attelée. Dans ces marchés qui sont souvent hebdomadaires, les producteurs vendent leur bétail à la suite d'un marchandage de gré à gré. Dans ces conditions, la demande des revendeurs composés en majorité de bouchers et le pouvoir d'achat des consommateurs modulent les prix affichés.

La commercialisation du cheptel bovin autochtone faite au profit des consommateurs ruraux qui ont une demande régulée par le calendrier des fêtes, funérailles, sacrifices, dons, représente une source de revenus secondaire pour la majorité des éleveurs-agriculteurs. En ce qui concerne la vente du lait, les bouviers Peuls (et leurs femmes) sont au-devant de la scène. Ils commercialisent 78 % du lait provenant du bétail dont ils ont la garde et 67 % du lait provenant de l'élevage transhumant. Ces femmes se rendent à pied, d'une façon générale, sur les marchés locaux pour vendre le lait frais et caillé, le beurre ou l'huile de beurre. Les longs délais, qui séparent le moment de la traite et celui de la vente, portent préjudice non seulement à la qualité de ces produits, augmentent ainsi la proportion des invendus et précarisent davantage les conditions d'hygiène et de chances de leur consommabilité.

La marginalisation du commerce de bétail et de ses dérivés est renforcée par la quasi-insuffisance d'abattoirs industriels. L'essentiel des abattages a lieu dans les unités construites par les municipalités et conçues généralement sous la forme de hangars assez sommaires ne possédant pas de chambre froide. D'où la persistance, au-delà du problème de conservation, de la précarité des conditions d'hygiène. Seul le CEIB de Ferkessédougou a l'allure d'un abattoir moderne, comparativement aux abattoirs de Port-Bouët et de Bouaké qui sont obsolètes. Une des difficultés rencontrées par les éleveurs locaux l'acheminement de leurs animaux des centres de production vers ces différents abattoirs. Une autre difficulté est réductible à la concurrence des viandes et autres dérivés importés des pays sahéliens ou des membres de l'Union européenne (U.E.).

Les filières de transformation se limitent à quelques tanneries artisanales qui demeurant également une activité marginale. Il faut noter que la grande consommation de peaux de bovins ne favorise pas la tannerie artisanale mais plutôt celle industrielle. Aussi, depuis 1990, une unité de ce genre essaie d'explorer ce secteur pour la fabrication de sacs et de chaussures. Un tel effort est, par contre, toujours attendu avec la filière moderne de transformation du lait d'élevage. Les quelques usines, localisées à Abidjan, (IVOIRLAIT, YOPLAIT, SIALIM et NESTLE) utilisent uniquement la poudre de lait importée. Cette tendance générale à s'approvisionner à l'extérieur, aussi bien en bétail, en viande, qu'en produits laitiers contribue à handicaper l'élevage local.

3.2.2 Impact négatif des importations de bétail/viande sur la production locale

Comme on vient de l'énoncer, la production bovine autochtone ne souffre donc pas seulement d'une absence de circuit de vente organisé, mais également de la concurrence des importations de viande d'origine sahélienne et ouest-européenne. Les flux des animaux en provenance du Sahel sont liés non seulement à la recherche de pâturages se raréfiant avec les sécheresses et à la croissance rapide des troupeaux, mais aussi à l'existence de réseaux parallèles, complexes, difficilement observables et dont le contrôle échappe aux éleveurs locaux. Ce circuit à bétail qui livre une concurrence déloyale aux producteurs autochtones, est dominé par trois catégories d'acteurs : les commerçants exportateurs, les logeurs intermédiaires et les "chevillards".

La première catégorie qui constitue l'élite "de la profession, a installé, au fil des ans, des réseaux d'influence et de protection incontournables pour celui qui veut se lancer dans le commerce du bétail. Le candidat est même obligé d'être dépendant de ces commerçants-exportateurs qui, de par leur situation privilégiée et leur solide réputation, se sont assurés une clientèle attitrée et "sûre" avec les chevillards d'Abidjan. Ce qui n'est pas le cas des éleveurs autochtones intervenant dans un circuit de commercialisation qui comporte ainsi d'énormes risques.

La grande force de ces opérateurs est justement de pouvoir s'appuyer, sur une chaîne d'hommes de confiance. Une fois le bétail acheté sur les marchés locaux sahéliens, les transporteurs et les convoyeurs règlent les formalités administratives. Le bétail est ainsi réceptionné à l'arrivée, en toute sécurité, par les logeurs intermédiaires. Ceux-ci agissent en véritables spéculateurs incontournables pour les importateurs car ils s'occupent de la vente à crédit du bétail aux chevillards habituels pour recouvrer, le moment venu, les sommes dues. Les bouchers-chevillards qui sont les seuls à posséder la licence obligatoire pour abattre le bétail en gros, étaient, en 1993, au nombre de quarante à l'abattoir de Port-Bouët. Mais, ils autorisent une vingtaine de bouchers non patentés à travailler sous leur nom. Chacune de ces catégories (les logeurs intermédiaires, les chevillards-bouchers) empochait, avant la dévaluation, une commission de 1000F CFA par tête de bétail.

L'inondation du marché ivoirien par la viande d'origine sahélienne au coût de production relativement bas, se combinent avec les importations de protéines européennes (1247 tonnes à 1628 tonnes de 1992 à 1993 pour la France et 10963 t à 9421 pour les mêmes années pour l'ensemble des exportateurs), dont les prix sont nettement inférieurs aux tarifs locaux du fait de la politique de dumping de l'U.E.. Cette combination porte une grave atteinte à la promotion de l'élevage national. En effet, le prix de la viande européenne, objet d'une subvention aux trois quarts par l'Union Européenne (13 FF de restitution sur 15 FF le kilo de capa avant la dévaluation), défiait toute concurrence : à peine 500 F CFA le prix de gros contre 700F CFA pour la viande sahélienne et 750/800 F CFA la viande locale. Ainsi, le produit animal venu d'Europe étant plus compétitif, plus attractif pour la ménagère (bien qu'elle préfère la viande fraîche) met en danger la production de la viande locale, l'avenir professionnel des éleveurs autochtones, le succès des projets d'élevage financés par l'Etat Ivoirien et le FED, et, par voie de conséquence, le devenir de la politique d'autosuffisance et de sécurité alimentaires accrues.

Cette situation, sévèrement dénoncée par les éleveurs et agriculteurs-éleveurs qui ne comprennent pas pourquoi en même temps que l'Etat leur demande de s'endetter pour faire de l'élevage, il inonde le marché de viande extra-ivoirienne, est à l'origine des frustrations et du découragement d'éleveurs autochtones voyant leurs efforts de production ruinés. Consciente de l'impact négatif des politiques de soutien à l'exportation de viande bovine sur les marchés africains, dont la Côte d'Ivoire, la Commission Européenne a décidé, en juin 1993, de réduire de 15 % les taux de subvention applicables aux exportations en Afrique Occidentale.

4. Contraintes socio-culturelles et religieuses

Le projet de développement de l'élevage bovin est domicilié dans un espace socio-culturel et religieux où tout n'obéit pas seulement aux "caprices" des intérêts économiques dits marchands. On s'en est rendu compte avec la place prépondérante de la religion et du sacré dans la vision du monde et les points de vue de certains auteurs (exemple de Coulibaly 1978) qui n'hésitent pas à dire que la vie quotidienne demeure presque paralysée par la crainte de nombreuses divinités. Cette "crainte pieuse" traduisant chez le Tagbana un souci de pérennisation d'une tradition agraire régie par l'observance scrupuleuse d'un ensemble d'interdits et de rites.

Ce sont donc ces référents socio-culturels et symboliques qui déterminent le rapport de ce paysan au projet proposé et montrent toute la pertinence de la prise en compte des facteurs psycho-sociologiques et religieux pour asseoir la réussite escomptée. Ces pesanteurs culturelles sont à envisager à divers paliers de la société des Tagbana.

4.1. Les pesanteurs socio-culturelles relatives à l'espace

Il a été montré que l'espace constitue dans l'activité productrice locale une variable essentielle, le principal substrat économique et un objet de représentation. C'est fort conscient de tout cela que le Tagbana n'exploite jamais la terre sans avoir au préalable observé un certain nombre de rites expiatoires ou propitiatoires. Observance participant aussi de la recherche permanente de compromis entre l'homme et son milieu végétatif. Le projet de développement de l'élevage bovin, qui appelle des restructurations du mode de vie traditionnel, doit prendre en considération cet imaginaire religieux. Il en est de même de l'esprit communautaire qui marque le régime juridique de son empreinte et trouve son expression dans la jouissance collective de la terre et l'organisation familiale de l'activité agricole et pastorale (parcs communautaires). Ceci est d'autant plus vrai que cet état d'esprit demeure un obstacle à toute tendance à l'appropriation et à l'exploitation individuelles de la terre, ce bien collectif inaliénable appel, dans la logique du projet en question, à obéir à la loi du marché. Celle-là même qui préconise son aliénabilité et informe la politique de vulgarisation de la SODEPRA. C'est sous ce dernier rapport que se comprend bien le point de vue de celle-ci selon lequel les parcs individuels sont hiérarchiquement supérieur aux parcs communautaires.

L'"écart différentiel" noté entre les deux modes de gestion de l'espace engendre des incompatibilités de logiques et de pratiques qui sont sources de tensions et de relations conflictuelles entre des aînés, plus soucieux de gérer le patrimoine foncier selon les principes coutumiers, et des cadets aspirant à subvertir l'ordre des choses. Ces jeunes, avec l'ampleur de la déscolarisation et le développement du chômage dans les cités urbaines, reviennent de plus en plus au village dans l'optique d'y pratiquer une activité économique génératrice de revenus. Retour se faisant dans un contexte de difficultés car l'accès à la terre étant subordonnée à une procédure complexe mal maîtrisée, ils doivent le plus souvent se contenter des terrains de culture infertiles ou éloignés s'ils parviennent à avoir leur part du finage par défrichage. En outre, pendant que les anciens exercebt leur monopole sur les terres utiles et les plus proches par une occupation continue de l'espace, ces jeunes sont souvent réduits à pratiquer une culture itinérante et à exercer sur la terre cultivée un droit précaire, à cause des termes peu favorables de l'arrangement conclu avec les notables.

La vigueur avec laquelle les jeunes des zones enquêtées dénoncent les conflits fonciers est symptomatique de leur impossibilité de disposer de terres cultivables et de s'établir à leur propre compte. Ces jeunes générations, imprégnées de la culture moderne et de la logique capitaliste et contestant non seulement la procédure de l'initiation mais aussi les droits conférés par l'âge aux anciens et aux aînés, veulent que toutes les conditions de leur promotion soient mises en place rapidement sans qu'elles aient à prendre des initiatives susceptibles de leur attirer une quelconque malédiction.

Mais, il faut le souligner de nouveau, les conflits d'ordre foncier n'opposent pas seulement aînés et cadets, vieux et jeunes. Ils dessinent des barrières de haine et de rancoeur entre les autochtones et les éleveurs Peul, entre eux et l'Etat. Les populations autochtones très attachées à leur terre, ne sont pas toujours disposées à la gérer pour n'importe quelle activité économique, ni à la partager sous la dictée de l'autorité politique. Pour qu'elles affichent les inclinations attendues, il faut les convaincre. Ce qui ne semble pas être le cas, en l'absence d'une étude sociologique accompagnant l'offre de l'Etat. Ainsi, il y a toujours une marginalisation de l'élevage bovin malgré les investissements énormes dans le domaine zootechnique et sanitaire et le fait que des Tagbana possèdent quelques têtes de bétail.

Avec leur ignorance de la la logique du profit, les notables Tagbana continuent à pratiquer prioritairement l'agriculture. D'où l'absence d'une grille de représentation ouverte à l'intégration du Peul attaché à l'élevage. Cet acteur trouve sa raison d'être dans la constitution et la reproduction élargie du bétail, comme le veut son dicton ainsi libellé : "Dieu veuille que la vache survive au peul et non le peul à la vache".

Pour traduire cette maxime en actes, il se propose de faire paître son troupeau dans les espaces écologiques dotés de ressources fourragères les plus appétentes et d'accorder une valeur sacro-sainte à la liberté: être libre des contraintes et des restrictions de la vie en société. L'espace non habité et celui appelé prosaïquement la brousse constituent l'univers propice à la réalisation de ce désir d'indépendance. Faisant de "la terre comme de l'eau .... des dons naturels, (appartenant) en tant que tels ... à tout le monde", il s'oppose à toute statégie d'appropriation personnelle, ethnique, ou d'Etat.

La terre et le cheptel demeurent respectivement des références pour le Tagbana et le Peul, leur gravitation autour d'un nouvel enjeu socio-économique donne lieu à des confrontations. Celles-ci actualisent la marginalité du modèle pastoral exogène imputable à cette dernière figure sociale ou à la puissance publique, la prégnance du système culturel endogène et la nocivité du jeu d'oppositions des logiques et des stratégies des différents acteurs sociaux.

4.2. L'impact psycho-social de la transhumance bovine

La transhumance qui a pour foyer de déroulement le nord de la Côte d'Ivoire, habité par le Tagbana, est la résultante d'aléas écologiques (déficits hydrique et de pâturage, famines, épizoties) entraînant des pertes énormes de bétail dans les régions sahéliennes et soudanaises avec comme pics les années 1972 et 1973. Pour échapper au sinistre, nombreux sont les éleveurs qui ont choisi cette zone où les conditions écologiques sont relativement favorables et où leur afflux est perçu et vécu par les populations autochtones comme une "invasion menaçante", une agression dont les incidences ne sont pas seulement d'ordre socio-économique (destructions de cultures, vols de récoltes...), écologique (surpâturage) mais aussi et surtout d'ordre psycho-social.

En effet, cette invasion a affecté le champ sémiotique du Tagbana, c'est-à-dire son espace socio-culturel et religieux. Les éleveurs transhumants Peul, soucieux de la survie de leurs troupeaux, sont prêts à sacrifier tout ce qui peut contribuer à leur prospérité (pâturage naturel, les plantes vivrières et récoltes), n'hésitent pas (par ignorance ou mauvaise foi) à fouler au pied tabous et autres restrictions relevant du merveilleux religieux. Certaines de ces violations, non comprises comme telles par leurs auteurs et les agents de développement, sont vécues par les autochtones comme un sacrilège, un travail de sape du sacré construit par leurs ancêtres et une hypothèque de leur avenir.

L'exemple de violation le plus manifeste est celui de l'acte sexuel accompli de force ou par consentement mutuel, dans la "brousse". Un tel manquement exige, selon les autorités traditionnelles, des sacrifices expiatoires sous peine de voir les forces surnaturelles empêcher les pluies de tomber et compromettre ainsi les récoltes et la saison culturale. Or, cet interdit social est violé par les éleveurs Peul qui valorisent d'autres schèmes culturels. Les Tagbana ne manquent pas de les accuser ainsi d'être responsables des perturbations climatiques, causes des longues sécheresses dont elles sont victimes et de la désertification très avancée des régions sahéliennes. Cette dégradation écologique est assimilée à un châtiment des dieux de la nature dont la crainte a fait fuire les pécheurs de leur pays d'origine (Mali, Burkina faso, Niger...) pour le pays des Tagbana où ils veulent récidiver les mêmes "maléfices". La jouissance de la terre par ceux-là sans l'autorisation préalable des gardiens des lieux (les divinités du terroir et leurs représentants humains), est considérée par ceux-ci comme une agression vécue de façon traumatisante. On a là l'explication du caractère pathologique de leurs réactions imprévisibles et sanglantes quand des conflits éclatent.

4.3Conflits agriculteurs-éleveurs

Leurs affrontements traduisent le degré de "mésajustement", de deux activités économiques (élevage/agriculture) et de deux traditions (agraire et pastorale) et imposent, pour être intelligibles, une lecture ethno-psychanalytique. En d'autres termes, les préjudices subis : cultures et récoltes détruites, vols de bétail, coups et blessures, meurtres, n'excluent pas le déclenchement des motivations d'ordre psycho-culturel et religieux dans l'éclatement des conflits. En effet, l'afflux massif des troupeaux de zébus engendre chez les autochtones un sentiment de crainte, de peur pour le devenir de l'espace en tant que composante culturelle sacrée. Ils vivent, en outre, l'intrusion comme une catastrophe teintée de culpabilité à l'égard des génies protecteurs.

Comment rendre compte de cette dernière assertion ? Il faut partir du fait que le Tagbana ne perçoit pas sa production agricole comme le fruit de sa seule force de travail mais plutôt comme l'oeuvre d'une synergie de forces et de volontés émanant des divers génies et divinités locales dont les bénédictions ont été sollicitées à travers les rites agraires. Les cultures et les récoltes qui sont donc avant tout la propriété des divinités du terroir, revêtent un caractère sacré pour ce paysan qui se doit de les remercier, en fin de saison culturale, avec des offrandes. Ainsi lorsqu'il n'arrive pas à remplir ses greniers, il perd non seulement son prestige social aux yeux de ses pairs, (parce que ne pouvant subvenir aux besoins de sa famille), mais aussi il a le profond sentiment d'avoir failli au cours de l'organisation d'une des nombreuses cérémonies rituelles de recherche de l'agrément divin.

Ce sentiment crée chez la victime une profonde insécurité psychique, une crise de personnalité génératrice de réactions pathologiques traduites par la commission de coups et blessures mortels perpétrés contre l'agresseur, le Peul capable de sacrifier cultures des champs et réserves de greniers pour son troupeau malgré les risques et les dangers encourus. Auteur de destructions de cultures, vols de récoltes et de bétail et autres actes délictueux, ce dernier n'hésite pas, comme nous l'avons déjà dit, à disparaître nuitamment, après avoir accompli son forfait, tout en sachant que l'agriculteur amène sa victime à déverser sa colère sur son congénère commis aux fonctions de bouvier ou propriétaire semi sédentarisé.

Une telle animosité n'est pas dénuée de fondement car les Peul eux-mêmes ont révélé que le vol constitue chez eux un mode courant et prestigieux d'acquisition de bétail, un acte de bravoure fait de stratagèmes et de ruse qu'il tente de commetre, ici, au détriment du paysan Tagbana qui, quoique ne s'occupant pas lui-même de son bétail, considère la possession de bovins comme un symbole de prestige social est une grande honte le fait de ne pas en disposer lors des funérailles. Ainsi le vol de bétail crée chez lui un état de stress, celui de se voir dépouiller en un seul jour de toute une richesse accumulée pendant plusieurs années.Les cas de paysans morts de crise cardiaque à la suite de vol de leurs troupeaux sont psycho-sociologiquement significatifs. Cette psychose, entretenue et accentuée par d'autres actes sadiques tels que les viols exercés par certains Peul sur les femmes et les enfants travaillant solitairement dans leurs champs, compromet les possibilités d'une cohabitation pacifique entre ces acteurs.

Leurs conflits ont pris plusieurs formes : meurtres, abattages de nombreux animaux appartenant aux Peul abattus par les Tagbana, empoisonnement de points d'eau et pâturages fréquentés par les troupeaux transhumants à l'aide de l'engrais chimique et de l'anhydride. Ces antagonismes n'ont pu être aplanis par les autorités gouvernementales, partagées entre les avantages économiques qu'elles tirent du maintien sur le sol ivoirien de ce cheptel et les préjudices causés aux autochtones. Ceux-ci voulant voir ces décideurs expulser les éleveurs étrangers de l'espace ivoirien seront vite désillusionnées du fait de la réaction lente des autorités peu promptes à agir dans le sens souhaité. D'où l'hostilité et l'indignation manifestées par le Tagbana qui se croit victime de leur complicité avec l'éleveur Fulbe.

4.4Représentation de l'élevage comme trait d'identité culturelle et ethnique

Au regard des incidences relatives à l'afflux des troupeaux de zébus transhumants perçu par les autochtones comme une agression de leur environnement socio-économique et culturel, il peut paraître étonnant, aux yeux de tout observateur, que le Tagbana soit encore celui-là même qui sollicite les services du Peul (son ennemi juré) pour la garde et la conduite de son bétail. Cette attitude, jugée paradoxale, transcende les considérations économiques et matérielles (gardiennage, suivi nutritionnel, ...) pour englober des facteurs psycho-sociologiques et culturels. En effet, pour celui-là, l'élevage bovin est un trait d'identité socio-culturel de celui-ci, l'animal (le boeuf) auquel il attache une valeur liturgique une spécialité de l'autre. Pour le premier, pratiquer l'élevage, c'est perdre son identité ethnique, nier ses origines, ne plus être soi-même, c'est-à-dire abandonner ses traditions agraires qui impliquent prépondérance de l'agriculture, sacralité et gestion religieuse de l'espace. Ainsi, la division du travail agricole et de l'activité pastorale entre autochtones et Fulbe n'est rien d'autre que la manifestation concrète d'identités ethniques différentes.

Le recours aux services du Peul comme bouvier par les autochtones obéit à un souci de sécurité. On tente de faire face à la psychose engendrée par les vols du bétail autochtone, en mettant au point "une stratégie qui consiste à confier la garde de son trésor au voleur" pour qu'il ne puisse plus vous le voler". Ce que confirme un éleveur- agriculteur dit de niveau 3 (originaire de Tortiya) qui affirme que l'absence de ce délit s'origine dans la soldiarité manifestée en direction de ce bouvier par les autres Peul. En somme, ils ne voudront pas lui voler son troupeau sous peine de mettre la vie du "frère" en péril. Le même interlocuteur poursuit son argumentation en invoquant une formule proverbiale qui stipule qu'"en Afrique, lorsque vous connaissez celui qui peut gâter vos funérailles, mieux vaut lui confier l'organisation pour que celles-ci puissent bien se dérouler sans grandes entraves".

Le vol d'animaux constitue d'ailleurs une stratégie utilisée par ces éleveurs pour protéger en leur faveur le marché du travail de bouvier qui, estiment-ils, est rentable à long terme. On en fait une pratique prestigieuse d'acquisition et de reconstitution de troupeaux décimés aux cours d'affrontements entre agriculteurs et éleveurs ou d'une calamité naturelle. Aussi, n'est-il pas rare de voir des bouviers devenir les créanciers de leurs employeurs insolvables. Cette dépendance amène les employés à se libérer progressivement de la tutelle du propriétaire de bovins en devenant des détenteurs de cheptel.

Le recours au Peul comme bouvier par le Sénoufo répond à une préoccupation d'ordre moral. Malgré les multiples préjudices et frustrations subis, c'est une fierté pour ce dernier de dire "qu'il a son Peul" qui est à son service comme l'esclave pour celui de son maître. Avoir un Peul sous son autorité est pour le Tagbana une façon de maîtriser et dompter psychologiquement "l'ennemi". Une telle manoeuvre ou une telle volonté de puissance qui cherche à s'accomplir vaille que vaille, a le désavantage de rendre peu opérationnelle et efficace la mission d'encadrement et de formation des populations de la SODEPRA. Mais, cette conclusion n'est pas applicable au bouvier en question qui est plutôt, ainsi que nous l'avons déjà démontré le grand bénéficiaire des connaissances et des techniques modernes en élevage vulgarisées par cette société.

Ainsi, les objectifs initiaux du projet visant à faire des autochtones de véritables éleveurs ou agriculteurs-éleveurs sont biaisés par le fait même qu'ils ne s'accordent pas avec les savoir-faire et perceptions dits traditionnels. Ce détournement révèle, à nouveau, les incohérences structurelles et les incompatibilités des deux modes de production représentés par l'agriculture et l'élevage.

CHAPITRE VII

FACTEURS FACILITANT LE DEVELOPPEMENT PASTORAL

Le développement de l'élevage bovin autochtone qui n'a pas atteint dans son ensemble les résultats escomptés à cause de la combinaison de facteurs endogènes et exogènes, écologiques, économiques et socioculturels. La relativité de cet échec est visualisée par l'émergence d'îlots de prospérité pastorale. Cette situation que nous pouvons qualifier de dynamique pastorale plurielle s'explique par l'inégalité de la prégnance à travers le cadre spatial de chacune des données factorielles notées. Ces îlots qui laissent entrevoir les possibilités de renversement de la situation, renvoient au problème de la "résonance sociologique" dudit projet à celui de l'identification des facteurs qui facilitent sa réussite.

1. De la configuration géographique

La domestication de bovins faite sous le sceau de la sédentarité est un des atouts du projet initié par l'Etat ivoirien. Pour une meilleure compréhension du modèle pastoral des Tagbana, il est nécessaire de reprendre les principales conclusions de l'analyse géographique faite précédemment.

Lorsque nous observons d'une façon attentive la carte de l'élevage autochtone, nous apercevons un foyer de diffusion localisé dans la zone représentée par les sous-préfectures de Katiola et de Sirasso. Ce qui révèle qu'au fur et à mesure que l'on s'en éloigne un affaiblissement de la dynamique pastorale.

La cartographie ainsi esquissée étant valable pour la culture attelée, bien que les unités statistiques relatives au cheptel de trait soient démographiquement faibles pour autoriser des analyses pertinentes, les facteurs explicatifs d'une telle dynamique sont, comme nous l'avons déjà dit, à inscrire dans plusieurs rubriques (écologique, socio-économique, socio-culturelle).

2. De la diversité bioclimatique

Les disparités observées doivent dans la carte de l'élevage beaucoup aux facteurs écologiques et climatiques. En effet, si la précarité du climat subsoudanais avec une durée de six mois de saison "sèche" a été présentée comme une des contraintes physiques dommageables pour la production végétale et animale, c'est pour mieux asseoir la nécessité de "caler" l'analyse de la situation pastorale à l'échelle micro-climatique, celle des nuances géographiques. Ces dernières sont matérialisées par l'existence par deux types de climat, dont celui évoqué ci-dessus et qui couvre la partie nord, plus précisément les sous-préfectures de Tafiré, Niakaramandougou et Tortiya.

La longue saison "sèche" de ce climat caractérisée par une forte chaleur imputable à la durée de l'insolation et à l'aridité de l'air, a, pour incidences écologiques, l'étiage des marigots et des rivières et le manque d'eau en raison de l'évaporation qui peut dépasser 3 m3/an. Dans un milieu où les précipitations vont de 400 à 500 mm, ces cours d'eau libres et temporaires utilisables pour l'abreuvement pendant toute la saison des pluies sont peu utilisables après la séquence des manifestations pluviométriques car ils sont transformés en bourbiers. Leur assèchement est déclenché par les infiltrations rapides (dues à la nature du sol et de son substrat) et surtout à la consommation faite par les racines des végétaux. Le dépérissement de cette flore, qui procède de ce déficit hydrique et se signale surtout par le durcissement puis la raréfaction des plantes herbacées, ramène au niveau zéro l'utilisation des pâturages (principale source d'alimentation du bétail).

La prédominance des élevages transhumants et semi-transhumants se justifie par le fait qu'ils sont des types d'élevage adaptés aux intempéries climatiques. Ces modes de domestication correspondent par conséquent à des réponses à la précarité écologique saisonnière. On a une autre réponse, avec la sédentarisation pratiquée pendant la saison des pluies favorable à la croissance des fourrages (l'herbe fraîche est abondante et sa valeur nutritive incontestable).

Les possibilités d'abreuvement varient aussi avec le cycle des pluies; les mares sont nombreuses car tout bas fond argileux ou cuvette gréseuse ou basaltique se transforme en abreuvoir quand il y a activités pluviométriques. L'assèchement des mares temporaires qui est consécutif à l'absence prolongée de pluies oblige les éleveurs à creuser des puits ou à se déplacer vers les régions méridionales abritant encore quelques rares points d'eau permanents (lacs, fleuves, forages).

Pour le Tagbana à faible revenu, il n'est pas aisé de pratiquer l'élevage intensif qui ne rime pas avec la recherche permanente de ressources fourragères et de points d'eau dictée par les aléas écologiques étudiés. En revanche, il est parfaitement possible d'envisager l'ancrage de ce mode de domestication animale dans la zone sud où les conditions écologiques sont moins précaires. On y note un déficit hydrique moins prononcé avec certains de ses cours d'eau qui ne tarissent pas entièrement et entretiennent ainsi des îlots de ressources fourragères. Les distances parcourues par les troupeaux dans ce site du climat baouléen sont aussi moins longues.

La majorité des éleveurs autochtones estiment que le système d'élevage extensif (parcs communautaires, élevages du niveau zéro demeure adapté à leur faible pouvoir d'achat, qui les contraint à une recherche permanente de pâturage et de point d'eau. La concentration des parcs modernes (niveaux 2, 3 et 4), expression d'un développement pastoral dans les zones urbaines et plus particulièrement à Katiola, s'explique en grande partie par la disponibilité de l'eau, un des facteurs essentiels de la sédentarité pastorale.

Comme nous l'avons constaté, ce sont les impératifs climatiques qui déterminent la prédominance de tel ou tel type d'élevage et distribuent spatialement les formes extensive ou intensive attribuées à ce modèle économique.

3. De la culture urbaine

On vient de remarquer que la variable climatique est un obstacle au développement de l'élevage bovin. Elle se déploie dans un jeu combinatoire avec d'autres éléments. Parmi ceux-ci, il y a la donnée relative à la culture urbaine.

En effet, le projet de développement de l'élevage bovin fait irruption dans un espace structuré, organisé, et géré par Tagbana, Malinké et Peul appelés à s'engager dans une dynamique de mutations.

Il convient de rappeler que la logique de la rentabiité et de la productivité qui fonde le projet de développement de l'élevage traduit les options des "développeurs" (planificateurs, agro-économistes, bailleurs de fond). Lesquelles options ne peuvent être appliquées avec succès que s'il y a adhérence au système socio-culturel ou si les populations qui le portent sont prêtes à adopter les nouvelles valeurs véhiculées à traves les innovations économiques proposées.

Une telle conditionnalité est révélatrice des seuils critiques à rencontrer en milieu rural où les schèmes traditionnels ne reconnaissent comme procès de production que l'agriculture.

C'est dans la ville que le projet de développement de l'élevage bovin a trouvé un environnement socio-économique (infrastructures matérielle, technologique, économique, sanitaire et culture capitaliste...) favorable. Cela s'explique, entre autres données, par le choix de cet organisme socio-économique comme site de changement depuis la colonisation. En effet, le phénomène d'urbanisation, facteur de déstructuration du mode de vie traditionnel a fortement contribué à la diffusion et à l'implantation des jalons de "l'économie moderne" et à la vulgarisation d'une nouvelle culture assise sur les logiques de rentabilité et de profit, la gestion individuelle de l'espace. Dans ces lieux d'accomplisement réussi des "agressions sociologiques" du milieu traditionnel et dont la conséquence majeure est l'émergence dans le tissu social autochtones de clivages comprendre pourquoi ce sont les partisans et les détenteurs de la culture scolaire ou de la logique de l'économie moderne qui acceptent ce projet.

Mais ne l'oublions pas les communautés rurales étudiées fonctionnent actuellement sur le registre de l'ambiguïté ou du "pluralisme antagoniste". Ce qui se lit avec les rapports ethniques obligés, les rapports de production portés par l'économie de marché, le droit foncier d'inspiration européenne instructeur de rapports à la terre, nouvelles formes d'appropriation et de distribution des terres, les connaissances et techniques novatrices en matière d'élevage... Ce "pluralisme antagoniste" est porteur de "risques" tout comme de "chances" pour le développement de l'élevage.

L'homogénéité ethnique du milieu Tagbana appelle un attachement des populations aux traditions et induit du reste demeurent encore rigides et inaltérées.

Une relative stabilité favorisée par l'enclavement géographique, à une certaine solidarité défensive envers toute innovation censée saper les traditions. On comprend encore pourquoi ces espaces ruraux enregistrent les conflits les plus sanglants entre agriculteurs et éleveurs. Mais il faut soulever l'expression spatialisée par les fortes enclaves de Malinké ou Dioula à Tortiya et Katiola dans l'intégration des éleveurs peul transhumants. En effet, ceux-ci de par leurs traditions de marchandes, ont toujours des intermédiaires dans les échanges entre populations paysannes tagbana et pasteurs. Exerçant pour la plupart le métier de boucher, ils ont ceux-ci comme fournisseurs et celles-là come consommatrices de la viande jouant le rôle de produit d'échange. Dans de telles circonstances, ce marchand citadin ne perçoit pas le Peul comme un concurrent, mais un partenaire. C'est dans des espaces d'échanges tels que Katiola et Tortiya (29,57 bovins transhumants/km2) que l'on trouve les fortes colonies de Peul. Ce qui veut dire que l'hétérogénéité ethnique est un atout au développement de l'élevage.

4.Les mutations techniques

Les bouleversements qui se sont opérés dans la société Tagbana, ont engendré de nouvelles aspirations : mieux nourrir sa famille, mieux se vêtir, pouvoir se soigner dans les centres sanitaires modernes, être en mesure de scolariser ses enfants, accéder à un habitat décent, bref jouir des plaisirs et des agréments qu'offre la société de consommation. La satisfaction de ces nouveaux besoins exige du paysan Tagbana des rendements économiques meilleurs ou l'adoption d'un système de production en phase avec les exigences de la rentabilité. Cette reconversion implique la renonciation aux techniques culturales autochtones qui ne donnent pas le temps de pratiquer une activité économique autre que l'agriculture. C'est justement ce manque de temps nécessaire pour une activité de production complémentaire comme l'élevage qui justifie en partie l'emploi du bouvier Peul, en somme le recours à une sorte de spécialisation (agriculture/élevage).

La culture attelée initiant une mécanisation adaptée semble offrir une solution, celle d'une possibilité d'association de ces deux activités et donc de la reconversion attendue du paysan Tagbana. Cette technique présente plusieurs autres avantages : intensification progressive de la production agricole et des spéculations animales, sécurisation des revenus des paysans par la diversification des spéculations sur une même exploitation (ce qui milite du coup en faveur de la préservation de l'environnement), libération physique de la femme de certains labeurs champêtres et fertilisation du sol (grâce au fumier). Un autre avantage est même découvert par le chef secteur SODEPRA de Tafiré quand il dit que les boeufs de culture attelée sont mieux suivis du point de vue sanitaire que les boeufs du "parc" ou par les paysans se préoccupant davantage de la santé animale que de sa propre santé car il ne perçoit plus l'animal comme ayant seulement une valeur liturgique, mais aussi comme une force de travail, de rentabilité économique.

L'agriculture et l'élevage s'imbriquant à la faveur de la culture attelée, le paysan Tagban est tenu de suivre personnellement les boeufs de trait au plan sanitaire et nutritionnel pour les rendre plus performants et actifs s'effacent ainsi la référence à une activité caractéristique du Peul, le coefficient ethnique attaché à cette production. Au bout du compte, c'est l'acceptabilité de l'élevage bovin comme modèle de construction de richesses par les populations autochtones qui est posée comme enjeu.

CONCLUSION GENERALE

A/ Mise au point méthodologique

L'étude de l'élevage en région Tagbana nous aura permis d'identifier non seulement les multiples contraintes et atouts (écologique, sanitaire, économique, social, culturel) du développement de l'élevage bovin projeté par l'Etat ivoirien. Elle nous aura également permis de juger, à l'épreuve des faits, la pertinence des variables postulés comme étant obstacles ou des stimuli.

La confirmation de ces hypothèses (qui ont désormais valeur de théorie) nous ouvre d'emblée des pistes exploratoires (axes théoriques) vers une recherche de solutions ou de thérapeutiques appropriées au diagnostic posé. Aussi, les stratégies d'action ou de solution qui seront proposées ici ne sont-elles que de simples recommandations dont l'application efficace doit s'accompagner nécessairement d'une stratégie éducative (animation-sensibilisation) attentive aux incidences financières et psycho-sociales du projet chez ses destinataires (les populations autochtones). Accompagnement d'autant plus justifié que celles-ci n'étaient pas préparées à accueillir une pareille innovation. La répétition de ce geste est aussi légitime à un autre niveau, celui de l'Etat. Le projet de promotion de l'élevage bovin en région Tagbana exige que les recommandations soient renforcées par des mesures d'assainissement au niveau institutionnel.

B/ Recommandations

Les différentes recommandations faites à partir du diagnostic des situations pastorales visent deux objectifs complémentaires :

-éliminer ou, à défaut, réduire l'impact des contraintes diverses qui entravent le développement de l'élevage bovin ;

-renforcer les facteurs susceptibles de favoriser la dynamique pastorale.

Des stratégies d'action doivent être menées au niveau local et au plan national. Pour le premier point, il faut d'abord amener les populations locales à maîtriser les aléas naturels par une exploitation plus rationnelle de l'espace, à établir donc un équilibre entre densité humaine et utilisation du pâturage. Ceci suppose une utilisation contrôlée des feux de brousse (par des actions de sensibilisation des acteurs, l'usage de pare-feux et la conduite de mesures répressives), une coordination des différents modes de gestion de l'espace. Pour ce dernier point les modalités sont nombreuses. On peut citer, entre autres, la sédentarisation progressive des éleveurs transhumants en vue d'assurer une meilleure coexistence, voire une intégration de l'agriculture et de l'élevage), la valorisation et la maîtrise des points d'eau et barrages hydrauliques, l'établissement des parcours naturels et des calendriers de transhumance pour un contrôle plus renforcé des divagations d'animaux, le règlement des litiges avec beaucoup plus d'impartialité suivi de dédommagement de la partie lésée, la mise en oeuvre d'un mode de résolution des problèmes fonciers tenant compte des normes de gestion traditionnelle en vigueur.

Il faudrait aussi sensibiliser les paysans Tagbana à l'association agriculture-élevage dont le but est non seulement de préserver l'environnement mais aussi de servir de base à l'intensification progressive des spéculations animales tout en assurant une sécurisation des revenus par la diversification de la production rurale. Sur ce point, les agents des principaux services d'encadrement ont un rôle capital à jouer. On attend d'eux, en ce qui concerne par exemple la culture attelée, des démonstrations répétées et rigoureuses afin de faire ressortir les avantages qu'elle offre (productivité, aire, ...). Le propos peut être reconduit avec les résultats des recherches appliquées et dont les plus intéressants sont l'optimisation des méthodes de production du fumier, l'intégration des sols fourragers, les rotations de cultures, la recherche d'espèces arborées pour la mise en place des haies et des espèces fourragères, l'étude des systèmes intégrés en milieu paysan, les techniques de traitement sanitaire, le suivi et la couverture sanitaire.

Ces différentes recommandations ne pourront être efficaces que si certaines mesures d'accompagnement au niveau étatique sont prises.

Stratégie d'actions au plan national.

Les actions gouvernementales d'accompagnement concernent les domaines institutionnel, de la production et de la commercialisation. La restructuration à faire dans le premier domaine peut se résumer en une définition claire des fonctions des différentes structures d'intervention : les fonctions nationales relevant directement du Ministère et les fonctions opérationnelles sur le terrain, des services techniques d'encadrement.

Le Ministère aura pour tâche la conception d'une politique nationale adaptée car aussi sur des informations recueillies auprès des directions régionales et des services locaux d'encadrement. Il aura également pour mission de régler et de contrôler tous les aspects législatifs et administratifs relatifs à la production animale.

Les directions régionales et les structures locales auront pour tâches le contrôle sanitaire du cheptel et de l'hygiène publique, la gestion et l'aménagement de l'espace en collaboration avec les populations paysannes, la production et l'adoption à une vaste échelle d'animaux génétiquement performants et, éventuellement, les possibilités d'une structuration de groupement des propriétaires de bétail.

Toutes ces structures ne pourront jouer leur rôle pleinement que si elles établissent des politiques de gestion cohérente de leurs ressources financières et humaines. Dans un souci d'efficacité et d'économie, leur régionalisation doit s'organiser autour de trois axes fondamentaux: répondre aux besoins (techniques et économiques) des paysans, prendre en compte les contraintes du milieu, afin d'y rechercher les solutions qui s'y prêtent, éviter le chevauchement des interventions auprès des paysans. Ce qui implique la mise en place d'un cadre de concertation et une collaboration permanente au sein et entre ces structures. Par ailleurs, une cellule de recherche de développement peut être créée à leur niveau. Celles-ci aurait pour rôle non seulement de concevoir, conduire et coordonner des programmes de recherche articulés aux besoins des paysans.

Enfin, l'Etat doit envisager une stratégie d'utilisation des sous-produits agro-industriels et agricoles pour l'alimentation du bétail et procéder à la mise en place de centres de formation pour les jeunes désirant faire de l'élevage ou les éleveurs pour des compléments d'information, de centres de recyclage pour les formateurs (cadres et agents d'élevage). Cette formation, pour être efficace, nécessite la mise en place d'un encadrement compétent dans la conduite des règles de gestion du binôme agriculture et élevage et sachant être à l'écoute de paysans exprimant de plus en plus des demandes en matière d'apprentissage ou de perfectionnement technique et économique.

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  • 123 -SOCIETE POUR LE DEVELOPPEMENT DES PRODUCTIONS ANIMALES - "Opération Encadrement Bovin Nord, Rapport Annuel de Synthèse 1979-1980". Korhogo, Cellule d'Evaluation, 1980.
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