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Reports from
Union of African Population Studies / L'Union pour l'Etude de la Population Africaine

Num. 39, 1999
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Union for African Population Studies, Rapport de Synthese / Summary Report, Numéro 39 - Août 1999 / Number 39 - August 1999

PROGRAMME DE PETITES SUBVENTIONS POUR LA RECHERCHE EN POPULATION ET DEVELOPPEMENT

CROISSANCE URBAINE ET STRATEGIES RESIDENTIELLES DES MENAGES : L'EXEMPLE DES QUARTIERS SPONTANES A DAKAR

Abdoulaye Tall

Aménagiste - Démographe

Code Number: uaps99039

TABLE DES MATIERES

A - AVERTISSEMENT
B - LISTE DES TABLEAUX
C - LISTE DES FIGURES
D - SIGLES ET ABREVIATIONS
VIII - ANNEXES
I - INTRODUCTION
II - METHODOLOGIE
2.1 - Questionnement et approche
2.2 - Les données utilisées
III - PHYSIONOMIE DES QUARTIERS SPONTANES A DAKAR.
3.1 - Une réalité diversement interprêtée
3.2 - Une réalité à contours multiples
IV - URBANISATION ET CROISSANCE DEMOGRAPHIQUE
4.1 - Surdétermination et convergence d'enjeux
4.2 - De nouvelles aspirations face à des performances limitées
4.3 - Une législation plurielle qui prédispose à la confusion et à la spontanéité
a - Des situations foncières sujettes à réformes
b - Une réforme aux principes nobles...
c - Pression urbaine, accès à la terre et exclusion
4.4 - Des coûts de construction élevés et sélectifs.
4.5 - Résoudre l’équation d'un marché discriminatoire
4.6 - La politique pour l'habitat spontané : vers un équilibre du marché.
a - Modernisation et relèvement du confort : l'habitat planifié sur démolition.
b - Le réajustement ou l'avènement de la régularisation
c - La prévention de la spontanéité ou la promotion de l'autoconstruction.
4.7 - Conclusion partielle
V - EXEMPLE D'UN QUARTIER SPONTANE :GRAND-MEDINE
5.1 - Genèse, évolution du quartier et configuration du site
5.2 - Modes d'acquisition foncière et d'occupation spatiale ultérieures
5.3 - La consolidation et la sécurisation des acquis
5.4 - Les enjeux : entre la stabilisation et la déstabilisation.
5.5 - Simulation et dissimulation de pratiques et de luttes de pouvoir
5.6 - Conclusion partielle
VI - CONCLUSION
VII - BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

A - AVERTISSEMENT

Ce travail se veut une contribution à des travaux de recherches de doctorat dont l'objectif était d'intégrer la variable démographique dans le secteur de l'urbanisation. En raison des délais que prennent habituellement de telles recherches, une proposition simplifiée avait été soumise au financement de l'Union pour l'Etude de la population africaine (UEPA) pour aider à déblayer le terrain. La préoccupation d'alors était de considérer que, d'ici au prochain millénaire, les problèmes de population des pays en développement allaient se confondre intimement aux problèmes urbains en raison du dynamisme que ce phénomène urbain connaît dans ces pays et de la forte influence qu'exerce le mode de vie urbain sur le comportement des populations.

Le modèle d'intégration choisi devait privilégier au départ la relation entre la population et le logement. En outre, il s'agissait de voir comment les individus accèdent au logement et, par ce fait, de chercher à identifier les contraintes qui font que, malgré la mise en place d'une politique sociale, l'accès au logement restait un problème au point que certains individus s’organisent comme ils peuvent au risque même d’être en porte- à -faux avec les règles établies.

L'accès au logement étant si problématique, il semblait plus conséquent de formaliser ce qui existait déjà avant de mettre en place quelque chose de nouveau. Cependant, la politique urbaine ne s'est pas saisie de ce principe et l'orientation choisie dans le secteur du logement a servi plutôt à faire subsister l'ancien à côté du nouveau, l'informel à côté du formel dans une sorte de transition qui perdure. Cette situation hybride attire l'attention sur le fait que le changement n'est pas toujours synonyme de réussite et qu'une politique de changement reste au centre d'arbitrages sur des choix de sociétés qui s'influencent fortement. Dès lors, naissent et se confrontent des stratégies qui tirent leurs forces et leur raison d'être de la coexistence d'une double rationnalité : une vision traditionnelle plus soucieuse de soulager des besoins de base et une conception moderniste plus motivée par la réalisation d'un idéal de confort. Pour illustrer cette dynamique, le questionnement avait été formulé selon une perspective visant à expliquer pourquoi certains quartiers spontanés avaient tendance à se consolider alors que d'autres étaient plus portés à être "déguerpis".

En réponse à cette interrogation, une analyse des facteurs de permanence et de rupture devait être tentée. A cette fin, la démarche adoptée devait procéder à un inventaire des quartiers spontanés et développer une analyse socio-économique de la réalité dans laquelle ils évoluent. Ensuite, il a été retenu de comparer deux quartiers qui se prêtaient le mieux à ce double débat : un quartier en voie d'être déguerpi (Grand Médine) et un autre qui semblait se consolider (Cité Bissap). Cependant, avec le contexte de campagne électorale perlée qui a prévalu durant la période de recherche (entre 1993, 1994 et 1995), les enjeux et jeux de positionnement et de clientélisme dans lesquels étaient impliqués ces quartiers, quelques difficultés de sensibilisation ont été rencontrées sur les objectifs et la finalité de notre recherche, notamment sur sa portée strictement pédagogique. En conséquence, nous avions dû restreindre l'étude à un seul quartier, celui de Grand Médine où la sensibilisation s'était déroulée sans difficultés. Ceci nous permettait d'attendre une amélioration de l'environnement politique qui amène les habitants des autres quartiers à être moins réticents aux enquêtes et plus enclins à la collaboration.

Cette étude devra donc être perçue comme une analyse partielle d'une réalité urbaine et surtout d'une politique dont l'exécution se complexifie au point que des adaptations dans les façons de faire soient nécessaires de même que le concours d'acteurs supplémentaires. Cette complexité, du fait du rythme que connait la croissance démographique, introduit une grande part d'urgence dans la planification du développement comme dans les attentes des populations.

Cette analyse souhaite donner une meilleure perception des développements spontanés et présenter une vision différente reposant sur la nécessité de mettre en oeuvre une politique d'ensemble qui soit plus à même d'aider à une maîtrise des phénomènes démographiques et à une meilleure planification urbaine.

B - LISTE DES TABLEAUX

Tableau n° 1:Rapports de voisinage et de cohabitationdans les quartiers spontanés de Dakar

Tableau n° 2:Origine des propriétaires actuels

C - LISTE DES FIGURES

Figure n° 1:Typologie de l'habitat en 1980

Figure n° 2:Localisation des principaux quartiers irréguliers dans la région de Dakar

Figure n° 3:Statut de résidence dans l'ensemble des quartiers spontanés de Dakar

Figure n° 4a:Statut de résidence dans les quartiers spontanés de Dakar

Figure n° 4b:Statut de résidence dans les villages traditionnels de Dakar

Figure n° 5:Nombre de locataires par propriétaire dans les quartiers spontanés

Figure n° 6:Statut d'occupation professionnelle dans l'ensemble des quartiers spontanés de Dakar

Figure n° 7a:Statut d'occupation professionnelle dans les quartiers spontanés de Dakar

Figure n° 7b: Statut d'occupation professionnelle dans les villages traditionnels de Dakar

Figure n° 8:Situation professionnelle dans l'ensemble des quartiers spontanés de Dakar

Figure n° 9a: Situation professionnelle dans les quartiers spontanés de Dakar

Figure n° 9b: Situation professionnelle dans les villages traditionnels de Dakar

Figure n° 10:Niveau d'instruction dans l'ensemble des quartiers spontanés de Dakar

Figure n° 11a:Niveau d'instruction dans les quartiers spontanés de Dakar

Figure n° 11b:Niveau d'instruction dans les villages traditionnels de Dakar

Figure n° 12:Evolution de la taille des ménages dans l'agglomération du Grand Dakar

Figure n° 13:Progression annuelle du nombre de logements-ménages en zone urbaine

Figure n° 14:Répartition des ménages supplémentaires dans les régions en 1980 et en 1992

Figure n° 15:Taux de couverture des réalisations par rapport à l'augmentation des ménages dans la région de Dakar

Figure n° 16:Répartition des ménages selon le statut d'occupation du logement à Dakar

Figure n° 17:Coûts de constructions pratiqués dans les programmes HLM

Figure n° 18:Coûts de constructions pratiqués en habitat populaire

Figure n° 19:Variation de l'indice du coût de construction (janvier 1972 = 100)

Figure n° 20:Répartition des ménages dakarois selon le niveau de revenu

Figure n° 21:Plan d'aménagement du quartier de Grand Médine

Figure n° 22:Evolution des occupations dans le quartier de Grand Médine

Figure n° 23:Schéma de la situation actuelle du quartier de Grand Médine

D - SIGLES ET ABREVIATIONS

BAHSO:Bureau d'Appui à l'Habitat Social

BCEAO:Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest

BHS:Banque de l'Habitat du Sénégal

CAN:Coupe d'Afrique des Nations

CCCE:Caisse Centrale de Coopération Economique

CRD:Comité Régional de Développement

DG:Dakar-Gorée (titre foncier)

DPA:Direction des Parcelles Assainies

DPS:Direction de la Prévision et de la Statistique

DR:District de recensement

FAHU:Fonds d'Amélioration de l'Habitat Urbain

FOREF:Fonds de Restructuration et de la Régularisation Foncière

HLM:Habitations à Loyer Modéré

MEFP:Ministère de l'Economie, des Finances et de Plan

OHLM:Office des Habitations à Loyer Modéré

PDU:Plan Directeur d'Urbanisme

RGPH:Recensement Général de la Population et de l'Habitat (1988)

SCAT-URBAM:Société Centrale d'Aménagement de Terrains Urbains URBAM.

SNHLM:Société Nationale des Habitations à Loyer Modéré (nouveau nom donné à l'Office des Habitations à Loyer Modéré)

SPDEU:Société pour le Plan Directeur et d'Equipement Urbain

TF:Titre Foncier

TNI:Titre Non Immatriculé

UEPA:Union pour l'Etude de la Population Africaine.

VRD:Voies et Réseaux Divers.

VIII - ANNEXES

Annexe A : Questionnaire d'enquête (pages 1a-7a)

Annexes B :

- Fac-similé des reçus de paiement des droits d'acquisition d'une parcelle du titre foncier n° 6800/DG au nom de M. Siaka NDIAYE (pages bII à bIII);

- Copie du plan de la parcelle acquise par M. Siaka NDIAYE au titre du démembrement du TF n° 6800/DG (page bIV).

Annexes C :

- Note de M. le Receveur des Domaines (Bureau de Dakar) au Gouverneur de la Région du Cap Vert sur la situation juridique du titre foncier n° 6800/DG, en date du 13 juillet 1963 (pages cV-VI);

- Lettre en date du 30 mars 1967 adressée à Me Abdoulaye WADE (Avocat) portant information sur le TF n° 6800/DG (page cVII);

- Lettre en date du 31 juillet 1985 adressée à Me Philippe F. d'ERNEVILLE (Huissier de justice) portant sur informations sur le TF n° 6800/DG (page cVIII);

- Décret n° 77-457 portant déclaration d'utilité publique le projet d'aménagement de parcelles assainies à Dakar, 2e, 3e et 4e tranches (pages cIX-X);

- Décision prescrivant l'ouverture d'une enquête en vue de l'aménagement des abords du stade de l'Amitié (Le soleil du 10 mai 1991) (page XI).

Annexes D :

- Lettre de M. A. BARRO, délégué de quartier de Grand Médine sur une affaire portant sur le TF n° 6800/DG (page dXII);

- Procès-verbal portant signification de défense et jugement de l'affaire susmentionnée, en date du 06 février 1991 (pages dXIII-XVI).

Annexes E:

- Demande d'autorisation pour l'électrification du quartier de Grand Médine (eXVI);

- Lettre-réponse du ministre de l'Urbanisme au Directeur général de la SENELEC (page eXVII);

- "Déguerpissement de Grand Médine : l'énergie du désespoir", Wal Fadjri, n° 260, 3-9 mai 1991 (page eXVIII).

Cette étude a été réalisée grâce à un appui financier du Programme de Petites Subventions de Recherche en Population et Développement (Edition de 1992), de l'Union pour l'Etude de la Population Africaine (UEPA)

I - INTRODUCTION

Les quartiers spontanés : formes informelles d'urbanisation

L'année 1973 marque certainement un tournant dans l'économie des pays d'Afrique au sud du Sahara, notamment au Sénégal, avec le renchérissement des produits pétroliers et, de façon concomitante, une recrudescence de l'inflation dans divers secteurs de l'économie et de la société. Amorce d'une rupture globale dans la vie économique, ce point d'inflexion met cruellement en évidence la vulnérabilité de ces économies dépendantes pour la plupart.

L'urbanisation des pays au sud du Sahara aura été fortement impulsée par cette conjoncture. D’importants flux migratoires ont été enregistrés au profit des centres urbains. La plupart des projections démographiques annoncent que les effectifs de population urbaine vont être de plus en plus importants au point que plus de 40 % de la population sera appelée vivre dans les villes en l'an 2000 et près de 60% le feront en l'an 2025 (Nations Unies, 1991: 108-109). La première composante de cette urbanisation est une croissance naturelle de la population qui se stabilise autour de 3%, la seconde se traduit par un transfert des populations rurales qui accentue annuellement la croissance des villes de près de 1.5%. Ces intensités jumelées laissent espérer un doublement de la population urbaine sur un intervalle de 14 ans et donnent la pleine mesure des enjeux et des défis qui se posent.

Ainsi, la croissance urbaine au Sénégal, comme partout, en Afrique de l'Ouest continuera d'être une préoccupation majeure de cette fin de ce siècle et jusque dans le quart du siècle prochain, en raison du niveau qu'elle atteint par rapport aux autres pays en développement d'Afrique et des autres continents, mais surtout en raison des modifications de structure et de comportement démographique qu'elle induit. La répartition spatiale de la population maintiendra un contraste saisissant entre, d'une part, des milieux ruraux qui continuent d'abriter une part importante de la population et, d'autre part, une urbanisation qui subit le poids de la capitale, si ce n'est la marque d'un nombre restreint de centres urbains.

Les premières décennies d'indépendance ont vu le monde rural soutenir largement l'urbanisation en pourvoyant aux besoins de subsistance (alimentaires, énergétiques, etc.) des villes et en mettant à leur disposition des produits pour l'exportation, notamment des cultures de rente (arachides, notamment) et de la main d'oeuvre. Dépendantes pour partie du monde rural et pour l'autre de l'extérieur, les villes ont ainsi exercé une pression tendant à pérenniser le système de monoculture avec pour conséquences un appauvrissement des sols et une baisse de productivité agricole en milieu rural. L'affaiblissement de l'économie rurale serait, à plus d'un titre, responsable de la poussée migratoire des ruraux vers les centres urbains et des problèmes d'insertion mis en évidence par l'effet du surnombre.

Cet élan migratoire qui se prolonge dans un contexte de crise alimentaire, influence les formes de planification urbaine. Celles-ci partent généralement du principe que l'insertion urbaine, au sens large du terme, devra se faire de façon à ce que la population additionnelle ne vienne intensifier la pression sur les ressources vitales déjà existantes en ville. Dès lors, la planification urbaine a dû s'exercer sur deux plans:

-elle s'est révélée d'abord comme un pari sur la maintenance, avec pour objectif de consolider les ressources existantes et de sécuriser les acquis pour les générations du moment. C'est donc un enjeu de la nécessité qui se trouve mis en évidence par la quotidienneté de la fonction de consommation avant même d'être un enjeu sur le développement des ressources.

-le pari sur la gestion de la croissance et du développement, quant à lui, met en jeu la dimension perspective et pose l'enjeu de la prévision : il apparaît comme une épreuve de recherche de ressources supplémentaires à la mesure de la croissance urbaine enregistrée.

Cette double stratégie de la planification suppose donc un ajustement et une adaptation des secteurs de l'économie à la vitesse d'évolution et vise à prévenir, voire à enrayer, par un surcroît de performances, les déséquilibres tendant à détériorer la qualité de la vie et à instaurer la pauvreté.

Parmi les ressources qui se prêtent à cette double méthode de la planification urbaine, le logement (ou la résidence) apparaît comme un secteur prioritaire d'insertion urbaine, le domaine à partir duquel toute autre forme d'insertion peut être tentée. En ce sens, il constitue un indicateur à la fois économique et démographique, mais un indicateur parfois difficile à quantifier parce que sur-dimensionné.

Pour beaucoup, le logement matérialise la localisation du ménage en un lieu donné et selon des rationalités toutes relatives mais, dans l'ensemble, propres à maximiser les avantages de situation. Les uns choisiront de se fixer près de leur lieu d'activité de façon à économiser sur le temps et la fatigue. D'autres souhaitant économiser sur leur revenu, préfèreront habiter plus loin du centre-ville et encourir les risques de perdre du temps en transport. Là où certains se contenteront de louer un appartement ou des chambres ("pièces"), d'autres choisiront d'acquérir leur résidence pour s'affranchir des pressions des logeurs ou pour se mettre à l'abri des angoisses découlant de la peur de ne pouvoir honorer durablement leur loyer.

Quelles que soient les motivations exprimées, le logement apparaît donc comme un domaine d'actualisation essentiel au développement et à l'accomplissement de l'individu qui développe, pour y accéder, des stratégies diverses. Les stratégies de résolution de ce besoin se déploient en options multiples qui vont de l'acquisition d'une résidence clé-en-main à l'occupation spontanée en passant par la location ou par un statut d'hébergé.

L'acquisition d'une propriété dénote une capacité financière avisée et met en jeu un certain nombre de filières, étatiques, privées ou populaires.

Le marché locatif met aussi en jeu les mêmes catégories de filières. Perçue plutôt comme une forme de rentabilisation économique de ressources existantes, cette alternative enregistre un recul de la présence étatique, suite à l'option prise par les sociétés de construction immobilière de libérer définitivement des logements inscrits sous ce statut. Par ce fait, cette filière laisse la voie à une emprise grandissante des agences de gérance immobilière et des ménages qui découvrent dans cette pratique locative une source de revenus d'appoint non négligeable. Ce sont à l'évidence de véritables rentes que certains propriétaires édifient sur ce marché en louant des villas de rapport à des administrations ou à des représentations étrangères implantées à Dakar; dans d'autres cas, le marché reste assez fragmenté avec la mise en location d'immeubles à appartements ou même une rentabilisation à la "pièce".

Les systèmes d'hébergement constituent, pour leur part, des formes de prise en charge qui expérimentent des réseaux de solidarités sociales (familiales par excellence, villageoises, ethniques, politiques, entres autres). Souvent à caractère provisoire, ces formes constituent, comme avait pu le constater Vernière (1973 : 217-243), le point de départ pour d'autres péripéties dont l'aboutissement est l'accès à un logement.

Enfin, les implantations spontanées se veulent, également, une situation d'attente qui se manifeste par l'occupation de fait d'un emplacement avec l'espoir d'accéder plus tard au logement par des voies autorisées, soit à travers un processus de régularisation confirmant l'implantation antérieure ou bien par le déguerpissement auquel, dans le meilleur des cas, une compensation foncière est associée. Qualifiées à tort ou à raison de pratiques marginales, ces occupations ne doivent pas uniquement être perçues comme des pratiques usitées par des catégories de populations. Elles sont devenues aussi des réalités visibles du fait d'un habitat à physionomie particulière qui en est résulté et dont les dénominations varient avec le temps et les sensibilités. Les quartiers spontanés constituent une dominante dans les banlieues ou dans les périphéries des villes sénégalaises.

Dans le département de Dakar, il subsiste encore près de 15 sites spontanés répartis un peu partout dans l'espace urbain. Les uns forment des quartiers bien délimités, d'autres forment des poches d'habitation insérées dans les interstices de la ville régulière et, enfin, une troisième catégorie se présente comme villages traditionnels (voir carte n° 1).

A première vue, on pense que la survie de ces quartiers dépend de l'importance du rôle qu'ils jouent ces quartiers. Cette hypothèse assume, au fond, que les rapports sociaux en milieu urbain sont des rapports transactionnels (Alonso, 1973) et que la variable population étant une variable de positionnement pour les acteurs économiques serait exploitée plus comme base de spéculation que comme élément de planification urbaine.

De cette vision découle la perception selon laquelle le pouvoir en milieu urbain serait fonction des termes de la transaction. Ceci revient à dire que les capacités individuelles de transiger dépendent des ressources disponibles (contreparties) et des alternatives (filières) à la portée de chacun pour accéder à une ressource urbaine ou pour lui substituer une autre sur le marché urbain. Cependant, il convient de reconnaître que ce marché peut s'atrophier ou entrer en situation de blocage par suite d'une baisse de la demande (réduction de la capacité de transaction/élévation des coûts) ou par suite d'une offre déficiente (pénurie). Dans ce cas, le marché peut réagir et instaurer des situations d'attente qui, de toutes façons, sont auto-régulatrices. Les systèmes alternatifs (informels, entre autres) apparaissent, ainsi, comme des éléments d'une stratégie de pérennisation du marché urbain parce qu'ils permettent à celui-ci de fixer sa clientèle et de subsister en attendant sa reconversion ou son redéploiement.

Pour aborder cette problématique, l'analyse portera, dans un premier temps sur la localisation des quartiers identifiés comme spontanés, leur structure démographique et quelques-unes de leurs caractéristiques socio-économiques en s'appuyant sur les données du Recensement de la Population et de l'Habitat de 1988 (RGPH, 88). Ensuite, nous tenterons, dans l'étude du secteur de la production de logements, de mieux comprendre les facteurs qui limitent l'accès au logement ainsi que les différentes mesures adoptées en vue de résorber les développements spontanés. Enfin, une analyse monographique nous amènera à présenter un quartier (celui de Grand Médine) et à analyser sa configuration (structure spatiale, humaine), les caractéristiques résidentielles et les stratégies de subsistance qui y sont mises en oeuvre.

La démarche globale qui fonde l'orientation de cette analyse est donnée dans le chapitre méthodologique ci-après. On y retrouvera le modèle d'analyse qui sera approfondi au fur et à mesure ainsi que le mode de collecte de données.

II - METHODOLOGIE

2.1 - Questionnement et approche

A la suite d'une première enquête de reconnaissance du terrain, il nous a été donné de constater que le champ des pratiques pouvait se délimiter à trois principaux cadres d'analyse pouvant l'un aussi bien que l'autre servir à opérationnaliser le concept de pratiques informelles.

CONCEPT ABSTRAIT (Les pratiques informelles)

Il y a, d'un côté, les acteurs des phénomènes, de l'autre le lieu dans lequel s'opèrent ces pratiques et, enfin, il y a les motivations qui les sous-tendent. Pour des raisons pratiques, nous avons choisi de privilégier le lieu des opérations comme cadre d'analyse.

Nous pensons qu'en remontant la filière à partir des quartiers spontanés, nous arriverions à reconstituer la physionomie des acteurs et à identifier les différentes motivations qui animent ces pratiques. Au niveau des acteurs, l'analyse devrait nous amener à identifier les diverses catégories populaires impliquées, à savoir les ménages et/ou les structures du pouvoir local, et de l'autre coté à vérifier l'implication des professionnels de l'urbanisme dans la production de pratiques. Au niveau des motivations, il fallait établir si les enjeux étaient de nature endogène (avec des préoccupations individuelles ou collectives du groupe) ou exogène (structurelles ou conjoncturelles). Une fois, le plan d'observation simplifié, la problématisation de la question devait expliciter les points suivants : le contexte, les enjeux, les alternatives ainsi que les facteurs et les formes de consolidation.

Le contexte dans lequel naissent ces pratiques réfère à une situation de concurrence entre population et ressources symbolisée par une croissance démographique accélérée et une croissance urbaine, elle-même "expansionniste". De la conjonction de ces deux phénomènes naîtrait un déséquilibre dans l'allocation des ressources dont la manifestation la plus visible serait l'apparition d'une pénurie. L'analyse se propose de voir si cette pénurie est réelle ou relative, c'est-à-dire entretenue pour des desseins spéculatifs dont les finalités seront considérées comme enjeux.

Les enjeux liés à ces pratiques: le principal enjeu du marché étant de gérer l'accessibilité à une catégorie donnée de ressources urbaines (le foncier), une lutte de pouvoir (politique ou économique) peut se développer autour de cet enjeu, créer un monopole dans les filières d'accès à ce bien foncier dans le but d'accélérer la rentabilisation. Ce monopole qui procède par l'instauration d'une soumission des candidats au logement aux principes du marché, peut se traduire par une exclusion de certaines catégories incapables de satisfaire aux conditions posées par cette dernière structure. Ces catégories sont ainsi contraintes de se rabattre sur des filières alternatives.

Il serait important dès lors d’appréhender ces alternatives qui se dessinent, les diverses formes qu'elles prennent en "s'autonomisant" vis-à-vis du marché, de même que leur efficacité à le suppléer. En somme, de multiples options sont à prendre en compte du fait que le marché potentiel peut être amené à se segmenter pour satisfaire plusieurs sous-clientèles. Cette démultiplication des pôles peut aussi être synonyme d'acteurs (de rôles), de relations et de formes d'allégeance diversifiés. On pourrait se focaliser sur une perspective fondée sur un dédoublement du marché et envisager différents cas de figure. Dans le premier d'entre eux, on peut penser que les exclus créent leur propre système de marché en marge de l'existant, en somme un marché parallèle qui procède par contournement (voire une déviation vis-à-vis) du système établi en cas d'incapacité à satisfaire aux filières. Dans un autre cas de figure, le milieu peut aussi procéder par extension du marché existant en diversifiant le réseau de la distribution. Enfin, les deux segments de marché peuvent s'interpénétrer avec comme résultat que le segment le plus "intelligent" parvienne à provoquer, à terme, l'affaiblissement et l'élimination de l'autre (par intégration ou par destruction).

Finalement, nous pensons que tout espace alternatif de "survie" a besoin, pour se développer, de s'affirmer (se protéger) et de consolider ses "acquis". Les stratégies mises en place à cette fin pourront être explorées pour une meilleure compréhension de la dynamique de vie urbaine.

A la lumière de la problématique ainsi dessinée, le travail de recherche devrait aider à atteindre un certain nombre d'objectifs plus ou moins complémentaires répertoriés comme suit.

Sur le plan théorique, cette analyse cherche à amorcer une réflexion théorique en essayant de replacer le champ de la population dans le sillage des grands courants de pensée qui ont tenté de rationnaliser l'action humaine. Elle cherche donc à recentrer les études de population qui se sont beaucoup exercé à décrire les phénomènes démographiques et, par ce fait, ont réussi à accumuler un corpus appréciable qui mériterait d'être revisité pour en tirer la substance théorique permettant de modéliser l'action.

Dans cette lancée, l'analyse des quartiers spontanés devrait donc s'apprécier comme un exemple de rationnalisation de pratiques informelles. Ces derniières constitueraient le prétexte à une analyse plus générale des stratégies que les individus développent pour accéder à la satisfaction de leurs besoins, étant entendu qu'une compréhension de leurs comportements pourrait avoir une incidence sur la décision et, notamment, dans la conception de solutions nécessaires à la satisfaction de ces mêmes besoins.

Sur le plan pratique (opérationnel), les acquis de cette étude pourraient être utilisés à enrichir les stratégies de lutte contre la pauvreté en milieu urbain en insistant, plus particulièrement, sur les aspects liés à l'habitat et sur la nécessité de satisfaire les besoins de logement. Du fait de la place importante qu'occupent les dépenses afférentes dans le budget des ménages, la résolution des problèmes de logement pourrait constituer une économie appréciable pour les ménages urbains, une opportunité d'améliorer leurs conditions d'existence et une forme de réduction des inégalités. Cette réduction pourrait, selon toute vraisemblance, être prise en charge dans le cadre d'opérations de restructuration des quartiers d'habitat spontané dont une des finalités est l'amélioration du cadre de vie urbain.

L'étude préconisera donc l''inscription d'un quartier (celui de Grand Médine) dans le programme global de restructuration en plaidant pour une extension de la politique de régularisation foncière entreprise dans certains quartiers spontanés. La proposition se justifierait d'autant plus que ce quartier spontané joue un rôle de plus en plus stratégique sur la scène urbaine (dans la satisfaction des besoins de logement d'une catégorie de population considérée comme démunie et l'arbitrage des forces politiques). La mise en pratique de cette opération aurait pour effet de stabiliser psychologiquement les populations résidentes et de les mettre dans les conditions de jouer un rôle économique et social plus déterminant.

En définitive, cette étude exhortera à promouvoir une meilleure intégration de l'individu en milieu urbain, à travers un combat contre l'exclusion et la marginalisation et par l'instauration d'une vision plus humanisante de la ville qui favorise une participation consciente des populations au développement social, politique et économique et une plus grande loyauté vis-à-vis des politiques définies par les pouvoirs publics.

2.2 - Les données utilisées

Elles proviennent principalement de différentes sources, dont entre autres le recensement général de la population et de l'habitat (1988), une enquête partielle de quartier, l’interview de personnes-ressources et la consultation des registres fonciers. Deux niveaux d’analyse des données collectées ont été considérés.

Les données au niveau des quartiers concernent 13 quartiers spontanés du département de Dakar. Elles ont été extraites du recensement général de la population et de l'habitat de 1988 (RGPH, 1988) par l'entremise de la Direction de la Prévision et de la Statistique. En raison du degré de détail et de précision nécessaire pour arriver à ce niveau d’observation, l'extraction des données a nécessité la délimitation de chaque quartier à partir de la carte des DR confectionnée pour les besoins de ce recensement. Cependant, quelques sites comme la Cité Cap verdienne, la Rue Tolbiac et le quartier Arafat n'ont pu être correctement localisés et, de ce fait, ne figurent pas sur la liste des quartiers. Les deux premiers quartiers présentent une taille réduite qui leur donne l'allure d'une poche et, de plus, les DR chevauchent des quartiers de physionomie résidentielle duale (spontanée et régulière). Quant au quartier Arafat, il se trouvait déjà engagé dans une procédure de déguerpissement au moment de l'enquête.

Les données ainsi obtenues ont été enrichies par une analyse de la localisation des quartiers et de leur fonctionnalité, à partir d'une étude cartographique des différents quartiers spontanés situés dans le département de Dakar. Des études monographiques ont aussi contribué à mettre en évidence la "physionomie" de ces quartiers (partie III). Cependant, l'absence de données relatives à l'évolution des niveaux de revenus, aux modèles de consommation et au statut foncier a limité l'analyse des problèmes d'accès aux ressources. Les enquêtes de terrain ont été réalisées pour permettre de disposer d’éléments d'appréciation plus complets de la situation sociale qui prévalait dans ces quartiers.

Les enquêtes de terrain. Il s’agit plus particulièrement d’une étude de cas centrée sur un seul quartier de la périphérie de Dakar (Grand Médine) où les opérations de collecte ont été concentrées. Les méthodes de collecte ont consisté en l’exploitation préalable des registres de la conservation foncière, l’administration d’un questionnaire auprès des ménages et le recours à des entretiens avec les notabilités et avec des personnes-ressources. Avant le démarrage des opérations de collecte, une reconnaissance du site a été faite avec un double objectif :

- observer la configuration et l'organisation socio-spatiale du quartier, en vue de repérer les espaces sociaux communs tels que les lieux de regroupement ou de convergence (marchés, "grand' places", dispensaires, robinets publics, etc.) ;

- observer le comportement des acteurs urbains par le suivi des équipes de techniciens des services de l'urbanisme dans des quartiers en voie de régularisation, ceci pour appréhender les formes d'interaction qui s'instaurent entre ces acteurs publics et les acteurs populaires. D'autres occasions ont été mises à profit pour affiner et étayer davantage notre perception . Nous pouvons citer, par exemple, la participation à des Comités régionaux de développement (CRD) sur les occupations irrégulières ou sur les problèmes urbains plus généraux.

Les données cadastrales ont servi de cadre introductif à l'étude du quartier. Sur la base d'une carte de la situation foncière, les différents domaines (non identifiés ou privés) ont été répertoriés et les informations concernant chacun des titres privés ont été vérifiées dans les registres de la conservation foncière pour retracer leur évolution depuis leur transformation en titre privé et pour relever les différents actes transcrits au fur et à mesure, que ce soit au moment de ventes partielles (morcellements) ou intégrales comme en cas de transmission par succession. Les informations recueillies devaient être confrontées avec les déclarations des délégués du quartier. Un va-et-vient permanent a été ainsi engagé pour expliquer ou justifier les opérations ayant abouti à la situation foncière trouvée.

Concernant l’interview de personnes-ressources : outre les notables du quartier, des entretiens ont été réalisés avec un groupe de techniciens du Service régional de l’urbanisme, un technicien de la Société nationale des habitations loyer modéré (SNHLM), un expert du 3ème Projet urbain, deux attributaires de logement, un étudiant stagiaire auprès de la Banque de l’Habitat. Les entretiens ont porté sur divers aspects de la politique urbaine et de logement

L’enquête-ménage visait un double objectif. D’abord, il s'agissait de compléter les données issues du recensement général par des informations portant sur les caractéristiques socio-démographiques des habitants du quartier et sur le statut foncier de la parcelle habitée. Ensuite, il s'avérait indispensable de disposer d'éléments d'appréciation sur le budget et sur le niveau de consommation des ménages résidants en vue de mesurer leur capacité de mobilisation financière et, par là, leur degré d'accessibilité à une propriété (logement ou terrain) sur le marché actuel, compte tenu des filières disponibles et aux conditions actuelles de financement.

Le questionnaire administré est une version améliorée de celui qui a été utilisé dans les études d'aménagement de quartiers publié par la Banque Mondiale, auquel il a été ajouté des questions relatives au statut résidentiel (questions 100 à 150), une section relative à la situation foncière (questions 200-250) et, enfin, une partie portant sur les coûts de construction (questions 300-321). La stratégie de collecte a consisté à administrer d'abord le questionnaire aux délégués de quartier pour leur permettre de prendre connaissance des informations recherchées et de se sentir à l'aise pour introduire, en cas de besoin, les enquêteurs auprès des habitants. Dans un premier temps, le chercheur s'adresse au délégué en présence de l'enquêteur affecté à la zone concernée. Ensuite, il est demandé à ce délégué d'indiquer à l'enquêteur les limites de son "espace de compétences" et d'introduire celui-ci auprès des chefs de concessions réticents.

L'objectif était d'arriver à toucher au moins le quart de la population. Pour ce faire, un saut de 3 parcelles devait être respecté par l’enquêteur chaque fois qu’un questionnaire avait été rempli dans une parcelle. Ainsi, avec 1 parcelle enquêtée sur 4, un échantillon de 208 enregistrements a pu être constitué. Les résultats obtenus ont largement servi à la rédaction de la partie V de ce document.

III - PHYSIONOMIE DES QUARTIERS SPONTANES A

DAKAR.

L'habitat spontané, tel que le conçoit le Plan directeur d'urbanisme (PDU) de Dakar, s'étend aux quartiers d'habitation régulière et irrégulière et aux quartiers de type villageois. Il s'agit d'un habitat d'émanation populaire le plus souvent édifié en dehors des normes fixées par la politique de planification urbaine. En 1980, le PDU a évalué l'emprise de ces quartiers à près de 80% de la superficie de la région de Dakar. Les principaux sites concernés peuvent être identifiés sur la figure n° 1.

Depuis la mise en place du projet de "Restructuration de l'Habitat Spontané" financé par la Coopération allemande, ces quartiers ont fait l'objet d'une nouvelle classification. Celle-ci distingue les quartiers irréguliers, les zones artisanales et les anciens villages comme on peut s'en rendre compte dans la figure n° 2.

Pour réconcilier ces deux conceptions, il a été retenu de généraliser le terme "spontané" aux trois types d'habitat. Cette définition quoique globalisante a été opérée dans un but opérationnel. En effet, du point de vue des populations, l'occupation spontanée peut être vécue comme une alternative permettant de résorber les besoins en logement. La démolition de leur habitat ne ferait alors que renforcer l'acuité de ce besoin en poussant celles-ci à se conformer à des exigences de la planification urbaine dont l'inspiration occidentale ne se justifie pas toujours. Puisqu'il s'agit de minimiser les problèmes de logement urbain induits par une croissance démographique soutenue, il y a lieu de réfléchir sur ces quartiers pour cerner leur place dans le paysage urbain et, surtout, pour voir quel apport la science démographique pourrait fournir à une meilleure compréhension des enjeux urbains liés à la croissance de la population.

Les différents types de quartiers que nous avons répertoriés sont les suivants:

1. Cambérènevillage traditionnel

2. Cité Bissapzone artisanale

3. Dalifortquartier irrégulier

4. Grand Médinequartier irrégulier

5. Grand Yoffquartier irrégulier

6. Hann Pêcheursvillage traditionnel

7. Khar Yallaquartier irrégulier

8. Ngorvillage traditionnel

9. Niayes Tiokerquartier irrégulier

10. Ouakamvillage traditionnel

11. Rebeussquartier irrégulier

12. Usine Parkzone artisanale

13. Yoffvillage traditionnel.

3.1 - Une réalité diversement interprêtée

Le développement de Dakar a été fortement marqué par le mouvement de rénovation urbaine, entrepris depuis la période coloniale. Cette rénovation a fini par produire une typologie particulière référant souvent au caractère dual de la ville sénégalaise avec la mise en évidence d'une ville européenne et d'un habitat de type africain. Depuis que l'assainissement de la capitale française (Harouel, 1981) a été réalisée sous la houlette de Haussman, l'expérience hausmanienne a fini par influencer fortement les stratégies de rénovation dans les villes de l'Afrique coloniale au sud du Sahara et par s'imposer comme approche (école) d'urbanisme.

Caractérisée par des opérations de démolition d'habitation et de déplacement de populations vers les périphéries des villes et se justifiant surtout comme une forme de lutte contre l'insalubrité et la morbidité, cette conception hygiéniste emprunte souvent ses représentations des zones urbaines à des métaphores diverses, dichotomiques, voire "antinomiques", mais dans l'ensemble assez péjoratives. De cette vision réductrice naissent souvent des analogies sur la définition de la ville qui font que la ville africaine, en milieu francophone surtout, ne soit définie pour elle-même que par des typologies simplificatrices référant au manque de conformité par rapport aux standards de la modernité. Ainsi, la ville africaine est-elle perçue tantôt comme traditionnelle, irrégulière ou tout simplement arriérée.

Tantôt, la perception est plutôt d'ordre instrumental et se focalise sur le rôle que la ville ou ses segments pourraient jouer. On en est parvenu ainsi à identifier un secteur dit informel réputé apte à se soustraire à l'administration étatique de la ville et constituant, par ce fait, un manque à gagner sur le plan de la fiscalité. Lorsqu'une vision eugéniste s'y ajoute, c'est davantage pour soulever une critique sur le manque d'esthétique de ces formes urbaines. Ces perceptions cachent mal des positions tendant à accabler la ville africaine de déviance et militant, en définitive, en faveur de sa répression ou de son exclusion de la politique urbaine. Ignorées ou même niées dans leur "droit de cité" (les documents des services du cadastre ne mentionnent même pas leur existence), elles suscitent souvent la gêne des décideurs urbains.

En d'autres occasions, les analyses des quartiers spontanés se sont parfois appesanties sur des considérations d'ordre sémantique. Ainsi, dans les catégorisations qui ont été tour à tour avancées (voire imposées), on a d'abord cherché à analyser la portée des concepts et à leur trouver un référent juridique, économique ou institutionnel. Plus tard, on y a détecté une dimension socio-politique, notamment un domaine où diverses légitimités s'affrontent en fonction d'enjeux précis dont la détermination nécessiterait que soient identifiés les acteurs, les camps de ralliement (appartenance sociale), leurs motivations, les moyens et les stratégies de lutte mis en oeuvre.

Deux dimensions (économique et démographique) ont été très souvent occultées : la première moins que la seconde mais toutes deux pouvant faire l'objet d'approches transversales aux perspectives précédentes. En somme, si dans la compréhension des enjeux urbains, on s'est souvent posé la question de savoir comment s'organisait la prise de décision "urbaine" (Dahl, 1959) et pour qui elle était organisée (Le Bris, 1979), préoccupations qui renvoient nécessairement à une notion de "droit à la ville", on a oublié de rappeler la question relative à la finalité de cette ville.

Cette dernière préoccupation aurait eu pour mérite d'enrichir l'analyse urbaine en s'intéressant, par exemple, à la perspective selon laquelle tous les acteurs urbains semblent agir concurremment vers la réalisation du même objectif (équi-finalité) : celui de la survie de la ville comme cadre de changement social. En effet, l'argument s'appuyant sur le fait que la présence de débouchés est plus importante dans les villes et le souci de créer un cadre d'unité nationale apparaissent comme de faux-semblant qui ne justifient plus aujourd'hui qu'on persiste à accorder la priorité aux villes et surtout aux capitales au détriment des zones rurales.

Car, si de tout temps, il s'est avéré nécessaire de développer une politique en amont pour soulager la croissance démographique urbaine et réduire la polarisation des villes, la faiblesse entretenue sur les politiques d'aménagement du territoire devant émanciper les zones rurales jette un doute sur la pertinence des objectifs réellement visés par les politiques de développement. Dès lors, de nouvelles problématiques pourraient s'intéresser aux responsabilités (rôles) assignées à cette fin aux acteurs urbains et, au besoin, mettre en évidence des trajectoires de vie et aussi des formes de transactions (processus de contribution et de rétribution) qui s'instaurent.

A bien des égards, la ville est un espace en mutation continue sur les plans culturel, du statut résidentiel, de la structure démographique (et de son volume) et, enfin, du comportement démographique. Des groupes culturels sont appelés à se donner de nouveaux schémas de comportement social et économique, avec la cohabitation de plusieurs cultures, de modes d'agir et de penser, qui finissent par relativiser les principes éducationnels et par dissoudre progressivement les références identitaires.

A un niveau plus individuel, la ville, par la quête d'un logement (ou d'une résidence), reste aussi un processus de recherche de stabilité avec pour étape ultime la fin du cycle de mobilité résidentielle. Cela est très bien ressenti par les locataires et aussi dans les quartiers spontanés où la plupart des populations justifient leur occupation des sites comme une occupation transitoire. D'après une opinion partagée au sein des populations et des autorités, cet argument expliquerait la faiblesse des investissements consentis dans les sites pour améliorer l'habitat (cadre de vie, nature des constructions, équipements socio-économiques, etc.)

Mais sur le plan humain, l'aventure urbaine leur donne-t-elle les mêmes opportunités offertes à d'autres? Comment sont structurées ces populations qui vivent dans les quartiers spontanés actuels ? La section suivante en donne les contours en mettant l'accent sur l'accès à des ressources comme la résidence, l'emploi et la scolarisation.

3.2 - Une réalité à contours multiples

Apparemment, il semble se dessiner, sur le plan de la composition démographique, une certaine homogénéité des quartiers spontanés. C'est donc dans le domaine de l'accès aux ressources urbaines que des différences marquantes sont décelées.

Des catégories inégalement servies...

L'accès à la propriété dans l'ensemble des quartiers spontanés concerne un tiers (33 %) des chefs de ménage. Les taux les plus importants sont repérés dans les villages dits traditionnels où les bénéficiaires du statut de propriétaire dépassent, en proportion, la moitié des effectifs de chefs de ménage. Ils sont 59 % à Cambérène, 52 % à Ngor et à Yoff. A Hann-Pêcheurs et à Ouakam, autres villages traditionnels mais aussi en transition, les taux sont respectivement de 41 % et 35 %. Grand Médine atteint ce dernier ratio tandis qu'à Dalifort, Khar Yalla et Usine Park le statut de propriétaire est assumé par un peu plus du quart des chefs de ménage. En revanche, des taux plus faibles sont relevés dans les quartiers de Niayes-Tioker (5 %), Rebeuss et dans celui de Cité Bissap (15 %) qui jouxte une zone artisanale.

Le corollaire de cette accessibilité est que ces quartiers spontanés demeurent des foyers de forte densité de locataires. Près de 60 % de ménages y résident en qualité de locataire avec des records enregistrés au niveau des quartiers centraux, notamment à Cité Bissap et à Rebeuss où près de 80 % des chefs de ménage se réclament de ce statut. Cependant, ce groupe présente des variantes qui témoignent de certaines pratiques résidentielles, dénotent l'existence d'une hiérarchie de responsabilités et de références et, par conséquent, mettent en évidence des niveaux d'autonomie par rapport au système de location.

En effet, parmi les catégories impliquées dans ce statut, figurent des locataires simples (44 %), des locataires (12 %), des sous-locataires et enfin des personnes hébergées (6 %). Ces dernières sont, la plupart du temps, logées par d'autres ménages, notamment par celui de leur employeur ou par la famille de ce dernier. Les formes d'hébergement peuvent être de deux ordres : certains ménages sont accueillis au sein des familles, d'autres peuvent se voir autorisés à occuper, isolément, des terrains appartenant à celles-ci. Leur présence est plus forte dans les quartiers traditionnels comme Ngor (14 %), Ouakam (13 %) et Yoff (11 %) ainsi que dans le quartier Niayes-Thioker (14 %) situé dans le centre-ville

Quant à la catégorie "co-locataire", elle témoigne de la possibilité pour certains ménages de s'organiser en commun pour partager des charges de location. "Locataires" et "co-locataires" sont ainsi soumis aux mêmes règles d'avantages et de responsabilités et à une relation de transaction directe avec les propriétaires rentiers. En revanche, la variante "sous-location" impose une relation indirecte entre utilisateurs et propritaires de résidence par un détour sur les "locataires". Considérés comme des sous-contractants, les "sous-locataires" sont ainsi appelés à traiter directement avec les "locataires" qui leur ont cédé des parties de leur résidence. Cette situation les confine souvent à un statut secondaire, parfois à une gêne dans leur épanouissement. Celle-ci débouche sur des conflits de cohabitation fréquents avec ces derniers. Elle génère ainsi des incommodités, qui finissent par décourager l'adhésion à ce genre de compromis et qui sont responsables, en partie, de la faible représentativité (moins de 1 %) de cette pratique dans ces quartiers.

Quant aux ménages qui ne se réclament ni propriétaires, ni locataires ou hébergés, c'est-à-dire ceux qui sont classés à part et parmi lesquels on aurait dû retrouver les ménages en situation irrégulière, ils sont estimés en moyenne à près de 5 %. Les quartiers les plus ciblés demeurent Niayes-Thioker (25 %), Hann-Pêcheurs (15 %), Yoff (7 %), Grand-Yoff et Khar-Yallah (5 %). S'il faut accréditer les déclarations fournies par les populations quant à leur statut résidntiel, on se rend compte que les ménages en situation irrégulière constitueraient une proportion congrue.

En définitive, la composition des quartiers spontanés donne un éclairage différent de l'idée qu'on se fait habituellement d'eux, à savoir celle de zones irrégulières (au plan juridique) et envahies spontanément. Ils demeurent des zones d'accueil fortement rentabilisées par des pratiques locatives intenses. Le rapport propriétaire/locataire se situe à un propriétaire pour deux locataires (1,9) avec parfois des écarts consistants avec le ratio de cohabitation illustré par le nombre de ménages par concession (voir le tableau n° 1 et le graphique n° 5 ci-dessous).

Ce décalage semble conforter une hypothèse, qui s'est vérifiée par la suite lors des enquêtes en vue de la restructuration du quartier Dalifort , selon laquelle bien des propriétaires ne résident pas nécessairement sur place.

Le marché locatif reste bien implanté dans les quartiers proches de zones d'activités artisanales. Niayes-Thioker est très prisé avec 13 fois plus de locataires que de propriétaires. Rebeuss et Cité Bissap sont aussi convoités à hauteur de 6 pour 1. Les intensités les plus faibles se rencontrent dans les villages traditionnels où le nombre de propriétaires dépasse parfois celui des locataires : c'est notamment le cas à Cambérène (10 propriétaires pour 6 locataires), à Yoff (10 pour 8) et à Ngor (-10 pour 9). Ainsi, la référence à leur tradition d'hospitalité évoquée précédemment (avec les personnes hébergées) est confirmée par les écarts entre le ratio de cohabitation et celui de location.

La pratique locative revêt une dimension économique déterminante, en ce sens qu'elle s'inscrit dans une stratégie de production de revenus autant pour les propriétaires que pour les locataires eux-mêmes. A ce titre, la faiblesse des coûts de location peut être un facteur d'attraction vers ces quartiers spontanés. Mais, ce facteur n'est pas suffisant pour expliquer les différences entre quartiers spontanés. Il faudra tenir compte des coûts d'opportunité liés au choix d'une résidence, notamment des avantages de situation que procure tel quartier par rapport à tel autre. Or, la préférence marquée pour certaines zones se double plus ou moins d'une activité économique plus intense que dans les autres quartiers. Le taux d'occupation professionnelle le révèle bien : celui-ci demeure faible (31 %) dans l'ensemble mais atteint des records de pointe à Cité Bissap (42 %), à Grand-Yoff (34 %), à Hann-Pêcheur et Niayes-Thioker (32 %).

En retour, les femmes au foyer constituent une part importante (27 %) de la population. Cependant, elles sont plus représentées en périphérie qu'au centre-ville. Ainsi, leur proportion diminue au fur et à mesure que l'on se rapproche de ce dernier périmètre urbain et, plus particulièrement, des zones pourvoyeuses d'emplois comme Rebeuss (21 %), Niayes-Thioker et Ouakam (22 %) ou encore Cité Bissap (24 %).

De même, il faut compter sur une proportion des personnes en cours de scolarisation qui représente 24 % de la population de ces quartiers. L'importance de ce groupe ajoute à la charge des ménages ; comme indicateur, cet ajout donne la mesure des efforts à consentir, dans les prochaines années, pour promouvoir l'insertion professionnelle des personnes vivant dans les quartiers spontanés.

En réalité, l'accès à l'emploi salarié donne souvent lieu à une mobilité des jeunes vers des développements résidentiels plus récents. Cette mobilité a pour effet d'appauvrir davantage l'environnement des quartiers spontanés pour ne laisser subsister qu'une image de désoeuvrement de jeunes, de femmes et de personnes âgées (les retraités). En effet, on compte près de 13 % de la population en situation de chômage. Mais, dès qu'on choisit de rapporter la population de chômeurs à la population occupée, on se rend compte que le taux de chômage dans les quartiers spontanés évalué à (29 %) dépasse même la moyenne régionale, elle-même estimée à 24 % des effectifs actifs .

Ce profil de la pauvreté urbaine est également amplifiée par le fait que la population occupée comporte en son sein une bonne part d'indépendants, d'apprentis, d'aide-familiaux et d'autres personnes s'adonnant à des formes d'occupation plus proches de l'inactivité. Dans l'ensemble, la création d'emplois est rarement du ressort des habitants de ces quartiers spontanés puisque la situation dans la profession révèle que les employeurs désertent ces quartiers. Il n'y subsiste qu'un groupe plutôt restreint (1 %). Cette faiblesse est déconcertante quand on sait que certains quartiers abritent une multitude d'activités artisanales, dont une bonne part est rangée dans le secteur informel.

Tout porte ainsi à croire que ces zones sont exploitées comme des lieux de mise en valeur d'intérêts localisés en dehors de ces quartiers. En retour, 45 % de la population sont constitués de salariés et on compte près de 31 % d'indépendants, 13 % d'apprentis, 2 % d'aide-familiaux et 8 % dans la catégorie "autres".

Comme on le voit, le marché de l'emploi reste dominé par le salariat et l'initiative individuelle qui cumulent à eux seuls entre 74 et 80 % des emplois. Le recours à une main-d'œuvre familiale (aide-familiaux) est moins prononcé dans les quartiers spontanés que dans les villages traditionnels. De plus, l'apprentissage et les autres formes d'emplois qui touchent une faible partie de la population, semblent avoir, à quelques exceptions près, les mêmes intensités.

En retour, entre le salariat et l'initiative individuelle, s'installe une symétrie qui fait penser que l'une pourrait constituer une alternative à l'autre. En effet, au-delà des disparités qui se font jour, les villages traditionnels abritant le plus de salariés présentent des proportions d'indépendants plus faibles : c'est le cas de Ngor (53 % sur 27 %), Ouakam (55 % sur 24 %) et Cambérène (43 % sur 38 %).

Dans les quartiers spontanés, cet effet de balancier est plus atténué. La correspondance demeure certes, mais de légères distorsions sont introduites chaque fois que l'apprentissage et les "autres" types de situation prennent de l'importance. Ainsi, à Grand-Médine, une tendance à une équivalence de ces situations professionnelles est observée avec respectivement des ratios de 34,8 % et 33,4 %.

Quant au niveau d'instruction atteint par les populations de ces quartiers, on constate, dans l'ensemble, que près de la moitié de la population (47 %) n'a jamais eu l'opportunité de fréquenter l'école. Une proportion équivalant à plus du tiers (37 %) a bénéficié d'une éducation de base (niveau élémentaire). Le niveau secondaire enregistre près de 15 % des effectifs avec une concentration plus notable au niveau du cycle moyen (11 %).

Le passage aux cycles supérieurs ne fait pas exception à la sélection, qui biaise les performances du système scolaire sénégalais et reste, le plus souvent, limitée par les équipements en infrastructures scolaires et par les capacités d'accueil de celles-ci. Ainsi, au fur et à mesure qu'on s'élève dans les cycles secondaire (moyen et secondaire) et supérieur, un effritement progressif de la population scolarisée révèle une réduction importante des effectifs et achève de façonner le caractère élitiste de ce système scolaire.

Les villages traditionnels semblent avoir profité d'un "effet de génération" pour hisser le taux de fréquentation scolaire de leur progéniture. Le bénéfice d'une tradition citadine plus ancienne a fini par convaincre ses populations, natives de Dakar pour la plupart, de la nécessité de la scolarisation.

Cette réserve une fois levée, on se rend compte que les facteurs de différenciation des niveaux de scolarisation demeurent très relatifs et évoluent en fonction du type d'avantage de situation dont profite le quartier. Chaque niveau de scolarisation entraîne donc un comportement spécifique. Par rapport au cycle primaire où les écoles sont devenues des établissements de proximité, cette différence semble avoir été favorisée par la présence d'un poste de communication au voisinage des villages traditionnels comme Ngor, Ouakam et Yoff, et la spécificité de l'environnement socio-culturel née de la présence d'infrastructures de portée nationale ou internationale comme l'aéroport et d'activités complémentaires (chaînes hôtelières et touristiques, entre autres). Toutes ces données auraient transformé le voisinage de ces villages en un espace résidentiel convoité par des ménages à haut niveau de revenu. Les unités socio-résidentielles appartenant à cette dernière catégorie d'habitat et jouxtant ce pôle, sont nettement plus favorisées. Hann-Pêcheurs et Cambérène, situés hors de cette aire, le sont moins avec des pourcentages de fréquentation scolaire modérés.

Par contre, l'accessibilité des établissements dispensant un enseignement secondaire, considérée surtout du point de vue de leur degré d'éloignement, semble plutôt avoir une relation avec la localisation des élèves. Les quartiers comme Grand-Médine, Dalifort, Cambérène et Hann, réputés les plus éloignés, abritent les plus faibles pourcentages de fréquentation du secondaire. Les bonnes performances enregistrés par Ouakam se justifient, en plus de la situation décrite précédemment, par les facilités d'accès au centre-ville. En effet, l'axe Dakar-Ouakam reste une voie d'accès directe jalonnée d'établissements d'enseignement général et professionnel parmi les plus sollicités. Quant à Usine Park, autre quartier avantagé, il constitue le carrefour des principales lignes de transport entre la périphérie et le centre-ville et jouit, de ce fait, d'une bonne desserte. A un degré moindre, se situent Grand-Yoff, Khar-Yallah, Cité Bissap, Rebeuss et Niayes-Thioker.

Ainsi, si l'accessibilité des infrastructures apparaît comme un facteur qui influence la préférence des scolaires et de leurs familles à résider le long des axes, l'hypothèse d'un aménagement des transports apparaît, d'ores et déjà, comme un élément transitoire de stratégie susceptible de renforcer la politique scolaire. Aussi, l'aménagement de réseaux des transports, tout en permettant de mieux décentraliser certains quartiers, pourrait-elle jouer en faveur d'une fréquentation scolaire accrue, mais surtout d'une meilleure redistribution des familles dans l'espace urbain.

Sur un plan plus général, l'accessibilité des services publics urbains demeure un critère de différenciation déterminant mais défavorable aux quartiers spontanés. Ces habitats restent marqués par un manque notoire d'infrastructures et d'équipements scolaires, sanitaires, de voies et réseaux divers dont l'amélioration pourrait faciliter l'accès à ces services et relever la qualité de vie de leurs habitants. Au-delà de l'amélioration de cette accessibilité, c'est tout le problème de l'accès aux ressources urbaines qui se trouve posé. Le logement s'identifie ainsi à une ressource-charnière permettant de faire la jonction avec d'autres besoins tout aussi importants que sont l'accès à l'éducation, à l'emploi, à la santé, etc. La satisfaction de ces besoins conditionne la politique urbaine à développer, et celle-ci demeure, avant tout, une politique de la croissance démographique.

IV - URBANISATION ET CROISSANCE DEMOGRAPHIQUE

4.1 - Surdétermination et convergence d'enjeux

L'urbanisation au Sénégal, et dans la plupart des pays africains, s'est imposée en tant que phénomène démographique avant même que les tentatives de définition du "fait urbain" n'aient réussi à poser l'évidence des différentes conceptions de la ville. Si les critères mis en place par chaque pays ont montré leurs limites, en retour le processus s'est révélé du plus grand intérêt pour les Etats nouvellement indépendants. Sous ce rapport, la plupart d'entre eux ont développé une politique tendant à encourager le processus, ce qui a d'ailleurs conduit à équiper en priorité la capitale dans le but d'en faire un pôle de développement économique et une zone de concentration démographique. L'urbanisation étant assimilée à un processus favorisant l'intégration nationale et la modernisation, bien des espoirs y étaient attachés, notamment celui de l'amorce d'une transition démographique. En effet, la concentration du personnel de santé et des équipements sanitaires dans les villes ainsi que l'amélioration des conditions d'hygiène et de santé autorisaient à espérer que les villes allaient promouvoir une réduction substantielle de la mortalité et, plus tard, une chute de la fécondité.

A l'épreuve, on constate que bien des promesses restent à être tenues. L'industrialisation n'a pas été le moteur qu'on espérait, notamment pour la prise en charge de la main-d'oeuvre issue du secteur primaire. La transition démographique est demeurée dans une phase inachevée de son processus en raison des taux de fécondité encore élevés. La baisse de mortalité, quoique notable, reste un acquis fragile, menacé par le redéploiement de la morbidité dû à l'apparition de conditions de vie de plus en plus précaires et à la résurgence de la pauvreté urbaine (difficultés d'accès à l'eau et à l'énergie, mauvaises conditions d'assainissement des eaux usées, prolifération des ordures ménagères, promiscuité résidentielle, etc.) La plupart de ces conditions touchent, plus particulièrement, au cadre de vie et donnent à l'habitat une position centrale. En effet, il est généralement admis que le logement constitue un bien économique pouvant être soumis aux lois de l'offre et de la demande, et l'accroissement de la population constitue un facteur idéal à l'augmentation de celle-ci. Mais, il est à déplorer le fait que les analyses s'appesantissent rarement sur les interrelations entre logement et phénomènes démographiques, pour apprécier la faculté de l'un à jouer comme paramètre déterminant en matière de comportement démographique.

Sans minimiser la tendance des célibataires et des personnes qui souhaitent individuellement accéder au logement, il faut reconnaître qu'au Sénégal, la domanialité (l'acquisition de logement) est restée plus une préoccupation du ménage (ou pour le ménage) qu'une affaire d'appropriation individuelle. Considéré comme le lieu où s'organise la reproduction des êtres humains, qui s'opère à travers la formation des couples, le logement apparaît comme un besoin collectif rendu "légitime" dès que l'entrée dans le processus de reproduction devient effectif. La nuptialité ou, plus généralement, la constitution des ménages fournit à la plupart des sociétés le prétexte pour aspirer à ce besoin. Cette aspiration devenant plus forte au fur et à mesure de l'évolution quantitative et qualitative du ménage (augmentation progressive de la taille, maturation de ses membres) jusqu'à la dissociation qui correspond avec l'engagement et l'insertion de ses membres dans un nouveau cycle de reproduction.

Le problème du logement apparaît donc comme une manifestation des défis multiformes qui se posent à la ville. Mais, c'est d'abord une relation à l'espace et une fonction d'espace. Cette spécificité étant due au fait que le logement ne peut se concevoir sans son support originel qu'est le sol. Or, l'urbanisation est une chaîne d'entraînements qui voit l'augmentation de la population induire une demande foncière plus forte. La prétention à un logement pour fixer des individus en nombre croissant, une fois satisfaite, entraîne à son tour l'extension et/ou la densification de la ville.

Le développement spatial a pour résultat de reléguer les nouvelles générations de citadins à la périphérie. Qu'elles soient constituées de ménages nouvellement constitués ou des ruraux à faible qualification professionnelle, ces générations présentent des capacités potentielles de reproduction qui font des quartiers périphériques des zones densément peuplées. Comme l'extension urbaine a pour effet de contraindre les activités directement coudées sur le sol à disparaître et de ne sélectionner que celles qui n'ont pas de lien direct avec l'exploitation de la terre, la dispute du sol et de l'espace réduit les secteurs et les possibilités d'insertion professionnelle en écartant progressivement du marché de l'emploi urbain, les activités dites primaires (agricoles, maraîchères, pastorales, etc..). Elle amène, de ce fait, les individus à s'insérer dans d'autres créneaux ; ce qui n'est pas pour favoriser les habitants de ces zones dont la plupart ne trouvent d'alternative en matière d'emploi que dans le secteur dit informel.

Outre cette modification dans les domaines d'activité professionnelle, la structure démographique révèle une proportion de population jeune assez importante dans la ville de Dakar et un rapport de masculinité pour le moins défavorable aux femmes. Ce profil démographique est révélateur des nouveaux besoins à satisfaire. En effet, les catégories les plus mises en évidence avec la croissance urbaine sont précisément celles qui sont candidates à l'éducation et à l'emploi et, plus tard, à la nuptialité ; en un mot, il s'agit de celles qui souhaitent accéder à des ressources urbaines. Cette structure entraîne des conséquences qui, pour l'essentiel, agissent en retour sur la demande de logements, en intensité (volume) comme en nature (type de logement). Ainsi, de nouvelles aspirations au logement se font plus nettes et les voies et moyens de les satisfaire ajoutent aux problèmes déjà préoccupants.

En effet, la politique de développement urbain a été définie, depuis longtemps, par l'Etat. Mais, la prise en charge étatique est apparue, au fil des ans, fort insuffisante. La majeure partie des villes est restée dans le domaine de l'informel et, selon une vision des techniciens, on assiste à une perversion du "tissu urbain ancien". Ceci est certainement à la base des mutations dans les attitudes de gestion et de planification qui ont été repérées. Car, l'évolution a réussi à ébranler bien des convictions dans la conduite du développement avec l'émergence de phénomènes de seconde génération liés plus ou moins à l'habitat et qu'on résume sous le vocable de "pauvreté urbaine". La tâche de la planification s'est vue, non seulement confrontée à la maîtrise d'une croissance à deux paramètres (croît naturel et apport migratoire), mais aussi à la nécessité de juguler un autre phénomène constitué par un environnement économique sous ajustement structurel dont les options retenues affaiblissent davantage les moyens de résolution des problèmes urbains.

De ce fait, il subsiste à ce niveau, une certaine forme d'embarras qui, à la limite, inhibe même la prise de décision en raison de l'ambivalence des objectifs à atteindre. Par son impact sur le cadre de vie, la pauvreté urbaine semble avoir eu pour effets d'accentuer la morbidité et de constituer une menace sur la santé, voire la qualité de vie des citadins. En retour, la résolution de ces phénomènes risque d'être, en elle-même, interprétée comme un encouragement à l'accroissement de la population urbaine.

Le grief opposé à la solution des problèmes urbains (et de logements par ricochet) est que leur résolution est souvent appréhendée comme un appel au renforcement du phénomène combattu. Autant la résorption des problèmes d'insertion qui se posent aux "immigrants" urbains apparaît comme une invite à de nouveaux contingents de ruraux, d'écoliers, de domestiques..., autant les solutions aux problèmes de l'habitat irrégulier risquent d'être assimilées par quelques décideurs à la mise en place de mesures favorisant d'autres formations spontanées.

Pour toutes ces raisons, les systèmes de gestion en matière de politique de logement ont fortement évolué. On est passé ainsi, en donnant suite aux nombreuses aspirations au logement, de l'interventionnisme étatique à un élargissement des filières à des partenaires privés et enfin à une responsabilisation plus poussée des ménages dans la maîtrise des problèmes de logement.

4.2 - De nouvelles aspirations face à des performances limitées

Le développement de la fécondité chez les adolescents et, de façon subséquente, l'accroissement de la proportion des filles-mères, la fréquence des rupture d'unions et le prolongement du célibat sont des réalités urbaines, qui accentuent la partition des familles en cellules de plus en plus petites et font émerger de nouvelles aspirations au logement ou encore de nouvelles formes de prise en charge en milieu urbain avec des degrés d'autonomie plus ou moins prononcés. La proportion des chefs de ménage femmes a atteint 16% en 1992 et la tendance à la constitution de familles monoparentales connaît un essor. Les années d'ajustement structurel ont en quelque sorte renforcé cet état des choses. Les difficultés nées du gel des dépenses sociales et l'amenuisement des perspectives d'emploi auraient ralenti la nuptialité et renforcé la proportion de personnes adultes (et même des couples nouvellement constitués) vivant avec leurs parents respectifs sans que cela se traduise, apparemment, par une augmentation conséquente de la taille des ménages.

A ce titre, la stabilisation de la taille des ménages autour de 7.5 personnes par unité (fig. n° 12) peut paraître contradictoire, tout comme un contexte marqué par un rajeunissement perpétuel de la structure de la population aurait laissé espérer une réduction de taille avec l'apparition de nouveaux couples. Mais, la vivacité des réseaux de solidarité, notamment pour ce qui est de la prise en charge de personnes dans le cadre de relations familiales élargies, semble avoir constitué un élément de compensation, plus exactement un moyen de transvaser les effectifs entre ménages anciens et nouveaux.

Durant les années 1970-1990 et dans l'ensemble du pays, le nombre des ménages aurait subi une augmentation continue, avec une contribution de plus en plus importante des zones urbaines. Les zones rurales perdent, en quinze (15) années, près de 10% de leur contribution au profit des zones urbaines qui produisent en 1992 près de 57% des nouveaux ménages. La région de Dakar, à elle seule, fournirait près de 27% des ménages additionnels tandis que le reste des villes du Sénégal, comme l'illustre la figure n° 14, en rajouterait 32% en 1992.

Les besoins en logements supplémentaires qui découlent de cette évolution, peuvent être importants si on considère la logique qui veut que chaque ménage aspire à un logement. Cette forte demande justifierait certainement la concentration des efforts de construction de logements dans cette région. Malgré le développement de la promotion privée, la priorité accordée à la ville n'a pas suffi à satisfaire l'essentiel des besoins en la matière malgré le développement de la promotion privée. Les meilleures performances du secteur de la construction immobilière (tous promoteurs confondus) ont été réalisées en 1972 et elles ont à peine pu couvrir 40% de ménages nouveaux (fig n° 15) de la région de Dakar.

Ce taux de couverture des besoins est d'autant plus déficient qu'il porte sur des ménages nouveaux alors que les demandes non satisfaites ont tendance à s'additionner les unes sur les précédentes et finissent par générer une sorte de "file d'attente" reflétant une pénurie de ressources à allouer ou, dans le meilleur des cas, témoignant d'une lenteur dans la circulation du stock de biens. Il s'agit-là d'une situation idéale au développement de la spéculation, qui peut porter sur les terres à bâtir, les acquisitions immobilières et également sur le marché locatif.

Il y a donc nécessité, pour les pouvoirs publics comme pour les ménages, d'envisager d'autres alternatives les uns pour produire davantage de logements, les autres pour en trouver à acheter ou à louer. Car, la situation actuelle telle qu'elle transparaît du graphique n° 16, élaboré à partir des données du RGPH (1988), montre que seulement 34% des ménages dakarois sont propriétaires de leur logement, plus de la moitié (50.9%) des ménages ont un statut de locataire et que 14.7% d'entre-eux sont hébergés par leur employeur ou par la famille de ce dernier.

Apparemment, deux hypothèses peuvent être avancées à partir de cette situation de fait. Si, comme dans la première, on accepte l'existence d'un déficit de propriétaires, la politique dès lors devra trancher en faveur d'une construction de logements pour résorber la portion des ménages en situation de locataires ou d'hébergés. La seconde hypothèse, elle, découle de la nature des biens concernés : à partir du moment où les ménages trouvent des logements à louer, cela équivaudrait à dire que les capacités d'accueil existent bien (que le parc de logement est suffisant pour contenir la population) mais que, parallèlement, un contrôle monopolistique permet à certains propriétaires de détenir plusieurs biens et de les utiliser comme source de rentes alors que d'autres personnes devront se contenter de les consommer à titre de location.

Le problème qui se trouve alors posé sera de savoir s'il faut laisser les lois du marché jouer ou s'il faut intervenir par une politique appropriée visant à promouvoir l'accès d'un plus grand nombre de ménages à la propriété. S'il faut préjuger de l'opportunité d'une politique sociale, sans nul doute, une réglementation de l'accès au logement doit être mise sur pied.

Mais, quelle est la portée du cadre juridique en vigueur? Les textes existant contribuent-ils réellement à une meilleure répartition des logements? L'analyse de la législation foncière du Sénégal permettra, dans la section qui suit, de se faire une idée en ce sens.

4.3 - Une législation plurielle qui prédispose à la confusion et à la pontanéité

Les ressources foncières du Sénégal sont partagées entre trois (3) grands ensembles ou domaines distincts régis par des textes (codes ou lois) et des règlements spécifiques : ce sont le domaine de l'Etat, le domaine national et le domaine privé. Cette pluralité est le fruit d'un long processus de transformation entamé depuis la période coloniale et dont la finalité était de modifier les multiples juridictions traditionnelles, appelées aussi "coutumes", en vue de faciliter l'introduction de rapports marchands dans ce domaine et de favoriser ainsi le passage à une économie moderne.

a - Des situations foncières sujettes à réformes

Les premières tentatives de réformes ont cherché à généraliser la constatation des droits fonciers par la transcription des droits coutumiers au registre foncier et, dans un deuxième temps, à mettre en place le régime de l'immatriculation (Doublier, 1957). Dans l'ensemble, ces tentatives, destinées à simplifier voire à transformer les modes de détention traditionnelle en droit de propriété, sont restées infructueuses. Ainsi, la plupart des terres demeurait, au moment de l'indépendance, sous administration coutumière. L’immatriculation a connu, certes, une percée qui a permis de constituer un modeste parc de terres privées. Mais, l’engouement qu’elle a suscité, notamment dans les milieux urbains, a fini par déclencher un accaparement des terres collectives de la part de personnes mieux averties des dispositions, des procédures et de la portée de cette réforme. La conséquence aura, surtout, été la naissance d'un capitalisme immobilier urbain qui pouvait gêner considérablement des travaux d'aménagement publics par des négociations durables et souvent coûteuses pour les pouvoirs publics.

Pour parer au pouvoir de pression grandissant de ces groupes, l'Etat sénégalais s’est doté d'un certain nombre d'instruments parmi lesquels figure la loi portant "expropriation pour cause d'utilité publique", inspirée de la loi française du même nom et qui donnait à l'Etat les moyens d'accéder aux terres dont il a besoin pour ses programmes d'aménagement moyennant une indemnisation préalable. En effet, par le seul fait que la loi privilégie l'intérêt général au détriment de celui des particuliers, elle apparaît comme l'instrument approprié de l'Etat pour se constituer des réserves foncières suffisantes pour ses travaux d'aménagement urbain et/ou pour renforcer son domaine spécifique (le domaine de l'Etat). De plus, pour mieux déjouer les manoeuvres spéculatives, l’Etat a cherché intervenir sur les terres régies par le régime d'appropriation privée (titres fonciers), notamment en fixant un barème des prix du sol urbain au moyen de décrets révisables tous les deux ans.

L'utilisation des terres restantes fut l'objet d'une réglementation particulière dont l'originalité aura été d'instaurer une "voie socialiste" et de réformer, dans certaines zones rurales, le système féodal auquel la gestion coutumière des terres avait abouti. La législation foncière s’est voulu l’artisan et l’instrument privilégié de réduction des inégalités, notamment dans l’accès à la propriété et au logement. Par une réforme somme toute originale, elle a fait naître beaucoup d’attentes ainsi que des perspectives de redistribution des ressources foncières sans jamais pouvoir aller au bout de ses principes.

b - Une réforme aux principes nobles...

La totalité des terres qui n’ont pu être immatriculées au profit des privés et celles n'ayant pas été classées dans le domaine de l'Etat, ont été de fait regroupées dans le domaine national, dont la loi consacrée (loi 64-46 adoptée le 17 juin 1964) dépasse largement le cadre de la stricte gestion des terres pour être un instrument d’organisation et de maîtrise de l'espace. La loi segmente le domaine national en quatre (4) catégories de terres :

-les terres situées dans les périmètres urbains qu'elle voudrait affranchir des effets de la croissance urbaine (la spéculation, notamment) en préservant leur vocation agricole et en y faisant respecter le zonage ;

-les zones de terroir pour promouvoir à la fois les activités agraires (culture, élevage, jachère, etc.) et faciliter l'extension de l'habitat rural ;

-les zones classées en vue de préserver des écosystèmes particuliers (forêts, parcs, zones écologiques, etc.) et de soustraire ainsi une partie des ressources foncières à l'expansion agricole ;

-et, enfin, des zones pionnières dont la vocation est d’accueillir des programmes de développement spécifiques dont les conditions de réalisation sont définies par des plans de développement et des programmes de mise en valeur des terres.

La réforme foncière devait, en plus d’organiser l’espace en quatre ensembles, constituer le prélude à une redistribution des instruments du développement grâce à un transfert des moyens de reproduction économique et sociale au profit de l’instance étatique. L'Etat reste, en effet, le principal gardien des terres du domaine national. Cependant, certaines d'entre-elles (notamment celles qui sont comprises dans les zones de terroir) sont mises en gérance auprès d’un conseil local élu (municipal ou rural), instance de décision communautaire dont l’autonomie de gestion est fortement atténuée par la présence d’un représentant de l'Etat (en l'occurrence le sous-préfet). Cette forme de gestion plus ou moins concertée a été aussi étendue aux terres à vocation agricole situées dans les zones urbaines, grâce à des mesures additionnelles dont, entre autres, l’institution d’un comité de gestion entre municipalités et zones rurales.

Pour mieux égaliser les chances d’accéder au sol, la loi se fait également dissuasive. A cette fin, elle procède par une nationalisation des terres, la suppression des privilèges rattachés à leur exploitation et, enfin, elle réduit le sol à sa valeur vénale. Sur l'ensemble du territoire national, le caractère inaliénable et imprescriptible des terres est proclamé. La loi nie toute forme de propriété, qu'elle soit individuelle ou collective, privée ou publique; de plus, elle prohibe la location, le prêt et la vente des terres.

Comme le sol n’avait plus de valeur commerciale, seules les améliorations subies par la terre pouvaient désormais en déterminer le prix. L'acquisition de la terre reste dès lors assujettie à des mécanismes d'affectation et/ou de désaffectation des terres. Cependant, conformément au principe de l'avantage acquis, la loi ne remet pas en question l’occupation originelle de la terre. Elle exige, en retour, que l'occupant de la terre soit lui-même un exploitant pour pouvoir lui garantir la sécurité foncière tant et aussi longtemps que ce dernier demeure dans ce statut d'exploitant. Par cette exigence d’effectivité et de permanence du statut d’exploitant, la loi souligne ainsi la nécessité d'opérer un contrôle de l’utilisation du sol, mais la tâche se révélera difficile à exécuter du fait de la mise en place tardive des structures et des instruments de gestion qualifiés.

Ce défaut de coordination réduira considérablement la portée et l'efficacité de cette doctrine et, de plus, le retard accusé aura servi à mettre en évidence la substitution de l'Etat aux organes d’application prévus, non seulement en tant que régulateur traditionnel du marché foncier mais plus comme allié dans la production d'espaces de logement. Cette période transitoire a notamment coïncidé avec la poussée urbaine et une marginalisation croissante d’une importante couche de la population.

c - Pression urbaine, accès à la terre et exclusion

Entre la définition de la loi 64-46 et son application, les milieux urbains ont fortement évolué, mettant ainsi en place une demande foncière dont la satisfaction a engendré une diversification et une complexification du marché du logement du fait de la multiplication des normes à assimiler.

Les diverses tenures foncières existantes en milieu urbain, les filières mises en place ainsi que les produits générés par le marché tout comme la capacité de mobilisation financière des ménages candidats au logement, constituent autant de variables à prendre en compte pour déterminer l'accessibilité du logement ou du sol. Mais une dimension fondamentale de cette accessibilité demeure le degré d'information par rapport aux différents régimes fonciers existants, aux textes les régissant et, également, aux structures chargées de les mettre en pratique et d'approvisionner le marché.

En l'absence d'un cadre institutionnel approprié, la période de transition a vu l'Etat assumer un rôle de gestionnaire des terres mais aussi d'aménageur, avec une multiplicité de procédures d’acquisition et parfois une pluralité de centres de décision. L’Etat a eu à subventionner directement le marché de construction immobilière en mettant à la disposition des sociétés nationales, créées par ses soins, des terrains et même des fonds pour les appuyer dans la réalisation de leurs programmes de logement. Puisant tantôt dans son domaine attitré et parfois dans le domaine national, il a su, par ce fait, entretenir un marché de production de logements dont la clientèle était composée, pendant longtemps et presqu'exclusivement, de salariés du secteur moderne disposant de revenus réguliers.

Le secteur de la promotion privée a souffert de ces largesses qui ont favorisé le secteur public et contribué à inhiber de façon durable l'essor de l'initiative privée comme alternative. Même si, par la suite, la privatisation des sociétés immobilières a marqué un frein à l'intervention de l'Etat et jeté les bases du développement de l'initiative privée dans le secteur, elle n'a pas pour autant corrigé de manière fondamentale le rapport de compétitivité entre nouveaux promoteurs et anciens. Ces derniers ont dû capitaliser une expérience durable dans le métier, certains ayant même réussi à se constituer des réserves foncières non négligeables et à conserver ainsi un avantage sur les autres promoteurs.

De plus, la libéralisation du marché est restée handicapée par une uniformisation des critères d'accès au logement et par une indexation des conditions du marché aux normes d'une seule institution : la Banque de l'Habitat du Sénégal. Celle-ci a fini par devenir le point de passage obligé de tout promoteur. Face à cette standardisation, la concurrence des nouveaux promoteurs, dont les réalisations ont essaimé dans les années 90, n'a pu assouplir l'accessibilité du logement construit puisque le contrôle monopolistique exercé par cette banque devait favoriser la hausse continuelle du prix des logements et contribuer à exclure du marché une bonne partie des ménages candidats au logement.

En effet, des catégories considérées non solvables se voyaient contraintes de se rabattre sur les filières alternatives en se procurant des terrains pour l'autoconstruction. L'appareil administratif s'est illustré également dans ce créneau en procédant à des lotissements administratifs. De plus, son souci de réguler le marché foncier a été assorti d'une volonté de décourager l'accumulation des biens fonciers et s'est traduit par une exclusion des demandeurs déjà détenteurs de biens immobiliers ou fonciers. Mais on aura surtout assisté à une réactualisation de réflexes qui avaient cours durant la colonisation et qui voyaient les autorités coutumières morceler à volonté des terrains considérés comme "vacants et sans maître" et les distribuer aux populations autochtones. Des chefs de quartier reconnus officiellement et/ou auto-proclamés contribueront fortement à alimenter cette filière d'autoconstruction parfois sans respect de la réglementation urbaine, ni référence au cadre juridique existant.

En définitive, le report d'intentions sur les terrains nus aura eu pour conséquence de survaloriser les ressources foncières et d'entraîner une flambée de prix que la détermination officielle d'un barème n'a pas réussi à refréner. Bien au contraire, un décalage s'instaura entre les prix officiellement fixés, sur la base desquels l'Etat négociait l'acquisition des terres à exproprier et, d'autre part, les prix sur le marché. Cette différence de valorisation des terres devait ouvrir la voie à un processus de gentrification à travers lequel des conditions préférentielles consenties à certains ménages auront été détournées au profit des catégories plus aisées. Ce mouvement de récupération des terres bénéficie la plupart du temps aux catégories plus nanties financièrement mais exclues du marché du logement pour diverses raisons. Tout de même, il offre aux ménages les moins nantis une opportunité de tirer un maximum de profit en s'appropriant le gain de valeur (ou plus-value), consécutivement à la forte sollicitation dont les terrains en cause sont l'objet. Ce phénomène, qui tend à s'installer, joue généralement en défaveur des politiques sociales d'accès au logement et contribue au renforcement de l'exclusion.

Si, comme le pensait Clastres (1974), la sédentarisation des peuples avait ouvert la voie à la formation des Etats grâce au détour par l'urbanisation, il reste que ce dernier processus, telle qu'il a évolué, semble avoir miné la crédibilité même de l'Etat auprès des populations. Bien des dérapages ont été constatés dans le développement urbain, et la plupart ont servi à établir les lacunes dans la prise en charge, par l'Etat, du développement humain. Surtout, on aura mis en exergue les insuffisances de l'appareil dans la promotion d'une politique foncière rationnelle et, notamment, dans le contrôle de l'utilisation du sol. C’est un fait que la cohérence de l’action des décideurs a été le plus souvent canalisée par des intérêts politiques peu attentifs aux besoins et aspirations des populations et plus portés vers la consolidation du pouvoir. A cela s’ajoute aussi une différence de vision et d’objectif qui fait que ce sont les populations qui sont amenées à s’inscrire dans les politiques définies au lieu que celles-ci soient motivées par la structure, les aspirations et les décisions conséquentes de celle-là.

Une première critique serait un reproche pour négligence dans l'appréciation correcte de l'intensité de l'urbanisation et dans la prévision des mesures d'accompagnement devant aider à minimiser les effets néfastes de cette croissance urbaine. Car, il semble y avoir eu sous-estimation du rythme d'urbanisation au point que les documents de référence en matière d'organisation de l'espace urbain soient rapidement dépassées par l'intensité du phénomène et que le modèle d'urbanisation mis en place par le zonage (PDU) ait été remis en question par une occupation spatiale, dont la spontanéité est à la mesure de l'acuité et de l'urgence du besoin à résoudre. D'un autre coté, les mesures tendant à faciliter l'insertion en milieu urbain et celles destinées à réduire les flux, au départ comme à l'arrivée, n'ont retenu que tardivement l'attention.

Sur un deuxième registre, on aura relevé un manque de transparence ou de publicité suffisante sur le cadastre urbain, sur les modes d'occupation permis pour chaque catégorie de domaine foncier (pleine propriété avec le titre foncier, bail à durée déterminée avec le domaine de l'Etat, permis et autorisation d'occuper avec le domaine national, etc.) comme sur les procédures mises en place pour accéder à chaque catégorie de sol. Car l'absence de matérialisation sur place du statut de la terre a pu induire une interprétation abusive de l'espace (à laisser penser qu'il est vacant et sans maître) et pousser à l'occupation spontanée de ce site.

De plus, on ne peut qu'être perplexe au regard du rôle que l'Etat a eu à jouer, de sa position quant à l'arbitrage qu'il (ou son appareil) se devait d'observer en matière de gestion foncière et, surtout, quant à sa volonté de rendre effective une réforme du domaine national dont le principe était de ne pas servir de prétexte à des rapports de domination. Si l’objectif de la loi était d’instaurer une "voie socialiste", dans la pratique, la base de collaboration et de participation au développement urbain (et du secteur du logement) s’est faite au profit d’un seul partenaire : le secteur du capital privé. Il y a, dans cette sorte de négociation tronquée, l’impression de coalition des acteurs et forces politico-économiques contre le social lequel, à travers l’intégration de nouveaux intermédiaires dans le créneau du logement, se voyait de plus en plus éloigné du pouvoir et de la décision.

La gestion du marché du logement a pêché par excès de délégation certes, mais il semble établi que l'Etat a longtemps hésité entre, d'une part, les velléités de modernisation et son corollaire de mesures radicales et, d'autre part, la consolidation de son pouvoir, qui l'entraîne, souvent, à ménager les tenants de l'autorité traditionnelle agissant depuis longtemps comme des lotisseurs officieux. Cette attitude a laissé coexister deux logiques non exclusives, l'une étatique et l'autre populaire (ou traditionnelle) et, dans le domaine foncier, elle a abouti à figer trois régimes fonciers qu'on cherchait pourtant à unifier.

Devant ce qui peut apparaître comme un déficit de leadership ou plus prosaïquement comme une prudence, l'allusion à une démission est souvent revenue dans les critiques. En maintes occasions, on a fait état d'une volonté délibérée, de la part de l'Etat, de laisser subsister le flou pour se réserver le soin, quoiqu'il arrive, de tirer profit de la situation, soit en consolidant les réseaux et les pouvoirs mis en place, soit en réprimant les manifestations de déviance, et, dans tous les cas, à se préserver une respectabilité. Mais à sa décharge, il faut reconnaître que la politique de l'habitat a surtout fait les frais d'une insuffisance de l'épargne des ménages et de coûts de logements très élevés.

4.4 - Des coûts de construction élevés et sélectifs.

L'accès au logement souffre de deux handicaps qui touchent à la fois à l'offre et à la demande potentielle de logements.

Du côté de l'offre de logement, l'accessibilité est limitée par les coûts de réalisation qui sont restés très élevés, en raison de la diversité des composantes à prendre en compte par le constructeur mais aussi de l'inflation subie par ces coûts au cours des deux dernières décennies. Ces composantes sont en relation avec les valeurs foncières, le coût des matériaux de construction, les conditions de financement et l'environnement de la parcelle.

Selon le graphique n° 17, dans les divers postes de répartition, la part prise par la construction proprement dite attendrait 63%, le site et son aménagement (terrain et VRD) occupent près du quart des coûts (6% et 16% respectivement), les frais connexes (frais financiers, études techniques et marge) s'élèvent à près de 15% du coût global d'un logement très économique. En sus de ces charges, les coûts de redéploiement urbain (lors de l'expropriation des terrains) et ceux liés à l'entretien des cités contribuent à alourdir davantage les coûts du logement.

A travers cette ventilation se dégagent des alternatives partielles pouvant alléger les coûts de réalisation. A défaut de solutions globales, il s'agira de jouer sur l'une ou l'autre composante pour abaisser ces coûts. Dans le cas des coûts liées à la construction, il a été souvent suggéré de recourir à des matériaux peu coûteux, quitte à substituer des matériaux locaux à ceux qui sont traditionnellement utilisés (ciment, notamment). Quant aux disponibilités foncières, la stratégie a consisté le plus souvent, de la part des pouvoirs publics, à offrir au secteur de la production de logement des terrains en guise de subventions. Enfin, la réduction des charges du promoteur et l'allégement des conditions de financement, qui permettent d'arriver à un gain de l'ordre de 16% à 32%, ont également fait l'objet de subventions, notamment à travers les ressources du fonds d'amélioration de l'habitat urbain (FAHU) qui permettait de bonifier le loyer de l'argent mis à la disposition des sociétés bénéficiaires.

Cette stratégie d'allégement des coûts semble être la démarche qui fonde le système d'autofinancement du logement où, habituellement, l'individu constructeur se dispense de ces frais connexes et des VRD au point d'arriver à des économies de l'ordre de 30% par rapport au marché de la production. Les économies les plus substantielles sont faites sur les VRD. Intégrés au coût d'acquisition du terrain et/ou subventionnés par l'Etat en cas de lotissement viabilisé, les VRD sont généralement compensés, dans le cas de l'habitat populaire, par un système de branchement (branchement et fosse) qui peut atteindre 3,5% (voir graphique n° 18) du coût de construction comparativement aux 16% représentant la part de cet investissement dans la réalisation d'un logement très économique.

Tout de même, les dépenses les plus importantes dans le système de l'auto-construction vont à l'acquisition des matériaux de construction (46%), à la rémunération de la main-d'oeuvre (27%) et au second oeuvre (16%). Cependant, le système doit essuyer des délais de construction plus ou moins étalés selon la capacité d'épargne du ménage. Cet handicap est contourné, toutefois, par l'option évolutive du bâti mais il a le mérite de consommer une bonne partie de la vie du constructeur qui, au terme de son oeuvre, devient un propriétaire prêt pour la retraite.

Au plan de l'évolution globale, l'indice du coût de construction a connu, entre 1971 et 1989, une hausse continuelle, en dépit d'une légère baisse enregistrée en 1987/88 (-0,2%) qui serait attribuée à une baisse du prix du ciment.

Les plus importantes hausses sont consécutives au retrait, en 1973, de la Caisse Centrale de Coopération Economique (CCCE) du financement du logement. Ce désengagement s'est traduit par la perte d'importantes subventions allouées à cette rubrique et l'indexation des prix au cours du marché. En effet, l'instauration d'un vide dans le mécanisme de financement du secteur du logement devait forcer le secteur de la construction à se rabattre sur des ressources propres et/ou à contracter des emprunts à des taux d'intérêts, certes plus élevés, mais conformes aux cours du marché. Au-delà des incidences propres aux conditions de financement, les contrecoups des mesures d'ajustement structurel ont contribué à soutenir l'augmentation des coûts, notamment en début de phase (1979/80) où une accélération de 19.2% avait été enregistrée. Toutefois, la tendance, toutefois, laisse espérer une maîtrise progressive de la poussée inflationniste puisque les variations apparaissent de moins en moins importantes en fin de période.

Du point de vue de la demande, l'épargne des ménages s'est révélée, par son insuffisance, comme une limite supplémentaire à l'accès au logement. L'épargne est une fonction résiduelle de la répartition du revenu entre les charges du ménage, notamment celles liées à l'entretien des individus. Or, le revenu, s'il constitue le facteur déterminant de la solvabilité du client, a été la plupart du temps appréhendé sous l'angle du salaire. En tant que tel, il apparaît aussi comme le critère prioritaire d'attribution du logement et ravale au rang de critère subsidiaire, l'intensité du besoin en logement, souvent matérialisée par un paramètre démographique tel que la charge légale (personnes à charge). Le salaire se présente en milieu urbain comme un privilège accordé à un nombre restreint de ménages en ce sens qu'un ménage sur 6 dispose d'un salaire et, de plus, l'éventail des salaires révèle l'étendue de leur modestie puisque 60% de la population salariée ne gagnaient pas plus de 80.000 FCFA/mois en 1986 et ne pouvaient mobiliser l'épargne minimale pour être éligible aux logements construits.

Les mesures d'ajustement ont eu, ici aussi, à entamer sérieusement le niveau des revenus des ménages. Ceux-ci n'ont subi qu'un ajustement marginal par rapport au coût de la vie au point qu'on parle d'un tassement des revenus. Un décalage croissant devait s'établir au fur et à mesure entre ces revenus modestes et en apparence stables et des coûts de construction qui ne cessent de grimper. Dans ce processus continu de réduction de la capacité de mobilisation financière des ménages, la distanciation entre les coûts et les revenus installe une spirale, qui accentue la sélectivité du marché de logement et augmente chroniquement la part des ménages exclus de la filière de construction moderne. Alors qu'en 1986 un peu plus de 35% de la population salariée dakaroise pouvait prétendre au logement, la population éligible s'est réduite sensiblement dans les années '90 avec le renchérissement des matériaux de construction et la hausse concomitante du niveau du loyer.

La restriction du marché du logement aux seuls détenteurs de revenus réguliers a pendant longtemps renforcé l'étroitesse d'un marché, qui s'est beaucoup plus développé dans la seule région de Dakar et structuré autour d'une seule compagnie bancaire, la Banque de l'Habitat du Sénégal (B.H.S.) Les autres banques étant plus particulièrement intéressées à la mise en place de mécanismes de mobilisation de l'épargne. Cependant, le développement de l'auto-construction et sa promotion au rang de domaine d'intervention des sociétés immobilières auront fourni au marché une nouvelle spécialisation à travers, notamment, les programmes de parcelles assainies ou viabilisées. Toutefois, l'habitat social demeure encore un produit difficile à mettre sur pied, surtout en tant que palliatif à l'occupation spontanée. Et un défi majeur qui se dresse sur le marché sera de lutter contre la discrimination afin de faciliter l'accès d'un plus grand nombre au logement.

4.5 - Résoudre l’équation d'un marché discriminatoire

A l'issue du Conseil interministériel tenu en 1982, se formalise une sélection du marché du logement dans l'identification de deux groupes-cibles et dans l'occultation d'une troisième. D'un côté, il y a ceux qui jouissent de revenus suffisants pour prétendre à un produit fini (logement clé-en-mains) sur le marché. De l'autre, il y a les candidats à l'auto-construction qui sont les clients désignés des programmes de parcelles assainies. Ces deux groupes constituent une clientèle "pro-étatique" (ou pro-moderniste) en ce sens que l'essentiel de leur acquisition l'a été à travers des filières mises en places par l'Etat ou par le secteur moderne.

A l'écart de ce groupe s'organise la frange populaire, constituée de deux catégories sociales regroupant tous ceux qui n'ont pas, de façon explicite, accès aux ressources de l'Etat. Les plus nanties pourront accéder à la propriété, le plus souvent en repreneur de terrain ou de propriétés; les seconds devront expérimenter des stratégies diverses qui, si elles ne les exposent pas à la spéculation, en font des candidats potentiels pour l'occupation spontanée.

Cette sélection socioprofessionnelle déteint aussi sur la morphologie de la ville, qui offre ainsi l'image d'une grande étoffe rapiécée, à certains endroits, de développements résidentiels plus ou moins standardisés aussi bien sur le plan des formes architecturales que sur le plan de la composition sociale (salariés et couches intellectuelles). A ce stade, il est difficile de parler de fracture sociale urbaine mais, plutôt, de hiérarchisation urbaine. Car les quatre sous-groupes identifiés se ramènent dans la réalité à trois catégories puisqu'il y a interpénétration de deux sous-groupes au niveau de la filière "auto-construction". Les classes populaires aisées, en reprenant une partie des parcelles aux salariés modestes, finissent par fusionner avec ce sous-groupe et créer, à côté de ces développements pavillonnaires, une catégorie (et un espace) de transition jouissant des bienfaits de la modernisation et tout de même portée sur la conscience populaire.

Plusieurs alternatives ont été expérimentées pour corriger ces imperfections du marché et surtout pour harmoniser l'habitat. Mais, devant la persistance de la crise économique, l'alternative la plus payante reste sans nul doute la formalisation de pratiques populaires à travers l'incorporation de la filière auto-construction au marché et l'élargissement de la clientèle aux non-salariés.

Si l'objectif de la politique du logement visait à fournir un toit à un plus grand nombre de ménages, l'identification et la mise en oeuvre de stratégies nouvelles auront surtout été orientées vers la relance d'un marché en proie à des dysfonctionnements et au bord du dépérissement plutôt qu'à la satisfaction des plus démunis. L'option du programme des "parcelles assainies", développée en 1973 à partir du désengagement de la CCCE, avait permis à l'OHLM de se faire une raison de vivre passagère, d'observer une pause dans les activités originelles en attendant le rétablissement de la situation. Le conservatisme du marché apparaît ici autant dans sa volonté de maintenir un monopole étatique délégué que dans sa finalité (la survie des mêmes agents). La stratégie d'englobement et d'assimilation de la filière populaire et sa promotion au rang de nouvelle spécialisation de la structure reflètent bien cette perspective, d'autant qu'il y a une "traditionnalisation" de la clientèle (le produit était encore une fois de plus destiné à des salariés). En tout état de cause, on peut bien se demander quelles sont, en dehors du créneau d'insertion de la clientèle étatique, les chances de succès d'une politique d'habitat social..

4.6 - La politique pour l'habitat spontané : vers un équilibre du marché.

Les stratégies de lutte contre la spontanéité ont évolué dans le temps. De la stratégie de table rase, on est passé à une stratégie de prévention et, plus tard, à la mise en oeuvre d'une formule de type participatif.

a - Modernisation et relèvement du confort : l'habitat planifié sur démolition.

Une des options les plus usitées par la planification urbaine reste celle visant la modernisation de l'habitat traditionnel. Il s'agit, à proprement parler, d'une stratégie de planification urbaine inspirée des méthodes haussmaniennes et dont l'objectif était de remplacer les quartiers d'occupation spontanée par des standards qui tiennent davantage compte des exigences de salubrité et d'esthétique urbaine. La mise en oeuvre de cette stratégie restera marquée par son autoritarisme et sa violence en ce sens qu'elle s'est exprimée par des démolitions successives d'habitations et le refoulement des populations aux confins de la ville.

Certaines sociétés immobilières se sont illustrées dans ce créneau de remplacement sur fonds de décombres à travers les premiers développements résidentiels qu'elles ont mis en oeuvre. Cependant, la stratégie ne s'est pas systématisée par une action décisive. Menée au coup par coup, selon le site sollicité, elle a abouti, sans jamais venir définitivement à bout du phénomène spontané, au dédoublement de l'habitat et de la ville entre un habitat pavillonnaire d'inspiration occidentale et le plus souvent inadapté au contexte socioculturel et, d'autre part, un habitat de type traditionnel qui se reproduisait loin des regards de la ville moderne. Cette méthode qui s'est poursuivie jusque dans les années '85, a été alimentée par la vision selon laquelle la démolition de développements spontanés permettait de gagner en densité (plus d'habitants à l'hectare). Un échec retentissant essuyé en 1985 avec la démolition de la Cité Millionnaire contribuera beaucoup à sa remise en cause.

b - Le réajustement ou l'avènement de la régularisation.

Parallèlement à cette option, les pouvoirs publics (les services de l'urbanisme, notamment) ont encouragé les auteurs de constructions spontanées dans les trames régulières à se conformer aux règles d'urbanisme en faisant constater à posteriori l'état de leur construction. Il s'agit plus particulièrement d'un contrôle de conformité, qui permet de vérifier le respect des normes de construction et d'occupation du sol et vise surtout à amener les populations à acquérir une culture dans ce sens.

A une échelle plus grande, un programme de restructuration de l'habitat a été initié pour régulariser les quartiers irréguliers vers la fin des années 1990 avec l'appui de la coopération technique allemande. Ce programme est mis en oeuvre par les pouvoirs publics avec, comme expérience-pilote, la restructuration du quartier Dalifort. Il s'agit d'une opération de régularisation foncière qui devrait permettre aux occupants, par le rachat de leurs espaces d'occupation, de jouir d'une sécurité foncière et d'un cadre de vie plus conforme aux normes et plus à même d'encourager à investir dans leur logement. L'expérience est bâtie sur la participation et la responsabilité entière des populations. Outre les moyens de la coopération, le programme dispose d'un fonds de restructuration et de la régularisation foncières (FOREF), qui est un fonds de roulement destiné à pérenniser l'expérience et à la démultiplier. Toutefois, pour rester en adéquation avec ses objectifs initiaux qui visaient l'appropriation par les populations de leur espace de vie, il devrait être envisagé des mesures dissuasives pour pallier la spéculation résultant de la restructuration des sites, notamment chez certains acquéreurs se sentant incapables de mettre en valeur leur terrain. Ceci ajouterait à la politique préventive développée pour lutter contre la spontanéité.

c - La prévention de la spontanéité ou la promotion de l'autoconstruction.

La prise de conscience du caractère cyclique des développements spontanés, notamment dans sa tendance à la régénération, a décidé les professionnels de l'urbanisme à s'attaquer de façon frontale au phénomène en s'intéressant de plus près à la manière de le prévenir. La stratégie formulée dans le III ème plan de développement économique et social consistait en une démarche d'organisation et d'accompagnement du phénomène par une politique minimaliste qui réduisait l'intervention de l'Etat et favorisait l'auto-construction. Elle marqua la première orientation résolument planificatrice en milieu urbain, en ce sens qu'elle définissait un cadre.

Le premier programme mis en oeuvre dans ce cadre fut l'opération des "parcelles assainies" dont l'objectif était de viabiliser des terrains urbains aux fins de loger 14000 familles dans des constructions évolutives que celles-ci prenaient en charge. Aussi séduisante que fût la formule, celle-ci avait péché sur plusieurs plans, notamment dans l'identification des populations-cibles et dans les performances mêmes de l'opération. Mise sous la tutelle de l'OHLM, en 1973 au moment au celle-ci faisait face à une crise de financement de son programme, l'opération a vite fait d'identifier les salariés modestes comme bénéficiaires de programme alors que ceux-ci n'étaient pas les seuls auto-constructeurs. De plus, la crise économique et son impact sur les coûts de construction, l'absence d'un mécanisme financier d'accompagnement et les conditions techniques de mise en valeur du site (présence de dunes) n'ont pas beaucoup aidé les ménages dans la mise en valeur conséquente des terrains acquis. Beaucoup d'entre eux durent céder à la spéculation non sans avoir récupéré la subvention que l'Etat avait greffée au prix des parcelles. Sur le plan de l'exécution, la programmation des réalisations s'est étalée sur plus de 10 années et a abouti à des résultats légèrement inférieurs aux objectifs assignés (12500 parcelles contre 14000) et, surtout, à une récupération des terrains par des couches plus aisées.

Cependant, la pertinence de la formule contribua au renouvellement de l'expérience à Malika, autre banlieue de la région de Dakar. Mais, une autre structure (la SCAT-URBAM) devait revoir la formule avec plus d'efficacité.

La SCAT-URBAM a été créée en 1988 à la suite de la dérive de l'opération des "parcelles assainies". Pour capitaliser cette expérience, le plan d'ajustement structurel de 1984 avait proposé la création d'une société de développement et d'équipement urbain. Cette idée avait été reprise sous le nom de Société pour le Plan Directeur et d'Equipement Urbain (SPDEU) et a abouti à la mise en place de la Société Centrale d'Aménagement des Terrains Urbains - URBAM (SCAT-URBAM). Son objectif était de contribuer à la politique d'auto-construction par un programme annuel de 1800 parcelles viabilisées et cédées en-deça des cours du marché.

Pour ce faire, la SCAT-URBAM s'est tournée vers la Banque de l'Habitat du Sénégal (BHS) dont les conditions, bien que régies par celles de la Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) qui ne favorise pas des prêts de moins de 10 ans, restent plus abordables en raison de possibilités offertes par le FAHU. De plus, la SCAT-URBAM a encouragé le regroupement des acquéreurs en coopératives d'habitat et leur a ainsi concédé, par rapport aux demandes individuelles, des terrains à des prix préférentiels.

Mis à part quelques problèmes rencontrés au niveau de la chaîne fiscale qui fixe à 40% les droits d'enregistrements et impute au lotisseur toutes les charges de son opération d'aménagement, sa position sur le marché du logement, notamment comme concurrente à la Direction des Parcelles Assainies (D.P.A.), lui a valu quelques difficultés qui ont contribué à l'isoler à un statut de "haut de gamme". La deuxième tranche de son programme (site de Hann-maristes) s'est révélée encore plus coûteuse que la première en raison des coûts plus élevés d'acquisition de terrains; ceux-ci étant constitués beaucoup plus de titres privés que de terrains publics ou classés dans le domaine national.

Portés ainsi sur une option plus économique que sociale, les programmes de la SCAT-URBAM apparaissent moins concurrentiels que celui de la DPA, mais il semble aujourd'hui que la SCAT-URBAM ait acquis beaucoup plus de crédibilité dans l'atteinte de ses objectifs et dans la promotion de auto-construction.

Parallèlement à cette option, les pouvoirs publics ont développé un certain nombre de mesures d'accompagnement à l'auto-construction. C'est ainsi qu'ils encouragent le regroupement des candidats au logement en coopératives d'habitat. Cette initiative, fort ancienne du reste, avait pris une tournure corporatiste (regroupant les agents d'une même structure ministérielle) à ses débuts;. Progressivement, le phénomène devait s'élargir pour se constituer autour d'intérêts communautaires (ressortissants d'un même village). Le mouvement est actuellement coordonné et animé par le Bureau d'appui à l'Habitat social (BAHSO), dont la stratégie consiste, dans un premier temps, à aider à la constitution de la caution initiale à travers un fonds roulant mis sous la tutelle de la BHS et, dans un deuxième temps, à explorer, notamment par le recours au géobéton, les possibilités de réduire les coûts de construction.

En dehors de cette politique visant à instaurer une péréquation sur le logement, il existe tout un arsenal de dispositions fiscales qui introduisent un moratoire sur la fiscalité du bâti. Des exonérations sont, par exemple, consentis aux nouvelles constructions sur une période de dix (10) ans.

Cependant, la création de la Banque de l'Habitat du Sénégal (BHS) aura fortement impulsé l'auto-construction. Devenue quasi-incontournable, celle-ci abrite la plupart des fonds destinés à la mise en oeuvre de la politique urbaine. A la suite d'une convention passée avec l'Etat sénégalais qui lui avait affecté les ressources du FAHU entre 1980 et 1989, elle a réussi à mettre sur le marché du logement des conditions de financement abordables. De plus, des efforts ont été faits en vue de raccourcir les délais nécessaires à l'accès au crédit et de s'ouvrir à une clientèle plus large. Ainsi, les détenteurs de compte d'épargne logement peuvent y accéder au bout des six (6) premiers mois; le plan d'épargne -logement passe pour sa part à deux (2) ans. Sur le plan du service, travailleurs individuels et autres non-salariés sont désormais éligibles aux programmes de logements construits sur présentation d'un registre de commerce et sous réserve de mobiliser l'équivalent de trois (3) mois de loyer. Cependant, la BHS semble dévier de plus en plus de sa vocation d'épargne pour devenir une banque commerciale classique où l'épargne est perçue comme un produit parmi d'autres.

Cette tendance jette un trouble sur l'avenir de la politique urbaine. Avec le contexte de libéralisation, le monopole de la BHS ne se justifie plus sur le plan économique, comme du reste la domiciliation des divers fonds mis à sa disposition par l'Etat pour soutenir la mise en oeuvre de cette politique. Comme la croissance urbaine de Dakar est appelée à se poursuivre, la politique urbaine nécessitera d'être renforcée pour une prise en charge plus efficiente des besoins en matière de logement. Ceci permettrait de parer au développement des constructions spontanées constituant, certes, un pis-aller mais, toute de même, une alternative qui mobilise plus du quart (28%) de la population dakaroise.

4.7 - Conclusion partielle

La mise en place d'une politique sociale du logement reste un exercice difficile d'application en raison de l'intensité de la croissance urbaine et de l'insuffisance des ressources nécessaires au développement de la ville. Car, l'interaction de ces deux facteurs a pour effet de façonner une accessibilité différentielle tant sur le plan qualitatif (qualité, nature et forme des logements) que sur le plan quantitatif (volume de logement à mettre en place).

L'espace urbain est un espace fini et consommable sur la base de mécanismes d'occupation du sol, qui mériteraient d'être mieux explicitées par une sensibilisation dont l'objectif serait de jouer sur les comportements des populations aux fins de les dissuader d'agir autrement que par les procédures mises en place en vue d'une maîtrise du développement urbain. Cependant, l'urbanisation, qui s'est accélérée avec la contribution importante des milieux ruraux, est restée synonyme d'une augmentation rapide des catégories insuffisamment dotées de moyens (financiers et au niveau de l'information..) pouvant aider à l'accès au ressources urbaines.

A plus d'un niveau, ces populations doivent s’approprier, par un apprentissage plus ou moins durable, des règles établies pour en assimiler les mécanismes et répondre aux critères nécessaires à la satisfaction de leurs besoins. A défaut de pouvoir différer ces besoins, nombre d'entre elles sont portées à choisir des solutions de rechange et d'attente pour se maintenir en ville.

Les développements spontanés s'inscrivent dans ce registre d'alternatives possibles avec comme particularité celle d'être un espace d'acteurs et de motivations différents, de stratégies tantôt convergentes et parfois divergentes. Ils constituent aussi un élément important dans la détermination des trajectoires urbaines et dans le cycle de vie des certaines catégories de population qui organisent la lutte pour la survie autour de destins provisoires, souvent remaniés et sans maîtrise sur les lendemains souhaités.

Les luttes urbaines, telles que rapportées (Castells, 1982), font souvent état d'impasses dans les solutions préconisées pour les pauvres urbains du fait que les politiques de résorption de la pauvreté sont de portée limitée ou, comme c'est souvent le cas, sont détournées et au profit des catégories plus aisées. Il faut aussi tenir compte de l'existence de "marges de discrétion" que certaines catégories de population peuvent utiliser pour influer, favorablement ou non, sur le succès des politiques. Ce faisant, pour les décideurs comme pour les acteurs exécutants, cette double spécialisation des populations (comme bénéficiaires et acteurs à la fois) est à prendre en compte pour bien cerner les facteurs limitants de la mise en oeuvre de la décision et pour envisager une renégociation du sort des populations, à travers une collaboration à mettre en place entre populations et planificateurs.

Car, au-delà des tentatives de récupération des uns et celles de pérennisation des autres, c'est tout un environnement de luttes de pouvoir urbaines que restituent les quartiers spontanés. Celui de Grand Médine en constitue l'illustration.

V - EXEMPLE D'UN QUARTIER SPONTANE : GRAND MEDINE

5.1 - Genèse, évolution du quartier et configuration du site

La création de Grand Médine se confond intimement au titre foncier n° 6800 dont l'achat par un groupe de population marque la première implantation à Grand Médine. Celle-ci remonte à 1964 et ses premiers occupants venaient, à l'origine, du quartier dakarois dénommé Baye Gaïndé et où devait s'opérer un lotissement en vue d'édifier des cités HLM.

Contrairement à d'autres quartiers déguerpis à l'époque, les habitants de ce quartier, selon les témoignages recueillis, n'avaient été ni indemnisés, ni relogés dans un autre endroit. Sous la menace et l'angoisse de se retrouver sans logis, 306 ménages s'organisent en coopérative et achètent le titre foncier immatriculé TF n° 6800/DG. Le titre foncier en question avait appartenu à Me LEGOUY, notaire à Dakar, qui l'a vendu à un ancien ministre de la Fédération du Mali. Celui-ci l'a enfin cédé aux habitants de Grand Médine en 1963. Les deux ventes se sont faites simultanément devant Me Moustapha THIAM, un notaire de la place.

Pour renforcer la légalité foncière par une sécurité sur le plan des règlements d'urbanisme et pouvoir ainsi habiter une zone régulière, les habitants firent fait appel à un géomètre agréé qui leur aurait proposé un plan de 200 parcelles seulement. Les habitants durent taire les grandes lignes de ce plan qui, craignait-on, pourrait induire à des dissensions ou à des conflits au sein de la coopérative vu le nombre des familles à satisfaire. Une deuxième consultation fut alors tentée auprès d'un géomètre non agréé (un aide-géomètre, selon toute vraisemblance) du nom de Fouad ABOUSS qui résolut le problème en leur proposant un plan d'insertion de 306 parcelles. Ce plan devait constituer le noyau originel de Grand Médine sur lequel vont se positionner les développements ultérieurs, notamment en ce qui concerne l'ordonnancement du quartier.

Caractérisé par une propriété foncière légitime et un ordonnancement non conforme aux plans d'urbanisme, celui-ci présente des artères sommaires et une occupation du sol assez dense qui ne laissent de place qu'à des ruelles parfois tortueuses (voir figure n° 21). De plus, le quartier est bâti sur un monticule (dune) qui lui donne l'image d'un village perché. Cette mise en relief qui contribue à le rendre plus visible se justifie selon le témoignage des premiers habitants par l'état naturel du site au moment de son occupation en 1963/64. Progressivement, le quartier devint un lieu de convergence et son développement se fit plus accéléré. En 1988, on recensait dans le quartier 947 concessions accueillant 1614 ménages et totalisant 11900 habitants.

Actuellement, Grand Médine, à l'image des autres quartiers dakarois, accueille plusieurs groupes ethniques dont les plus importants sont les Wolof (60.5%), les Halpoular (18.1%), les Serer (11.9) et les Diola (3.8%). Avec une trentaine d'années d'existence, ce quartier présente une proportion importante de chefs de concessions relativement âgés et le veuvage y est aussi important. Ce phénomène touche 7.6% des chefs de concessions, vraisemblablement des femmes si l'on tient compte de la tendance chez les hommes à rester mariés. Ils sont en fait près de 85% à demeurer dans ce statut de marié et on enregistre des chefs de ménages célibataires (2.9%). Les familles sont de taille relativement importante (la moyenne étant 9 personnes par concession) et leur structure révèle la présence de collatéraux et de locataires.

Un autre aspect de cette ancienneté se dégage des occupations professionnelles. Plusieurs chefs de concession ont atteint l'âge de la retraite et certains exercent encore des activités, le plus souvent, dans les branches d'activités tertiaires, soit dans le commerce (10.6%), à titre d'agent subalterne ou dans le secteur de la prestation de services. Cette situation fait qu'il est difficile de les comptabiliser comme actifs même s'il y a une reconversion dans d'autres activités constituées, pour l'essentiel, de petits métiers. La gamme de ces métiers couvre près de 54 corps répartis entre le secteur de la vente ou de la production de biens (colporteur ou "bana-bana", mareyeur, boutiquier, étalagiste, restaurateur, couturier, teinturier), le secteur du bâtiment (maçon, carreleur, charpentier, fabriquant de briques, etc.), celui des transports (chauffeur, charretier...), la manutention, l'entreposage et le gardiennage (concierge, gardien, docker, etc.) et enfin le milieu des affaires (opérateur économique, homme d'affaires), etc. On relève aussi dans cet éventail des activités agricoles (cultivateur), de mendicité et de prestations de services domestiques (employés de maison).

5.2 - Modes d'acquisition foncière et d'occupation spatiale ultérieures

L'évolution de Grand Médine s'est faite fait selon des logiques diverses d'acquisition et/ou de ventes de terrains situés en dehors des limites du titre foncier n° 6800. Une fois ce "village" structuré autour du titre foncier, la zone a connu une affluence continue qui se traduisit par l'occupation progressive des sites adjacents. Des terrains vendus étaient souvent déclarés comme des morcellements du fameux titre foncier n° 6800, même s'ils sont localisés sur d'autres titres fonciers. Dans d'autres cas, c'est à titre de cessions de droits coutumiers ancestraux que ces terrains sont acquis. Les premiers types de transactions mettent en évidence la responsabilité de certains chefs de quartier, les seconds renvoient plutôt à celle de particuliers, notamment les membres de la communauté lébou, avec lesquels transigeaient les cohortes successives qui s'établissaient dans le quartier pour acquérir des terrains non immatriculés.

Cependant, il convient de relativiser la responsabilité des chefs de quartier du fait que, parfois, des particuliers leur confiaient la vente des terrains et, dans d'autres cas, on recourrait à leur arbitrage lors des ventes de terrains pour garantir la validité des transactions effectuées entre tiers. Car, en plus, beaucoup de parcelles auraient été vendus par leurs premiers propriétaires ou par la famille de ces derniers pour aller s'installer ailleurs. Ceci devait accélérer l'arrivée de nouvelles générations de résidents en provenance de divers endroits de la ville.

Comme le rappelle le tableau ci-dessus, le quartier Usine "Baye Gainde" reste le point d’origine des premiers occupants de Grand Médine. En dehors des unités socio-résidentielles proches de Grand Médine (Grand Yoff, Khar Yalla, Parcelles assainies), les quartiers de Dakar ont aussi largement contribué au peuplement du quartier, notamment ceux dits populaires (comme Colobane, Grand Dakar, Médina) et ceux situés à la périphérie tels que Hann (Yarakh) et Ouakam. Pikine et sa banlieue (Guédiawaye, Thiaroye, Yeumbeul) ont également fourni des contingents appréciables. D'autres sont devenus propriétaires après avoir vécu d'abord dans le quartier.

Aujourd'hui encore, sur un échantillon de 210 concessions, 19.5% restent occupées par des locataires et 3.8% servent à héberger d'autres familles. Parmi les propriétaires dont l'effectif se chiffre à 160, 15 ne savent pas dans quel régime foncier classer leur terrain, 95 déclarent occuper des terrains du domaine national et 50 estiment avoir acquis des portions du titre foncier n° 6800. Même si la situation foncière du quartier révèle l'existence d'un titre non immatriculé (TNI ou domaine national) et trois autres titres privés immatriculés n° 6837/DG, 11603/DG et 14575/DG (cf. carte page précédente), il n'est fait allusion qu'au numéro 6800/DG dans les transactions foncières chaque fois qu'il est question de titre foncier. Ces transactions se sont poursuivies jusqu'en 1993 comme le montre le graphique n° 21 relatif à l'évolution des arrivées.

Ainsi, de 1963 à nos jours, le quartier a été le théâtre d'une dynamique continuelle d'entrées et de sorties dont les faits marquants coïncident avec deux événements majeurs. Le premier événement intervient avec la mise en place du programme des "parcelles assainies" qui se traduisit par l'amputation de la partie nord-est du quartier (suite au décret 77-457 du 13 juin 1977). Le second apparaît avec le projet de construction du stade de l'Amitié à partir de 1984.

Ce chantier qui comportait aussi la construction d'un parking et d'une voie d'accès séparant le quartier et celui des parcelles assainies, avait été à l'origine de l'expropriation de certains terrains (suite au décret 80-727 du 14 juillet 1980) situés dans l'aire du projet. Ceci avait entraîné le déplacement d'une importante population installée sur la partie nord du quartier. L'édification du complexe sportif fut d'abord entamée par la construction du stade omnisports mais la deuxième phase ne sera achevée qu'en 1992 au moment où la ville de Dakar abritait une rencontre sportive de portée internationale (Coupe d'Afrique des Nations connue par le sigle CAN '92).

Entre ces deux événements, certains terrains qui avaient été épargnés par l'emprise du stade, avaient dû être récupérés pour reloger d'autres familles. Si bien qu'au moment de relancer la construction du parking et de la voie d'accès au stade, un nouveau mouvement de déplacement de population fut opéré touchant cette fois-ci aux parcelles précédemment récupérées et à d'autres qui n'avaient pas été sollicitées jusque-là. La construction de la voie d'accès, le long de la partie orientale du quartier, allait physiquement matérialiser la limite entre le quartier dit Parcelles assainies et Grand Médine, mais le noyau originel fut préservé dans sa majeure partie en dépit des menaces de démolition du quartier. Ces menaces restant pendantes entre ces deux moments, les arrivées se sont poursuivies mais à un rythme plus modéré. Une légère reprise des arrivées sera enregistrée une fois le complexe sportif achevé dans son intégralité.

5.3 - La consolidation et la sécurisation des acquis

L'expérience de Grand Médine traduit bien l'acception du concept d'habitat évolutif dans sa dynamique comme dans ses manifestations. Les constructions ont évolué dans le temps et dans leur composition. La durée moyenne de construction est évaluée à 6 années; elle reste comprise entre un mois et 20 années de constructions et semble varier avec les époques (en fonction des stades d'évolution et de la technologie du moment) et avec les disponibilités financières (et des délais de mobilisation). S'il est établi que la technicité de plus en plus grande des ouvriers de la maçonnerie a eu pour effet d'amoindrir les délais, en retour, les populations les plus récemment installées ont dû faire face à des coûts de construction plus élevés. Cette situation correspond aux attentes des populations actuelles qui estiment pouvoir accéder à des délais de construction deux fois plus rapprochés (moins de deux ans et demi) si les moyens étaient disponibles. En dehors de cette réserve, ceux qui rapportent la durée actuellement requise à leur capacité financière trouvent qu'il leur faudra plus de temps pour accomplir les mêmes réalisations et parfois considèrent même qu'ils ne seront jamais en mesure de le faire. Dans tous les cas, les estimations avancées en matière de coûts de construction actuels font état de majorations importantes de ces coûts (de l'ordre de 2,66 fois).

Toutefois, une dimension psychologique continue de planer sur l'évolution qualitative du bâti et sur l'attitude à adopter par les populations quant à la valorisation des sites. L'assurance d'un maintien sur les lieux apparaît comme un facteur susceptible d'encourager les populations à procéder à des investissements immobiliers durables. Par contre, le sentiment d'insécurité suite à des menaces de déplacements peut, en retour, inhiber l'effort des populations au point que celles-ci optent pour des constructions précaires (baraques) et minimisent donc l'investissement sur le sol. Ceci explique certainement qu'une part importante (27%) de la population considère comme prioritaire le lotissement du quartier.

Tous comptes faits, il semble qu'au fil du temps et des épreuves traversées, les populations ont progressivement acquis l'assurance d'une stabilité du quartier et ont cherché à consolider et à valoriser leur cadre de vie. Actuellement, 84% des constructions sont faites en dur, 3% restent toujours à l'état de baraquement et 13% se situent dans l'entre-deux. Cette révolution du bâti s'est accompagnée aussi d'une option sur la toiture. Les habitations sont recouvertes à 87% de fibrociment (ardoise) et à 10% de zinc. Le toit en dalle fait aussi son apparition et des percées sont également notables sur le plan des conditions de confort matériel et surtout dans l'accès à l'eau et à l'énergie. On estime à plus de 50% la part des concessions disposant d'un branchement à l'eau potable; les autres s'approvisionnant à partir de branchements collectifs localisés dans le quartier et à proximité des concessions (à 132 mètres en moyenne). L'électrification du quartier est devenue une réalité depuis 1988 et 47% des concessions ont déjà pu accéder à ce confort. Cependant, il leur a fallu recourir au soutien de hautes autorités pour accéder à cette électrification. Il faut préciser que le flou qui entoure le statut des quartiers spontanés expose souvent leurs résidents aux privations et au sous-équipement. Le dynamisme interne des populations ainsi que les relations de leur chef de quartier peuvent être déterminants dans l'accès à certaines ressources urbaines (services ou équipements).

A ce titre, la réalité de Grand Médine peut être qualifiée de singulière. Car les différentes vagues de peuplement du quartier ont donné naissance à une juxtaposition d'espaces d'habitations qui ont débouché à leur tour sur une fragmentation du pouvoir local de décision. La partition s'observe avec l'apparition de plusieurs "chefs de quartier" communément appelés "délégués"; mais cette pluralité des autorités n'est pas synonyme d'une pluralité des espaces d'appartenance politique. Car si plusieurs chefs de "quartiers" existent, il est vrai, et que nombre d'entre eux tirent leur légitimité d'une délégation d'autorité que leur confère leur appartenance politique, la presque totalité de ces autorités locales était de la même allégeance politique.

Cependant, deux délégués de quartiers sur huit sont reconnus par les pouvoirs publics et en tant que tels demeurent les seuls à avoir un pouvoir de décision. Cependant, comme le "territoire" de chacun des chefs coïncide avec une "section" politique, il en découle un fractionnement du quartier qui permet à leurs délégués d'avoir un espace de responsabilités sinon un "terrain d'opérations" propre. Ceci peut contribuer à affaiblir la cohésion locale et conduire à une désagrégation de la force de mobilisation sociale et éventuellement de la capacité de survie du quartier. Car, sur le plan de la reconnaissance interne, certains délégués de quartier seraient des habitants de deuxième génération et, en tant que tels, ne sont pas reconnus par leurs pairs qui leur reprochent de ne pas maîtriser suffisamment l'histoire du quartier. Cet handicap vis-à-vis de la mémoire du quartier pourrait, comme le redoutent les délégués formels, entraîner un discours et une motivation différents quant au processus et à la volonté de consolidation et de survie dans quartier.

Car, au-delà de leurs attributions qui consistent en la tenue de l'état civil, la gestion de la sécurité dans le quartier et la représentation du quartier dans ses rapports avec les autorités (politiques, administratives et judiciaires) non seulement ceux-ci assument souvent des charges sociales (règlement de factures des ménages pauvres, par exemple). Mais de plus, sur le plan externe, la fonction de délégué de quartier peut se révéler contraignante et pousser souvent ce dernier à s'investir de sa personne pour parer surtout aux assauts des spéculateurs, fonciers comme politiques. Car l'occupation du quartier ne s'est pas faite sans heurts. On a eu à enregistrer des différends fonciers fréquents dont l'arbitrage a même été porté au niveau des tribunaux. Pour maximiser cette défense, les habitants du quartier ont réussi à faire élire un des leurs au conseil municipal de Dakar. Ceci permet de suppléer les deux principaux délégués dans la gestion des affaires du quartier et de maîtriser la plupart des enjeux qui se posent au quartier.

5.4 - Les enjeux : entre la stabilisation et la déstabilisation.

Avec l'extension urbaine, Grand Médine s'est retrouvé dans une situation très stratégique, à mi-cheval entre le centre-ville, l'aéroport et la banlieue de Dakar (figure n° 23). Son environnement s'est enrichi de nouveaux quartiers résidentiels (HLM, villas, parcelles assainies), de nouvelles infrastructures (stade omnisports, Centre International du Commerce Extérieur, échangeur de circulation), d'équipement sanitaire (dispensaire), d'une essencerie et d'une amélioration de la desserte routière qui facilite l'accessibilité du quartier aux usagers venant des différentes parties de la ville. Dans ce cadre de vie très enviable, le quartier fait figure d'anachronisme. Sa position relevée par rapport au reste des habitations passe même pour être provocatrice dans une zone qui se modernise de plus en plus et où la montée des valeurs foncières attise l'appétit des spéculateurs.

Le premier litige de l'histoire du quartier peut être qualifié de conflit pour abus de confiance ou pour négligence collective avec pour conséquence de saper la confiance instaurée au sein de la coopérative. Ce conflit aura eu pour détonateur le compromis passé entre les membres de la coopérative et trois délégués, mandatés pour établir l'acte de vente sanctionnant l'achat du titre foncier n° 6800/DG. En raison du nombre de parts, ces derniers avaient trouvé plus commode d'immatriculer le terrain en leurs noms (à titre transitoire ou à dessein?). Le 23 juillet 1967, l'affaire fut portée devant un tribunal qui statua que "le Sieur S.M. et 169 autres (sont) propriétaires de l'immeuble objet du titre foncier n° 6800/DG". Mais ce dénouement, pour heureux qu'il fut, ne poussa pas les populations à régulariser la situation juridique du terrain pour se prémunir contre d'éventuelles déconvenues. Faute d'engager une procédure d'individualisation effective du TF, le problème devait rejaillir plus tard en 1977, en 1985 et 1992.

En 1977, pour préparer l'exécution des 2ème, 3ème et 4ème tranches de l'opération "parcelles assainies", notamment la construction de l'embranchement ouest de la Route des Niayes, le décret 77-457 du 13 juin 1977 (cf. annexe) ordonnait l'expropriation d'une partie du terrain objet du titre foncier n° 6800/DG, en reconduisant les trois supposés propriétaires comme seuls ayant-droits à une indemnisation.

En 1980, le projet de construction du Stade de l'Amitié emprunta aussi la même procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique pour disposer de terrains nécessaires à l'édification du projet. Après l'achèvement de cet établissement sportif en 1986, les parties restantes du titre foncier 6800/DG allaient pourtant être revendiquées par les héritiers de ces trois (3) derniers, qui avaient dû introduire auprès du tribunal une requête pour la rétrocession du TF n° 6800/DG devant la non concrétisation du projet d'extension des parcelles assainies dans les délais limites de cinq (5) années. Les populations du quartier firent opposition par la personne du délégué de quartier A, B. Mais, il fut débouté au jugement du 29 novembre 1991, dont la teneur figure en annexe.

Presque au même moment, l'organisation de la CAN '92 devait constituer un enjeu pour la démolition de Grand Médine, notamment à l'occasion de la réalisation de la voie d'accès au stade. Parmi les arguments avancés, certains mettaient en cause l'aspect inesthétique du quartier et d'autres se retranchaient derrière l'impératif d'exécuter les décisions de loi. Dès lors qu'il y avait eu indemnisation, pensait-on, les habitants n'avaient plus le droit de rester sur le site. Cependant, il se trouve, à cette date, que le délai-limite de 5 ans était de loin dépassé sans que la matérialisation de la voie ne soit effective. Mais, contrairement à l'expérience précédente, cette faille n'avait pas été exploitée pour obtenir la rétrocession des terrains. La réalisation de ce projet à terme allait contraindre plus d'une centaine de familles à se réinstaller à Malika situé à 20 km du quartier.

5.5 - Simulation et dissimulation de pratiques et de luttes de pouvoir

A travers la spéculation foncière et les luttes des populations pour s'assurer des cadres de vie décents, des enjeux de portée diverse sont occultés par la multiplicité des discours. Les stratégies des spéculateurs, telles qu'elles ressortent des discussions de groupe, sont diversement appréciées, certaines étant même modulées en fonction de l'interlocuteur.

La spéculation la plus classique rencontrée dans les quartiers spontanés est celle du lotisseur qui, après avoir gelé un avoir foncier pendant un certain temps, s'attend à ce que celui-ci prenne de la valeur. De la sorte, beaucoup de terrains sont restés vacants avant que leurs propriétaires ne se décident à les vendre. Dans ce cadre, les occupations spontanées ont longtemps été considérées, en elles-mêmes, comme des situations d'attente, permises ou tolérées, en vue de valoriser des sites dans l'espoir que l'urbanisation les sollicite et fournisse ainsi l'occasion d'en tirer un profit plus substantiel.

A côté de cette stratégie et parfois même en réponse à elle, se développe un phénomène de gentrification qui consiste à reprendre des terres par la force économique. Dans d'autres cas de figure, la pratique consiste à exploiter les lacunes des populations à prouver leurs droits fonciers et aboutit, comme dans le cas de Grand Médine, à briser le fondement de la confiance entre populations pour ne privilégier que la dimension pécuniaire des choses. Exploitant parfois les failles de l'administration, notamment ses difficultés à assurer un suivi régulier des questions foncières (mise à jour des registres fonciers, contrôle de visu sur le terrain, etc.), les spéculateurs parviennent tant bien que mal à mettre la justice de leur côté, en s'appuyant sur la matérialité des faits plutôt que sur les aspects humains. En d'autres circonstances, on fait l'impasse sur le droit en exploitant, d'une part, les lenteurs et la complexité des procédures de saisie de la justice et, d'autre part, en émettant de faux actes qui attirent l'attention sur l'existence de réseaux de complicités.

Selon les techniciens, l'existence de spéculateurs est réelle, mais ces derniers ne sont pas nécessairement étrangers aux zones de spéculation. Parmi les cas de figure, on cite certains usagers qui vendent leur terrain mais reviennent plus tard les réclamer ou bien pour en occuper d'autres. De plus, il y en a qui vont même se transformer tantôt en courtiers, tantôt en agitateurs avec pour stratégie d'installer une barrière de méfiance entre les populations et les techniciens qui, eux- mêmes, sont souvent en concurrence avec le politique dans la prise de la décision.

Déplorant que, parfois, leurs supérieurs hiérarchiques ne les couvrent pas suffisamment pour pouvoir exercer efficacement leurs prérogatives, ces derniers se sentent conscients que la logique de stabilité politique constitue un enjeu taille, qui conduit souvent à ménager les populations et autres spéculateurs et aboutit à des compromis. De plus, il leur arrive de constater que le politique est en désaccord avec le législatif dans le règlement des questions foncières. Mais, devant l'immixtion intempestive de forces politiques, beaucoup en viennent à souhaiter plus d'autorité dans la résolution des questions foncières. Le handicap, reconnaît-on, est qu'il existe de textes bien faits, mais que la justice se heurte aussi à des raisons humanitaires. Aussi certains techniciens, à défaut de mesures dissuasives efficaces, voudraient-ils en référer à des autorités plus élevées (et plus autonomes politiquement), en l'occurrence à l'Agence judiciaire de l'Etat, et d'autres de penser qu'il est bon que l'administration prenne l'habitude de se passer de la justice en prenant des décisions concertées dans le cadre de groupes multidisciplinaires d'intervention.

Pour les populations, si la spéculation existe, c'est souvent en association avec les agents de l'Etat qui, d'ordinaire, sont considérés comme étant de bonne foi. L'administration aurait également une part de responsabilité pour avoir omis d'exercer un contrôle interne sur ses agents, qui valident souvent les transactions des spéculateurs par la délivrance de documents dont il est difficile de prouver la fausseté. Dans des cas avérés, ceux-ci se sont trouvés devant des situations d'opportunité car agissant en connaissance de cause et avec un intérêt certain. En effet, il n'est pas rare que des affectataires présumés de parcelles et parfois même avisés par lettre aient à constater, à l'occasion de leur relogement, que leurs noms ne figuraient plus sur les listes d'attributaires confectionnées par les agents de l'Etat au moment du recensement des ayant-droits. D'autres en viennent même à constater que les listes ont été complétées par des noms de personnes inconnues du groupe principal à reloger.

Au-delà des spécialistes mis en cause, la spéculation apparaît comme une pratique diffuse. Cependant, elle comporte deux constantes. La première est que, quelle que soit la forme prise, les spéculateurs sont connus. La deuxième est que la cible reste la même à subir le préjudice de ces pratiques : les populations. Cette dernière constance justifie bien les stratégies que celles-ci déploient pour protéger leurs "droits". Parmi ces stratégies, l'usage de paravents humains à coloration intellectuelle, médiatique ou politique reste très fréquente.

Exploitant habilement la sensibilité de chercheurs urbains et de journalistes de la presse dite libre, certains quartiers réussissent ainsi à polariser l'actualité sur eux et à se faire ainsi une défense psychologique prompte à retarder, voire à annuler, la menace. Les intermédiaires sont souvent invités à constater le degré de pauvreté et de misérabilisme des habitants en vue d'argumenter, dans leurs écrits, en faveur du maintien des populations comme étant la meilleure alternative. Ainsi déclare-t-on à la suite des enquêtes budget/consommation des revenus très modestes comme à Grand Médine où la moyenne des revenus familiaux est de 54.500 FCFA.

Une stratégie de portée plus générale consiste, pour les populations, à se poser elles-mêmes en enjeu. Mesurant leur poids dans l'arbitrage des forces politiques, elles en viennent à leur tour à menacer de basculer dans des formations opposées au pouvoir en place. Ici, on est loin des convictions qui se mesurent en termes de foi en un programme. L'allégeance politique découle de calculs savamment dosés entre les opportunités de pérennisation du groupe dans son milieu et d'amélioration de son bien-être. La stratégie est globale; elle vise, en filigrane, à faire croire à l'interlocuteur (politique, le plus souvent) que son sort étant lié à celui du quartier, il lui faudrait choisir entre deux options possibles : la survie du groupe qui est synonyme de la sienne ou la mise à mort du groupe et son suicide propre. Ainsi, lorsqu'il s'est agi de recourir à l'appui des autorités pour obtenir le raccordement au réseau d'électricité, la doléance des populations de Grand Médine, constituées en regroupement, avait attiré l'attention sur l'insécurité dans le quartier et sur "...cette situation que certains partis d'opposition en mal de popularité veulent utiliser à des fins politiques". Cette pratique s'accompagne souvent d'une variante psychologique, visant vraisemblablement les décideurs urbains, par laquelle certains notables de Grand Médine rappellent que "ceux qui se sont attaqué à leur quartier s'en sont allés ailleurs" et, en appui, citent les noms des autorités locales (préfets, gouverneurs, chefs de service, ministres, etc.) qui ont fait les frais de leur audace. L'histoire politique urbaine révèle, en effet, des revirements spectaculaires de quartiers entiers en faveur de formations politiques de l'opposition et même des défaites électorales.

Dans l'imaginaire local, cette stratégie verbale résonne comme une mystique destinée à faire sentir l'existence d'un pouvoir occulte capable, en cas d'opposition avérée, de briser une carrière prometteuse ou de récompenser par une ascension toute adhésion à la cause des populations. La menace semble orienter, de prime abord, vers deux options possibles : ceux qui se dérobent parce que pensant "qu'à l'incertain nul n'est tenu", et d'autres qui vont tenter de faire front. Mais, il semble plutôt que l'effet recherché soit d'amener les décideurs à la négociation pour envisager, avec le groupe, les contours du moindre mal. Par ce procédé participatif, les habitants ont réussi à sauver la plus grande partie du quartier en "acceptant" de petits démembrements à la périphérie de leur site.

5.6 - Conclusion partielle

Grand Médine est un de ces quartiers spontanés qui se positionnent comme des environnements d'attente où la personne reste à l'affût d'opportunités qui lui permettront d'acquérir un statut urbain plus prestigieux. Il demeure un point de passage où se fabrique une conscience nouvelle qu'on s'efforce d'entretenir pour aviver une mémoire collective. Mais la construction de cette dernière se heurte à une désertion d'une partie des nouvelles générations, notamment celles qui ont reçu une éducation poussée et ne peuvent soutenir la solidarité de groupe. Dès lors se pose la question de savoir qui, en définitive, se réapproprie la cause des quartiers spontanés et comment ces quartiers s'y prennent-ils pour survivre et subsister dans leur environnement

Si, parmi les quartiers spontanés, il y en a encore qui organisent leur survie, retranchés derrière des paravents d'immeubles et d'habitations modernes, Grand Médine, à cause de sa visibilité, continue d'être la cible de projets de rénovation qui lui préfèrent des formes plus esthétiques de développement urbain. Cependant, en l'absence de "contreforts" permettant au quartier de se camoufler des regards gênés et des convoitises intéressées, il s'est développé une stratégie de mise en attente, voire de neutralisation des décisions en faisant usage de certaines "marges de discrétion" qui prennent toute leur signification à l'occasion d'événements particuliers. Les meilleures opportunités restent les moments d'évaluation, par les populations, de l'impact des actes politiques et administratifs commis à leur endroit.

A l'instar des échéances électorales, ces moments demeurent des temps forts de "mobilisation des troupes" et peuvent constituer des occasions privilégiées de renégociation du sort du quartier. Car, comme c'est souvent le cas et en l'absence d'une perception claire de la portée des décisions, l'attitude des populations a tendance à personnaliser les décisions publiques et à attribuer au seul décideur les motivations à la base de cette décision. Leurs stratégies consistent, faute de pouvoir changer la décision ou la subvertir, à chercher à bloquer le renouvellement, voire la reproduction des centres de décision (par une mise à l'écart des acteurs politiques ou administratifs) empêchant ainsi toute continuité dans le suivi des politiques.

Toute politique, en tant que projet de société, devrait chercher à "pacifier" ces forces critiques que les populations peuvent réveiller pour peu qu'une politique aille à l'encontre de leur choix de société. Les objectifs visés par cette politique devraient donc faire l'objet de concertations entre tous les acteurs (politiques, administratifs, bénéficiaires, etc.) et être présentés comme tendant à améliorer les conditions de vie des populations les plus impliquées ou à les conforter dans leur optique. Ceci aurait ainsi le mérite de susciter l'adhésion de ces bénéficiaires et de faciliter la mise en oeuvre des décisions par les exécutants.

Cette mise en oeuvre reste un exercice de mise en rapport de trois catégories d'acteurs que sont les décideurs, les exécutants et les bénéficiaires. Si ces catégories ne sont pas toutes en phase, le risque est alors grand de voir apparaître des coalitions et la marginalisation de catégories d'agents, qui pourraient basculer dans des opportunismes pouvant se révéler, à plus d'un titre, compromettantes pour la politique en question. Ainsi, exclure des populations des processus décisionnels pourrait, en plus de réduire la portée des résultats attendus, pousser celles-ci à soutenir d'autres centres de décisions qui, s'ils venaient à se substituer aux premiers, contribueraient à une révision des stratégies de résolution des problèmes posés et amèneraient même à surseoir le projet d'actions. De même, une coalition entre populations et forces politiques serait de nature à affaiblir le niveau d'exécution technique et à conduire les catégories marginalisées (les techniciens) à des comportements défavorables (spéculation, contre-plaidoyer et/ou discrédit).

Il y a donc lieu de réconcilier ces trois dimensions de la mise en oeuvre des politiques pour arriver à résorber durablement la dégradation des conditions de vie des populations qu'un processus de développement mal préparé (urbanisation) ne ferait que prolonger. A cette nécessité de synergie correspond un besoin d'intermédiation qu'une quatrième catégorie d'acteurs pourrait bien prendre en charge, en qualité de catalyseur.

Pour ce faire, la formalisation des activités de ces relais en missions dévolues à cette catégorie devrait requérir une négociation avec les tenants de cette spécialité pour les amener à faire converger tous les acteurs. La consolidation de leurs missions nécessitera de sortir les agents impliqués dans ces rôles de l'ornière d'une catégorie, où ils font partie d'un arsenal de "marges de discrétion", pour les hisser à une position leur permettant d'avoir une vue sur l'ensemble des acteurs devant être organisés en partenaires.

VI - CONCLUSION

L'urbanisation reste un phénomène récent dont l'évolution déterminera en grande partie les politiques démographiques et d'aménagement du territoire dans les pays de l'Afrique au sud du Sahara. L'urbanisation s'y est faite au détriment des campagnes et sa vitesse d'évolution a créé des enjeux tels qu'il n'a pas été donné aux décideurs tout le loisir de se consacrer à la revalorisation des milieux ruraux.

En effet, la forte concentration de la population dans les centres urbains a contribué à entretenir l'illusion que la ville est un point vulnérable de l'économie. De ce fait, sous le prétexte d'éviter aux techniciens des débordements dans la maîtrise de l'urbanisation, bien des décideurs sont enclins à donner la priorité à la capitale au moment d'envisager des mesures d'accompagnement ou des correctifs. Cette politique de suréquipement dont bénéficient les villes leur a permis d'occuper une place importante dans l'économie de ces pays et d'accélérer leur croissance en drainant une grande partie des populations rurales. Il en résulte des problèmes d'insertion multiformes qui laissent de plus en plus entrevoir les limites aux capacités d'absorption et d'accès à la résolution des besoins des citadins.

Parmi les différentes politiques de résolution qui ont été tentées, rares sont celles qui remettent en cause la priorité accordée à la ville-capitale. Celles-ci sont restées timides et n'ont pu fixer les populations dans leurs zones respectives. De plus, au fil du temps, la migration est devenue beaucoup plus une aspiration au style de vie urbain qu'une nécessité, ce qui a contribué au maintien de l'élan migratoire et de l'acuité des problèmes d'accès aux ressources. En réalité, les critères d'allocation de celles-ci restent encore problématiques et continuent de figer les positions. Pour corriger les concentrations démographiques, certaines positions sont tentées de mettre en place une politique de décentralisation qui pourrait atténuer l'insuffisance des services à la base, d'autres proposent d'allouer les ressources là où les besoins sont les plus aigus. La rationalisation des choix économiques reste ainsi difficile à arbitrer. Souvent, c'est la décision politique qui fait la différence. Mais, au-delà des critères d'arbitrage à privilégier, la question essentielle et constante demeure de savoir qui doit décider.

Y répondre c'est, en quelque sorte, situer la sphère au niveau de laquelle il faudrait rechercher un engagement. C'est également reconnaître à l'espace urbain une orientation politique avec des repères constitués autour de catégories d'agents nanties d'une capacité de décision qui, en s'affirmant, pourrait primer sur celles d'autres agents urbains. Il y a donc là un grand intérêt pour les acteurs du développement urbain d'identifier, de localiser et de hiérarchiser les centres de décision en fonction de la nature du problème et, de ce fait, de réorganiser, en conséquence, les stratégies d'intervention. Ainsi, sur les questions sociales, il semble qu'il soit du plus grand intérêt de responsabiliser les administrations locales à la gestion de la population des villes sénégalaises, en raison de leur plus grande proximité avec celle-ci et de leurs préoccupations propres. Ces administrations semblent mieux habilitées à rechercher les formes les plus adéquates de participation des populations, que ce soit par le biais de leurs organisations de bases existantes ou bien par une revalorisation, voire une institutionnalisation du statut et des missions dévolues aux représentants des populations locales (délégués de quartier, notamment).

Car si l'on en juge par l'évolution récente, il faut reconnaître que les formes de participation des populations se sont progressivement enrichies, car les niveaux d'implication de ces dernières ayant dépassé la simple consultation des populations sur la vision qu'elles ont de leur futur; ils concernent aussi l'association des collectivités aux activités et s'orientent vers la mise en place de partenariat entre décideurs, techniciens (exécutants) et bénéficiaires du développement urbain.

Cette évolution devrait donc marquer une amélioration du sort de ces derniers, qui peuvent y trouver une opportunité de démultiplier leur statut en cumulant les prérogatives car, en plus d'être des destinataires de politiques et d'actions développantes, ils peuvent s'aménager aussi une place comme décideurs de la vie urbaine et, éventuellement, se transformer en acteurs exécutants.

Dès lors, la planification urbaine ne devrait plus souffrir de voir des attitudes populaires déviantes vis-à-vis de sa ligne de vision, au point de vouloir prendre des mesures de rétorsion qui pourraient se révéler comme de nouvelles entraves. Elle devrait plutôt accompagner, voire canaliser, les mutations en profondeur pour favoriser le succès de ses propres politiques, notamment celles orientées vers la lutte contre la pauvreté urbaine. Entre les stratégies macro-sociales et celles de niveau micro, il y aurait toute une approche médiane d'intervention à approfondir et à capitaliser si on essayait de s'appuyer sur des unités socio-spatiales de voisinage et/ou sur des centres de décision intermédiaires.

En laissant aux populations un certain nombre de prérogatives, les techniciens devraient, pour leur part, se hisser à un rôle de conseil et se donner pour stratégie celle d'animer, voire d'encadrer, les initiatives populaires dans le sens de la cohérence des activités. Pour ce faire, leur attitude devrait d'abord s'orienter vers une revalorisation de l'approche collaborative à travers une popularisation de l'information sur les politiques et sur les effets attendus. Dans un deuxième temps, il s'agirait, par la sensibilisation, de parvenir à une adhésion des populations aux politiques définies et, en dernière ligne, de requérir leurs avis sur les modalités de résolution des problèmes les concernant.

Puisque l'enjeu est de maximiser l'efficacité des décisions publiques, les acteurs devraient être sollicités en fonction de leur capacité à contribuer à l'atteinte des objectifs. Dans le domaine spécifique de la gestion urbaine où un des soucis est de voir dépassée l'impasse sur laquelle buttent fréquemment les stratégies de lutte contre la dégradation des conditions de vie des populations, la dynamique participative devrait faire en sorte de minimiser les incertitudes et, surtout, veiller à ce que les marges de manoeuvres (espaces de libertés ou pouvoir discrétionnaire) à la portée des populations ne soient mises à profit par celles-ci pour faire opposition à la décision et réduire ainsi la portée des politiques engagées.

Pour autant que faire se peut, cette dynamique devrait avoir pour objet d'engager une (re) négociation du sort des populations (et de leurs cadres de vie), en d'autres termes, une concertation susceptible de conduire, d'une part, à la mise en place d'un "contrat" de cohabitation entre acteurs et, d'autre part, à la définition de conditions nécessaires à l'implication des populations dans le processus du développement urbain.

Ainsi, la recherche d'une plus grande proximité dans la mise en oeuvre des politiques profiterait davantage de cette mise en communication et surtout de cette vision instrumentale qui se fonde sur la responsabilisation des acteurs. Cependant, les responsabilités de ces derniers seraient limitées aux rôles spécifiques dévolus à chaque catégorie. En outre, elles seraient partagées. Dans cette dynamique, la puissance publique devrait préserver ses prérogatives de coordination aux fins d'arbitrage et d'harmonisation des actions. En définitive, son pari serait de tout mettre en oeuvre pour en assurer la complémentarité.

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